Bonjour / Bonsoir ! Me voilà de retour pour ce qui sera sûrement ma toute dernière fanfiction Flander's Company. Celle-ci sera aussi la première fanfiction que je publierai ici et sur Wattpad en simultané (si vous préférez Wattpad, c'est le même pseudo et j'ai déjà entamé des transferts :)) ! Bonne lecture !
Image de l'histoire : C'est un fanart de la talentueuse δiakaís qu'elle m'a offert ( diakais : /diakais?s=09), toute utilisation sans son autorisation est proscrite, tous les droits d'auteurs lui sont réservés.
Aide à l'inspiration : l'excellent podcast « Histoires de Darons » de Fab (le papa de et de Rockie Mag), chaque épisode est un plaisir sans fin à écouter.
Disclamer : Uniquement le texte et l'OC m'appartiennent, je ne reçois aucune rémunération pour ce qui suit et ne possède aucun droit sur l'oeuvre originale.
Oeuvre originale : Flander's Company.
Auteur original : Ruddy Pomarede.
Ratting : K+.
I
Elle l'avait coincé, la fourbe. Ça le frustrait de s'en rendre compte. Pourtant, il pensait que c'était une proposition tout à fait honnête. Une pour faire la paix vis-à-vis du comportement exécrable qu'elle avait envers lui depuis le début de la grossesse. Sauf que non. Il s'était fourvoyé. Comment cela s'était-il produit ? Dans la journée, Carla lui avait proposé de venir chez elle le soir. Comment est-ce qu'il aurait pu prévoir que l'invitation était un piège ? Il pensait à tout autre chose que parler bébé présentement. C'était loin d'être sa préoccupation première.
- Armand, vous m'écoutez ?
Non.
- Oui, très chère.
Il lui offrit un sourire, ouvertement faux. Ses doigts se saisirent du verre à portée de main. Lorsqu'elle lui avait servi, il était plein ; maintenant, la moitié était vide. Tout en en buvant une gorgée, il se replaça confortablement.
Installés sur la table du salon, ils conversaient. Pour le moment, le ton n'était pas monté. Pourtant, la tension venait de plus en plus vivement.
- Vous feriez bien d'écouter, si vous ne voulez pas avoir une pension alimentaire sur le dos dans quelques mois.
- Parce que je ne l'aurais pas dans l'autre cas ?
Il haussa un sourcil, blasé. Même s'il devait avouer avoir une teinte d'espoir dans sa voix. Elle voulait son argent, c'était bon, il avait compris. Toutefois, il ne se laisserait pas vraiment faire. Sa fortune n'était pas à dilapider n'importe comment. Ennuyé par le sujet qu'ils lançaient, il revint sur celui initial.
- Vous avez pu savoir quel âge il a le truc ?
- Qu'est-ce que vous avez en tête ?
- Je ne veux pas être père, donc je parle clairement d'avortement.
- Qui vous dis que j'ai envie d'avorter ?
Il roula des yeux, impatient. Est-ce qu'elle répondait juste par esprit de contradiction ? Elle l'agaçait. Voyons, ils étaient des adultes. Ce n'était pas un sujet à propos duquel ils devaient jouer ou placer des sous-entendus pour ne pas utiliser certains termes.
- Je ne pense pas que vous souhaitiez être mère ou ça serait déjà fait, ou au moins les conditions avant à remplir. Rappelez-vous que je vous ai connu avant que l'on ait la moindre relation ensemble. Sur ces années, vous n'aviez pas l'air de chercher de stabilité dans un couple.
Il vit qu'il avait marqué un point. Toutefois, elle chercha ses mots, tentant de trouver une réponse où elle pouvait lui donner tort.
- Oui, mais là ce n'est pas pareil ! C'est mon corps, donc je choisi d'en faire ce que je veux ! Puis, si vous ne recherchiez pas d'enfant, est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous n'avez jamais fait de démarche pour être stérile ?
Qu'est-ce qu'il disait … C'était épuisant, à la longue.
- Les préservatifs n'ont pas été inventé pour être gardé en décoration. Donc quel intérêt ?
- Oh bah oui, aujourd'hui on se le demande.
Il soupira mollement. C'était un cas exceptionnel. Puis, ce n'était pas tout à fait facile d'accéder à la vasectomie en France. Il fallait trouver un médecin qui accepte, c'était rare. Puis, ça impliquait de prendre une pause dans le travail pour raison médicale. C'était hors de question et jusque-là tout s'était très bien passé pour lui. Jusque-là.
- … Est-ce que c'est une option au moins ?
- Comment ça ?
- De combien de mois êtes-vous enceinte ?
Le temps qu'elle mit à répondre lui pesa. Il n'aimait pas du tout ce genre de suspens.
- … Un peu plus de trois mois.
Au moins, c'était clair. À moins de recourir à l'adoption sous X, ils seraient parents. Sauf qu'il ne laisserait pas un enfant de lui être reconnu par d'autres et avec son attitude il doutait que ça serait aussi son cas. Donc ils seraient parents, sans conditions.
Le silence entre eux s'éternisa. Son verra toucha ses lèvres pour une énième gorgée. Ses doigts passèrent dans ses cheveux pour les ramener vers l'arrière. Sa gorge se racla avant qu'il ne reprenne la parole.
- Comment est-ce que vous vous voyez parent ?
- Et vous ?
Très bien, elle n'avait pas du tout l'air ouverte à la parole. C'était vraiment sym-pas comme soirée.
- Je me disais, puisqu'il faudra bien l'éduquer comme il faut et qu'il faut beaucoup de temps …
Elle était suspicieuse. Lui hésitait de plus en plus à continuer de donner des idées.
- … Ça serait mieux que quelqu'un reste à domicile … et vu que je suis PDG de mon entreprise familiale, c'est plus cohérent que vous …
- Jamais de la vie je ne serais votre boniche.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire.
- C'est tout à fait ce que vous vouliez dire.
Sa voix était acide. Il se tut immédiatement, préférant éviter toute possibilité que le courant passe entre eux. Il termina son verre, à l'écoute soudain de sa voisine.
- Il y a des personnes tout à fait qualifiés pour s'occuper de potentiel enfant à temps plein.
- Comme qui ?
- Ra's Al Ghul.
- Le mentor de Brusse Wayne ? Même si ce n'est pas un gentil, ça reste moyen pour un nouveau-né.
Puis, les montagnes où il vivait n'étaient pas la porte d'à côté. Il faudrait payer la route pour que le monstre soit livré en bon et dû forme là-bas.
- Regardez Damien Wayne, il se porte très bien.
- Je pensais plutôt à notre image. Il suffit que cela se sache et il sera beaucoup plus facile d'en faire une cible pour une prise d'otage.
- Et alors ? On ne s'en préoccupe pas, c'est une façon légale de s'en débarrasser.
Il n'était pas vraiment convaincu.
- Et pourquoi est-ce qu'on ne tenterait pas l'aventure ?
Son éclat de rire le renfrogna.
- Je suis très sérieux. Pas comme je le proposais toute à l'heure, mais à temps partiel avec crèche en parallèle quand on travaille. Après tout, Georges est parvenu à élever deux Supers à lui seul, on peut élever un enfant Super à deux.
- Je croyais que vous ne vouliez pas être père ?
- Je ne le veux pas. Cependant, on a encore quelques mois pour y réfléchir. Si on prend notre temps, on peut décider de si on veut vraiment le garder près de nous et comment, ou si on l'envoie chez quelqu'un d'autre pour le faire revenir quand il sera assez grand pour ne pas nous encombrer.
Elle fit tourner l'alcool dans son verre, pensive à propos de ce qu'il disait.
- Marché conclu. Dans six mois, on s'annonce ce qu'on décide de faire.
Il eut un sourire victorieux. Jouant avec son verre, celui-ci se transforma en charme. Ses doigts passèrent dans ses cheveux, bien plus doucement que la fois précédente. La tension était passée, maintenant. Sa voix se fit plus agréable.
- Puisque je suis ici et que nous en avons fini avec ce sujet, nous pourrions passer à un autre un peu plus palpitant autour d'un nouveau verre ?
Elle lui rendit son sourire avec une teinte de séduction.
Il savait bien que cette invitation pouvait aussi ne pas être un piège.
[...]
Bon, il devait bien admettre être coincé dans cette histoire. Certes, il pouvait choisir de se débarrasser complètement de cet enfant à venir. Toutefois, il accordait que ça méritait une réflexion avant d'agir. Il se disait donc qu'il devait améliorer ses chances. La solution la plus simple était ainsi de se poser les bonnes questions. Qu'est-ce que c'était qu'être père ? Avec toute l'honnêteté du monde, il ne savait pas. Il pouvait citer des pères, mais définir le sens de ce que c'était il n'y parvenait pas.
