Chanson d'inspiration de cette fic : Bye-bye beautiful de Nightwish
nuit du 24-25 septembre 514, Japon
Les troupes d'élite de la Team Rocket vont et viennent dans le laboratoire du professeur Chen. Ses assistants ont été enfermés au sous-sol. Il doit faire face à ses ennemis, seul. Il tremble alors que leur chef le surveille d'un œil enflammé.
- Très bien, Boss. Nous vous attendons.
Le chef raccroche son talkie-walkie à sa ceinture et se penche vers Chen avec un rictus carnassier.
- Le boss est vraiment très désappointé, susurre l'homme en noir. Très très désappointé. On vous avait mis en garde pourtant, de ne pas vous mêler de nos affaires. Mais vous n'avez rien écouté. Maintenant il va falloir réparer les dégâts.
Chen déglutit difficilement. On lui colle un téléphone à l'oreille.
- Tu vas gentiment appeler le commissariat central de l'île d'Oshima, vu ? Et tu vas leur demander de retrouver Cerise pour nous.
- Mais que lui voulez-vous, à la fin ? pleurniche le vieux professeur.
Pour toute réponse, le Rocket le gifle.
- Idiot ! Ne joue pas au plus malin avec moi. Tu appelles le commissariat, point. Et estime-toi heureux de nous être plus utile vivant que mort.
Chen a un hoquet. Il tremble violemment et peut à peine tenir le combiné. Un sbire doit composer le numéro pour lui et le menacer du dard d'un seviper pour qu'il parle enfin.
- Oui, bonjour mademoiselle... J'aimerais vous signaler une disparition... Mon assistante, Cerise... Elle fait environ un mètre cinquante de haut, japonaise, lunettes, tatouage sur la poitrine, nombreuses cicatrices sur le corps... Jupe tailleur, veste, chemisier, talons hauts... Et bien, elle était censée... (sous le regard de l'homme au seviper, il couvre le combiné d'une main et se tourne vers le chef des troupes d'élite de la Team Rocket) Que suis-je censé lui dire ?
- Dites qu'elle effectuait des relevés sur le Manoir Pokémon et que c'est un projet de recherches top secret.
Le vieil homme acquiesce et reprend la conversation.
- Et bien je suis un peu embêté. C'est un projet de recherche classé top secret, vous comprenez. Tout ce que je peux vous dire est qu'elle se trouvait aux alentours du Manoir Pokémon... Oui, je vous rappellerai pour prendre des nouvelles et vous donner des informations complémentaires... Merci à vous... Oui, bonne soirée à vous aussi.
Le sbire reprend le combiné et raccroche. Celui qui espionnait la conversation fait signe qu'il n'a repéré aucune possibilité de langage codé.
- Il vaudrait mieux pour toi qu'elle soit retrouvée, mon gaillard, dit le chef d'un ton menaçant. Parce que si elle s'est tirée avec la bête, tu es dans la merde jusqu'au cou.
Le talkie-walkie grésille.
- Ici le boss. Je suis en approche. J'arriverai d'ici une paire d'heures.
- Entendu, Boss. Et qu'en est-il de l'oiseau ?
- Aucune trace de la fille pour le moment. Le pokémon est encore sur place mais il a détruit toutes nos installations. Quelque chose me titille un peu et je veux en avoir le cœur net. Je veux que vous effectuiez une simulation des effets sur Mewtwo d'un champ magnétique de trente teslas.
- Trente teslas ? hurle le professeur Chen. Mais c'est énorme ! Deux teslas sont assez pour assommer ou rendre malade la plupart des pokémons ! Trente teslas, c'est mortel ! Même un humain ne peut pas être exposé à un tel champ pendant longtemps ! C'est crimi-
Il n'a pas le temps d'achever. Le sbire au seviper le fait taire d'un coup de poing dans la bouche. Chen crache son dentier, et du sang. Il pleure sous l'effet de la douleur.
- Le vioc est d'avis que c'était suffisant, Boss, répond l'homme au talkie-walkie. Même Mewtwo n'aurait pas pu y échapper.
