Severus Rogue fait peau neuve

Les personnages et lieux appartiennent à leurs créateurs, à savoir J.K. Rowling et J.R.R. Tolkien. Cette fanfiction n'a pour but que de divertir ses lecteurs, et leur arracher un ou deux rires forcés à l'occasion.

Merci à Amélie et à Angelene Hystériaque pour leurs idées. Que vous aimiez ou pas, faites-le moi savoir, reviewez ! Même si je ne réponds pas à tous, soyez sûrs que je prends note des critiques formulées. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne lecture !

Chapitre 1 : ravalement de façade

Severus Rogue se retourna nerveusement vers les tours pourtant endormies de Poudlard. Aucune lumière en vue ; ses collègues ainsi que les élèves devaient dormir, et même le concierge et son teigneux de sac-à-puces ne devaient pas rôder près des fenêtres. Rogue scruta la lisière de la Forêt Interdite. La lumière argentée de la lune semblait hésiter à y pénétrer à plus de quelques mètres, alors imaginez ce qu'un éventuel insensé pourrait ressentir à ses abords. Des profondeurs ténébreuses lui parvenaient les grincements sinistres des arbres et des grognements tenant plus du blaireau enrhumé que du loup en chasse. Mais dans le cas du professeur de Potions, ça n'avait aucune importance. Depuis trois nuits, il recherchait un animagus et ancien camarade, le très recherché Sirius Black. Trois nuits de rondes solitaires à débusquer des lièvres sédentaires au lieu du grand chien noir un peu pataud qu'il convoitait. Mais coûte que coûte, Rogue se l'était juré, il retrouverait Black.

Un frémissement dans un buisson de ronces fit se raidir le sorcier. Pour se rassurer, il resserra d'un cran la corde de son arbalète. Ses pires craintes prirent corps quand il aperçut, à la limite de son champ de vision, une vive lueur. Presque aussitôt, une musique mélodieuse cascada des arbres et dégoulina le long des troncs d'arbres en épais accords rébarbatifs et somme toute agaçants ( pour un esprit aussi hermétique que celui de Rogue aux arts de ce bas monde ).

- Oh non, marmonna-t-il en roulant les yeux d'un air navré. Tout, mais pas ça...

Et là, dans son halo de lumière dorée, apparut une troupe d'elfes aux silhouettes graciles et aux voix incroyablement tintinnabulantes. Pour une oreille exercée à la beauté des sons de la Nature, cela aurait ressemblé au murmure d'une rivière, mais pour Severus Rogue, ce n'était rien d'autre qu'un concert éreintant de pépiements psychotiques. Pour éviter l'inévitable, le sorcier se glissa derrière un tronc à l'écorce noire et se fondit avec elle après avoir ramené ses cheveux sur son visage lactescent.

Le cortège d'elfes passa devant lui sans l'apercevoir -du moins c'est ce qu'avait cru le trompe-l'œil humain -jusqu'à ce qu'un jeune elfe fringant à la chevelure blonde et merveilleusement lisse et souple ne s'arrête à sa hauteur, avec grâce malgré son urgence. Alors, avec une lenteur calculée, il leva les mains à son visage en même temps qu'une expression catastrophée s'y peignait. Le cri d'une pureté angélique vint après :

- Ooooh ! Aaaah ! s'exclama-t-il, interloqué. Mais quelle allure, par tous les elfes de lumières !

Rogue se braqua immédiatement.

- Stupide créature des bois, aboya-t-il, ses yeux dardant des éclairs. Mon allure n'est pas faite pour te plaire !

L'elfe le dévisagea d'un air ahuri.

- Un simple soin à la mousse des bois et tout serait tellement plus élégant, commenta l'elfe en expert.

- Qu'est-ce qui serait plus élégant ? persifla Rogue, en équilibre instable sur son karma.

- Tes cheveux, voyons ! s'exclama la créature, rayonnante. Et un masque facial serait d'un grand secours également... Au fait, je me nomme Legolas.

Le professeur Rogue déglutit péniblement et ignora la belle main manucurée qu'on lui tendait. Sa mâchoire inférieure se mit à trembler et bientôt il éclata en sanglots en se laissant glisser au sol. Avec souplesse, Legolas s'agenouilla à ses côtés.