Comment trouver une réponse ? Comme la plupart des gens des nos jours, il attrapa son ordinateur. Prêt à une recherche très scolaire, il s'installa confortablement dans le canapé. Encore en pyjama, il n'était qu'au petit-déjeuner. C'était un peu tôt pour ce genre de chose, mais il ne se sentait jamais d'humeur après une journée entière à croiser sa sous-directrice.
Ses doigts tapèrent « père définition » sur internet. Son moteur de recherche favoris lui proposa d'ajouter « juridique ». C'était un parti intéressant, mais il se dit qu'il allait en rester à sa question pour le moment. Ça serait peut-être un sujet pour plus tard, s'il en venait à voir ça comme plus stratégique de faire un procès à Carla pour grossesse non-désirée. Le Larousse, premier lien, lui proposa « Homme qui a engendré ou qui a adopté un ou plusieurs enfants ». Hm. Il était vrai que certains étaient assez fous pour renouveler l'expérience. Cependant, ça ne l'aidait pas.
Ses yeux se posèrent sur la seconde. Celle-ci se releva encore moins aidant avec un « Homme qui agit en père ». Bravo Larousse, personne ne s'en doutait, tu nous subjugues par ta perspicacité.
Il soupira d'agacement. Pourtant ça lui semblait évident comme manière de faire. Résigné sur l'utilisation d'un dictionnaire, il opta pour une autre approche : « comment être père ». La vue d'une publicité pour un livre nommé sobrement « Comment j'ai tué mon père » lui fit claquer l'écran de l'appareil contre le clavier. Finalement, il se passera de cette aide-ci. Après tout, il était assez grand pour trouver des réponses tout seul.
Ses doigts dessinèrent pensivement la forme de sa barbe. Que faire ? Ses yeux s'intéressèrent au le seul mouvement de la pièce : Cindy. La jeune femme venait de poser sa tasse sur la table basse. Concentrée sur son téléphone, elle semblait tout aussi disponible que lui trente secondes plus tôt. Ce n'était pas elle qui allait l'aider, c'était une certitude. Tant parce qu'elle avait montré sa désapprobation envers cette grossesse dès le début, que parce qu'elle s'y connaissait autant que lui sur le sujet.
Un mal de crâne menaçait de faire irruption chez lui. C'était si frustrant d'avoir un problème si simple mais si difficile à résoudre. Ce fut Georges qui le sortit de son noeud mental, traversant la pièce. La cadette Trueman était sur ses talons, accompagnant l'information qu'il donna.
- On va au parc. Passez une bonne journée !
Son éternel sourire jovial ne le quitta pas, même lorsqu'il ne reçu en réponse que des marmonnements. Ça les intéressait que très peu. Son attention fut sur lui jusqu'à ce qu'il passe la porte. Est-ce que Georges était un bon père pour ses filles ? La première grandissait plutôt bien. La seconde méritait une réflexion plus poussée sur la question, mais ça aurait pu être pire à son goût aux vues de quoi ils partaient. Donc, Georges était un bon père ? Un homme qui devrait être imité ici par lui ? C'était des plus étranges à penser.
- Cindy.
- Quoi ?
Toujours aussi attachante avec sa voix pleine d'irritation dès qu'on lui adressait la parole. Une enfant tout à fait adorable.
- T'en penses quoi de ton père ?
Son expression passa de blasée à complètement perturbée par son interrogation.
- Quoi ?! Pourquoi tu me demandes ça ? C'est un piège ? Il t'a parlé de mon message à maman, c'est ça ?
De son mess… quoi ? Bon, c'était une histoire pour plus tard. Il balaya ses commentaires, rouvrant son ordinateur. Bien sûr, il prit soin de supprimer de sa vue sa recherche précédente.
- Je ne te parle pas de ça. C'est une véritable question. Je me demandais si tu avais trouvé que Georges était plutôt un exemple ou non en terme de paternité.
Il s'attendait à plusieurs réactions de sa part. Au pire, elle aurait pu l'ignorer et retourner à son occupation. Au mieux, elle aurait pu lui répondre par un « oui » ou par un « non ». Néanmoins, il n'avait pas prémédité ce qui se produit en réalité : elle pouffa. Ouvertement, elle se moquait de lui. Ce n'était déjà pas quelque chose qu'il se plaisait à partager, mais il aurait apprécié un peu plus de compréhension. L'empathie n'était vraiment pas leur fort. Boudeur, il se renfrogna dans sa place.
- Quoi ?
- Tu peux pas imiter papa avec le machin qui va sortir de Carla.
Il trouvait sa réflexion insultante.
- Et pourquoi pas ? Si lui le fait, je peux aussi.
- Sauf que tu tiendras pas deux minutes si t'essayes.
- Et je peux savoir sur quoi tu te bases pour une telle prédiction ?
- Papa m'a raconté la première fois où tu t'es occupé de moi seul.
Oh non, pas cette anecdote … il s'en rappelait comme si c'était hier. Enfin, surtout parce que son frère aimait la raconter régulièrement.
- J'ai eu une couche à l'envers, t'as une cicatrice en souvenir sous ton t-shirt et j'ai eu un oeil au beurre-noir. Sans compter le mur de l'appartement qui s'en souvient peut-être encore et du vase brisé. J'avais quelques mois à peine et tu m'as gardé une heure.
Quand il lui donnait une liste de course pour l'appartement quand c'était son tour, elle prétendait l'oublier. Par contre, ça, elle s'en souvenait très bien. Ça lui fit rouler des yeux. Après tout, ils omettaient toujours des données importantes de l'affaire.
- … J'avais quatorze ans et aucune expérience dans les bébés. J'en ai trente-deux maintenant et ...
- Et tu refuses de garder Gladys car tu dis qu'elle te coûte trop cher en réparation dès que tu tournes le regard.
Elle l'avait coupé, mais c'était juste. Si sa progéniture naissait et restait, il espérait qu'elle serait bien plus agréable que celle-ci.
- Peut-être que ma descendance n'aura pas cette force de fou furieux que vous possédez toutes les deux.
- Tu veux que ça soit quoi alors ? L'électricité comme super-pouvoir ? Et s'il a rien, autant t'en débarrasser, il te coûtera bien trop cher pour rien obtenir à la fin en retour.
Au moins, c'était clair : si l'enfant n'avait rien de spécial, ça ne serait pas un.e Trueman pour sa nièce. Et cette information clôtura leur échange. Ça le vexait un peu ce genre de réflexion. Après tout, il ne fallait pas qu'elle oublie par qui elle avait été éduquée. Si Oswald avait eu la même réflexion, personne ne serait dans cette pièce aujourd'hui et la Flander's Company n'aurait connu aucun héritier à sa mort.
Il se rendit sur un site de vente de livres, DVD et multimédia, à la recherche de quoi s'informer. Au bout d'un bon quart d'heure, il comprit : le monde ne voulait pas de lui dans ce rôle. Mère, oui. Père, non. Il n'avait trouvé qu'un livre appelé «Futur papa» et sa suite «Futur papa II», mais c'était tout à destination vraiment des pères. Sa carte de crédit avait donc servi pour ces deux-ci, avant qu'il oublie cette perspective.
Après tout, pourquoi est-ce qu'il chercherait à l'être ? Si la société entière l'encourageait au contraire, elle avait peut-être raison pour une fois.
[...]
- Vous n'êtes qu'un goujat … !
- Vous pouvez me hurler dessus comme vous l'entendez si ça vous chante, mais je ne changerai pas d'avis sur la question !
Il venait de la couper, incapable de ne pas s'y mettre lui aussi à hausser le ton. Ça lui semblait ingérable cette dispute. De plus, elle commençait à durer et il ne doutait pas qu'un moment ou un autre le voisinage viendrait s'en plaindre. Après tout, il était au moins 23h, pour certains c'était tard. Il hésitait même à traverser le salon pour claquer la porte et retourner chez lui. Surtout lorsqu'il vit les traits de sa vis-à-vis se contracter de colère. Puis de noter que ses articulations blanchissaient. D'ici une minute, il serait cuit. Ce dans tous les sens imaginables.
- Armand Trueman, vous allez voir …
- Stop !
Il leva les mains pour l'arrêter, irrité. Toutefois, il était visiblement enclin à accepter de se calmer. Enfin, seulement si elle le copiait, sinon il continuerait de plus belle. Elle resta énervée, mais perplexe sur son attitude. Ce n'était pas tout à fait habituel.