- C'est donc qu'il a été prévenu... suppute le boss dans le talkie-walkie. La fille devait donc être au courant...
Il y a un instant de flottement pendant lequel Chen gémit que non, que c'était impossible, que Cerise n'a plus eu de contacts avec son unité de police depuis des années, que de toutes façons sa mission était de lutter contre les yakuzas et qu'elle ignore tout de la Team Rocket. Un nouveau coup le réduit au silence. Il n'ose même pas gémir.
- Malédiction ! tempête Giovanni dans son hélicoptère.
Bout'chou le persian en est effrayé. Il file se cacher dans un coin, sous un siège, en soufflant, tout son poil hérissé. Ses griffes dorées à la feuille d'or sont sorties et elle brillent doucement dans l'ombre.
Le maffioso italien ne se contrôle plus.
- Oh l'ordure. Il va me le payer. Il va me le payer très très cher.
Il écrase d'un poing moite de sueur froide le panneau de communication.
- Faites-moi plonger Fujii et Agatha du Conseil. Je veux un scandale national. Avec si possible des retombées internationales. Et je veux ça à la une de tous les journaux du pays pour demain matin.
- La plupart des quotidiens nationaux sont sous presse... répond une petite voix sortant de l'intercom.
- Rien à foutre ! Utilisez tous les fonds de crédit qu'il nous reste, faites hypothéquer le casino d'Iizuka s'il le faut, ou même celui de Yokohama, je m'en fous ! Il nous faut ces éditions spéciales dans tous les médias ! Vendez les meubles et l'argenterie ! JE VEUX MA REVANCHE !
- À vos ordres, boss... murmure la petite voix de l'intercom.
Il triture un autre bouton, et hurle à l'adresse de la personne qui lui répond. Enfin :
- Monsieur le juge ? Vous êtes bien toujours en train de délibérer concernant Fujii et Agatha du Conseil ?
- Oui Monsieur. Les jurés attendent vos instructions pour prononcer le verdict.
- Coupables. Coupables avec aggravation, terrorisme, trahison de la nation, et tout le tremblement. Condamnation à perpétuité plus saisie de tous leurs biens en faveur du Conseil. Et dès que possible, faites réaliser des enquêtes complémentaires au sujet de leur refuge.
- Et que sommes-nous censés y trouver ?
- Que non seulement l'un des pokémons qu'ils y gardent est un clone, mais que TOUS leurs pokémons sont clonés, maltraités, et qu'un laboratoire secret se trouve dans le sous-sol. Faites installer des scellés partout, et placez la zone en quarantaine. Réduisez au silence quiconque tente de prouver le contraire.
- Et comment sommes-nous censés procéder à cette... mise au silence ?
- Je vais vous faire envoyer les meilleurs de mes assassins.
- Bien Monsieur. Autre chose ?
- Ça ira pour le moment.
Giovanni coupe la communication et envoie encore un autre message non-codé. Il grince des dents tout en ordonnant à la Tulipe Noire de se poster à Mito, accompagnée par ses meilleurs agents. Puis il envoie ses unités de contre-espionnage surveiller les agissements de la Tulipe Noire et du juge.
- Je vais les pulvériser... fulmine-t-il.
Pour passer le temps dans le laboratoire, le chef des troupes d'élite de la Team Rocket allume sa petite radio portable sur les émissions culturelles de la nuit. L'invité du jour est un historien qui, comme tous les intellectuels, souffre d'un fâcheux tic du langage.
« L'Europe de l'après-Cataclysme-euh... fut le siège de nombreux-euh... changements culturels et sociaux-euh... voyez-vous...
- Mais l'Europe n'était-elle pas déjà en pleine mutation sociale avant le Cataclysme ? interroge la journaliste.
- Voyez-vous,. le grand changement-euh... apporté par l'Europe-euh... de l'après-Cataclysme-euh... se situe-euh... dans la désignation-euh... d'un gouvernement. à l'échelle-euh... continentale.
- Que voulez-vous dire ?
