Coucou tout le monde ! :D Me voici avec une toute nouvelle histoire portant le titre de "Bella e Scura Illusione" (titre peut-être provisoire) qui veut dire, en italien, "Belle et Sombre Illusion". Cette fic portera sur un sujet auquel je n'ai pas encore touché : la saga de jeux vidéos "Assassin's Creed".
Néanmoins, je m'attaque à deux personnages que je connais sur le bout des doigts historiquement parlant où dans d'autres oeuvres de fictions : Cesare et Lucrezia Borgia, qu'on peut voir dans "Assassin's Creed : Brotherhood".
Au départ, je tenais à faire un immense OS mais l'histoire me paraissait vraiment trop longue et voilà donc que je la poste en fic longue ! Les prochains chapitres sont déjà bien commencés et normalement, la fic ne devrait pas être trop longue, les chapitres seront souvent long mais je ne pense pas dépasser les dix chapitres. J'essaierais de publier au moins un chapitre par mois, deux si j'y arrive, mais j'ai d'autres projets d'écriture (sur les séries The Borgias et Borgia) en cours que je tiens à finir aussi donc pour cette histoire je m'en tiens à un chapitre par moi je pense, sauf à des exceptions.
Vous l'aurez donc compris, je vais ici raconter toute l'histoire de Cesare et Lucrezia Borgia, eux, les méchants si charismatiques du troisième jeu de la saga. J'ai la ferme intention de rester fidèle à leur personnalité et aux jeux vidéos, tout en mettant le plus de faits historique réels possible car comme je l'ai dit plus haut, je connais très bien l'histoire des Borgia, c'est une famille qui me fascine et j'ai lu presque tous les romans qui sont sortis sur eux en France, autant biographique que romancée dont la plupart des choses qui se passent dans ce OS se sont réellement passée. Cependant, j'ai quand même fait quelques infidélités, souvent pour correspondre à l'univers d'Assassin's Creed mais aussi pour que le récit ne traîne pas trop en longueur où pour l'aider à avancer. Lucrezia n'est pas restée mariée si longtemps à Giovanni Sforza. Juan Borgia n'est pas mort si tôt. Il y a plusieurs infidélités en ce qui concerne les dates donc, bien que j'ai respectée les naissances et les morts des personnages.
Voici donc le premier chapitre, j'espère de tout coeur que vous allez appréciée de plonger dans l'histoire sombre des Borgia que vous avez pu voir, dites moi tout vos avis, négatifs où positifs, cela m'aidera à avancer :D
L'histoire sera normalement intégralement aux yeux de Lucrezia sauf avec peut-être des petits passages au point de vu de Cesare au cours de l'histoire, notamment pour sa mort où son arrestation que Lucrezia n'a pas pu voir. Je croise les doigts pour que ce premier chapitre vous plaise et sur ce, je vous souhaite une très bonne lecture :D
Bisous à tous, Roza-Maria.
Cela faisait des heures qu'elle était allongée sur le lit, dans sa chambre. Plusieurs personnes étaient venues la voir au cours de la journée. Elle avait parfaitement entendu ce qu'elles lui disaient mais elle avait été incapable de répondre. Elle pouvait juste rester allongé, et pleurer. La douleur de son cou se calmait par moment, et par d'autres se faisait horriblement ressentir. A chaque fois qu'elle avait mal, elle le voyait. Elle se rappelait… Il méprisait tant les larmes. Qu'aurait-il dit en la voyant ainsi ? Elle aimerait que son opinion lui soit égale. S'en ficher totalement. Mais cela aurait été se mentir à elle-même. Et elle s'était bien trop mentie ces dernières années.
Lucrezia avait bien entendu, oui. La nouvelle de la mort de son père s'était répandue dans tout Rome, le pape Alexandre VI est décédé. Enfin, soufflait le peuple. Enfin libéré du joug des Borgia. Car il savait, tout comme elle, que Cesare Borgia n'aurait aucun poids niveau politique sans le soutien de son père le pape. C'est une douce justice. Un consistoire avait été mis en place. A l'heure qu'il est, le sort était en train de jouer pour décider qui serait le prochain pape de Rome qui succèderait à Rodrigo Borgia.
Lucrezia revit la mort de son père et les tremblements qui l'avaient quittés revinrent avec force. Elle revit chaque minute de la scène et de celle qui suivit. Cela la hanterait jusqu'à la fin de ces jours. Non pas la mort de son père, même si elle l'avait aimée, il s'était lui-même conduis à cette fin, mais de ce que Cesare lui avait fait… Elle ne pourrait jamais oublier.
L'Assassin avait tout vu. Il était entrée dans la pièce après le départ de Cesare, comme si de rien n'était. Il s'était accroupi et avait prononcé doucement "Repose en paix" en latin à son père. Lucrezia était presque certaine que personne n'avait jamais parlé à Rodrigo Borgia avec autant de... douceur étrangement. Soit on le respectait, soit on le craignait. Mais tous le haïssaient. Sans exception.
Ezio Auditore s'était relevé et l'avait regardée avec compassion. Voir... Avec pitié. Elle avait eu envie d'hurler. On ne la prenait pas en pitié, elle. Elle était Lucrezia Borgia, la fille du pape, la soeur du grand Cesare Borgia, elle était la femme de cette famille qui dominait toute l'Italie, elle était le joyau du Vatican, le trésor des hommes de sa famille... Non, non, c'était faux, tout était faux. Elle n'était plus rien.
Lucrezia n'avait pas d'amis et cela lui allait très bien. Ses amants étaient toujours de bonne conversation. Et il n'y avait qu'un seul homme qu'elle désirait vraiment pour ami. Ami, amant, amour, frère... Il avait été tout pour elle. Son centre, son univers. Et cela depuis leur enfance. Lucrezia se rappelait parfaitement comment elle était, petite fille. Friponne aux cheveux blonds, elle promettait déjà de devenir une femme d'une beauté exceptionnelle. Alors qu'elle gambadait dans le jardin du palais du quartier du Vatican, elle sentait sur elle le regard pesant de Rodrigo Borgia, qui l'observait par dessus le balcon, voyant déjà en sa fille un précieux atout politique, une pièce maîtresse sur son grand échiquier de pouvoir.
Elle détestait ce regard, enfant. Elle avait l'impression d'être détaillée à la loupe. Bien souvent, elle pleurait, le soir, dans ce grand palais froid. Elle détestait cet endroit. Avant, elle vivait avec sa mère, Vannozza Catanei, dans une maison bien plus modeste à la bordure du quartier du Vatican, cadeau que Rodrigo Borgia avait fait à son ancienne maîtresse quand il s'était lassé d'elle, ainsi que plusieurs vignobles et auberges qui lui rapportait une belle petite fortune et lui permettait de vivre une vie oisive et de s'occuper de ses enfants. Juan, Cesare, Lucrezia et Joffré... Il lui avait également offert un mari, qui lui permettait de garder sa réputation.
Que Lucrezia aimait la maison de sa mère, toujours remplie de joie et d'amusement. Toujours chaleureuse et remplie de monde qui aimait la vie heureuse. Sa mère était toujours là si elle désirait un mot doux où un câlin. Elle se sentait si bien, là bas. Toutes ces petites servantes amusantes avec lequel elle pouvait jouer. Lucrezia y était heureuse. Mais quand elle a eu 9 ans, Rodrigo Borgia à décidé qu'il désirait tout ses enfants auprès de lui. Donc, Juan, Cesare et Lucrezia était venus s'installer dans le palais des Borgia dans le côté riche du Vatican. Joffré était restée auprès de leur mère car déjà il était bien trop petit pour lui être arrachée et aussi parce que Rodrigo avait de sérieux doutes sur sa paternité concernant cet enfant.
Lucrezia s'était ainsi retrouvée dans ce grand palais, splendide au premier regard. Au début, elle en avait été en joie. Sa chambre était dix fois plus grande et plus belle que chez sa mère, ses toilettes étaient magnifiques, ses bijoux resplendissant, et tant d'endroits où jouer à cache-cache ! Mais très vite, elle avait compris que les choses n'allaient pas n'être que plaisir et amusement. Depuis toute petite, elle savait que le mari de sa mère n'était pas son père. Elle savait que son vrai père était le cardinal Rodrigo Borgia, vice chancelier du pape. Bien des fois, il était venu les voir, les observant. Elle s'était toujours sentie timide envers lui, pourtant il n'était pas méchant. Au contraire, il était toujours souriant et lui apportait toujours de beaux cadeaux. Mais il avait quelque chose de froid dans le regard qui la glaçait.
Rodrigo exigeait de sa fille qu'elle se tienne correctement, qu'elle apprenne à être une vraie dame et non pas une petite sauvage qui grimpait partout et jouait comme un garçon. On lui avait alors interdit ses chahutements et elle avait eu le droit tout à les jours à des cours de tissages et de coutures, de danse et de poésie, de littérature, d'art et d'histoire, mais aussi et surtout d'espagnol, car Rodrigo estimait que ses enfants devait parler leur langue d'origine. En oubliant qu'ils étaient en partis italiens de par leur mère. Lucrezia détestait les cours de tissages, de coutures, d'histoire et de poésie, et si elle appréciait les cours de danse, d'art et d'espagnol, ses jeux lui manquait tout les jours horriblement. La douceur et la tendresse de sa mère lui manquaient, les blagues et les jeux de son beau-père lui manquaient, elle voulait rentrer chez elle.
