Bonjour à tous, voici une nouvelle histoire. C'est une histoire relativement longue, intégralement écrite. Elle a 7 chapitres. J'en publierais un par semaine, le vendredi.
C'est un UA, je modifie la station des Bennet dans le monde, et le passé récent de cette famille. Ainsi que l'enfance de Lizzie. Et la relation orageuse entre Lizzie et Mme Bennet.
Warning : Il y a la thématique de l'adultère. Il n'y a aucun détail précis. C'est uniquement évoqué dans des lettres ou des discussions. Si cela vous dérange, je vous préviens tout de suite (et ce n'est pas une histoire de nouveau frère ^^)
Titre : Fantôme et Chimère
Auteur : Selsynn
Résumé : Les Bennet ont eu un revers de fortune, et Elizabeth en paye le prix fort. Elle porte le secret de ses parents, et la honte qui va avec. Mme Bennet la hait, et Lizzie ne veut que fuir loin de Longbourn, elle pourra avec ses 21 ans, moins d'un an à attendre. Quand au détour d'une assemblée, il revient. Son William. Mais visiblement, il ne la reconnait pas.
Couple : Darcy / Lizzie. Il y a très faiblement un Jane/Bingley, un Lydia/Wickham, et un Charlotte/Collins.
Disclaimer : C'est une fanfic Orgueil et préjugé et en tant que telle, les personnages et les évenments sont tirés de ce roman/télé-série/film. Je sais que le roman est techniquement tombé dans le droit public, mais j'ai envie de vous faire partager cette histoire.
Je ne suis pas une spécialiste en Histoire, du coup je peux raconter des erreurs, s'il vous plait, aidez moi à corriger les erreurs que vous relevez. Je me suis basée surtout sur les romans que j'ai pu lire de cette époque là, et donc je suis consciente que j'ai une vision "romantique" de l'époque. Je présuppose notamment une place de la femme plus forte que historiquement précis.
De la même manière, on m'a fait une remarque comme quoi mes dialogue ne correspondait pas aux codes régences. J'avais déjà écrit cette histoire, et la relecture/correction me parait trop importante (la relation et les intrigues tiendront mal dans un style regency) [[J'en profite pour remercier le reviewer Guest d'avoir attiré mon attention sur ce problème.
Du coup, toutes mes excuses, cette fanfiction n'a qu'une inclinaison légère vers du regency, et aucun fond ^^ (mais si vous voulez m'aider à la corriger, vous êtes tout à fait les bienvenus !)
Bonne lecture !
Chapitre 1 : Arrivées inattendues
« Les filles, habillez-vous de vos plus beaux atours ! Netherfield est enfin loué ! En plus il sera là pour l'Assemblée, Mme Longe me l'a certifié. Lizzie, reste en arrière ! »
Fanny, Mme Bennet, est une femme dans la cinquantaine, marquée par le temps, et qui possède une voix trop aiguë pour le bonheur des oreilles de ses interlocuteurs. Elle est la mère de cinq filles.
La première, Jane, une angélique figure encadrée de cheveux blonds comme sa mère dans sa jeunesse, éternels médiatrice, ne peut supporter la duplicité et le mensonge et donc une légère tendance à la naïveté, mais les mystères et les incohérences de la vie de famille l'ont depuis longtemps soignée.
Elizabeth, Lizzie, Lizbeth, la seconde, s'oppose en tout point à son aînée. Que ce soit au niveau du caractère, Lizzie pense que les gens honnêtes sont si rares qu'elle n'en connaisse qu'une : Jane. Tous les autres sont des menteurs plus ou moins avérés, voire pires. Au niveau du physique aussi, il faut chercher assez longtemps pour remarquer les traits en communs. Lizzie possède des pommettes hautes, des yeux sombres et des cheveux noirs comme les jais.