- C'est-à-dire qu'avant le Cataclysme-euh... l'Europe n'existait pas-euh... telle que nous la connaissons Elle était constituée-euh... de Pays, chacun étant administré-euh... par son propre gouvernement-euh... Il y avait, certes-euh... une forte association-euh... au niveau économique, mais pas vraiment de-euh... gouvernement commun, ni de-euh...armée commune.
- Mais pourtant, nous avons trouvé la trace dans des archives de Conseils qui se tenaient à l'échelle de l'Europe. Comment expliquez-vous cela ?
- Nous pensons que les pays-euh... de l'Europe de l'époque-euh... avait déjà une-euh... volonté commune d'association disons... politique-euh... Mais, mais, ce n'était pas-euh... un gouvernement commun-euh... tel qu'on pouvait le trouver à l'époque-euh... aux États-Unis.
- Oui, nous avions parlé la semaine dernière de cette organisation quelque peu... spéciale qui était celle des États-Unis dans les quelques siècles précédant le Cataclysme. Mais revenons à l'Europe. Ce n'est pas que sa politique qui a changé après le Cataclysme, sa géographie a été bouleversée également...
- Oui tout à fait-euh... nous avons constaté qu'avant le Cataclysme-euh... l'Europe, du moins telle qu'elle existait alors-euh... n'allait pas plus loin-euh... que la Méditerranée-euh... Elle s'arrêtait également-euh... bien avant la chaîne du Caucase-euh... et tous ces pays étaient quelque peu-euh... perdus, si je puis dire-euh... Sans tutorat ni-euh... protection. La pauvreté-euh... y était terrible-euh...
- Mais donc, tout cela a changé après le Cataclysme ?
- Oui, bien évidemment-euh... nous avons vu-euh... tout d'abord, les pays. de la Nord-Afrique-euh... limitrophes-euh... à la Méditerranée-euh... se rallier. à ce qui était alors-euh... l'espace économique européen-euh... pour former l'Association Européenne-Méditerranéenne-euh... afin de faire face-euh... au bloc asiatique-euh... communiste-euh... de l'époque. Ainsi que-euh... à l'Afrique-euh... du Sud du Désert-euh... Ce n'est qu'après les débuts-euh... de la domestication des monstres-euh... pokémons-euh... que les pays-euh... du bloc est-européen-euh... se sont vus rattachés enfin-euh... au bloc-euh... Europe-Méditerranée-euh...
- Mais il n'y avait pas encore de véritable gouvernement commun ?
- Non, effectivement-euh... il y avait un Conseil des Nations-euh... afin de prendre-euh... des décisions communes-euh... sur l'ensemble-euh... de l'Europe-euh... mais la première-euh... Constitution Européenne-euh... englobant tout le territoire-euh... géographique-euh... que nous lui connaissons actuellement-euh.. ne date-euh... que de 115 AC-euh... par le Traité de Strasbourg-euh...
- Et quelle fut la motivation de l'inclusion des pays de l'Est à ce bloc Méditerranée-Europe ?
- Ce fut bien entendu-euh... la possibilité qu'offraient-euh... les pays de l'Est-euh... de se procurer ces monstres-euh... pokémons, qui étaient alors-euh... bien plus présents dans l'Europe de l'Est-euh... que dans celle-euh... de l'Ouest, et encore rares-euh... à l'échelle mondiale-euh... Surtout que-euh... la plupart-euh... étaient les Fils de Mew-euh...
- Et, coupe la journaliste, l'intégration de tous ces pays sous la houlette d'une seule Constitution, quels bouleversements sociaux cela produit-il ?
- Et bien, les différentes-euh... communautés culturelles-euh... de l'Europe-euh... se refermèrent sur elles-mêmes-euh... par peur de perdre-euh... leurs identités respectives-euh...
- Et cela n'a pas entraîné de mouvements de régionalisme-protectionnisme, d'émeutes xénophobes, de manifestations racistes ?
- Cela ne s'est bien sûr-euh... pas fait sans heurts-euh... mais cela a surtout-euh... amené à la... conservation des particularités régionales-euh... ce qui fait à présents de l'Europe-euh... l'un des pays les plus riches-euh... culturellement parlant-euh... »
L'homme en noir éteint le poste avec une grimace de dépit, alors que le téléphone du laboratoire sonne fébrilement.