- Ben qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux un bonbon ? lui proposa-t-il avec des tapes consolatrices sur l'épaule. Rosée printanière, recueillie avec amour sur les plus hautes cimes de Fondcombe, garantie sans pesticide ni déchets volatiles. Mes frères et sœurs elfes ont veillé à ce que les premiers rayons du soleil caressent cette eau bienfaisante. Prends, ce bonbon apporte joie et réconfort à quiconque le mange.

Rogue leva des yeux rougis vers la créature aimable aux oreilles pointues et prit le bonbon entre ses ongles crasseux. Il s'essuya le visage sur sa manche noire et renifla piteusement avant d'avaler la rosée elfique encapsulée dans son givre pacifique. Un changement s'opéra aussitôt en lui. Ses mornes pensées le quittèrent dans une explosion de bonne humeur, et en quelques secondes seulement il devint tout sourires.

- Viens, ami humain, et confie-moi tes peines, fit Legolas d'une voix enjôleuse.

Le professeur de Potions tourna vers lui un visage où se lisait de la gratitude teintée d'un nuage de béatitude.

- Cela soulage tellement de parler à quelqu'un ! soupira Severus, épaté par le pouvoir de la confidence. Tu sais, Leg, depuis mon plus jeune âge, les gens se moquent de moi, de mes cheveux en particulier... Tout le monde disait qu'ils suintaient le lugubre. Ils sont bruns, c'est tout, je ne vois pas en quoi c'est un mal... A mon arrivée à Poudlard, on m'appelait le Sinistros...

Le visage radieux, Legolas secouait la tête.

- Tt tt, cesse de te tracasser, l'arrêta-t-il avec entrain. Ils avaient raison !

L'âme de Rogue se referma avec la rapidité d'une plante carnivore happant une mouche. Legolas sembla remarquer la lueur menaçante qui sourdait de son regard, car il agita ses blanches mains devant lui.

- Non non non, ne t'offusque pas... s'écria l'elfe. C'était une critique constructive, pour t'aider à mieux cerner ton problème.

Le sorcier gardait les mâchoires crispées.

- Oh, et abaisse ça, tu veux ? lança Legolas d'un air pincé, envoyant l'arbalète pointée sur lui rouler sur le sol moussu. Si tu ne veux pas de mes conseils avisés, alors retourne-t-en !

Le professeur mûrit longuement l'option qui lui était proposée. Il choisit la soumission.

- Bien, approuva l'elfe, alors suis-moi.

Docilement, Rogue emboîta le pas à son conseiller esthétique en essayant de lutter contre sa morosité habituelle qui malmenait les effets positifs du bonbon magique. Mais ce n'était pas chose facile, pour un sorcier aussi endurci que notre Severus, de se laisser aller à l'insouciance après des années passées à renforcer son image de professeur irascible et aigri.

Legolas le conduisit au cœur de la Forêt Interdite, jusq'au bord d'une mare où se mirait la lune par une trouée dans le feuillage. Ensuite, l'elfe le fit asseoir sur une souche et se planta en face de lui en se caressant le menton d'une manière songeuse.

- Ce ne sera pas facile, murmura-t-il, mais on devrait pouvoir arranger ça. De toute façon, ça ne pourra pas être pire...

Rogue poussa un grognement d'avertissement, que l'elfe ignora magistralement.

- Bon, voyons voyons... D'abord, cette vilaine trogne à faire blêmir un vampire. Regardez-moi ce teint d'endive, effrayant ! dit-il en prenant un air désapprobateur. Ne t'expose donc tu jamais aux vertus du soleil ? Cet épiderme parle pour toi : trop peu de lumière ! A croire que tu passes tes journées dans des cachots !