Les nuits, elle sanglotait dans son grand lit, serrant son oreiller contre elle, en quête de réconfort. Elle pouvait passer des nuits entières à pleurer, détestant chaque centimètre de cette grande chambre qu'elle avait tant aimée les premiers jours. Puis une nuit, elle avait entendu la porte s'ouvrir doucement et elle s'était figée, pétrifiée dans le noir. Qui Diable pouvait venir le soir dans sa chambre ? Ses dames de compagnie dormait dans des pièces séparés et restait toujours silencieuses, obéissantes et terriblement ennuyeuses.
Elle n'avait pas bougée, gardant les yeux dans le coussin, effrayée, quand elle avait senti quelqu'un s'asseoir sur le bord de son lit, et lui enlever l'oreiller avec autant de douceur que de fermeté. Lucrezia avait alors levé les yeux et avait découvert avec surprise le visage de son frère. Cesare...
Elle n'était pas proche de ses frères. Juan la considérait comme un simple objet de décoration étant donnée qu'elle était une fille et ne daignait même pas lui accorder une once d'attention, si ce n'est pour lui dire des méchancetés. Joffré n'était qu'un bébé et Cesare... elle ne lui parlait pas vraiment quand ils vivait chez leur mère. Elle était bien trop occuper à rire et à s'amuser, à jouer et à courir, tandis que Cesare était toujours si froid, si solitaire. Il y avait juste des moments où, étrangement, il lui souriait, comme ça, un beau sourire amusé venant de nulle part quand il l'a voyait tomber quand elle courait dans les couloirs. Alors elle lui rendait son sourire et se relevait en riant avant de repartir au galop. Aux festivités, alors qu'ils était tous réunis, en famille autour d'un bon dîner, il arrivait que la fête se prolonge et qu'ils se réunissent dans le salon, et alors il arrivait, quelques fois, que Cesare s'approche d'elle, alors qu'elle était en train de se rouler sur le canapé ou d'ouvrir des cadeaux, qu'il la prenne sur ses genoux, la soulevant de ses bras forts sans qu'elle comprenne ce qui lui arrive. Mais elle adorait ces moments et elle riait toujours aux éclats quand elle sentait l'étau de son frère se resserrer sur elle. Il ne lui parlait jamais, se contentant de la tenir contre lui, fermement, comme si il était soudain décidé à ne jamais la laisser partir.
Jamais cependant Cesare n'était venu la voir où lui parler. Et elle était bien trop intimidée par son frère pour oser aller vers lui. Pourtant, il était là ce soir, la dévisageant de ses yeux si bleu, exactement les mêmes qu'elle. Son regard était rempli de sarcasme, de dureté mais aussi d'une certaine... tendresse.
- Combien de temps va-tu pleurer comme ça, dis-moi ? Demanda-t-il et elle eut l'impression d'entendre sa voix pour la première fois, sans doute parce que c'était la première fois qu'il lui parlait directement. Il venait d'avoir 15 ans et il commençait déjà à avoir son apparence d'homme, sa voix était rocailleuse et grave. Le genre de voix à qui on obéissait.
Elle ne lui répondit pas, le regardant à travers ses larmes. Elle n'osait pas parler. Cesare s'en rendit compte et un petit rire sec lui échappa. Il leva sa main et l'approcha de son visage, effleura doucement sa joue de son pouce. Lucrezia s'étonna de la douceur de sa caresse, malgré la certaine dureté qui restait dans son regard. Encore plus douce que celle de sa mère… C'était agréable.
- T'accrocher à la vie que tu as perdu ne sert à rien, petite princesse, chuchota Cesare en la regardant fixement. Tu ne la récupéras pas. Tu auras beau pleuré, tu auras beau supplié, notre père ne te laissera jamais partir revivre chez notre mère.
Lucrezia sentit les larmes remontées à ces mots – qu'elle savait que trop vrai – et elle ne put s'empêcher de les laisser couler. Elle voulait tant retournée chez sa maman ! La main de Cesare se durcit et ses doigts se déplacèrent afin de saisir le menton de Lucrezia, le tenant fermement et il releva son visage afin qu'elle le regarde.
- Cesse de pleurer, ordonna-t-il. Il n'y à que les faibles qui pleure et qui se lamentent sur eux-mêmes. Tu es une Borgia, tu n'es pas faible. Oublie le passé et concentre toi sur l'avenir. Nous allons briller, petite princesse. Attends quelques temps et tu seras la femme la plus enviée, la plus jalousée de toute l'Italie. Cela ne te fait pas envie ?
Cesare eut un demi-sourire à ces mots mais elle était fascinée par la lueur qui brillait dans ses yeux. Elle n'avait jamais vu cela dans le regard de son frère. Une passion dévorante, dangereuse. Une flamme qui dansait dans ses pupilles, menaçante, intimidante. Il l'attendait avec impatience, cette vie. Avec férocité, même. Lucrezia réfléchit aux paroles de son frère. Etre la femme la plus adulée, la plus jalousée…
- Je serais une vraie princesse ? Murmura-t-elle timidement, tachant de calmer ses sanglots.
C'était la première chose qu'elle disait à son frère. Il eut un léger mouvement lorsqu'il l'entendit, comme si il était surpris qu'elle ait parlée. Mais il finit par lui sourire avec complicité et toujours cet étrange petit rictus sarcastique qui semblait ne jamais le quitter :
- Tu es déjà une vraie princesse. Plus tard, tu seras reine, Lucrezia.
La petite fille ne put s'empêcher de sourire à ces mots. Une reine… Oui, cela lui plaisait. Lucrezia regarda Cesare. Son grand frère. Elle avait l'impression de ne jamais l'avoir vraiment regarder. Il ne ressemblait pas à leur père, pas du tout. Là où tout était grossier dans le visage de Rodrigo, tout n'était qu'élégance chez Cesare. Ses traits était fin, aristocratiques, qui ressemblait tellement à ceux de leur mère. Il n'avait de Rodrigo Borgia que ses cheveux noirs et ce regard d'acier, froid, terrifiant. Lucrezia l'avait toujours trouvée intimidant et imposant, mais ce soir elle le voyait différemment. Il était… beau. Beau comme un roi. Elle sourit largement à son frère à cette pensée et dit tout bas :
- Une reine à besoin d'un roi.
Une lueur s'éclaira dans les yeux de Cesare, et un demi sourire naquit sur ses lèvres. Il se pencha doucement vers elle et posa baisa avec douceur son front, tandis que sa main était revenu à sa joue, la caressant doucement. Lucrezia découvrit avec surprise que les lèvres de Cesare étaient douces, voir tendre et elle ferma les yeux à ce contact. Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée au palais des Borgia, elle se sentait bien. En sécurité, protégée. Elle avait envie de s'approcher de son frère et de se perdre dans ses grands bras forts, mais elle savait qu'il ne fallait pas pousser la tendresse aussi loin. Mais elle était heureuse. Elle n'était plus seule, désormais.
C'est ainsi que tout cela a commencé. Leur lien venait de là, de cette simple nuit, alors qu'il était un jeune homme qui prenait déjà conscience du pouvoir qui allait s'offrir à eux et qu'elle n'était qu'une fillette terrorisée par le monde dans lequel on l'avait jetée. Après ce baiser, il avait quitté la chambre, la laissant réfléchir à ses paroles, à ses gestes. Elle se sentait à nouveau bien et était décidée à l'écouter et à essayer d'appréciée la vie qu'elle avait maintenant. De se concentrer sur l'avenir.
Lucrezia avait cessée de pleurer où de fuir son père. Au contraire, elle participait à toutes ses leçons avec le sourire, et un jour Rodrigo la fit venir dans son bureau où il ouvrit un tiroir cloîtré dans le mur. Elle n'était jamais très à l'aise avec son père, qu'elle connaissait mal et à qui elle ne pouvait s'en empêcher d'en vouloir encore de l'avoir arrachée à sa mère mais ce jour-là, il lui parla d'une des choses qu'il aimait tant : le poison et ses multiples facettes. Il lui parla de la belladona,de la cicuta,de l'arsenicoet de sa préférée, la cantarella.Il s'était assis sur son bureau en lui montrant les fioles de poison et sans même s'en rendre compte, Lucrezia s'était retrouvée sur les genoux de son père, fascinée par ces petits liquides qui pouvait mette si facilement fin à une vie. Rodrigo vit l'intérêt de sa fille pour le poison et il prit la décision de lui enseigner tout ce qu'il savait à ce sujet à Lucrezia. Le poison était presque un art pour lui et cet art n'intéressait pas Juan, et Cesare préférait les armes blanches, bien qu'il avait ses bases en poison.
Cela rapprocha le père et la fille. Lucrezia se souvenait parfaitement de ses longues heures dans le grand bureau du vice-chancelier, toujours assise sur les genoux de son père, tandis qu'il lui expliquait chaque effet de chaque poison, comment les utiliser. C'était des cours, mais aussi une distraction. Pour la première fois, Lucrezia vit dans son père autre chose que cet homme froid et distant qu'elle avait connu toute sa vie. Il était détendu, il riait facilement. Alors elle se mit à rire avec lui, au bout de quelques temps. Une complicité était née alors entre eux. Une complicité crée alors qu'il lui apprenait à tuer. Qu'il faisait d'elle une experte des empoisonnements.