Chen raccroche le téléphone. Aux dernières nouvelles, Cerise a bel et bien été aperçue dans le laboratoire abandonné qu'on surnomme « Manoir Pokémon », peu de temps après l'incendie explosif qui a ravagé tous les équipements de la Team Rocket. Il en est certain à présent, soit la Team Rocket a effectivement capturé Cerise et tente de le faire chanter, soit c'est Mewtwo qui a mis la main dessus, et elle est perdue, comme toutes les autres. Il soupire. Dans tous les cas, le pokémon fou furieux est toujours en liberté. Il commence à se demander si ça ne serait pas mieux pour tout le monde d'aider les criminels à capturer la bête. De toutes façons, nul ne peut leur résister. S'il se joint à eux, il aura au moins leur protection. Il regrette amèrement de ne pas avoir mis Cerise à la porte lorsqu'il en avait encore l'occasion. Il l'a laissé s'attacher et maintenant, c'est lui qui en fait les frais.
Tout à ses pensées, Chen ne remarque pas le bruit des pales de l'hélicoptère, ni l'entrée de l'homme basané en costume-cravate. Il sursaute lorsque ce dernier lui adresse la parole.
- Alors, professeur... (le ton est ironique) Vous pensiez pouvoir vous moquer de moi ?
Chen ne peut pas répondre. Ses genoux tremblent. Devant lui se tient Giovanni, le célèbre dresseur de l'arène de Numazu. Mais aussi, lui avait dit Agatha, le chef tout-puissant de l'organisation criminelle la plus célèbre du pays.
Les mains du maffioso s'abattent sur la table.
- Il s'est taillé la route ! Il a disparu des radars en un éclair il y a quelques minutes à peine ! Vous pensez quoi, hein ? Que votre minable assistante va le ramener ici pour vous sauver ?
Il éclate d'un rire dément.
- Oh, mais vous ignorez tout de ce qui est en train de se jouer. Votre précieuse protégée est membre de la police, et la police est sous MON contrôle ! Ce n'est plus qu'une question de temps qu'elle ne le ramène sous mon emprise !
- Vous êtes fou... parvient à articuler Chen.
- Insolent !
La main du boss s'abat.
- Insolent ! C'est vous le fou. Je suis le seul à pouvoir le contrôler.
- Alors pourquoi êtes-vous ici ?
Giovanni frissonne. Il n'ose avouer qu'il n'a pas confiance en ses propres hommes. Il ne peut dire qu'il craint que Cerise, trop intègre, ne ramène Mewtwo au laboratoire de Chen. Il affiche une sorte de demi-sourire le temps de trouver un prétexte à sa présence.
- Vous avez fourré votre nez dans mes affaires une fois de trop, Chen. Je suis venu me délecter de votre chute.
Il fait signe à ses troupes d'élite, pour qu'elles campent dans les alentours.
- Vous allez dire à vos assistants que c'est moi qui ai chassé la Team Rocket, et que je reste ici pour votre sécurité. Mais faites le moindre faux-pas, et je vous le ferai regretter au centuple.
Il sourit, yeux plissés, en regardant le chercheur acquiescer doucement. Maintenant, le spectacle peut commencer.
Régis tourne en rond dans la cave. Ni lui ni aucun de ses camarades n'a suffisamment de pokémons bien entraînés pour venir à bout des gardes qui les barricadent en sous-sol. Même la porte arrière du laboratoire est condamnée. Quelque chose se prépare, et il n'aime pas ça.
Un grincement de porte, et son grand-père apparaît dans l'escalier. Il est mal en point, le visage contusionné. Le sang qui perle de son nez fait des taches sur sa blouse. Régis se précipite en avant.
- Grand-père !
Le vieil homme lui fait un signe apaisant.
- Tout va bien maintenant. Maître Giovanni de Numazu les a mis en fuite. Vous pouvez remonter.