Mary, la troisième fille est l'éternelle cinquième roue du carrosse : trop éloignée de Lizzie en âge pour avoir été proche d'elle dans l'enfance, et trop vieille pour partager l'insouciance des deux dernières. Ses cheveux châtains clairs mettent en valeur ses yeux aussi clairs que Jane, d'une teinte d'un ciel d'orage. Elle s'enferme dans ses études autonomes, surtout encadrées par des sermons et des feuilles de musiques.
Catherine, Kitty, est une jeune fille sans caractère, qui suit sa plus jeune sœur en essayant de vivre un peu. Elle a un physique légèrement plus avantageux que Mary, mais qui pâlit devant les trois autres filles.
Lydia, la petite dernière est une réplique de Jane, décidée et enjouée, la plus stupide de l'Angleterre, dirait son père, qui depuis sa sortie fait tourner la plupart des têtes des jeunes hommes.
Les quatre filles se dépêchent de monter dans les chambres pour se préparer à l'Assemblée, où ils rencontreront le nouveau locataire de Netherfield, le mystérieux Mr Bingley, célibataire, riche, donc certainement en recherche d'une femme.
Lizzie reste à l'arrière, jetant un léger coup d'œil appréhensif vers sa mère. Elle sait déjà ce que cette dernière va lui dire, depuis qu'elle et Jane sont sorties et en « recherche de maris », elle reçoit toujours les mêmes instructions.
« Mets une robe quelconque, Lizzie, ne met pas de belles robes, je sais que ton père a donné de l'argent pour que tu t'en achètes une pour ton anniversaire, mais pas la peine de la mettre, Jane doit être la plus belle. Ou Lydia, à la limite. Mais surtout Jane. Mr Bingley ne doit avoir d'yeux que pour elle. Et de toute manière, tu refuses toutes les avances que les hommes te font ! »
Lizzie ne répond rien. Elle soupire à peine en repensant à la dernière « avance » qu'elle a reçu. Comment accepter quelqu'un dans la situation délicate où elle est ? Elle aime un autre homme et au pire, elle sait qu'elle est la mieux lotie pour se trouver un mari seule, une fois qu'elle aura joyeusement passé une dernière année avec ses parents si aimant et qu'elle aura enfin sa majorité. Et qu'elle pourra toucher son héritage, ainsi que recontacter enfin une partie de ses proches dont elle a été totalement coupée.
« Allez, va aider Jane à se préparer ! »
Elle en profite aussitôt et fuit en direction de l'étage. Quand elle ouvre la porte de leur chambre, un sourire triste de Jane l'attend.
« Comme d'habitude. »
Lizzie ne pleure plus. Elle ne veut plus verser de larmes sur le comportement de la mère de famille.
« Je suis si désolée de la façon dont elle te traite, Lizbeth. Tu ne mérites pas ça.
— Chut Jane, si quelqu'un t'entend, tu ne devrais pas.
— Quand tu es triste, je t'appelle Lizbeth. Au moins je peux te rappeler qu'il y a eu des gens qui t'ont aimé.
— Et regarde où ça les a menés. Morts, ou disparus.
— Allons, Mr Bingley aura sûrement fait une école, Cambridge sûrement, peut-être aurait-il entendu parler de ton…
— Chut Jane ! »
Jane sourit simplement pour clôturer la discussion. Son objectif a réussi, sa sœur a de nouveau un sourire sur le visage. L'appeler Lizbeth et sous-entendre qu'un certain gentleman existe toujours est la clef pour faire oublier le pauvre traitement que sa mère lui fait.
Lizzie secoue la tête de ses rêves inavoués et s'occupe de préparer sa sœur pour la fête. Elle se met de côté une robe de l'année dernière, la plus jolie et la plus à la mode actuelle possible. Les mots de sa sœur tournent quand même dans son esprit.
« Tu crois réellement qu'il peut avoir fait la même école que William ?
— Mère a entendu qu'il avait fait Cambridge, et qu'il a 25 ans. Cela le mettrait dans la même année, non ?
— Oui, mais Cambridge doit être grand…
— J'ai aussi entendu dire qu'il avait un gentilhomme du même âge, célibataire, avec lui.
— Ah, tu as entendu beaucoup de choses.