- Pause. J'ai … Vous et moi avons besoin de silence une minute. Nous n'arriverons à rien ainsi.
- Vraiment ? Vous avez conclu ça tout seul ou quelque chose vous a mit la puce à l'oreille ?
Son sarcasme le crispa. Il lui envoya un regard noir avant de l'inviter à prendre également place sur le canapé. Son confort augmenta immédiatement ; grâce au siège mais aussi à la tension qui s'apaisait. Le jeune homme réalisa ne plus vraiment retrouver pourquoi ils en étaient venus là. C'était un tantinet pathétique d'avoir ce constat. Se disputaient-ils alors juste pour le plaisir de le faire ? Après tout, ça défoulait.
- Carla ? Rafraîchissez-moi la mémoire sur vos premiers arguments, voulez-vous.
- Vous n'avez pas eu l'idée de les mémoriser ?
Il avait l'air de l'avoir vexée. Ça le blasait fortement qu'elle ait cette réaction. Ça lui apparaissait même comme puéril.
- Faites preuve de courtoisie en notant que je vous demande, au lieu de supposer. Donc : je vous écoute.
- …
- Carla ?
Il haussa un sourcil dans sa direction. Avant de comprendre.
- Vous avez aussi oublié ...
- Pas du tout.
- … Si, sinon vous me le diriez …
- Vous parlez beaucoup trop.
- … et vous osez me traiter comme un idiot !
- Stop ! Vous perdez votre point, Armand.
Certes. Cependant, il n'en démorderait pas : ils en étaient au même point et elle prétendait le contraire. Le PDG se racla la gorge avant que sa vue ne tombe par hasard sur un magasine traînant sur la table basse. La discussion précédente se fit instantanément oublier. Il l'indiqua du doigt, ne pouvant passer à côté de ça.
- Vous lisez ce genre de bêtise ?
- Qui vous dit que ce n'est pas quelqu'un qui l'a laissé ici ?
Sa réplique le rendit perplexe. Et un peu curieux, il devait l'avouer. Est-ce qu'elle parvenait vraiment avec ses heures de travail à avoir une si grande vie sociale que ça ? Lui restait à difficilement équilibrer les deux, même avec sa famille qui vivait chez lui.
- Qui ça ?
- Ça ne vous regarde pas. Vous n'êtes pas le centre du monde.
Ils s'éloignaient du sujet important, là. Il se devait de ramener un peu d'ordre dans leur échange pour argumenter en faveur de sa position.
- Ça raconte des idioties sur les bébés et après vous allez me les faire retomber dessus, bien sûr que ça me concerne !
Il avait haussé à nouveau la voix, frustré. Ça le consternait ce genre de situation. Si c'était vraiment la faute de quelqu'un d'autre que ce soit ici -ce dont il doutait fort-, il devrait subir bien plus que des drainages de son précieux argent.
Subitement, il se calma. Une inquiétude discrète remplaça son tempérament. La jeune femme venait de poser douloureusement une main sur son ventre. C'était inhabituel ce genre de situation, couramment elle supportait bien sa grossesse en terme de douleur. C'était donc mauvais signe, même si ce n'était qu'une grimace.
- Un problème ?
- Vous me l'énervez à vous égosiller sans prévenir. Il ne va pas s'arrêter de taper maintenant à cause de vous.
Il roula des yeux. «À cause de vous» ... Toujours la parole sympathique. Néanmoins, ça prouvait que c'était une fausse alerte. Les coups provoquaient visiblement plus qu'une simple gêne mais rien de bien méchant.
- Comme si j'étais l'unique responsable. Ou que je pouvais servir.
- Mes soi-disant magazines «stupides» disent que les bébés réagissent au contact. Vous n'avez qu'à vous lancez dans vos hypothèses et prouver le contraire.
Elle le provoquait. Toutefois, il n'était pas vraiment prêt à l'entendre se moquer de lui. Sans prévenir, après un haussement d'épaule, il posa sa main sur son ventre. Il pu constater qu'effectivement il y avait un certain mouvement là-dedans. Au lieu de faire une fixation sur ça, sa concentration se porta sur Carla qui leva une main pleine d'un éclair. Un sourire qu'il tenta assuré apparu sur ses lèvres, cherchant à détendre l'atmosphère. Visiblement, il avait fauté.
- Armand, je vous préviens que si vous n'arrêtez pas tout de suite, vous allez … !
Elle s'immobilisa une seconde, stupéfaite. Lui aussi remarqua la différence immédiatement.
Il n'y avait plus de coups.
Ils ne pouvaient pas passer à côté de ça, le bébé s'était complètement arrêté en moins de cinq secondes. C'était stupéfiant. Était-ce juste une colère passagère ? Ou est-ce que c'était lui qui avait provoqué ce revirement ? Il pencherait plutôt sur le premier que le second.
- Eh bien mon cher, vous venez de vous trouver un super-pouvoir. Finalement, ça valait le coup de l'attendre avec tant d'espoirs : vous devenez enfin utile.
Ils échangèrent un regard. Elle entendu, lui grimaçant. Il n'était pas tout à fait certain d'apprécier tant l'humour de sa tournure, que ce qu'elle signalait par là.
[...]
Actuellement au travail, il rêvassait à propos de sa progéniture. Les devis commençaient à venir, réfléchissant avec Carla des sommes à dépenser avant la naissance et mensuellement ensuite. Cette partie-là, il ne l'appréciait que très peu.
Puis, au final, c'était quoi être père à part faire ça ? Cet enfant à venir était abstrait pour lui. Non-désiré, absent pour le moment de sa vie. Il n'avait aucune idée de comment se le ou la représenter. Ni son rôle à jouer. Difficile de s'imaginer changer des couches et donner des biberons tout le temps. Il l'avait très ponctuellement fait avec Cindy, ça ne lui manquait pas du tout. Pourtant, même s'ils trouvaient une solution, il n'y échapperait pas continuellement.
Puis, qu'est-ce que ça allait changer pour lui, concrètement ? Sa vie allait devenir un cauchemar. Manque de sommeil, terre d'atterrissage pour n'importe quel fluide, bloqué de sorti par le bébé, etc. Comment certains faisaient pour rêver de ça ? Étaient-ils fous ? Il souhaitait vraiment que ça s'arrête maintenant. Ça serait plus ou moins dur à oublier, mais mieux que si l'enfant venait au monde. Toutefois, la grossesse semblait se dérouler sans problèmes médicaux. Ça n'était pas pour les ravir. Juste un tout petit serait parfait, histoire de justifier quelques pratiques bien utiles et définitives pour mettre de côté complètement leur parentalité à venir. Après tout, un soucis découlant sur une fausse couche pour un premier bébé c'était une fois sur deux. Ils pouvaient croiser les doigts et espérer.
Sans compter que quand ce machin sera né, il faudra l'éduquer. Hors de question que sa descendance devienne quelqu'un de non-respectable pour leurs critères. Il allait être important de lui apprendre tout de suite les règles de la maison : c'était lui le chef du monde et servir le mal était primordiale. C'était inimaginable qu'un(e) Trueman ose être gentil(le). Rien que le concept lui donnait envie de vomir. Ça serait la trahison ultime.
Ça promettait d'être long. Surtout qu'il n'était pas enclin à l'avoir dans les pattes. Carla non plus. Ils allaient devoir rester soudés et affronter ça ensemble. Génial … Comme si c'était la meilleure personne avec qui s'allier. Elle ne songeait qu'à lui rappeler ce qu'il devait dépenser et lui faire des reproches. Il préférerait n'importe qui d'autre qu'elle. Surtout pour le moment.
Ou peut-être que ce n'était pour l'instant qu'une histoire d'hormones. C'était probable. Après tout, tout le monde était sous l'effet de pic ou baisse à ce niveau. Lui aussi, sauf que c'était moins visiblement vu qu'on associait ça à son caractère normal. Et là avec un être qui grandissait en elle, c'était logique que son corps soit perturbé.
Il se demandait ce que ça faisait d'ailleurs … Il était si peu intéressé au quotidien qu'il ne se renseignait pas sur son ressenti. Ça ne le tentait pas vraiment d'être à sa place. Il était curieux, mais pas au point de désirer avoir aussi la pratique. Il était bien avec juste lui-même et juste son stresse à lui à gérer.
Même si dans quelques mois il aurait un poids qui le gênerait … Ça le déprimait rien que d'y penser. Il compterait presque les jours où il avait encore de la liberté. Chaque seconde le rapprochait de ce moment, chaque fois qu'il tapait sur une touche du clavier ou cliquait sur sa souris.
Vivement que ce monstre soit majeur.