Elle n'avait pas conscience de cela, à l'époque. Même si elle avait bien compris que c'était pour tuer, elle ne pensait pas que son père attendait à ce que un jour elle s'en serve réellement. Enfant, elle pensait que c'était une passion que son père cherchait à lui transmettre, comme ça ils pourraient partager quelque chose. Mais il était juste en train de faire d'elle une arme redoutable, comme il façonnait Juan et Cesare de la même manière. Rodrigo les aimait, cela elle en avait acquis la certitude au fil des années. Du moins, il l'aimait, elle. Mais pas au point de ne pas se servir d'elle si elle pouvait lui être utile.
A partir de là, les choses s'étaient mieux passées et Lucrezia s'était senti heureuse. Cesare lui parlait bien plus qu'autrefois et sans même vraiment s'en rendre compte, sa présence, sa voix, où simplement son regard, lui devinrent peu à peu indispensable. Il était souvent dur, froid, cassant, à bien des moments il l'a rejeta brutalement, bien des fois elle vit des colères effroyables éclatés en lui, qui la terrifiait, bien qu'elles n'aient jamais été dirigées contre elle. Mais elle s'en fichait. Malgré la certaine peur qu'il faisait naître en elle, elle avait besoin de sa présence.
Les années ont passés sans qu'elle en prenne conscience. Cela avait été ses derniers moments d'insouciance. Les dernières années où elle put être innocente, joueuse, son seul souci étant ses leçons, qu'elle trouvait parfois le moyen d'esquiver. Elle avait compris que son père ne la punissait jamais. Il pouvait la menacer des pires horreurs mais il ne passait jamais à l'acte, avec elle. La peur qu'elle avait de son père avait totalement disparu, pour laisser place à une malice sans limite. Etrangement, elle osait moins défier Cesare mais elle ne le désirait pas même pas. Elle voulait juste lui plaire, en toutes circonstances, qu'il ne soit jamais déçu d'elle. Cela lui brisa le cœur de voir la rage qu'il ruminait en lui lorsque leur père le contraint à commencer des études ecclésiastiques. Deux ans après leur emménagement au Vatican, il devint évêque de Valence.
Cesare avait alors dix sept ans, et Lucrezia douze. Un soir, elle était assise sur le bureau de la chambre de Cesare, ses jambes se balançant dans le vide, elle regarda avec anxiété son frère tourner en rond comme un lion en cage, sa robe mauve claquant à chacun de ses pas, qui détonnait étrangement sur lui, tandis qu'il laissait éclater sa colère :
- Par le Diable ! Ce vieillard va finir par me rendre fou ! Que croit-il donc ? Que je vais rester sagement dans cette putain de robe, tout prêt à devenir cardinal dès qu'il sera montré sur le trône de Saint-Pierre ? Pendant que lui et Juan œuvre pour cette maudite cause, pendant qu'ils sont dans l'action, moi je moisie ici, dans ce maudit palais ! Hurla Cesare.
Lucrezia vit son frère saisir un vase posé sur un meuble et le jeter sur le sol avec force, où il se fracassa en une dizaine de morceaux, la faisant se reculer d'instinct. Jamais elle n'avait vu son frère dans un tel état, dans une telle colère. Ses yeux flamboyaient d'une telle rage qu'il aurait pu brûler Rodrigo Borgia d'un regard si leur père avait été présent dans la pièce. Lucrezia prit note de ce qu'il venait de laisser échapper. Elle aimait assister aux colères de Cesare – même si il l'a terrifiait dans ces moments-là – car il en disait toujours trop sur des informations qu'elle n'aurait pas du savoir. Sur l'étrange mystère qui planait au-dessus des actes de Rodrigo Borgia.
Ce que son père faisait allait bien au-delà de l'Eglise où du pape, elle en avait parfaitement conscience. Mais de quoi s'agissait-il ? Cesare venait de parler d'une cause. Une cause auquel leur père ne semblait pas vouloir mêler Cesare. En fait, Rodrigo semblait vouloir tenir à l'écart son fils aîné de tout. Pourtant, en tant que premier né, il aurait du avoir tout les honneurs, il aurait du être promis à une carrière militaire. Pourtant, Rodrigo avait choisi son fils cadet Juan pour l'armée et Cesare pour l'église. Lucrezia ne savait pas grand chose de l'art de la guerre mais elle connaissait bien celui de la religion et elle savait une chose au moins : Cesare n'était pas fait pour cela. Pas du tout. Et cela lui brisait le coeur de voir que leur père ne le voyait pas et condamnait son frère adoré à une vie qu'il haïssait.
Cesare soupira lourdement et s'approcha du bureau où Lucrezia était assise, serrant la chaise si fort entre ses jointures qu'elle craint un instant qu'elle se brise sous sa poigne. Il baissa les yeux, regardant le vide et ne dit rien pendant quelques instants, les dents serrés. Il essayait de se calmer, de tempérer sa colère qui était en train de le retourner et l'empêchait de penser correctement.
La main de Lucrezia bougea sans qu'elle le veuille réellement et elle vint se poser sur la joue de son frère. Lucrezia écarquilla les yeux, prenant conscience de ce qu'elle venait de faire. Touché Cesare quand il était dans un tel état de colère n'était jamais une bonne idée. C'était même dangereux. Elle se rappel être venu voir son frère un matin, pour lui apprendre que leur père avait envoyé Juan en Espagne pour une mission très importante et secrète. Il était entré dans une colère noire, et la putain qu'il avait mise dans son lit cette nuit là avait voulu poser sa main sur son dos pour l'apaiser. Il s'était retourné d'un coup et avait mis ses mains sur le cou de la prostituée, lui hurlant qu'elle était indigne de le toucher, et il avait serré, serré, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus respirer. Lucrezia ne pourrait jamais oublier cette image.
Cesare se raidit au contact de la main de sa soeur et Lucrezia sentit la peur l'envahir. Elle voulait reculer mais craignait de bouger ne serait-ce que d'un seul centimètre. Il était totalement immobile et silencieux, tendu, comme prêt à l'attaque. Si elle bougeait, il pourrait exploser. Mais la peur était en train de prendre le dessus sur son esprit et elle s'apprêta à retirer sa main et à fuir la pièce à toute jambes quand Cesare leva son regard vers elle et ce qu'elle y vit l'arrêta immédiatement.
De... l'apaisement. Du calme. Le feu dans ses yeux était éteint, son regard était revenu à cette habituelle lueur glaciale, revenu à sa froide détermination. Avec de quelque chose de plus, qu'elle ne voyait que trop rarement chez Cesare mais qu'elle guettait toujours... De l'affection. Oserait-elle même dire de l'amour ? Non, peut-être pas. Mais un jour peut-être, il l'aimerait comme elle l'aimait. Pour le moment, voir ce regard tendre lui gonflait déjà le coeur de bonheur. Il ne regardait personne ainsi. Elle avait même des fois l'impression que Cesare était incapable de ressentir d'autres émotions que la haine, la colère où la moquerie.
Cesare souffla doucement et sa main alla se poser sur celle de sa soeur, toujours posé sur sa joue. En regardant toujours sa soeur, il murmura d'une voix déterminée et froide :
- Mon heure viendra, petite soeur. Et lorsque je serais au pouvoir, je choisirais avec soin qui sera là pour y assister... et qui j'éliminerais.
Cesare avait donc accepté à contrecœur sa charge d'évêque de Valence et gardait le silence mais Lucrezia voyait dans le regard de son frère, tous les jours, qu'il préparait doucement son oeuvre. Nous étions en 1492. Lucrezia était sereine aujourd'hui et avait appris à aimer le grand palais des Borgia. Elle voyait toujours sa mère, mais moins qu'avant. Elle avait bien trop à faire entre toutes ses leçons, et sa nouvelle activité préférée : espionner son père et ses frères et tout les politiciens qui allait et venait dans leur demeure depuis quelques temps. Elle était devenue experte dans l'art de se dissimuler, trouvant toujours un placard où un rideaux pour se dissimuler. Ainsi, elle appris bien des choses.
Au début, elle n'y comprenait rien. On parlait de Templiers, d'Assassins, de cause, de vérité, de libération. Elle avait déjà entendu parler des Templiers, cet Ordre militaire religieux du Moyen-Âge. Mais il a été dissous depuis plusieurs siècles et pourtant son père et ses frères en parlaient comme si c'était encore d'actualités. Et un nom revenait sans cesse ces derniers temps dans les conversations. Un certain Ezio Auditore da Firenze semblait causer du souci à son père, sans qu'elle parvienne à vraiment comprendre pourquoi.