Timidement, Pat et Naruki montent les marches une à une pendant que Régis soutient son grand-père. Ils échangent un regard, puis le professeur murmure en ancien langage :
- Surtout, ne prends pas l'air surpris. Reste bien neutre. Giovanni est le chef de la Team Rocket. Je ne veux pas que tu te battes contre lui. Fais tout ce qu'il te demande. Il est trop puissant pour qu'on lutte contre lui. Je refuse catégoriquement que tu te mettes en danger. S'il te le propose, accepte de travailler pour lui, quoi qu'il te demande. M'as-tu compris ?
Régis ne laisse paraître aucune émotion mais intérieurement, il est révolté. Son grand-père, qu'il a toujours admiré, qui était son mentor et son modèle, lui demande maintenant de faire passer ses propres intérêts avant ceux de la science ou de son pays. La loque ridée qui s'appuie sur lui ne lui inspire plus que du mépris.
Accoudé à la table se trouve Giovanni, son persian à ses côtés.
- Merci beaucoup, Maître Giovanni, articule Régis avec difficulté. Je vous suis très reconnaissant d'avoir sauvé notre laboratoire.
- Mais ce n'est rien, mon petit... quel est ton nom déjà ?
- Régis. Chen Régis.
- Mon petit Chen Régis.
Le sourire de l'homme fait froid dans le dos de l'assistant-chercheur. Il détourne les yeux pour ne pas avoir à le regarder, et va chercher la trousse de premier secours pour soigner son grand-père. Il est aigri par les évènements de la soirée, aigri d'avoir perdu désormais toute la confiance qu'il plaçait dans son ancien modèle.
Giovanni reste toute la journée au laboratoire. Il commente avec fougue le comportement hautement antinational de Fujii et Oshiro, condamnés dans la nuit à perpétuité pour actes de terrorisme. Régis regarde en coin la réaction de son grand-père, et celle du Maître d'Arène. Il sent qu'il se passe quelque chose. Il n'y a pas si longtemps que ça, ces deux « terroristes » étaient venus au laboratoire et s'étaient entretenus avec son grand-père dans le plus grand secret. Maintenant qu'ils sont sous les verrous, que va-t-il arriver au professeur ?
La réponse est donnée par le journal du soir, annonçant le départ à la retraite de Chen Sammy au profit de son petit-fils Chen Régis. Manipulation médiatique, bien évidemment.
En silence, le premier pleure sur la table tandis que le second reste pensif. Directeur de recherches, voilà qui ne sonne pas trop mal.
- Ah, Monsieur Chen, sourit Giovanni en flattant l'épaule du nouveau retraité, comme vous en avez de la chance ! Vous allez enfin pouvoir vous reposer ! Toutes ces années de bons et loyaux services à la nation. Vous devez être fier !
- Maître Giovanni ? interroge Régis.
- Oui, Professeur Chen ? répond Giovanni, insistant bien sur le mot « Professeur ».
- Je vais avoir besoin de certains budgets pour certains projets de recherche...
- Ah, ne vous en faites pas, professeur! J'ai quelques idées en tête que j'aimerais vous voir mener à bien. Comme par exemple...
Le criminel se penche vers l'avant pour murmurer à l'oreille de Régis.
- ...comme par exemple, surveiller votre grand-père. Nous savons de source sûre qu'il a pactisé avec ces terroristes, Fujii et Oshiro. Si vous avez la moindre information, nous vous serions infiniment reconnaissants de la partager.
- Reconnaissants jusqu'à quel point ?
L'homme basané hausse un sourcil et sourit de plaisir.
- Nous pourrions vous aider à redorer le blason de votre centre de recherches...
- Je vais y réfléchir.
Avec soulagement, Régis regarde Giovanni prendre son congé. Lorsque le bruit des pales de l'hélicoptère s'est éloigné, il regarde son grand-père et lui dit, en ancien langage :
- Tu n'as vraiment aucune fierté. Toutes ces années de luttes, pour me demander de remuer la queue comme un gentil chien ? Et de lui lécher la main ? Je ne sais pas ce qui se trame en ce moment, ni ce que Fujii et Oshiro ont pu faire pour mériter ce châtiment, mais toi, tu vaux encore moins qu'eux.