[...]
Alors, Armand avait reçu ses livres. Les deux étaient plutôt intéressants, mais ce n'était pas tout à fait ce à quoi lui voulait ressembler. Est-ce qu'il n'était pas possible de voir la parentalité comme un CDD de quelques heures par semaines ? Non ? Parce que l'auteur se préparait surtout à continuer sa vie de couple et être le meilleur père possible en donnant le maximum d'heures qu'il pouvait à ses filles.
Toujours en recherche, il était donc avec ennuie retourné parcourir les propositions de livre. Toujours rien ciblé pour les pères. Il s'était rabattu sur des livres qu'il jugeait d'intérêt scientifique et assez moderne.
Actuellement, il en lisait un sur les méthodes pour accompagner la grossesse jusqu'à l'accouchement, puisque pour cette partie-là il était certain d'être présent. La partie où il était rendu le laissait sceptique. Un chapitre entier était consacré à l'haptonomie. L'haptonomie étant une pratique qui était dite faite pour créer un lien entre le bébé et les parents pendant son développement dans le ventre. À travers des contacts et des massages, il y avait un échange de fait et donc un début de relation.
Est-ce que c'était ce qu'il avait fait avec l'incident avec Carla ? Ou ce n'était qu'un hasard ? Il n'était pas vraiment à l'aise avec le concept, plus il en apprenait sur le sujet. S'ils décidaient de ne pas garder l'enfant dans leurs pattes, il aurait mis des efforts inutiles dans le processus. Par contre, s'ils le gardaient …
Carla semblait peu endiablée à l'idée de créer quelque chose, mais après tout il n'était pas tout le temps avec elle. Il tenait très peu à avoir plus de charge qu'elle vis-à-vis de ce machin. Encore moins émotionnel si l'enfant venait à s'attacher à lui.
Parce que c'était une option assez probable quand ses souvenirs avec Cindy lui revenaient en tête. Il avait beau faire des efforts immenses pour la repousser, elle s'acharnait à le coller au sens propre comme au figuré. Il devait avoir un de ces dons -ou malédictions- dont certains parlaient où les enfants vous aimaient tout de suite. C'était déprimant.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Il lança un coup d'oeil vers la porte de sa chambre. Quand on pensait au loup, il apparaissait. Sa nièce se tenait dans l'entrebâillement, une expression curieuse sur le visage. Ses yeux se reposèrent une seconde sur son livre avant de se reconcentrer sur elle.
- Je lis des livres sur la grossesse. Tu crois que je pourrais être un bon père ? Par rapport à comment j'ai été avec toi.
- Wow, cette grossesse te monte vraiment à la tête ! Ça commence à faire un peu peur de t'entendre dire des trucs comme ça.
Il croisa les bras sur son torse et haussa un sourcil dans sa direction. Comprenant qu'il ne se lancerait pas dans un autre sujet, elle soupira avant de s'asseoir au bout du lit. Elle pensait sûrement qu'ils en auraient pour longtemps.
- Tu veux pas être père, pourquoi tu te poses ces questions ?
- Parce que je n'ai plus le choix.
- Débarrasse toi de ce gosse.
- C'est une discussion qu'on a eu avec Carla.
- Et ça donne quoi ?
- Ça n'est pas ce que je t'ai demandé.
Il commençait à s'impatienter.
- Toi en oncle ça va. En père, je ne suis pas sûre que ça soit super, car faut une part d'éducation à appliquer. Ce n'était pas ce que tu faisais.
- Donc cet enfant n'a aucune chance de tenir avec moi pour toi ?
- Tu n'as pas de temps à lui accorder. Si vous comptez le garder, pourquoi tu demandes pas à tes employés parents comment ils font ?
Hey, mais ce n'était pas bête du tout ça. Il n'y avait pas pensé. Elle avait de bonnes idées parfois.
[...]
Il dormait profondément, épuisé par les dernières semaines. Sa charge de travail avait augmenté, remarquant que Carla avait tendance à faire du sabotage. Ce n'était que partiellement et sur ses attributions les plus minimes, mais c'était en répercussions de si elle avait une saute d'humeur contre lui. Dans le doute qu'elle se venge sur plus important, il préférait garder quelques dossiers en plus pour lui. Après tout, à son avis, ça la toucherait moins si l'entreprise coulait. Il savait qu'elle saurait retomber sur ses pattes. Lui, c'était son héritage donc ça comptait bien plus.
Son sommeil fut troublé de façon plutôt inhabituelle. Il savait évidemment qu'il ne s'était pas endormi seul, mais ses sourcils se froncèrent tout du moins lorsqu'il se réveilla. Sa voisine venait de lui prendre la main pour la poser sur son ventre. Sa grossesse commençait à se faire remarquer, tant les mois passaient. Entre la confusion et l'esprit embrumé, il l'interrogea d'un chuchotement.
- Je peux savoir ce que vous faites ?
- J'applique une nouvelle stratégie.
- Enfin, ma chère, ce n'était qu'un pur hasard quand ça s'était produit.
Il n'avait aucun impact avec cette grossesse. Certes, il l'avait provoqué accidentellement. Toutefois, il s'en tenait le plus possible à l'écart. Tout comme elle, lorsque le microbe ne s'évertuait pas à rappeler être là.
- Il faut donc expérimenter. Ne croyez pas que je vais vous laisser avoir la vie douce alors que je subie autant de déboires.
- Croyez-moi, vous jouez déjà ce rôle à merveille.
Elle dû parvenir à placer sa main où elle le souhaitait, parce qu'elle arrêta de le considérer comme un pantin. Il sentit un petit coup contre ses doigts, puis un plus gros contre sa paume. Yep, mini-monstre était bien dessous, et en forme qui plus est. Il eut un soupir discret, ennuyé.
- Ça ne fonctionne pas. Junior n'est pas d'humeur.
- « Junior » ?!
Il lui rendit son air ahuri, avec pour lui un brin de moquerie.
- Quoi ? On ne va pas l'appeler juste «bébé» jusqu'à la fin. Vous êtes bien placée pour voir que c'est vivant là-dedans.
- Vous réfléchissez déjà à un prénom ?
- Non.
Il se plaça sur le côté et remit sa main au même endroit. Il nota que lorsqu'il la bougeait, les petits coups se répartissaient. Est-ce qu'il était en train de jouer avec ? Il regarda son amante, un peu plus éveillé pour discuter.
- Prenons ça plutôt comme un chien. Le prénom dépendra d'à quoi il ressemble. Gardons juste «Junior» pour le moment. Sauf si vous voulez jouer les mères pouponnières et acheter mille livres sur les prénoms pour en choisir ?
- Vous me donnez envie de vomir rien que d'en suggérer l'idée.
Il eut un rictus digne d'un sourire rusé. Elle se rallongea sur le côté en gardant une certaine proximité entre son dos et son torse. Il songea qu'il pouvait enfin tenter de se rendormir avant qu'elle ne reprenne la parole sans le regarder.
- Est-ce que vous avez des attentes ?
Il marqua un instant pour réfléchir à la question. Est-ce que c'était le cas ? Il se fichait pas mal de l'existence de cet enfant, donc la question était plutôt réglée.
- Non.
- Vous êtes sûr ?
- Pourquoi émetrais-je des doutes sur ma propre réponse ?
C'était vrai ça, pourquoi ? Avec ses nièces, il avait juste voulu qu'elles grandissent correctement. Ça n'allait pas déroger ici.
- « Junior », ça n'est pas tout à fait un prénom neutre.
- Vous préférez « Juniorette » ? Ou « Juniorex » ? Pour une fois, pardonnez-moi, mais le masculin l'emporte !
Le coup de coude dans ses côtes aussi. Dans une grimace, il se massa cette partie de sa main libre. Elle savait bien viser, la bougre !
- Vous n'en ratez vraiment pas une !
- Votre attaque a suffit, je pense, à transmettre vos arguments. C'est inutile de se disputer, ou sinon je choisi de dormir. Nos semaines sont longues.
Il l'entendit grogner de colère. Toutefois, il était sérieux. S'installant plus confortablement, il réalisa qu'elle n'avait pas répondu.
- … Et vous ?
- Quoi « et moi » ?
- Avez-vous des attentes envers cet enfant ?
- Que Junior soit expulsé le plus vite possible de mon utérus.
- Ça s'entend.
Ils allaient devenir de merveilleux parents, il le sentait bien. Intérieurement, il soupira de désespoir. Quelle divinité il avait bien pu offenser pour vivre ça ?
…
- Remettez votre main ! Vous l'avez calmé, vous n'allez pas vous arrêter maintenant !