Un jour, alors qu'elle était dissimulé derrière un rideaux d'une grande salle et que les hommes politiques s'apprêtait à quitter la pièce, elle vit Cesare, qui parlait distraitement avec un cardinal, tout à coup lever les yeux vers elle et elle recula d'instinct derrière le rideaux. Il ne pouvait pas la voir, c'est impossible. A moins qu'il soit capable de voir à travers les tissus de cinq centimètres d'épaisseur... Mais il l'avait peut-être aperçu lorsqu'elle avait entrouvert les rideaux pour les observer. Lucrezia attendit, le coeur battant, que son frère vienne ouvrir le rideau et la tirer par les cheveux. Mais il continuait de parler avec le cardinal, et elle finit par les entendre quitter la pièce. Elle soupira lourdement, soulagée. Elle l'avait échappée belle.
Plus tard dans la soirée, alors que le soleil se couchait, après avoir terminer ses leçons, elle était épuisée et alla directement dans sa chambre. Quand elle ouvrit la porte, elle trouva les portes de son balcon ouvertes et elle vit une silhouette qu'elle reconnut immédiatement. Son ventre se noua. Peut-être l'avait-il vraiment vu… Mais il ne lui avait jamais fait de mal. Même lorsqu'elle lui avait effleuré la joue alors qu'il était furieux. Une autre l'aurait durement payée. Mais pas elle. Il ne lui faisait pas de mal, à elle. Lucrezia ne put s'empêcher de sourire à cette pensée et, rassurée, elle s'avança vers le balcon pour rejoindre Cesare.
Il était penché sur la balustrade, regardant devant lui. La chambre de Lucrezia donnait vue sur tout Rome. Elle arrivait même à voir le Colisée au loin et ses ruines romaines qui semblait toujours s'enflammer au coucher de soleils. C'était magnifique à voir, chaque fois elle en avait le souffle coupé. Elle se plaça à côté de son frère et regarda leur ville à son tour. La Ville éternelle.
- Rome…, murmura soudainement Cesare, d'une voix envoûté. Regarde cette ville, Lucrezia. Toujours plus belle… Toujours plus sale. Les hommes au pouvoir ne savent pas la contrôler. Ils ne la connaissent pas vraiment. Ils restent au Vatican, entre leurs beaux quartiers et ne voient pas la vraie Rome. Celle qui saigne toutes les nuits.
Lucrezia regarda son frère et vit quelque chose qu'elle n'avait jamais vu chez lui. De la passion. De la passion dévorante. Il regardait la cité avec un sentiment qui pouvait presque se rapprocher de l'amour. Elle ne dit rien, n'étant que trop consciente que ces moments étaient plus que rares. Cesare n'ouvrait pas ses sentiments. Il restait enfermée dans sa coquille froide et arrogante, ce qui lui valait le mépris de beaucoup. Pourtant, ce soir, toute sa passion pour Rome se lisait sur son visage.
- Je la connais, moi. J'ai parcouru chacune de ses ruelles, chacune de ses campagnes, j'ai vu toutes les ruines, chaque morceau de pierre… Ils ne sont pas dignes de la diriger, ils ne savent pas la diriger. Je pourrais lui redonner sa gloire d'antan, faire de Rome le centre du monde, une seconde fois. En unifiant l'Italie. En alliant chaque petit état, en soumettant toutes les grandes cités, Florence, Milan, Naples, Venise… Une seule Italie, dont Rome serait la capitale.
Un rire lui échappa tout à coup et il se releva, regardant sa soeur. Il avait retrouvé son air sarcastique et son regard glacé, de nouveau enfermé à l'intérieur de lui-même. Mais elle avait pu apercevoir l'intérieur, ce qu'il cachait derrière son masque. Une passion dévorante. Une soif de pouvoir sans fin, un rêve. Il rêvait d'une Italie unifiée… dont il serait le maître. A partir de Rome.
- Mais, comme tu a pu l'entendre tout à l'heure à la réunion, l'unification de l'Italie est bien le cadet des soucis de notre père, ricana Cesare.
Lucrezia sursauta. Il l'avait vu, alors. Bien sur qu'il l'avait, qu'est-ce qu'elle pouvait être sotte !
- Cesare, je…
- Cela fait des mois que je sais que tu nous observes, petite fourbe, dit Cesare, un sourire dans la voix. Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas l'intention de te punir pour ça où d'en parler à notre père. Tu es maligne et curieuse. Et tu n'as pas peur de prendre des risques pour satisfaire ta curiosité. C'est digne d'une Borgia.
Il l'a regardait avec fierté et amusement. Deux sentiments qu'elle n'avait jamais vus dans le regard de son frère. Elle s'en sentit plus surexcitée qu'elle ne l'avait jamais et un immense sourire apparut sur son visage. Lui qui méprisait le monde entier, était fière d'elle. Elle qui s'était attendu à être réprimandée, voir corrigée…
Cesare eut un rictus amusé en voyant le sourire de sa soeur. Il se rapprocha alors d'elle et elle retint son souffle lorsqu'il n'était plus qu'à quelques centimètres de son corps. Lucrezia dut lever les yeux vers lui pour pouvoir observer son visage. Dieu… qu'il était beau. Elle ne cessait d'être envoûtée par ses yeux si bleus. Pourtant, elle voyait tous les jours ces mêmes yeux en se regardant dans une glace.
Mais Cesare avait quelques une fois une manière étrange de la regarder. Un regard qui était apparu récemment et auquel elle ne pouvait s'empêcher de rougir à chaque fois qu'elle le sentait sur elle. Et il avait ce regard à cet instant. Sauf qu'il était bien plus près d'elle qu'il ne l'était d'habitude. Elle pouvait presque sentir son souffle sur son visage. Il l'observa ainsi, quelques instants, sans rien dire, et elle se sentait incapable de détourner son regard. Elle était captive de ses yeux.
Il finit par soupirer et leva la main pour lui prendre le menton, comme il le faisait souvent. Lucrezia aimait sentir les doigts de son frère sur son visage, ils avait toujours cet étrange mélange de fermeté et de douceur. Comme si il voulait lui faire du bien, tout en restant maître de la situation.
- Je t'ai dit que un jour, nous allons briller, dit-il en la regardant. Que tu serais reine. C'est pour bientôt, Lucrezia. C'est pour très bientôt.
Lucrezia fronça les sourcils et alla lui demander où il voulait en venir quand elle le vit se pencher soudainement vers elle, et avant qu'elle ne comprenne ce qui était en train de se passer, les lèvres de Cesare étaient sur les siennes. Ce n'était pas la première fois qu'il l'embrassait sur les lèvres, c'était courant. Mais d'habitude, ce n'était qu'un léger effleurement rapide, qui la faisait toujours frissonner. Là, il ne bougea pas. Gardant ses lèvres contre les siennes. Elle aurait du se reculer, où le repousser. Mais ses bras étaient figés le long de son corps. Elle en était tout simplement incapable.
Les mains de son frère lui saisirent le visage et il bougea ses lèvres contre les siennes. Lucrezia sursauta, prise au dépourvu, mais elle le suivit presque inconsciemment. C'était mal. C'était inconvenant, elle en avait parfaitement conscience. Ce n'était pas ainsi qu'on embrassait son grand frère. Mais cela lui était bien égal. Cette sensation… Seigneur. Elle avait l'impression qu'un brasier s'était allumé à l'intérieur de ses lèvres, les faisant brûler un peu plus à chaque pression des siennes. Il avait cette étrange douceur, cette lenteur délicieuse… De violents frissons lui parcourut le corps. Elle aurait voulu que cela ne se termine jamais.
Mais Cesare finit par s'éloigner. Elle rouvrit les yeux, qu'elle avait inconsciemment fermés et regarda son frère. Il avait un léger sourire aux lèvres, un sourire à la fois amusé et tendre. Elle n'aurait pas cru voir un jour un tel sourire sur le visage de Cesare. Elle aurait voulu lui parler, dire quelque chose, mais il tourna soudainement les talons et quitta la pièce, la laissant seule sur le balcon, tandis que la nuit tombait sur Rome.
La main de Lucrezia alla inconsciemment à ses lèvres. Jamais elle n'avait vraiment embrassé un homme avant ce soir. Elle avait douze ans, c'était l'âge où elle commençait à devenir une femme, elle en avait conscience. Son sang avait coulé pour la première fois il y'a quelques mois. Bientôt, on la songerait prête pour le mariage. Elle n'y avait jusqu'à aujourd'hui que songé vaguement. Mais elle avait eu un avant goût de ce que c'était, ce soir. Lucrezia avait parfaitement conscience que ce qui venait de se passer était mal. On n'embrassait pas son frère de la même manière qu'on embrassait un mari. Mais elle ne parvenait pas à culpabiliser. Cela avait été si délicieux… Pour rien au monde elle aurait refusé de vivre cela.
Cesare lui avait dit que leur jour allait arriver. Elle avait cessé de l'attendre, s'était mise à pensée que Cesare lui avait dit cela enfant juste pour lui donner du courage. Mais elle ne comprenait pas. Comment pourrait-ils briller, comment pourrait-ils atteindre le sommet ? Tant de choses lui échappaient pour qu'elle saisisse la situation et cela l'agaçait. Mais Cesare savait ce qu'il dit. Elle pouvait lui faire confiance. Bientôt, leur famille brillerait. Elle sourit à la ville de Rome et se retourna, joyeuse et sereine.