Dans son hélicoptère, caressant la tête de son persian, Giovanni exhibe toutes ses dents.
- Toutes les lignes ont-elles bien été mises sur écoute ?
- Toutes, boss. Sans la moindre exception.
- Et les micros ?
- Placés eux aussi un peu partout sur la propriété.
- Parfait, parfait !
- Mais qu'est-ce que vous cherchez, boss ?
Le chef abat son poing sur l'accoudoir de son fauteuil.
- Triple buse ! Tu n'as donc rien suivi ?
- Mais chef...
- Silence ! Mewtwo n'est plus sur place, mais aucun cadavre n'a été retrouvé ! Cela ne peut vouloir dire qu'une seule chose : la bête est entre les mains des associés du professeur. Nous allons devoir le surveiller de près, ainsi que ses amis. Il faudra sans doute acheter le petit-fils.
- Le poste de son grand-père, ce n'est pas assez ?
Giovanni fulmine.
- Sombre crétin ! Régis était de toutes façons l'héritier direct du professeur, nous n'avons fait qu'accélérer les choses ! Tu crois vraiment que c'est avec ça et quelques arrangements pour sa carrière que nous allons lui faire oublier ses racines ?
Le sbire tremble sans répondre.
- Notre but n'est pas seulement d'humilier le vieux Chen. Mewtwo est toujours en liberté, et tant que je n'aurai pas retrouvé le cadavre de cette Cerise, je ne connaîtrai pas le repos.
Pleurnichant dans son laboratoire, Chen le Vieux passe en revue toutes ses erreurs. Oui, s'il avait accepté de ne pas se mêler de cette histoire de disparition... s'il avait décidé d'abandonner Fujii... s'il ne s'était pas accroché à Agatha... s'il s'était plus investi dans ce dossier M2... s'il avait accepté les propositions de travail un peu louches qui lui avaient été faites... à présent où serait-il ? Il dirigerait le plus grand laboratoire de la Team Rocket. Il travaillerait sur Mewtwo qu'il aurait aidé à capturer. Il aurait tous les fonds dont il a toujours rêvé pour parachever son pokédex. Il aurait sans doute accès aux meilleurs banques de données internationales. Son rêve serait à présent réalité.
Que ne s'est-il rendu compte de cela bien plus tôt ! Que de peines auraient été épargnées ! Quelle célébrité serait la sienne !
Et maintenant ? Maintenant son petit-fils a pris sa place sans cérémonie. Il a perdu sa blouse, il a perdu son titre, il a perdu son rang. Il n'a plus rien désormais que ses yeux pour pleurer.
Il a pris sa décision. Dès demain, il va vendre ses services à Giovanni. Il ne lui reste que peu de temps à vivre, il va devoir mettre les bouchées doubles s'il veut mener à bien son projet.
Kami – Mewtwo – il ne sait plus qui il est. Cela importe peu. La tristesse et le remord qui le rongent sont insupportables. Il regarde à ses pieds le cadavre de Cerise. Il comprend soudain la vanité de son comportement et la vacuité de ses actes. Ses mains ne sont capables que de détruire. Il n'a rien su faire d'autre de sa vie. Les humains qui auraient dû le guider l'ont lâchement abandonné ou trahi, et la seule qui a su vaguement toucher à sa peine, il vient de l'assassiner.
Doucement, il pleure toutes les larmes qu'il n'a pas eu le temps de verser pour sa sœur Aï. Sa seule et unique amie, perdue par la faute des humains. Ces horribles humains, qui ont jugé plus prudent de l'endormir et de tout lui faire oublier que de faire face à leurs responsabilités. Ces petites choses faibles qui se croient fortes. Ces êtres qui n'ont pas su sauver Aï. Ces bourreaux qui ne l'ont jamais aimé comme un fils mais toujours, toujours, comme une propriété.
Il grince des dents. Il hait les humains d'une haine nouvelle, parce que c'est une haine lucide et consciente d'elle-même. Il ramasse doucement le corps sans vie et rassemble les membres flasques. Dans le giron de la défunte, il dépose les noigrumes contentant ses pokémons.