- Je me frottais l'oeil, j'ai le droit non ?!
- Non !
[...]
Ils se tenaient tous les deux dans le rayon enfant du conteneur bleu importé directement de Suède. Il regarda une peluche de singe pensivement, avant de se demander pour une énième fois pourquoi ils étaient là. Le magasin avait un site internet, pourquoi ils ne s'en servaient pas ? Il était certain que les développeurs n'avaient pas laissés trop de bugs, ni d'Easter Eggs. Ils auraient même pu le faire au travail, ça leur aurait fait économiser tellement. Même le singe avait l'air de vouloir s'échapper.
- Vous allez avoir une fille ou un garçon ?
C'était au moins la trente millième fois qu'un vendeur ou une vendeuse leur demandait ça. Au moins. Il avait perdu rapidement le compte.
- On ne sait pas.
- On veut juste un berceau, pas une Barbie ou un Gi Joe qui colleraient aux stéréotypes genrés de notre société. Un meuble qui tient debout et un peu confortable, c'est possible ?
Est-ce que ça se voyait qu'il voulait abréger leur recherche ? Le vendeur reporta son attention sur Carla qui lui sembla plus avenante. Elle portait le sourire des coups fourbes, il la reconnaîtrait entre mille son expression de bonne figure. Ça le frustra encore plus d'être ainsi sous-considéré, de voir Carla au centre de l'attention. C'était quand même sa carte bancaire à lui qui allait être mise dans l'appareil !
Il aurait dû mieux réfléchir. Il aurait su, il aurait avancé de payer tout ce qui était accessoires -couches, biberons, vêtements, …- plutôt que les meubles et équipements de transport du nourrisson. Il était peut-être encore temps de demander un échange à sa partenaire du crime ?
- Vous désirez ?
- Est-ce qu'il y aurait une partie non-genré chez vous ?
- J'ai crû comprendre que vous cherchiez plutôt du mobilier. Hors exceptions, nos meubles sont blancs avec parfois des teintes colorés qui peuvent convenir à tout enfant. Pour le matériel à prévoir, c'est la même chose.
Bon, il devait avouer que les vendeurs auxquels il pensait ne venaient pas tous du même magasin. Par contre, son agacement de passer du Pays de Candy à Bob le Bricoleur juste en tournant le regard, il le traînait à travers les lieux. Il devait reconnaître qu'ici ils le surprenaient. Sa voisine remercia leur informateur avant de se déplacer. Il sortit son téléphone pour faire apparaître la liste que Georges lui avait faite.
- Vous ne voulez pas passer commande sur internet ? On a beaucoup de choses et pas de voiture.
- Radin comme vous êtes, vous refuseriez de payer les frais de livraison.
- C'est 3€90. En échange d'un dos en moins, ça mérite réflexion.
Il venait de passer devant une publicité, à travers les simulations de chambre d'enfants. D'ailleurs, ceux qui bougeaient autour de lui le rendaient nerveux. Il ne les aimait pas trop à courir partout et s'amuser.
Ils restèrent vingt minutes devant des berceaux. C'était ce qu'ils admettaient être comme une base plutôt acceptable de début d'achats. Cependant, vingt minutes c'était trop. Ils comparaient seulement les prix, cherchaient à comprendre les différences. Ils ne s'imaginaient pas qu'il y pouvait y avoir tant de possibilités. Ils manquaient de savoirs là-dessus pour décemment se décider de cette façon.
- … On choisit sur internet avec des comparatifs ?
- Oui.
[...]
- Il faut qu'on parte à 15h30 aujourd'hui.
- « On » ?
Il fronça les sourcils en direction de la porte de son bureau. La jeune femme se tenait dans l'encadrement, son téléphone dans la main. Il n'avait pas souvenir d'un quelconque rendez-vous nécessaire pour que la sous-directrice ET le PDG soient présents. C'était même le but que les deux postes existent : répartition logique des tâches.
- C'est pour Junior, mon utérus est toujours assiégé.
Ah.
- Ah. Pourquoi « on » ? Je ne suis pas obligé d'être là.
- Certes mais moi oui. Donc si je ne peux pas travailler, vous non plus.
Il fit la moue. Ce n'était pas tout à fait la fin d'après-midi dont il avait rêvé. Il devrait bien trouver un moyen d'avoir une urgence de prévue entre temps … Après tout, il n'était que 9h30.
Il reporta son attention sur son écran, réfléchissant. Jusqu'à ce qu'elle le déconcentre. Elle le pointa d'un doigt menaçant en ajoutant une dernière indication, avant de repartir.
- Et ne pensez même pas une seconde à une façon d'être introuvable !
Le menton sur sa paume, il soupira d'ennui. Flûte …
À l'heure prévue, ils quittèrent les locaux de la Flander's Company pour prendre un taxi vers la clinique privée. Ils avaient choisi un établissements hautes gammes pour des questions de notoriété. Ils n'avaient pas vraiment envie de devenir des cibles d'attentat contre les Super-Vilains parce que les médias apprendraient un nouveau membre en route chez les Trueman. Pas mal de leurs contrats parvenaient une conclusion similaire et ils n'avaient mis que très peu de temps à trouver un lieu. Quelques clics dans les documents confidentiels des Supers parents et le tour était joué.
Ils s'enregistrèrent comme présent à l'accueil et prirent place dans la salle d'attente qui les concernait. Le rendez-vous était à 16h. Toutefois, ils savaient les retards probables. Il se saisit de son sac et en sortit une tablette.
- Je peux savoir ce que vous faites ?
- J'apprécie très peu d'avoir du travail quand je rentre chez moi. Donc, vous en conviendrez, le meilleur moyen est de s'en débarrasser maintenant.
- Parce que vous pensez que je n'ai pas aussi mis mes activités de côté pour venir ?
Il lui jeta un regard en biais, presque méprisant.
- Contrairement à vous, je n'ai aucun problème à ce que vous fassiez la même chose. Ce n'est pas Junior qui va vous en vouloir.
Elle sembla chercher un argument sans le trouver. Puis, étant entourés, ils n'allaient pas faire une scène. Vexée, elle se rabattit sur son téléphone et s'absenta de la pièce pour passer un coup de fil. Sûrement pour Nadège, histoire qu'elle lui envoie ce qu'elle pouvait faire depuis ici.
Sans s'en préoccuper, il se mit à parcourir ses propres occupations sur son écran. Elle revint s'asseoir quelques minutes plus tard, puis le copia mais avec son portable. Ils travaillèrent jusqu'à 16h20 où ils furent appelés.
- Madame Burnelle ?
Ils se levèrent simultanément et vinrent serrer la main à la gynécologue pour rentrer dans son bureau. Souriant poliment, elle referma derrière eux.
- Je vois que monsieur Burnelle est aussi présent.
Sa mâchoire se crispa en s'asseyant.
- Trueman. Dieu merci, nous ne sommes pas mariés.
- Excusez-moi de cette erreur.
C'était d'un ton gêné mais peu sincère. Ça lui suffisait si elle ne reproduisait pas deux fois son zèle. Elle s'assit à son tour et consulta le dossier. Quelques secondes plus tard, elle reporta son attention sur eux.
- C'est donc la première échographie. Je peux voir que vous avez raté celles pour les précédents mois.
- Oui, je ne l'ai appris qu'à partir de trois mois que j'étais enceinte. Je devais donc faire quelques préparations avant de venir.
- D'accord. Ça va donc être un petit peu plus long que prévu, je vais vérifier tout ce que l'on vérifie normalement depuis le début. Veuillez me suivre dans la pièce adjacente, si vous voulez bien.
Elles se levèrent et il continua à observer les livres sur les étagères. Il y en avait vraiment beaucoup, avec des objets diverses pour représenter des utérus ou des bébés. Ses yeux se tournèrent vers l'encadrement de porte lorsque la médecin y passa la tête.
- Monsieur Trueman, vous pouvez également venir. Après tout, vous êtes le père de cet enfant.
Il marqua une seconde d'hésitation avant de les rejoindre. Il avait déjà été obligé de venir, il n'allait pas en plus rater la majeur partie de l'événement. Carla s'allongea sur la table d'oscultation prévue à cet effet, tandis qu'il s'assit sur un petit tabouret à roulette. La spécialiste ramena un appareil et baissa la luminosité des lieux. Haut relevé et produit placé, elle procéda à l'examen. Une main sur l'appareil sur le ventre de la jeune femme et l'autre sur le clavier, elle restait concentrée. Jusqu'à prendre un angle qui sembla lui convenir.
- Là, c'est votre bébé.
- D'accord.