Elle n'avait pas encore conscience de ce qui s'était déclenchée ce soir. Lucrezia n'avait pas tout de suite remarquée que c'était à ce moment là que tout avait été bouleversé dans sa vie. Que sa relation avec Cesare avait pris une tournure dangereuse. Qu'ils avaient empruntés un chemin auquel il était impossible de faire demi tour. Elle ne le comprendrait que bien plus tard.
Elle n'avait pas eu besoin d'espionner les réunions de son père pour savoir que le pape Innocent VIII était mourant. Tout Rome le savait. Ce vieux lubrique qui dirigeait Rome sans jamais sortir du Vatican allait rendre l'âme dans peu de temps et un nouveau pape verrait le jour. Lucrezia n'était pas idiote et même si son père et ses frères prenait grand soin de la tenir dans l'ignorance la plus totale, elle avait parfaitement compris comment ils comptait mener les Borgia au sommet : son père allait essayer de devenir pape.
C'était un pari risqué. L'Italie avait déjà eu un pape espagnol, un Borgia précisément, et il avait été tellement détesté que toute la famille Borgia avait été chassé de Rome à coup de lame après la mort du pape. Oui, cela se jouait sur une corde raide. Tout Rome savait – et Rodrigo Borgia le premier – que personne ne voterait pour un catalan à la mort d'Innocent VIII. Pas sans une grande rétribution tout du moins…
Lucrezia ne croyait pas vraiment que son père y arriverait. Il y avait bien trop de rancœur envers les catalans, même si ils étaient soudoyés. Rodrigo en paraissait persuadés en revanche, tout comme Cesare et Juan. Lucrezia écoutait la moindre de leur conversation, dès la première occasion. Et en quelques semaines, elle en avait appris beaucoup plus qu'en plusieurs années d'espionnage, art dans lequel elle était entrain de passer maître.
Les Templiers… Un mot qui ne cessait de revenir, encore et toujours… Au bout de plusieurs conversations, elle avait fini par comprendre que l'Ordre des Templiers n'avait plus rien à avoir avec celui du Moyen-Âge et que celui-ci existait encore. Et que son père en était le Grand Maître, comme les autres l'appelait. La jeune fille crut au début qu'il s'agissait d'un énième titre d'un ordre sans réelle importance niveau politique mais elle comprit rapidement que c'était bien plus que cela.
Ils parlaient de changer le monde. D'instaurer un ordre nouveau qui apporterait une paix universelle. Elle se retint de rire le jour où elle entendit cela. Il suffisait de regarder les yeux de Rodrigo Borgia pour savoir qu'il ne désirait absolument pas la paix. Au contraire, il voulait le pouvoir, la domination. La gloire, non pas pour les Templiers comme il semblait le faire croire à tout ce beau monde qui n'était pas que des politiciens finalement, mais pour la famille Borgia.
Ils parlaient aussi d'un certain artefact… qu'ils appelaient Pomme d'Eden. Une Pomme qui, d'après leurs dires, pourrait dominer toute l'humanité autant qu'elle pouvait apporter le savoir du monde. Lucrezia voyait les yeux de son père briller d'avidité quand il en parlait mais elle avait aussi remarquée l'expression concentrée de son frère Cesare. Expression qu'elle avait appris à reconnaître. Il réfléchissait. Et elle n'avait pas besoin de l'entendre pour savoir à quoi il pensait. Cette Pomme l'intéressait autant que leur père.
Lucrezia avait du mal à croire en l'existence d'un objet aussi puissant. Cela relevait de la fantaisie et des contes de fées. Mais tous ses hommes semblaient y croire dure comme fer, alors peut-être avait-elle tort… Mais elle avait compris qu'ils ne l'avaient pas en leurs mains. Du moins pour l'instant. Peut-être était-ce une bonne chose. Elle n'était pas certaine qu'un tel objet, entre les mains de son père, soit utilisé à bon escient. Pas plus qu'entre les mains de Cesare.
Ils parlaient de tas de choses concernant cette Pomme, d'autres artefacts, de temples, de secrets… Lucrezia cessa de s'y intéresser au bout d'un moment. Elle ne parvenait pas à être convaincue et avait souvent l'impression d'entendre des fous fanatiques en train de discuter entre eux. Mais ils abordaient bien d'autres sujets bien plus intéressants. Comme les Assassins. D'après ce qu'elle avait entendu et compris, ils était les ennemis des Templiers et passait leurs temps à se mettre en travers de leurs chemins. Là où les Templiers cherchait l'Ordre, les Assassins eux se battait pour que le peuple garde son libre arbitre, ce qui menait inévitablement au chaos. La voix de son père dégoulinait de haine quand il parlait de cette Confrérie qui, depuis des siècles, contrariait les projets des Templiers. Le nom Auditore revenait souvent dans la conversation. Ezio Auditore. A l'entendre parler, on pourrait croire que cet homme agissait seul contre tout leur ordre.
Elle qui croyait découvrir des informations sur la politique du Vatican, elle avait découvert tout autre chose mais elle finit par se lasser de ces petits espionnages. Surtout que leurs conversations finirent par ne plus rien lui apprendre. Elle était aussi lasse de voir son père sans cesser glorifier son frère Juan et dénigrer Cesare. Elle haïssait Juan et ce depuis toujours. C'était un incapable, un faible doublé d'un imbécile. Comment son père ne le voyait-il donc pas ? A chaque fois que Rodrigo parlait de Juan, il avait l'air de parler d'un dieu. Lucrezia voyait à quel point cela mettait Cesare en colère. Et elle partageait sa rage mais ne pouvait rien y remédier.
Finalement, le plus surprenant se produisit : Rodrigo Borgia devint pape. Tout d'abord, Rome fut en extase et cria sa joie dans les rues. « Il ne pourra jamais être pire qu'Innocent VIII », disait-on partout. Mais très vite, le peuple déchanta et le silence se fit dans les ruelles. Le nom Borgia n'était plus clamé avec force et fierté. Car tout le monde avait compris qu'ils avaient placée un taureau dangereux sur le trône papal.
Les choses allèrent très vite durant cette période. Lucrezia se rappelle le couronnement de son père, et revit la basilique Saint-Pierre, extasiée devant tant de beauté, de fête et de couleur. Tout le monde la regardait, tout le monde avait les yeux rivés sur elle. La fille du pape. C'était l'équivalent d'une princesse pour Rome. La jeune fille de treize ans ne put s'empêcher de sourire, folle de bonheur. Elle était vraiment une princesse, désormais. Et bientôt, elle serait reine. Comme lui avait promis Cesare.
Sitôt devenu pape, Rodrigo nomma son précieux Juan gonfalonier papal et capitaine général de l'armée pontificale. Ils avaient tous ricanés, Lucrezia la première. Juan à la tête d'une armée… Il allait les faire conquérir les tavernes et les bordels de Rome et pour cela, ils n'avaient nul besoin de Juan ! Cesare devint quand à lui, comme il le craint, cardinal. Elle vit son frère serrer les dents durant toute la cérémonie qui le faisait monter en grade dans la hiérarchie de l'église. Et le soir, lorsqu'elle alla le trouver dans sa chambre pour voir comment il allait, elle entendit un fracas assourdissant à l'intérieur. Lucrezia se figea derrière la porte, plus surprise qu'apeurée. Elle avait appris à ne plus craindre les fureurs de son frère. Jamais elles n'avaient été dirigées vers elle et elles ne le seraient jamais. Lucrezia frappa donc à la porte de son frère et, n'obtenant pas de réponse, décida d'entrer sans y être invitée.
Ce qu'elle découvrit la fit s'arrêter sur le seuil. Tout ce qui était en verre gisait briser sur le sol, y compris les restes de la fenêtre. La chaise du bureau avait été brisée, un grand trou était visible dans le mur, comme si on avait mis un féroce coup de poing. Les tableaux était arrachés du mur, les tiroirs brisés, pendant à moitiés sur le sol. Et au milieu de la pièce se tenait Cesare, debout, haletant, les poings serrés le long de son corps, les jointures pleines de son propre sang. Le regard fou de colère.
Lucrezia regarda son frère qui lui ne semblait pas la voir tant ses yeux était opaques. Il semblait être devenu fou. La prudence aurait voulu qu'elle quitte la pièce et qu'elle ne dise rien. La tendresse et l'amour auraient voulu qu'elle s'approche et qu'elle le prenne dans ses bras. Mais ni l'un ni l'autre n'aurait fonctionné. Elle n'avait pas besoin de demander à son frère pourquoi il était dans cet état. Elle le savait parfaitement.
- Il ne t'a pas vaincu, Cesare, dit-elle avec passion et fermeté. Père cherche à t'emprisonner, à t'éloigner de ce que tu es réellement à l'intérieur de toi. Mais tu ne dois pas le laisser faire. Tu ne peux pas le laisser faire. Tout est encore jouable, mon frère. Cette robe de cardinal ne restera pas longtemps sur toi. Cette vie n'est pas pour toi.
