Victoire Weasley fixait son reflet dans la glace devant elle. La jeune fille ne savait pas depuis combien de temps elle était là, mais elle ne bougeait pas d'un millimètre, si ce n'est que pour se regarder sous un autre angle. En se regardant, elle se demandait si maintenant, elle était parfaite. Victoire croyait qu'elle devait l'être. Pour faire honneur à ses parents, pour être l'exemple parfait pour sa petite sœur et son petit frère, pour attirer le regard de Teddy ; pour qu'il l'aime et qu'il arrête de regarder les autres filles. Pour qu'on arrête de lui faire des commentaires sur son apparence. Tout le monde lui disait. Tout le monde le répétait. Victoire était belle. Victoire était magnifique. Victoire ressemblait tant à sa mère. Victoire devait être à son image. Elle entendait souvent dire que sa mère était parfaite. Même après une nuit blanche à veiller Louis, elle était parfaite, rien ne paraissait dans sa façon d'être ; dans son apparence. À quinze ans, on disait souvent à Victoire qu'elle était mignonne, belle, magnifique, mais jamais on ne lui disait qu'elle était parfaite.
William, sur le pas de la porte, regardait sa fille. Il semblait suivre, sur son visage, le fil de ses pensées. Il regardait sa petite fille, si forte, mais si fragile en même temps et il ne savait pas quoi dire. Il avait l'impression qu'il allait être maladroit. On gérait ça comment une adolescente avec un puissant mal-être ? Il avait envie d'aller chercher son épouse, elle saurait quoi faire, c'était d'ailleurs elle qui lui avait demandé d'aller parler à leur aînée. Fleur savait. Fleur avait deviné que quelque chose clochait. C'était évident pour elle ; leur fille était malade. Leur fille souffrait. L'instinct maternel, sûrement ou simplement le fait qu'elle voyait réellement, alors que William préférait éviter les yeux bleus éteints de sa fille où brillaient pourtant une telle souffrance. Le conjureur de sorts émit un petit bruit de gorge, faisant sursauter sa fille. Elle se tourna vers son père et baissa aussitôt la tête. Le premier réflexe de celui-ci fut de s'avancer vers sa fille et de la prendre contre lui. De la prendre dans ses bras, comme s'il pouvait la protéger d'elle-même et de ses pensées. Alors Victoire, si menue dans les bras de son père, éclata en sanglots. Sur son visage pâle, coulaient des larmes trop souvent retenues. Elle pleurait son dégoût envers elle-même, elle pleurait cette perfection qu'elle avait l'impression qu'elle n'atteindrait jamais, elle pleurait de frustration, de peur, de doute et de rancœur trop longtemps retenue. Elle déversait un flot de larmes sur la chemise de son paternel.
- Ma puce… Tu es belle, Victoire.
La jeune fille osa enfin regarder son père, lorsqu'il prononça ces mots. Son visage ruisselait encore de larmes, mais un éclat de fureur passa dans ses yeux.
- Je ne veux pas être belle ! Je veux être parfaite ! Comme maman...
- Tu n'es pas ta mère. Tu es toi, ma chouette. Tu es Victoire. Tu es unique. Tu as ta beauté à toi. Tu n'es pas le reflet de ta mère. Tu es belle, ma fille. Tu es belle quand tu souris, quand tu ris, quand tu cries, quand tu pleures… Tu n'as pas à être parfaite… Personne ne se doit de l'être… Viens… Je vais te montrer quelque chose.
L'adolescente suivit son père jusqu'à l'extérieur. Sa mère s'amusait avec Dominique et Louis. Ses cheveux blonds décoiffés semblaient briller au soleil, tandis que son rire cristallin résonnait dans l'air de juillet. Victoire ne voyait pas ce que son père tentait de lui montrer. Même à cette distance, sa mère semblait parfaite. De près ou de loin. William interpella son épouse.
- Chérie ? Peux-tu venir ici, un instant ?
Fleur se tourna vers son mari et sa fille et hocha la tête. Elle demanda à Dominique de surveiller son petit frère et elle les rejoignit. William esquissa un petit sourire en la voyant venir. Même si les années ne semblaient pas avoir d'emprise sur elle, il la voyait sans artifice. La mère de famille regarda l'adolescente et la couva d'un regard tendre et maternel.
- Ta mère est belle, Victoire. Même avec les quelques cheveux blancs qui commencent à parsemer sa chevelure. Ta mère est belle, Vic. Même avec ses petites ridules au coin des yeux. Ta mère est belle, elle n'est pas parfaite. Ma puce, tu es toi-même et par Merlin que tu es belle. Tu n'as pas besoin de vouloir ressembler à quelqu'un pour être aimée, pour être belle. Tu es magnifique comme tu es, Vic.
En fait, William ne savait plus quoi dire. Il regarda Fleur, espérant qu'elle viendrait à sa rescousse. La mère de famille, replaça une mèche blonde de sa fille et caressa sa joue en passant.
- Être toi-même, c'est ce qui fait ta perfection. Tes qualités, tes défauts, tes maladresses, tout ce que tu es, fais ta beauté. Je ne veux pas que tu portes de l'importance aux personnes qui te demandent d'être parfaite ou de me ressembler. Je sais, Victoire, qu'être notre fille peut être difficile, mais tu es formidable comme personne. Ne l'oublie jamais.
- Nous t'aimons comme tu es, ma chouette. Tu n'as pas à vouloir changer pour qu'on t'aime. Nous allons t'aider à t'en sortir...
Victoire éclata à nouveau en sanglots et se blottit contre ses parents. Dominique et Louis vinrent rejoindre ce câlin familial. L'adolescente comprit quelque chose, dans cette effusion d'amour. Elle était belle comme elle était. Ça allait être un long combat, avec des hauts et des bas, mais elle était prête.
- Tu es belle, Vic...