Ils répondirent de façon synchronisée, d'un ton neutre. Une forme de foetus se voyait sur l'écran. C'était assez étrange et curieux, mais ça restait qu'une image. Leur vis-à-vis fut un tantinet déstabilisée par leur manque d'enthousiasme mais passa à la suite de son discours.
- Ça a l'air d'aller. Tout commence à bien se former. Rien de quoi s'inquiéter.
Elle quitta à nouveau des yeux l'écran pour se tourner vers eux.
- Est-ce que vous souhaitez connaître le sexe du bébé ?
Quatre mois. Mh, oui, effectivement c'était à un moment où ça se développait de ce côté-là. Ils se jetèrent un regard interrogateur, gênés. Ses pensées s'éclipsèrent. Est-ce qu'elle voulait savoir ? Est-ce que lui-même voulait ? Ce fut sa partenaire qui répondit en première.
- … Nous n'y avons pas réfléchit.
- Je vous laisse en discuter une minute.
Elle les laissa seuls, refermant la porte derrière elle. Leur isolement le pesa.
- Ça vous intéresse, vous ?
Pour une fois, cette simple question s'avérait compliquée pour lui.
- Je ne sais pas. Est-ce que ça ferait de nous de très mauvais parents de ne pas demander ?
- Nous n'en sommes pas tout à fait de bons.
- Oui, mais ça serait peut-être un pas pour essayer de le devenir.
Ses doigts passèrent au niveau de son menton, retraçant sa barbe. Il avait entendu pas mal de choses sur le sujet, sans vraiment y prêter trop d'attention puisque ce n'était pas sensé le concerner. Carla posa une main sur son épaule, l'autre se trouvant sur son ventre.
- De toute manière, vous m'avez dit ne pas avoir d'attente.
- Tout comme vous.
- Précisément. Donc qu'est-ce que ça change ? Vous comptez peindre en bleu sa chambre si c'est un garçon et en rose si c'est une fille ?
Il eut un frisson de dégoût à cette idée. Jamais, très peu pour lui. Par réflexe, ses doigts vinrent se poser doucement à son tour sur le ventre de sa compagne. La caresse fut légère, mais il sentit tout de même une réaction de l'autre côté. Un silence se posa, jusqu'à ce qu'il reprenne la parole.
- … Je pense que nous sommes donc fixés.
- Oui.
Il se leva pour aller ouvrir la porte et interpeller la médecin.
- Nous ne voulons pas savoir.
- Très bien.
Le meilleur moyen de ne pas genrer son attitude et ses achats était encore de ne pas avoir l'information. Ça ne changerait rien à leurs vies, après tout. Ils ne souhaitaient pas se comporter différemment, même inconsciemment. Elle revint nettoyer le produit et imprimer les clichés. Puis, ils retournèrent tous les trois dans la pièce principale.
- Il faut que vous reveniez chaque mois pour vérifier que tout va bien. Je vous laisse une copie de l'échographie et nous sommes bon pour aujourd'hui.
Résultat du jour : ils avaient donc la première photo de leur enfant, en noir et blanc un peu grésillant. C'était … intéressant ?
[...]
Maintenant que le Mini-Lui était photographié sur un petit papier rangé dans un dossier avec indiqué «à ne pas perdre ou jeter même si ça donne envie», il devait voir la réalité en face. Soit ils le gardaient, soit ils s'en débarrassaient. Puisqu'il y avait plus de chance qu'ils le gardent, il fallait qu'ils trouvent un endroit où le mettre.
Ils n'allaient pas l'emmener au travail, ni prendre un congé trop long. D'après ce qu'il avait pu voir à travers ses livres, deux semaines à deux pourraient faire l'affaire. Assez pour que Carla se remette en forme grâce à ses pouvoirs et de s'organiser correctement à trois. Le temps où ils n'allaient pas l'avoir, il fallait bien que le microbe soit quelque part.
Installé confortablement dans son fauteuil au bureau, il se mit donc à parcourir les dossiers de ses employés. La vie de famille chez les Supers-Vilains n'étaient pas des plus courantes, mais ça pouvait arriver. Bon, souvent, ça se terminait mal pour la famille, mais pourquoi pas.
Au bout d'une longue recherche, il dû faire face à une réalité : ceux concernés ne pouvaient pas être appelés. Par exemple, Darky, qui ne faisait pas parti de ses employés mais qu'il connaissait comme ayant des enfants, il ne les avait jamais eu sous sa charge. Ou encore, il y avait bien Wolverin qui pouvait être considéré comme étant père, mais il n'avait pas vraiment paterné comme lui ça allait être le cas.
Blasé, il soupira. Est-ce qu'il tentait le tout pour le tout ? À quoi bon, après tout, il n'était plus à ça près. Il changea donc de liste pour passer à celle des gentils. Là, il avait du choix à la pelle. Il s'empara donc de son téléphone, prêt à passer pas mal de coup de fil jusqu'à obtenir une réponse correspondant à ses attentes pour une crèche pour enfant spécial.
[...]
- Avouez que c'est troublant.
- J'avouerais seulement que vous êtes ridicule.
Ils étaient tous les deux dans l'appartement de la jeune femme. Assis dans le lit, vêtus d'un drap, ils fixaient le mur en face. Les bras croisés sur son torse, Armand maintenait contre lui sa protection. C'était très proche de ses moments où il boudait, sauf qu'il s'y sentait tout à fait légitime en cette soirée.
- Et pourquoi donc ? En quoi n'ai-je point le droit d'être écouté ici ?
- Parce que c'est comme ça pour moi depuis le début !
Il roula des yeux, entre l'acceptation et la frustration. Remise en contexte : quelques minutes plus tôt, ils étaient en train de profiter de leurs dernières nuits à pouvoir être éperdument et seulement des amants. Le bébé étant très proche du terme calculé, il était très facile de le sentir bouger. C'était d'ailleurs une activité qui avait l'air de particulièrement plaire à l'être à l'intérieur, puisque ça n'arrêtait pas au moindre contact de l'extérieur.
Donc forcément, il en était venu à faire ce constat, mais pas vraiment à un moment propice. Collé contre elle avec en tête juste l'envie de prendre son pied, c'était très peu pour lui de vouloir songer à câliner son enfant à venir. Ça l'avait donc quelque peu refroidi et les avaient amené à cette situation.
- Et si je lui faisais mal ?
- Comment ? En le touchant dans un mouvement brusque ?
Le sarcasme qu'il reçut en réponse le mit mal à l'aise. Elle lisait dans ses pensées ?
- … Pourquoi pas ?
- Je vous pensais un peu plus connaisseur en biologie, mon cher. Où Junior loge, ce n'est pas tout à fait pareil que où vous allez.
- Je sais bien. Sauf que vous dites vous-même que Junior appuie sur tout le reste.
Il ne disait pas ça par lubie machiste de croire être capable d'aller aussi loin. Quand même, il n'était pas non plus de ce genre-là. Si son ego avait une limite, c'était cette direction.
- C'est impossible.
- Comment pouvez-vous en être certaine ?
- Parce que ça se serait déjà produit plus tôt ! Et que c'est prouvé scientifiquement qu'avoir des rapports est bénéfique.
Il chercha quoi répliquer, en vain. C'était spéciale, il n'y était pas habitué. Puis, maintenant que l'idée lui était venu à l'esprit, il ne parvenait pas à s'en défaire. Ce n'était pas ce soir encore qu'ils allaient s'amuser, finalement.
[...]
S'asseyant à son bureau, Armand soupira. Lui et Carla revenaient du dernier ou avant-dernier rendez-vous avec la gynécologue. Il ne savait pas s'ils y retourneraient encore, ou non. Pour le moment, il avait envie de se relaxer. Ses doigts saisirent un verre, le remplissant avec goût.
Dans sa poche, son portable vibra pour lui indiquer la réception d'un message. Sa mâchoire se crispa, un frisson d'irritation parcourut son dos. Armand savait parfaitement bien ce que le texte racontait. Une nouvelle tâche à faire pour leur morveux, un nouveau pas vers la paternité. Il reposa le verre et, s'humidifiant les lèvres, il se saisit du téléphone fixe posé sur son bureau. Un post-it lui donna le numéro à taper et il plaça le combiné à son oreille.
La porte s'ouvrit, l'obligeant à raccrocher. C'était son DRH qui rentrait avec un dossier. Celui-ci avait sans doute frappé, mais cela avait manqué à son audition.
- J'aurais besoin d'une décision sur un dilemme.
- Lequel, je vous écoute ?
L'employé déposa des feuilles devant lui.