Tout en disant cela, elle s'approchait doucement de Cesare, à pas prudent. Il l'a dévisageait sans répondre mais ne bougea pas d'un pouce, n'esquissa pas le moindre geste. Elle finit par n'être qu'à quelques centimètres de lui, si près qu'elle pouvait sentir son souffle sur son visage. Le cœur battant, elle regarda Cesare dans les yeux et déclara :
- Un destin bien plus grand t'est destiné, mon frère. Tu as dit un jour que tu me voyais reine. Mais comment pourrais-je être reine sans avoir un roi ? Tu es mon roi, Cesare. Le seul à en être digne. Et un jour, tu seras roi. Le Vatican se mettra à genoux devant toi et tu gouverneras Rome. Tu régnera sur toute l'Italie, le monde entier tremblant de peur en entendant le nom du grand Cesare Borgia.
Sa main s'était posée doucement sur la joue de Cesare à ses mots et elle ne le quitta pas des yeux tandis qu'elle vit qu'il réfléchissait à toute vitesse. Peu à peu, elle vit la colère disparaître de ses prunelles, se modifiant, devenant de la… passion. Du désir. Un désir aussi violent et meurtrier que sa colère… Ce désir si soudain aurait du effrayer Lucrezia. Pourtant, elle fut fascinée par ce regard. Ce regard si intense qui se posait sur elle. Sur elle et sur aucune autre femme.
Cesare prit tout à coup le visage de Lucrezia entre ses mains et posa brutalement ses lèvres sur les siennes. Lucrezia gémit de surprise. Ce baiser n'avait rien à voir avec celui qu'il lui a donné quelques mois auparavant, dans sa chambre. Celui-là était violent, brutal, presque une attaque. Elle aurait du se débattre, elle aurait du le repousser, dire non. N'importe quel autre femme l'aurait fait à sa place. Mais elle en fut incapable. Car ce baiser la terrifiait autant qu'il l'enivrait.
Lucrezia avait parfaitement conscience de ce qui était en train de se passer. De ce qui allait arriver. Elle savait aussi qu'elle aurait du arrêter cela, sur le champ. Mais elle avait l'impression qu'il était déjà trop tard. Elle était loin d'être ignorante sur ce qui se passait entre un homme et une femme. Sa mère l'avait parfaitement enseignée à ce sujet. Cela dit, elle n'aurait pas pensé le vivre si tôt. Et certainement pas avec son grand frère… Elle avait treize ans à peine, mais elle était déjà formée comme une femme. Bien souvent, elle avait senti le regard des hommes changés, l'observant avec désir. Ce changement lui avait plu bien plus qu'elle ne l'aurait cru. Cette sensation de se savoir désirée… Elle avait eu le sentiment d'être puissante. D'avoir du pouvoir sur chacun de ses hommes.
Cesare l'emmena sur le lit, qui avait par chance échapper à sa fureur, et elle se retrouva rapidement sous lui et le poids de son frère sur elle la surpris autant que cela éveilla le désir en elle. Lucrezia tremblait de tous ses membres à cet instant, elle avait l'impression de ne plus rien contrôler. C'était effrayant mais aussi tellement excitant !
La force de son frère semblait sans limite. Elle sentait qu'il essayait d'adoucir ses gestes, de rendre ses caresses plus tendres, moins brutales. Cela l'a toucha, qu'il essaie de contrôler sa fureur pour elle, lui qui envoyait le monde au diable et qui laissait toujours libre court à ses pulsions sans se soucier qu'il pouvait faire du mal. Mais pas avec elle. Avec elle, il faisait attention. Pour la première fois de sa vie, Lucrezia comprit que ses sentiments pour Cesare étaient bien plus profonds qu'elle ne l'avait cru. Peut-être est-ce à moment là qu'elle est tombée amoureuse de lui.
Elle avait peur. Lucrezia avait beau être instruite sur le sujet, elle n'avait néanmoins pas connu d'hommes jusqu'à maintenant. Mais en même temps, elle était sereine. Heureuse. Il était inévitable qu'elle se marie un jour. Son père devait sûrement y songer en ce moment même. Et elle ne se voyait pas donner sa virginité à un inconnu. Cette simple idée l'horrifiait. Comment pourrait-elle découvrir le plaisir de la chair avec un homme qui ne la connaît pas ? Cesare était le seul à pouvoir avoir cet honneur. C'était un péché, elle s'en rappelait très bien. Comment pourrait-elle oublier qu'il était son frère et que cela était interdit ? Pourquoi, d'ailleurs ? Les Egyptiens s'était bien mariés entre frère et soeur durant des millénaires. Et leur empire n'avait-il pas été l'un des plus puissant au monde ? Où était le vrai péché à connaître l'amour avec son frère ? Etait-ce si différent de se marier avec son cousin, qui était bien plus facilement toléré ? C'était une manière de garder le sang pur.
Les caresses de Cesare la rendaient folle de désir. Ses mains étaient à la fois douces et dures. Elles pétrissait sa peau à des moments à en lui faire mal, et l'effleurait à peine à d'autres, comme la caresse d'une plume. Lucrezia ferma les yeux et tacha de contrôler les intenses frissons qui l'a parcourait quand les lèvres de son frère descendirent sur ses seins. C'était cela, l'amour alors ? Elle comprenait pourquoi tant de femmes en devenait dépendantes. Elle aurait voulu que les caresses de son frère ne cesse jamais.
Sa robe disparut, déchirée par les mains de son frère et elle se sentit quelque peu vulnérable, ainsi nue face à lui. Mais il l'a recouvrit rapidement de la chaleur de son corps, nu lui aussi. Elle n'avait même pas remarqué qu'il ait enlevé ses vêtements. La jeune fille observa le corps de son frère et fut envoûtée par le torse musclé et lisse qu'elle découvrit. D'instinct, ses mains allèrent vers lui, et elle savoura la peau douce et dure de son frère sous sa paume. Cesare grogna et elle sentit alors la barbe de son frère lui effleurer la joue, tandis qu'il approchait ses lèvres de son oreille.
- Tu est à moi, murmura-t-il d'une voix rauque, presque bestiale. Tu m'appartiens… Tu m'appartiens… Je ne te laisserais jamais m'échapper…
Elle sentit les mains de Cesare lui écartée les jambes et elle n'opposa aucune résistance. Oui, elle était à lui. Son cœur chantait de joie à cette pensée. Elle ne voulait appartenir à aucun autre, elle voulait être sienne, totalement et entièrement. Elle ne voulait pas d'autre hommes, juste lui. Uniquement lui. Cesare…
Lucrezia serra les dents lorsqu'elle le sentit en elle, et se retint difficilement de pousser un petit cri de douleur. C'était plus douloureux qu'elle ne l'aurait cru. Elle se sentait déchirée, écartelée. La sensation était tellement désagréable ! Mais elle ne disait rien, bien que ses yeux s'était embués de larmes qu'elle essayait de retenir. Elle ne voulait pas gâcher l'instant en geignant. Elle ne voulait pas gâcher le plaisir de son frère. Cependant, une larme lui échappa et tandis que Cesare remontait vers son visage, il l'a remarqua. Alors, il passa sa langue sur la joue de Lucrezia, léchant la larme qui s'était échappée. Lucrezia gémit et elle passa alors ses bras autour du cou de son frère, voulant l'attirer vers elle. Qu'importe la douleur. Elle voulait le sentir plus près encore, plus profondément en elle. Cesare rit doucement et serra son emprise sur elle, ses bras formant un étau autour de son corps tandis qu'il l'a possédait.
« Tu m'appartiens… Je ne te laisserais jamais m'échapper ». Elle n'aurait jamais cru que ses mots serait à la fois son plus grand bonheur et son plus grand fardeau.
Comme elle l'avait prédit, quelques semaines à peine après que son père fut couronné pape, il lui annonça qu'elle allait devoir se marier. Avec Giovanni Sforza, comte de Pesaro. Elle apprit bien plus tard par son mari que ce mariage avait été arrangé durant le conclave, un des nombreux prix que Rodrigo avait payé pour devenir pape.
Quand Lucrezia l'apprit, elle fut autant excitée qu'abattue. Le deuxième plus que le second. Si elle se mariait, elle partirait de Rome pour aller vivre avec son mari à Pesaro, petite ville côtière qui est bien loin de sa ville d'enfance… Et elle serait loin de Cesare. Et cette idée l'horrifiait plus que tout.
Le soir où elle le découvrit fou de rage après avoir été nommé cardinal n'avait été que la première nuit pour eux. Cela s'était reproduit bien des fois, ces dernières semaines. A chaque fois, Lucrezia se demandait ce qui se passerait si on les découvrait, si on savait ce qui se passait dans les murs du palais des Borgia. Palais qu'ils allait bientôt devoir quitter, d'ailleurs. Elle pour Pesaro, Cesare pour le Château Saint-Ange.
Les serviteurs avait des doutes sur eux mais aurait préférés se défenestrer en sautant de la plus haute tour de Rome plutôt que de dire quoi que ce soit. Ils craignait bien trop la famille Borgia pour dire quoi que ce soit. Alors Lucrezia et Cesare continuait en paix. Chaque nuit, elle prenait un peu plus de plaisir que la précédente. Chaque nuit, elle apprenait de nouvelles choses, découvrant peu à peu l'art de la luxure et de la séduction. Elle se sentait devenir femme un peu plus à chaque fois qu'il l'a prenait dans ses bras.