Cette fois-ci, le sorcier ne prit pas la peine d'émettre le moindre son car déjà sa main avait jailli de sa robe pour attraper l'elfe par le col, mais Legolas avait été plus prompt. D'un geste habile, il avait intercepté la main furibarde pour la lui tordre dans le dos. Severus avala sa salive avec précaution, ses yeux perçants rivés sur l'elfe. Si au début Legolas ne lui avait paru qu'une banale créature féerique à la pointe des cosmétiques, son opinion s'en trouvait grandement modifiée. Il ne pouvait qu'observer un silence respectueux ponctué de gémissements étouffés face à cet être blond à la mièvrerie feinte. Dans le regard de l'elfe couvait une lueur dangereuse rendue d'autant plus exhaustive qu'un sourire éclairait son visage doux.

- Je vois que tu me comprends, fit-il d'une voix cinglante comme une giboulée de mars.

Il relâcha le bras du sorcier et adopta une tout autre expression : un visage souriant et amical.

- Bien, commençons. Tends ton visage vers moi et ne bouge pas.

Legolas sortit de la sacoche qu'il portait à la ceinture une petite fiole phosphorescente. Il fit sauter le bouchon du récipient et versa une large quantité de produit dans la paume de sa main. Ensuite, avec son autre main, il étala une mince couche du liquide frais et gluant sur la figure du sorcier qui attendait sans rechigner. Néanmoins, lorsqu'une sensation désagréable de brûlure vint supplanter la fraîcheur, Rogue ne put s'empêcher d'en faire la remarque à l'elfe.

- C'est l'effet décapant du peeling elfique, lui répondit-il posément. Vu l'état de ton épiderme, une desquamation en profondeur est grandement nécessaire. On dirait que tu n'as pas mué depuis des années.

Au coup d'œil de Rogue, l'elfe s'expliqua.

- Façon de parler. J'entends par là que notre peau a besoin de respirer, donc d'être régulièrement exfoliée avec des pommades adaptées. La tienne est tellement rêche et épaisse qu'on pourrait se poncer dessus ! Ne le prends surtout pas comme une offense, c'est un simple constat.

Regard empreint de tristesse de Severus.

- Mais ne te fais donc pas de soucis, je vais arranger cela ! rayonna son esthéticien.

Regard chargé de gratitude du sorcier négligé.

- Pendant que ta peau se régénère, je vais m'occuper de tes cheveux. Tt tt, huiler ses cheveux en ne les lavant pas pour masquer leur aspect " crin " n'a jamais été la solution, désapprouva Legolas.

Aussi incroyable que cela put paraître, l'elfe avait cerné le professeur de Potions jusque dans ses combines les plus fielleuses. Sa personnalité bougonne, ses secrets d'esthétique manqués, sa sensibilité dissimulée et murée derrière trois mètres de fausse méchanceté... Legolas avait tout mis à jour, il avait gratté l'épaisseur de mauvaise volonté et de pessimisme enfouie au plus profond de son âme. En bref, l'elfe bienfaiteur avait irrigué les canaux asséchés de son cœur, avait appliqué un baume cicatrisant sur les plaies de son ego et... hum hum, avant de verser dans le pathos, la direction préfère décliner tout épanchement intempestif et toute cascade de larmes émues, merci de votre compréhension...

Reprenons donc.

- Ouh, regarde-moi un peu ça ! s'écria Legolas d'une voix horrifiée. Il y a même des poux cristallisés dans ton sébum capillaire ! Mais c'est parfaitement répugnant !

Là, même le sorcier en eut un haut-le-cœur. Il ne se doutait pas héberger des hôtes indésirables dans sa chevelure de jais. Par contre, une part de lui-même notait avec fierté que ses défenses naturelles avaient contré la prolifération de ces parasites.

- Je ne sais pas si je l'ai sur moi, murmura l'elfe en farfouillant de nouveau dans sa sacoche.

Bien qu'il ignorât ce que son visagiste improvisé cherchait, Severus Rogue espérait qu'il le trouverait, et vite.

- Ah, voilà la potion ! s'exclama l'elfe, brandissant un flacon de cristal muni d'une poire.

Il se planta derrière le sorcier et commença à vaporiser le contenu du flacon sur ses cheveux. Au contact de l'huile et des croûtes de pellicules aux poux momifiés, le liquide se mit à chuinter étrangement et à fumer. Bientôt, une brume dorée s'éleva de son crâne et toussota énergiquement. Après une dizaine de minutes d'alchimie chevelue, la magie opéra enfin.