- Nos clients exigent un peu plus de personnel certains jours. Cependant, ce sont souvent des fériés, donc il faut payer plus cher et nos employés demandent des payes plus hautes.
- Et les clients ne veulent pas payer plus les contrats ?
- Pas vraiment. Le problème est que si on les augmente trop pour compenser toutes les charges que ça nous donne, ça risque de jouer en faveur d'une recherche de concurrence.
Il passa sa main sur sa barbe, réfléchissant. Ça ne l'arrangeait pas tout ça.
- C'est fâcheux. Pourquoi nos clients tiennent tant à ces jours-ci ?
- Possiblement pour des raisons de popularité. Cependant, rien n'est moins sûr.
Son haussement d'épaule à sa question et son soupir dans sa réponse en disait effectivement long. Il parcoura encore les chiffres des yeux avant de lui redonner le tout.
- Favorisé nos clients les plus riches et nos employés les moins dans l'egotrip. Donc tout ce qui est Parker et compagnie c'est non, ils seraient incapables de payer. Par contre, pour nos stars visé plutôt dans le niveau de Transpire-Man, si vous voyez ce que je veux dire.
- Merci, monsieur le directeur.
Celui-ci attrapa ses feuilles et parti.
Qu'est-ce qu'il faisait avant déjà ? Ah oui, le téléphone. Il le saisit et posa son index sur le premier numéro.
La porte s'ouvrit, cette fois sans tentative de frapper. C'était Carla.
- Puisque vous ne daignez pas répondre à votre portable, je viens en face : c'est vous en charge des appels.
- Je sais ! J'essayais justement de m'en occuper.
Ils échangèrent un regard noir. Ce fut le scientifique qui les sépara, restant à la porte.
- Carla ! Justement, y a Cindy qui vous cherchait à l'étage du dessus et … Je dérange, peut-être ?
- Non !
Leur réponse commune fut claire, tant qu'il disparu de la porte. Sa vis-à-vis tourna les talons et parti également. Toutefois, elle se prit le malin plaisir d'aussi claquer la porte. Énervé, il passa une main dans ses cheveux. S'appuyant contre son siège, il se saisit de son verre. La gorgée d'alcool lui fit un bien fou.
Un peu plus à l'aise, il se remit à l'opération qu'il tentait d'effectuer.
Toutefois, la porte le gêna encore. Cette fois-ci, Georges apparu avec Gladys. Il ne se préoccupa pas de s'arrêter de composer le numéro.
- Tu peux la garder juste deux petites minutes ?
L'enfant avait un carnet d'activité et à manger sur elle. D'un geste agacé, il lui indiqua de partir. Son frère prit ça pour un oui, s'éclipsant seul. Ça le fit grandement rouler des yeux.
Une petite musique agaçante grinça dans son tympan jusqu'à ce qu'un homme décroche.
- Crèche pour Super, bonjour.
- Bonjour, Armand Trueman à l'appareil.
- Ah, bonjour monsieur Trueman ! Que me vaut le plaisir de votre appel ?
Cet individu l'agaçait déjà. Rien qu'à sa voix, il sentait quelqu'un de propre sur lui. Rien à se reprocher, des bonnes actions à gogo. Un gentil, quoi, en somme.
- Votre appel est-il sécurisé ?
- Bien évidemment.
- Bien. Ma compagne attend un enfant et nous souhaiterions savoir s'il vous restait une place.
- D'accord. Votre compagne … est-elle Super ? Parce que vous comprenez bien que nos services ne sont axés que sur des bambins aux capacités qui s'accordent peu avec ceux des autres.
- Oui.
Il l'agaçait de plus en plus. Combien de fois devrait-il être rappelé qu'il ne possèdait pas de super-pouvoir ? Ils se pavanaient tous avec un, mais ils ne valaient pas mieux.
- Laissez-moi vérifier nos réservations dans ce cas. Mh … Quelles seraient les dates d'accouchement, je vous prie ?
- D'ici un mois ? Elle est à huit mois de grossesse là.
- Pardonnez-moi, monsieur Trueman, mais nous sommes complets.
Son coeur rata un battement. La panique venait en lui mais il tenta de la contenir. L'effet fut que celle-ci se transforma en colère.
- Pardon ?! Ce n'est pas possible ! Vous êtes la seule crèche pour Super de France !
- Toutes mes excuses, mais c'est une période où les Supers connaissent beaucoup de naissance … Sans compter ceux dont nous devons déjà nous occuper … Nous manquons de personnel en plus …
- Suffit. Trouvez-moi une place, vous perdez une grosse somme d'argent si vous vous obstinez.
- Enfin, je n'y peux rien. Tout ce que je peux vous proposez, c'est de laissez vos coordonnées et vous serez sous liste d'attente.
Il n'appréciait pas du tout ce genre d'approche. C'était prendre le risque de ne jamais rien avoir. Toutefois, est-ce qu'il devait renoncer ? Après tout, ça faisait simplement un argument de plus dans la colonne « ne pas le garder ». Rechignant, il s'abaissa donc à prendre une place. Jamais son nom n'avait pas fait bouger les choses et ça le frustrait. Surtout, s'il le gardait, ça serait garderie commune à tous et non-spécialisée. Enfin, si là-dedans ils parvenaient à obtenir une place.
Quelqu'un toqua à nouveau à la porte. Ça n'en finissait plus.
[...]
Ils s'étaient réunis dans le même salon que six mois plus tôt, avec les mêmes verres et le même sujet. Ils savaient tout à fait de quoi ils devaient parler, mais ils laissaient le temps les préparer à leurs réponses. Ce fut Carla qui se lança la première, décidée à mettre les cartes sur la table.
- Alors Armand ? Est-ce que vous vous êtes décidé à vouloir devenir un père ou vous préférez rester seul ?
Il avait bien réfléchi, avait pesé le pour et le contre. Les livres l'avaient aidé, mais aussi ce que la société pensait et sa perception de la famille. Il était prêt à donner une réponse.
- Je suis prêt à l'envisager, pas à être père.
- Donc vous ne voulez pas le garder ?
- Au contraire. Je pense que personne n'est jamais prêt avant que ça se produise. Puisque l'occasion est là, autant voir ça comme un nouveau défi.
- Très bien.
« Très bien » ? Est-ce que cela signifiait qu'elle y avait pris goût ?
- Et vous ?
- Je voulais toujours l'envoyer chez Ra's Al Ghul. Toutefois, je dois avouer que la perspective de vous voir changer des couches et donner le biberon peut être intéressante.
Il pinça les lèvres, irrité. Oui, donc elle acceptait son avis pour se moquer de lui quoi. Ce n'était pas des plus réjouissant pour lui.
- Vous êtes sûre que vous n'allez pas changer d'avis ? Je ne m'en occuperais pas seul.
- Disons que nous sommes une équipe.
[...]
Cela faisait déjà trois heures qu'il attendait sur cette chaise. Le temps devenait long. Les doigts croisés, les coudes sur les genoux, il battait nerveusement du pied. C'était particulièrement irritant de ne pas savoir ce qu'il se passait, si tout allait bien, ou de pouvoir agir. Être relégué au second plan était vraiment la pire sensation à ses yeux et ça n'avait pas l'air de changer.
Dans le couloir où il était, personne ne faisait attention à lui. Les gens passaient, en blouse blanche le plus souvent, mais prétendaient qu'il n'existait pas. Plus le temps passait, plus il hésitait à ne serait ce que partir. Après tout, il n'avait rien à faire ici. C'était évident qu'il n'y avait pas la place pour lui. Il ne savait plus s'il s'en convainquait ou si c'était effectivement le cas. Toutefois, s'il avait bien un rôle à jouer, il lui semblait que c'était logique qu'il serait ailleurs et non pas ici tout seul.
Ce dernier point changea plutôt rapidement après ce constat. Deux personnes arrivèrent à son niveau, un peu perdues à travers les différentes directions qu'ils avaient dû emprunter. Ça se confirmait, ils faisaient tâche ici. Il se leva quand il les aperçut, les reconnaissant immédiatement et avec grand soulagement. Son frère posa une main réconfortante sur son bras, un air compatissant sur le visage.
- Comment ils vont ?
- Je ne sais pas.
- Pourquoi tu rentres pas ?
La remarque perplexe de sa nièce l'irrita. Ses lèvres se pincèrent pour formuler la réponse la plus courtoise possible. Ça ne servait à rien qu'en plus il s'énerve sur elle.
- Je ne suis pas tout à fait le bienvenu à l'intérieur.
- Elle te fait peur maintenant, ta grognasse ?
Les jointures de ses articulations devinrent blanches sous la pression de ses poings fermés.
