Disclaimer : ça m'étonnerait vraiment qu'Ankama lise ça, iels ont mieux à faire…

Jour de noces

Le soleil se levait à peine sur Emelka mais Alibert l'aubergiste était déjà debout. Habitué qu'il était à se lever tôt depuis des années, il n'arrivait même plus à faire la grasse matinée, même si, pour une fois, son auberge était fermée.

Tout le monde dormait, du moins le pensait-il. Amalia dormait dans la chambre d'amis, Eva et Pinpin, dans la chambre de Yugo et d'Adamaï et Ruel et Arpagone, dans celle de Chibi et Grougal. On avait proposé à ces derniers de garder leur chambre mais ils avaient préféré monter leur tente au fond du jardin et s'y étaient installés avec Elely et Flopin. Ils n'étaient pas les seuls, d'ailleurs : les invités au mariage qui n'avaient pas réussi à trouver une chambre en ville avaient planté leur tente là où il y avait de la place. Le paysage était totalement méconnaissable.

Alibert se souvenait vaguement que son petit piou lui avait parlé d'un mariage dans la plus stricte intimité. A la fois ému et enthousiasmé, il lui avait proposé de s'occuper du repas et de l'hébergement, ce que Yugo et sa future femme avaient accepté avec gratitude. Il s'était même proposé pour envoyer les invitations. Et puis, il s'était un petit peu laissé emporter par l'enthousiasme. Il avait invité des parents, des amis, des amis d'amis, et même de vagues connaissances. Et puis, certains invités avaient décidé de venir accompagnés, comme la sœur d'Evangélyne, qui avait insisté pour que sa petite amie vienne aussi, ou Kriss et Maude, qui avaient débarqué sans être invités avec toute leur équipe de boufbowl avec eux. Au final, il y avait peut-être une centaine d'invités qui dormaient encore dans les parages, ce qu'Amalia trouvait parfaitement adorable, et Yugo, légèrement gênant.

Pour le moment, il n'y avait pas de quoi s'affoler. En écartant les rideaux, l'aubergiste jeta un coup d'œil à l'extérieur et constata que les invités étaient encore sous leurs tentes… ah non, Coqueline passait déjà la tête dehors. Alibert se demanda rêveusement combien de temps il attendrait avant que son Yugo lui donne des petits-enfants. L'idée de savoir que son aîné allait bientôt le quitter lui filait, autant se l'avouer, un petit pincement au cœur, mais en même temps, il se sentait impatient de devenir grand-père. Il accueillerait ses petits-enfants pendant les vacances, il jouerait avec et leur apprendrait à cuisiner…

A propos de cuisiner, il allait bientôt devoir préparer le petit-déjeuner pour un régiment. Comme tous les matins, Alibert sortit une grande casserole. Puis deux. Puis trois. Pour découper le pain, il choisit un des couteaux que ses quatre enfants lui avaient offerts pour son anniversaire, ceux qui portaient ses initiales sur la lame. Il se souvenait encore de l'émotion qui l'avait envahi quand il avait déballé le paquet sur les yeux de ses quatre petits anges. Ad lui manquait tellement ! Par moments, il aurait souhaité…

- Un coup de main, Papa ?

L'énutrof fit un bond sur place. Il n'avait jamais entendu la voix grave qui venait de résonner derrière lui. Lentement, il se retourna et poussa un profond soupir de soulagement en voyant l'énorme tofu blanc et bleu qui se tenait debout sur dos d'une chaise.

- Adamaï ! s'écria-t-il. Ça va pas de faire des peurs pareilles à son vieux papa !

- Désolé, Papa. Parle moins fort, je ne veux pas qu'on sache que je suis là.

Alibert hocha la tête. De ses quatre fils, Adamaï était celui qu'il avait le plus de mal à comprendre, même s'il débordait d'affection pour tous les quatre. En effet, Ad était le genre de personne qui préférait ne pas trop parler de ce qu'il ressentait, même s'il bouillonnait intérieurement la plupart du temps. Pour un père qui préférait privilégier le dialogue avant tout, c'était plutôt déroutant.

- Ton frère est dehors, sous la tente, murmura l'aubergiste. Tu veux que j'aille le réveiller ?

- Non, merci. Il vaut mieux qu'il ne sache pas que je suis là.

- Pourquoi ? Il était tellement déçu quand il a su que tu ne viendrais pas !

- Tu veux que je t'aide en cuisine, oui ou quoi ?

Alibert acquiesça, habitué à l'humeur changeante de son deuxième fils. Adamaï prit apparence humaine et alla mettre le couvert pendant qu'Alibert faisait bouillir de l'eau pour le café. Père et fils travaillèrent un moment en silence, après quoi Alibert osa ajouter :

- Tu m'as manqué, tu sais ? On se faisait du souci, les petits frères et moi.

- Désolé, Papa, bougonna le dragon. C'était pas contre toi.

- Au fait, Yugo t'as raconté la dernière de Chibi ? Il a essayé de démonter le moulin à eau du village pour voir comment il fonctionne. Il est certain qu'il peut améliorer le système !

- Ça m'étonnerait pas de lui ! avoua Adamaï.

- Tu vas rester pour le mariage ?

Adamaï posa par terre la pile d'assiettes qu'il tenait entre les mains et alla étreindre son père sans dire un mot. Il savait que s'il parlait, il n'arriverait pas à cacher ses larmes. Il ne voulait pas montrer qu'il était bouleversé et il ne voulait pas non plus causer du chagrin à l'homme au grand cœur qui l'avait élevé. Mais il ne pouvait pas dire oui.

- Je vais t'aider pour préparer le repas… murmura-t-il.

A suivre…