Ni l'un ni l'autre ne parlait jamais du fait qu'ils était frère et soeur. A quoi bon ? Cela n'avait pas d'importance pour eux. Cesare lui parlait bien plus maintenant qu'ils était amants. Elle adorait cela. Elle aimait plus que toutes les longues conversations sur l'oreiller qui suivait l'acte d'amour. Peut-être même plus que la fornication en elle-même. Il semblait si apaiser après cela, il était calme, souriant, riant facilement. Il parlait de ses projets d'avenir avec passion, avec amour. Lucrezia était heureuse de voir qu'elle avait réussi à lui redonner espoir. Il avait une force immense en lui, une force indomptable et dangereuse. Une grande haine aussi, une haine qui le dévorait constamment de l'intérieur. Aussi, quand elle arrivait à le voir sans cette haine, c'était pour elle le plus cadeau qu'on puisse lui faire.
Seigneur… Comment Cesare allait-il réagir lorsqu'il apprendrait qu'elle allait devoir se marier ? Elle craignait sa réaction plus que tout et se sentait mal juste à l'idée de lui dire ce qui en était. Les mots qu'il lui murmurait toutes les nuits lui revenaient en mémoire…
« Tu est moi à… Je ne laisserais personne t'arracher à moi… Tu m'appartiens… ».
Finalement, Lucrezia n'eut pas à lui dire quoi que ce soit. Leur père s'en chargea à sa place. Ils vivaient leurs derniers jours au palais des Borgia, le surlendemain, Rodrigo, Cesare et Juan partirait vivre dans le Château Saint-Ange tandis qu'elle allait se marier le même jour. Le mariage devait être célébré rapidement, c'était la condition de la famille Sforza. C'était contraire à toutes les règles du mariage, ils n'avait eu le temps de ne rien préparer, les fiançailles pouvait très bien durer des mois mais les Sforza semblait craindre que les Borgia se désistent maintenant que Rodrigo avait obtenu ce qu'il voulait, c'est-à-dire le vote du cardinal Ascanio Sforza et tout les votes qu'il avait lui-même reçu.
Lucrezia avait été appelée dans le bureau de son père, certainement pour régler les derniers détails du mariage. Plus son mariage approchait, plus la vague excitation qu'elle avait ressentie s'en allait. Elle n'avait aucune envie de quitter Rome, aucune envie de quitter sa famille pour épouser un homme qu'elle n'avait jamais vu, dont elle ignorait tout. Si cela se trouve, elle tomberait sur un monstre, qui la battrait et la maltraiterait. Et que pourrait faire son père et son frère, eux qui seront si loin ? Elle serait seule, enfermée à Pesaro. Ces angoisses lui donnaient les larmes aux yeux et elle prit la décision de parler à son père vu qu'il l'avait appelé. Elle le supplierait, si ce n'est nécessaire. Il ne pourrait tout de même pas l'obliger à se marier lorsqu'il verrait à quel point cela l'a terrifiait…
Mais lorsqu'elle arriva devant la porte, les hurlements qui se faisaient entendre derrière la figea. Elle reconnut parfaitement la voix de Cesare et son sang se glaça lorsqu'elle comprit de quoi il parlait :
- … une honte ! Vous voulez mariée votre fille à un vermisseau comme Sforza ! Un misérable bâtard a moitié attardé !
- Tu est toi-même un bâtard, ne l'oublie pas ! Tonna la voix de Rodrigo Borgia, où le pape Alexandre maintenant. Et Lucrezia également. Et il vaut mieux avoir un mari stupide qu'un mari violent. Lucrezia fera ce que bon lui semble de Giovanni Sforza, il n'est qu'un chien obéissant qui attend les ordres.
- Nous sommes des Borgia, rétorqua Cesare avec colère. Et nous gouvernons Rome maintenant, nous gouvernons l'Eglise catholique ! La fille du pape mérite mieux qu'un bâtard d'un petit noble. Si Lucrezia doit vraiment se marier, ayez au moins la décence de la marier à un prince ! C'est le moins qu'elle mérite.
Lucrezia sentit son cœur se gonfler de bonheur en entendant les mots de son frère. Par ses simples mots, il lui montrait qu'il l'a respectait plus que n'importe quel autre femme. Et elle pouvait entendre toute la frustration dans sa voix, toute la colère. Cette situation le blessait autant qu'elle, bien sur. Toute l'angoisse de la jeune fille s'était envolée, remplacée par un sentiment d'allégresse immense.
- Vous ne devriez même pas la mariée, marmonna Cesare. Elle vient d'avoir treize ans, elle est trop jeune. De nos jours, on attend au moins que les femmes ait seize ans pour se marier. Aimez-vous si peu votre fille pour la livrer à un chien galeux alors qu'elle n'est qu'une fillette ?
- Pas si fillette que ça, ricana Juan. Tu as vu son corps ? Elle à bien grandit, la petite Lucrezia. Moi je vois une femme, pas une enfant.
- Bastardo ! Perro ! S'écria Cesare, la voix presque hystérique, mélangeant des injures italiennes et espagnoles qui devinrent presque incompréhensibles.
Lucrezia se tordit les mains derrière la porte. Il devrait se contenir davantage. Ces sentiments qu'il dévoilait aux grands jours lui faisaient plaisir, mais il avait plus la réaction d'un amant que celle d'un frère. Rodrigo et Juan n'était pas idiots, ils pourraient avoir des doutes… Ce n'était pas prudent. Mais Cesare était loin d'être idiot aussi. Si il pensait pouvoir parler librement… Elle n'était pas en position de le contredire. Lucrezia entendit Juan lui rendre ses insultes et le fracas d'une chaise qui tomba sur le sol. Les voix de Cesare et Juan se perdirent, et Lucrezia paniqua pendant une seconde, persuadé qu'ils allaient se battre mais la voix de Rodrigo s'écria avec fracas :
- Silence ! Cela suffit ! Cesare, tu n'as pas à me dire ce que je dois faire avec ma fille. Ta réaction est démesurée. Tu dis qu'elle est une enfant mais le seul enfant que je vois ici, c'est toi. Grandis et cesse donc de faire des caprices. Et n'oublie pas une chose, Cesare… Nous ne contrôlons pas Rome. Je contrôle Rome. Est-ce bien claire… mon fils ?
Rodrigo avait presque craché ce dernier mot et Lucrezia sentit son cœur saigné comme si c'était à elle qu'il parlait ainsi. Cesare avait beau dire, elle savait bien que le rejet constant de son père lui faisait mal. Mais qu'il alimentait sa haine, aussi. L'admiration que Cesare avait pour Rodrigo enfant s'estompait un peu chaque jour. Et elle croyait bien qu'elle venait d'être définitivement anéanti. Cesare ne répondait rien. C'était très mauvais signe. Quand il laissait éclater sa rage et sa colère, quand il se laissait aller à l'hystérie, il se calmait rapidement et oubliait facilement. Mais quand il était calme… C'est là qu'il est le plus dangereux. C'est qu'il reporte sa vengeance à plus tard. Et que celle là, il ne l'oubliera pas.
Jamais les mots de Cesare ne lui avait fait autant plaisir. Si il était entré en conflit avec son père, elle lui ferait sentir que cela n'a pas été pour rien. Certes, ses mots étaient hypocrites, vu qu'il lui avait pris sa virginité et forniquait avec elle presque tout les soirs, mais il avait dit cela pour essayer de la garder auprès de lui. Parce qu'il tenait à elle, même si il ne le lui avait pas dit. Et elle saurait le remercier d'avoir essayé de l'aider, même si il n'avait pas pu ébranler leur père.
- Comme vous voudrez… Votre Sainteté, cracha Cesare, la voix remplit de haine.
Elle put entendre le rire moqueur de Juan et la porte s'ouvrit alors avec fracas et Cesare découvrit sa soeur devant lui. Lucrezia fut glacée en découvrant le regard de son frère. Il n'avait plus rien d'humain. C'était celui d'un démon, d'un démon prêt à lâcher sa fureur sur le monde. Mais cette rage disparut quand il vit sa soeur, pour être remplacé par de la frustration et de la déception. Elle tenta un léger sourire, pour lui faire comprendre qu'elle lui était reconnaissante d'avoir essayer mais il ne se dérida pas et il continua son chemin. Elle crut qu'il allait l'ignorer quand il passa à côté d'elle, mais elle sentit la main de son frère saisir la sienne et la serrer brièvement avant qu'il ne s'éloigne. Cela fit déborder les larmes qu'elle retenait depuis le début de l'entretien.
Elle n'avait même pas cherché à parler à son père. Après ce qu'elle avait entendu, elle avait compris que ce serait inutile. Qu'il ne voudrait même pas entendre parler d'une annulation de mariage. Elle était donc entrée avec un sourire forcé dans le bureau et avait jouée la fille exemplaire. Elle avait du supporter les regards désagréables et les remarques mesquines de son frère Juan. Lucrezia n'avait jamais réalisée à quel point elle détestait Juan jusqu'à ce jour. Certes, elle l'avait toujours méprisée, mais elle n'avait jamais nourrie une telle haine pour Juan avant son mariage.