- Qu'est-ce que tu fais là d'abord, toi ?
- Du calme vous deux !, tempéra Georges. Vous n'allez pas vous mettre en froid maintenant.
Ils se lancèrent un regard qui en disait autrement. Son frère s'interposa à nouveau en captant son attention. Il indiqua la porte devant laquelle il était et l'incita d'une pression à s'y rendre.
- Carla n'a pas besoin que tu te battes dans le couloir avec Cindy. Elle a besoin d'un peu de soutien moral.
- Ça m'étonnerait. Ça fait des mois qu'elle m'enquiquine avec des questions d'argent. Je te dis qu'elle va faire sauter les plombs si je pose un pied là-dedans.
- Armand Trueman ! Tu me fais le plaisir d'assumer enfin tes actes et tu rentres dans cette pièce aider à la naissance de ton enfant ! Tout de suite !
Ce fut plus fort que lui, il eu un mini-sursaut à l'entendre lui parler aussi fermement et avec autorité. Les seules fois où il l'avait vu comme ça c'était avec Cindy, mais dans de rares occasions. Stupéfait, il leva les yeux vers sa nièce. La bouche entrouverte, elle n'en revenait pas non plus. Leurs regards se croisèrent et il reprit contenance. Son bras se défit de son voisin et il s'avança vers la porte.
- Préparez déjà de quoi vous éclairer …
Ses doigts saisirent la poignée, il inspira un grand coup. Il faisait sûrement le bon choix. Au pire, il ne serait pas trop tard ensuite pour trouver un avenir loin de lui pour sa progéniture. Ils avaient beaucoup d'exemple de bébés abandonnés qui avaient fait de grandes choses parmi leurs contrats ou clients.
À l'intérieur, la tension était présente. Allongée sur une table exprès, il se focalisa tout de suite sur Carla. Une sage-femme le reconnut et l'invita d'un geste en l'accompagnant à se rendre au chevet de cette dernière. Le visage contracté, elle avait l'air d'avoir très mal.
Mettant de côté les risques qu'il avait énoncé, il se plaça à côté d'elle pour rentrer dans son champs de vision. Intérieurement, il commençait à se sentir complètement paniqué. Ça allait devenir très réel d'un seul coup. Même si ça faisait des mois qu'il observait son ventre s'arrondir de plus en plus, il n'arrivait pas à vraiment l'intégrer.
Cependant, il ne pouvait pas maintenant lui montrer ça. Il afficha donc son air le plus confiant, prétendant que son absence n'avait pas été senti jusqu'alors. Elle lui jeta un coup d'œil, essayant de respirer au mieux.
- Armand, ce n'est plus le moment de faire l'idiot. Je ne suis pas d'humeur.
- Je sais. On est une équipe, non ?
Sa main se tendit, lui permettant de la saisir pour la serrer ou de le repousser. C'était à elle de choisir si elle voulait être avec lui dans cette aventure ou non. Ça ne serait certainement pas le père de l'année, mais il tenterait quelques trucs pour pas être le pire.
La chaleur de sa paume rencontra la sienne, comme le contact le plus naturel du monde. «Je commence à voir la tête». Ah. Ce constat fit respirer plus fortement sa voisine. Il entoura de son bras le dossier au niveau de sa tête pour se rapprocher d'elle.
- Allez Carla, c'est votre moment de gloire. Vous êtes une femme forte, prouvez-le une fois de plus que personne ne vous choisit au hasard. Allez, je crois en vous.
La force sur sa main augmenta nettement quand elle poussa de toutes ses forces. Un instant, il eut un mince filet d'espoir qu'elle ne lui brise rien. Ça compliquerait les choses un ou des doigts cassés pour pouponner.
Puis, son cœur rata un battement qu'il entendit résonner jusque dans ses oreilles. Un cri venait de se faire entendre dans la pièce. Ses yeux se tournèrent vers le personnel médical qui entourait un bout de serviette qui bougeait. Ses tympans bourdonnaient jusqu'à ce qu'une voix à côté de lui se fasse entendre plus distinctement.
- Monsieur ? Monsieur ?
- Pardon, oui ?
- Vous voulez couper le cordon ?
- … Non, merci.
Jouer au Doctor Maboul ? Très peu pour lui. Quelques secondes passèrent et la serviette mouvante fut ramenée vers lui. À un mètre de distance, il distingua clairement un bébé qui gigotait à l'intérieur, colérique. Un vrai bébé. Un vivant, qui bouge et réagit. Un qui était sous sa charge à lui, pas un qu'il pouvait refourguer à Georges.
Subitement, il prit peur. Il se sentit blanchir. C'était ça, sa vie maintenant ? Des couches et du lait, à l'odeur douteuse pour les deux ? Il n'était pas prêt et ne voulait pas être prêt. Non. Il devait y avoir erreur, ce n'était peut-être pas lui le père biologique finalement.
Intérieurement, il soupira contre lui-même. Qui voulait-il tromper ? Ça ne changerait rien, lien de sang ou non. C'était lui qui avait fait quelques pas dans ce rôle, soutenant Carla qui faisait les mêmes avec celui de mère. On devenait père par choix, ce n'était pas inné ou une question de gènes.
La sage-femme lui sourit, tendant le nouveau-né vers lui. Ça ne lui fit ni-chaud ni-froid son expression de sympathie. Sa chaise dans le couloir lui manquait subitement.
- Vous la prenez ?
- Ç-Ça ira. Merci. Je ne sais pas tenir ce genre de ... chose.
Il mentait effrontément. Néanmoins, il était certain qu'elle ne le savait pas donc ce n'était pas grave. Sa réaction ne sembla pas être attendue, tout comme celle qui suivit.
- Armand, prenez-le enfin ! Ce n'est qu'un gosse.
Merci, Carla. Il se retint de la regarder noir. La femme avec eux eut un petit rire et les corrigea avec sympathie.
- Prenez-la. C'est une fille.
- Une fille ?
Aoutch. Fille et Trueman ne faisait pas bon ménage. Ils avaient déjà deux essais pour le prouver. Le bébé atterri dans ses bras deux secondes plus tard, sans son approbation. Maladroitement, il la positionna au mieux. Subitement, il avait l'impression qu'elle allait lui échapper, comme si elle était soudainement immense et ses bras minuscules.
Leurs regards se croisèrent. Il avait déjà vécu ce moment avec ses deux nièces. La première rencontre faisait toujours de l'effet. Et c'était ce qui le rendait nerveux et à cran. Maintenant, c'était difficile de prétendre qu'ils n'étaient que deux et pas trois. Il observa cette petite chose se débattre quelques secondes avant de se rendre compte qu'il était là. Elle le regarda longuement avant de bailler. Ses lèvres se pincèrent mais il parvint à retenir un soupir.
- Alors ? Elle est comment ?
- Elle est comme vous. Elle me trouve déjà ennuyeux car elle montre des signes de vouloir dormir.
- Parfait, ça veut dire qu'elle vous a tout à fait cerné.
Il roula des yeux dans sa direction. Ceci avant de lui amener et de l'installer contre elle. Après tout, c'était à elle de mériter un peu de temps avec Mini-Eux. La sage-femme l'interpella.
- Elle est fatiguée car ça fait aussi beaucoup de travail pour elle. Tout va être des efforts, elle va souvent dormir les premiers mois.
Je sais. Puisqu'il ne répondit pas, elle passa au sujet suivant. C'était quand qu'ils étaient laissés tranquilles ?
- Vous avez déjà une idée de prénom ?
- On l'appelait Junior.
- Je vais vous laisser réfléchir.
Sur ça, elle se permit de récupérer le petit paquet pour aller vérifier son état de santé et la nettoyer un peu. Sans vraiment y penser consciemment, il retrouva la main de son amante à côté de lui et s'enquit de son état.
- Comment est-ce que vous vous portez ?
- Oh bah prête à faire un marathon. Sans rire Armand, vous le faites exprès de poser des questions idiotes ?
- D'accord, je vais vous laissez vous … reposer. On se retrouve dans la chambre.
Il alla pour partir quand elle serra sa prise pour le retenir. C'était assez clair comme message. Il resta donc. Dans un silence bénéfique, ils observèrent leur petit trophée se faire ausculter dans tous les sens.
J'espère que l'histoire et cette première partie vous plaît ^^ (si vous avez eu la réf pour le Roi Lion, je vous kiff et vous gagnez un câlin virtuel !) on se retrouve vendredi prochain, 18h.
Une review, ou un favoris / suivi est toujours appréciable pour l'auteur, si son travail vous semble mériter un moment en plus de votre temps, même si ce n'est qu'optionnel bien évidement.