- On peut dire que c'est un record ! s'extasia Legolas. Je pensais que les pires cheveux que j'aie eu à traiter aient été ceux d'un guerrier Uruk-haï, mais l'expérience me démontre que non. Si j'avais su, j'aurais gardé une mèche de tes cheveux pour la montrer à mes disciples visagistes afin d'élaborer des potions plus puissantes.

- Legolas, fit le professeur Rogue d'une voix crispée. Le masque...

- Ah oui, par tous les elfes des havres ! J'avais oublié !

D'un geste rapide et précis, l'elfe essuya la figure du sorcier à l'aide de la mousse qu'il venait d'arracher d'un tronc d'arbre. Comme le peeling elfique disparaissait de sa peau, Severus Rogue se décontracta. Avant qu'il ait eut le temps de le réaliser, l'elfe lui avait tartiné la figure d'une crème délicieusement rafraîchissante et l'avait décorée de rondelles de concombre. Toujours aussi affairé, la créature aux oreilles pointues s'était armée d'un shampooing aux œufs de coucou et au jus de citron enrichi d'un onguent nutritif. Avec précaution, elle aspergea la chevelure en mal de soin et se mit à la masser avec douceur mais en profondeur.

Un sourire se formait sur les lèvres du sorcier. Il avait oublié le bien-être que procurait un bichonnage en règle. Cela devait remonter à trente ans depuis sa dernière prise en main par un professionnel du soin. Legolas laissa reposer le shampooing quelques minutes puis dégaina son arme ultime, un vaporisateur de rosée. Il rinça ainsi précautionneusement le visage et les cheveux de son ami Rogue puis souffla dans un minuscule sifflet qu'il portait autour du cou. Un son ténu s'échappa de l'instrument, et bientôt une magnifique chouette répondit à l'appel. L'elfe réceptionna l'oiseau de nuit sur son poing tendu et lui roucoula des paroles incompréhensibles pour Rogue. La chouette battit rapidement des ailes et l'elfe l'orienta vers les cheveux mouillés du sorcier. En un rien de temps, ils furent secs et impeccables.

- Maintenant, la dernière touche. Donne-moi tes mains.

Docilement, le sorcier s'exécuta et regarda Legolas lui couper les ongles, les lui limer, enlever les couches de saletés qui s'y terraient, repousser les cuticules et enfin oindre ses mains d'une pommade adoucissante. La dernière tâche était terminée.

- Et voilà le travail ! s'enthousiasma Legolas en tendant un face-à-main à un Severus impatient.

Le professeur de Potions se saisit du miroir et contempla son reflet avec appréhension. Sa mâchoire en tomba d'ébahissement.

- C'est un miroir envoûté ? demanda-t-il avec méfiance.

L'elfe éclata d'un rire cristallin.

- Aucun enchantement ne trompe ce reflet, mon ami ! fit-il fièrement. Voici le nouveau Severus Rogue, plus frais et élégant que jamais !

Le sorcier ne cessait de cligner des paupières avec frénésie, cherchant le défaut qui eut pu habiter ce visage au charme ravageur qui se reflétait sur le miroir. Mais, malgré tout ses efforts, Rogue ne put en déceler aucun. Il était littéralement métamorphosé. Du vil corbeau au plumage ravagé il s'était mué en ravissant cygne à l'éclat séduisant. Pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, il passa ses mains sur ses joues au teint radieux, sur ses lèvres aux courbures parfaites et sur son nez à la ligne raffinée. Si la perfection existait, les musées exposeraient un buste de Severus Rogue, professeur ès Potions à Poudlard.

Souriant fièrement, le sorcier donna une accolade chaleureuse à celui qui avait su lui rendre sa dignité. Legolas, heureux de ce qu'il avait accompli, reparti d'une foulée svelte dans les profondeurs de la Forêt Interdite. Les cheveux ondulant avec souplesse dans la brise de l'aube naissante, le nouveau Severus se dirigea à pas légers vers l'imposant château de Poudlard, prêt à affronter ses collègues et élèves.

A suivre...