Elle n'avait pas vu Cesare durant les deux jours qui précédèrent son mariage. Cela l'a rendit presque folle. Après l'avoir fait cherché dans tout le palais des Borgia, elle finit par apprendre qu'il avait quitté Rome pour se rendre à Urbino. Sans même venir la voir. Avait-elle mal interprété sa réaction quand il était sorti du bureau ? Il lui avait serré la main, il avait semblé souffrir autant qu'elle pourtant… Elle n'arrivait pas à croire qu'il ait osé partir. Il ne lui restait que deux jours à Rome et ces deux jours, elle voulait les passer avec lui. Elle voulait qu'il vienne réchauffer son lit encore, avant qu'elle soit contrainte de partager celui de ce Giovanni Sforza. Mais il était n'était pas là. Elle passa donc ses deux dernières nuits à Rome à pleurer, seule dans son grand lit froid, à se tourmenter, à réfléchir et à surtout se demander dans quoi elle s'était mise avec Cesare.
Lucrezia était presque persuadée qu'elle ne le verrait plus du tout. Mais il était revenu pour le mariage. Alors qu'elle se préparait avec l'aide de ses servantes, magnifique dans sa robe de mariée qui aurait pu certes être plus belle, les couturières ayant été contrainte de se dépêcher vu le court temps que la famille Sforza leur avait laissés pour le mariage, mais elle restait éblouissante, sa chevelure dorée coiffée en des boucles sublimes, qui encadrait son visage dont les traits semblait s'affiner un peu plus chaque jour. Elle avait beau être belle, son visage était triste. Dire qu'elle n'avait pas envie de se rendre à la Basilique Saint-Pierre était un euphémisme.
Elle sentit sa présence dans la pièce avant de le voir. Il en était toujours ainsi avec lui, il apportait un froid partout où il allait. Les servantes se raidissaient, craignant ce jeune homme au regard si menaçant et l'aptitude si glaciale. Mais il dégageait aussi une aura de puissance. De pouvoir. On avait beau le craindre où le haïr, on ne pouvait pas s'empêcher de le respecter. Quelque chose en lui forçait ce respect. Encore un trait de caractère qu'il tenait de leur père. Mais il avait quelque chose de plus que Rodrigo Borgia, pensa Lucrezia en leva les yeux vers son frère.
Le charme. La beauté. Cette beauté sombre qui fascinait les jeunes filles autant qu'elle les intimidait. Cesare pouvait faire ce qu'il voulait d'elles, aucune ne luttait jamais. Lucrezia dévisagea son frère, qu'elle considérait i peine quelques semaines comme juste ce qu'il était, un grand frère. Son visage était neutre, son regard calme, et cela ne fit qu'augmenter la douleur de Lucrezia. S'était-elle vraiment trompée sur toute la ligne ? Ne ressentait-il donc rien ? Etait-il seulement capable de ressentir de l'affection, voir de l'amour ? Elle lui en voulait. Elle lui en voulait terriblement de l'avoir abandonnée et c'était bien la première fois qu'elle se sentait prête à faire des reproches à Cesare.
- Tu est parti, lança-t-elle en ne le quittant pas des yeux. Pourquoi ?
Sa voix tremblait de chagrin et elle s'en voulait pour cela. Elle aurait voulu se montrer froide, tout aussi indifférente que lui, lui montrer qu'elle s'en fiche de ce qu'il faisait où de ce qu'il ressentait. Que si il considérait tout cela comme un jeu, c'était pareil pour elle. Mais elle n'y parvenait tout simplement pas. Lucrezia avait de courir vers lui, et de le frapper, de lui crier sa colère. Autant qu'elle voulait qu'il l'a sert contre lui à l'en briser.
- J'avais besoin de réfléchir, rétorqua sèchement Cesare en haussant les épaules tandis qu'il s'avançait dans la pièce. De penser à ce qui va se passer maintenant.
- Ce qui va se passer ? Répéta-t-elle, tachant de contrôler sa colère. Je vais me marier, voilà ce qui va se passer ! Je vais être livrée à un porc, à un inconnu ! Et je vais devoir partir loin de Rome, dans ce coin perdu qu'est Pesaro ! Et toi, tu es parti ! Tu est parti au moment où j'avais le plus besoin de toi !
Lucrezia avait hurlé, vers la fin. Jamais elle ne se serait crue capable de parler ainsi à son frère. Lui à qui elle vouait autant de respect que de crainte. Mais la colère l'aveuglait totalement à cet instant. Elle aurait voulu qu'il souffre autant qu'elle, qu'il ait mal lui aussi, mais il ne semblait rien ressentir ! Seigneur, c'était tellement frustrant !
Cesare la dévisagea quelques minutes, les sourcils froncés, puis répondit avec sarcasme :
- Tu n'as pas besoin de moi, petite soeur. Tu auras bientôt un mari pour t'occuper de toi. Tu vas mener une vie de princesse à Pesaro, comme ici. Et vu le mari que tu auras, tu ne risques pas d'être ennuyée. Ce cazzo tremble au moindre hurlement. Tu feras ce que tu veux de lui. Et puis, tu ne resteras pas longtemps à Pesaro.
Lucrezia fronça les sourcils, surprise.
- Comment cela ? Que veux-tu dire par là ?
- Ce que je veux dire, Lucrezia, c'est que tout n'est que politique et alliance. Les alliances se font quand elles sont nécessaires, et se brise tout aussi vite. Père a eu besoin des Sforza et il craint une rébellion du duc de Milan, Ludovico Sforza, si il jette aux chiens les promesses qu'il a faites à leur famille. Ludovico Sforza à une armée conséquente, de l'argent, des alliés puissants et Milan est placée en plein sur notre chemin, ce qui nous empêcherais d'atteindre la France où la Suisse si besoin est. Pour l'instant, nous avons besoin des Sforza. Mais une fois que notre pouvoir se sera bien établi et une fois que nous aurons récupéré cet artefact, nous n'aurons plus besoin des Sforza, ni de personne en Italie. Tu pourras alors rentrer à Rome.
Lucrezia ne répondit pas immédiatement, légèrement choquée par tout ce qu'il venait de dire. Il lui parlait souvent de ses rêves de conquête et de gloire, mais c'était bien la première fois qu'il lui parlait aussi directement de politique. Mais c'était aussi la première fois qu'il lui parlait de l'artefact. La Pomme d'Eden. Oh, il savait qu'elle était au courant de tout cela, les Templiers et leur quête de ces étranges objets auquel elle était encore sceptique mais ils n'en avaient jamais parlé. Elle préférait éviter de se mêler à toute cette histoire. Elle ne parvenait pas à y croire et la politique lui semblait déjà suffisamment dure à suivre. Disait-il vrai ? Son mariage avec Sforza ne durerait-il que très peu de temps ? Cesare avait bien des défauts, mais il ne lui avait jamais menti. La jeune fille sentie l'espoir renaître doucement en elle. Son éloignement de Rome ne serait que bref. Et de Cesare aussi… C'était sûrement pour cela qu'il n'était pas inquiet. Il savait qu'ils allaient se retrouver vite. Lucrezia sentit sa colère envers son frère disparaître peu à peu, bien que le chagrin de rester loin de lui et de Rome restait.
Elle ne put s'empêcher de lui sourire d'un air timide et murmura doucement :
- Alors… on ne restera pas très longtemps séparés… n'est-ce pas ?
Peut-être cette question allait-elle l'agacer mais Lucrezia avait besoin de l'entendre de sa bouche. Elle se trouvait elle-même ridicule mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Il a fallu qu'il s'en aille pendant seulement deux jours pour qu'elle se rende à compte à quel point il lui était devenu indispensable. Les mois à Pesaro allaient être long et infernal.
Cesare haussa les sourcils et elle crut voir une lueur d'étonnement passer dans ses yeux. Il s'approcha davantage de sa soeur, jusqu'à ce que leurs deux corps ne soit qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. La proximité de Cesare fit accéléré la respiration de Lucrezia. Elle ne voulait plus qu'il parle. Elle voulait juste sentir ses bras forts autour d'elle. Son souffle chaud contre son oreille. Ses lèvres à la fois douce et dures sur son corps… Cesare baissa son regard vers Lucrezia, son regard bleu glacée, qui refroidissait tellement de gens, la faisant frissonner.
- Je te l'ai pourtant dit, petite soeur, chuchota-t-il. Je ne laisserais personne t'arracher à moi.
Lucrezia retint son souffle à ces mots. Elle se rappelait chaque fois où il les avait murmurés à son oreille, pendant qu'il lui faisait l'amour. Elle voulait ressentir cela encore une fois. Juste une fois avant son départ pour Pesaro où elle ne le verrait plus avant des mois, où elle ne pourrait plus savourer le goût de sa peau. Elle en était devenue presque dépendante, elle s'en rendait compte. Mais cela lui était bien égal.
- Sortez, ordonna-t-elle sèchement aux servantes et couturières qui s'affairait dans la pièce.
Elles obéirent immédiatement et quittèrent la pièce en silence. Il lui restait encore plusieurs heures avant le mariage. Cela était largement suffisant pour en profiter encore un peu au lieu de se faire piquer par des dizaines d'aiguilles pour une robe indigne d'elle. Lucrezia n'allait pas passer ses dernières de liberté à cela. Une fois les servantes sortis, elle passa les bras autour du cou de Cesare, levant les yeux pour le regarder.
- Je crois qu'il faut que tu me le rappel…