Il n'abandonnera pas. Pas maintenant. Sa quête ne fait que commencer. Il vient à peine de se souvenir qu'il a une sœur, qu'il y avait un temps où il était heureux, puis un temps où il fut malheureux, avant cette haine qui le brûle comme une fièvre. Il y a un but à sa haine. Sa tête est claire désormais. Il sait quoi faire et où aller. Il ne tournera plus vainement en rond.
D'un regard, il abat les ruines du laboratoire et les réduit en poussière, ne laissant pas pierre sur pierre. Il sait quoi faire. Il sait où aller. Il ne sait peut-être pas qui il est, mais il sait d'où il vient et où il va.
Il le doit à la mémoire de Cerise.
Fin du chapitre
Chapitre inspiré de la chanson Free of me de Joshua Radin.
Culture et vocabulaire : notes pour toute cette fic
Capsumon est le nom européen des pokémons (capsule monster). Les pokéballs sont nommées en Europe capsules.
Actuellement au Japon, adolescentes et jeunes femmes peuvent vendre à des sex-shops spécialisés leurs vêtements usagés, lavés ou non. Les fétichistes des vêtements et des odeurs les achètent sous sac plastique scellé, parfois en magasin, parfois dans des distributeurs automatiques.
Les « love hotels » sont des hôtels pas chers dont on loue la chambre à l'heure pour y passer du temps en couple.
Notez que dans la maison traditionnelle japonaise, on laisse ses chaussures à l'entrée et on met des chaussons – parfois prêtés par l'établissement lorsqu'il s'agit d'un lieu public comme un restaurant ou des bains. Il faut enlever les chaussons pour marcher sur le tatami.
Au Japon il est malpoli de parler en mangeant, d'avoir des conversations privées en public, ou même de s'embrasser en public.
Le jour de la fête des morts – on le voit dans un épisode de la saison 1 de l'anime, « le fantôme de la jeune fille » – on place des bougies dans des petits bateaux qui vont descendre le cours des fleuves et guider les âmes des morts jusqu'à la mer, où ils résident.
La mafia, nommée Cosa Nostra en Sicile, est une organisation criminelle tentaculaire qui s'étend tant parmi les civils que les institutions. Leur serment est l'omertà.
Les carabiniers sont l'équivalent italien de la gendarmerie nationale française.
Une kirin ou qilin est un animal composite chinois. Roi des animaux et gage de prospérité, sa corne unique lui permet de séparer les bons des mauvais. C'est, grosso modo, l'équivalent asiatique de la licorne, bien que le rôle et l'aspect soient très différents.
Le bain japonais se déroule en deux temps. D'abord, il faut se laver assis sur un petit banc, en se rinçant à l'aide de baquets. Ensuite seulement on rentre dans l'eau, très chaude et sans savon, pour s'y prélasser. L'eau peut être conservée plusieurs jours durant grâce à un système de baignoire chauffante.
Le baeckeofe est un plat traditionnel alsacien cuit durant 24 heures et composé de trois viandes différentes (bœuf porc agneau) assaisonnées de vin blanc, d'herbes, de patates, carottes, navets...
La tarte flambée est une sorte de pizza de fromage blanc et de lardons cuite rapidement (trente secondes) au four très chaud et mangée avec les doigts.
La tofaye est la variante vosgienne de la touffaye, plat de pommes de terres et de lardons.
Petit dictionnaire alsacien-français :
Gottverdammi norch a mol = que Dieu me damne encore une fois (juron)
on faut = il faut
le temps qu'ils veulent = la météo qu'ils ont annoncée
attendre sur quelqu'un = attendre quelqu'un
crier sur quelqu'un = crier après quelqu'un
lui aider = l'aider
Pour le fun : expressions alsaciennes :
Seuls les poissons morts nagent avec le courant
L'eau ne coule pas vers le sommet
L'expérience fait le maître
Quand la tête est partie, le cul est tranquille
D'une mouche il fait un éléphant