— Lydia est une source intéressante pour ce genre de nouvelles. Par contre, ils apporteraient aussi beaucoup de jeunes femmes, ce qui l'attristait.
— Les femmes n'auront pas fait Cambridge, elles ne sont pas intéressantes.
— Tu es si sûr ? Elles ont pu le rencontrer autrement, et au moins, elles devraient savoir s'il est marié, ou engagé, ton William.
— Il ne l'est pas.
— Comment peux-tu être si sûre ? Tu n'as plus de nouvelles de lui depuis combien de temps ? Dix ans ?
— Jane ! Je ne veux plus parler de William… Je m'habille et je te prépare ta coiffure. Démêle donc tes cheveux seule ! »
Jane se tourne vers le miroir pour observer Lizzie sans plus dire un mot. Elle voit que sa sœur est fâchée, voire certainement triste. Elle se prépare pour une robe qui n'est pas la plus belle de sa collection.
« Je suis tellement désolée, Lizbeth. Je n'aurais pas dû mettre en doute ton William. Je ne le connais pas, même si tu m'as raconté plein de choses sur lui. Sèche tes larmes, et viens m'aider, je ne peux vraiment pas y arriver seule. Et puis je t'attacherais ta robe. Viens, Lizzibeth, ne reste pas fâchée avec moi. Je suis désolée.
— Je… Non, c'est moi qui suis désolée, Jane, ma chère sœur. Pardonne-moi de m'être emportée. »
Lizzie s'approche de sa sœur et s'occupe de sa coiffure, puis l'aide à passer la plus belle robe que Jane ait. Elle sourit au milieu de ses larmes.
« Tu es vraiment magnifique, Jane. Tu as la beauté extérieure de Mme Bennet, mais contrairement à elle, tu es aussi illuminée à l'intérieur. L'homme qui aura ta main sera le plus heureux des hommes.
— Si j'ai le choix de me marier par amour.
— Tu l'auras, Jane, je te le promets. J'ai de quoi te le proposer.
— Non, ce qu'elle t'a laissé doit te servir à toi.
— Non, Jane, ce sera à moi, et je veux qu'il serve aussi pour toi. Tu ne sais pas ce que tu dis, j'aurais assez pour nous deux. Mais on ne doit pas en parler à la maison ! »
Les deux sœurs finissent de se préparer sans un mot supplémentaire. Le temps s'allonge indéfiniment avant que les cinq sœurs, Mr et Mme Bennet soient devant le pas de leur porte et attendent la calèche qui doit les amener à Meryton, pour l'assemblée.
Mary se tourne vers Lizzie, le plus loin possible de leur mère.
« Lizzie, cette robe met en avant tes yeux, tu es très jolie dedans.
— Merci Mary. Cette robe est un peu sévère, et je pense que tu serais plus à ton avantage dans des couleurs un peu plus pastel.
— Mais si je suis à mon avantage, une certaine personne se souviendra que j'existe. Et je suis très bien comme je suis, je ne tiens pas à vivre l'enfer de Jane. Tu sais, je te l'ai jamais dit, je suis peut-être trop petite pour tout partager avec vous, mais j'ai des souvenirs de mes huit ans. »
Lizzie inspire un grand coup d'air, avant de ricaner d'un air forcé.
« Je n'imagine pas de quoi tu veux parler, Mary. Tu as avancé sur tes partitions, j'aurais des suggestions à te faire, disons demain ?
— Avant le repas de midi, dans le jardin ? Avec plaisir. Oui, j'ai avancé un peu mais je bute toujours sur certains passages. J'espère que tu pourras m'aider à faire sens.
— Demain, c'est d'accord. »
Lizzie regarde sa petite sœur s'éloigner d'elle. Pas étonnant qu'avec ce qui se soit passé lorsque Mary avait huit ans, qu'elle s'en souvienne. L'année où Lizzie a fêté ses onze ans a été l'année la plus étonnante, affreuse, merveilleuse… Les sentiments de Lizzie, neuf ans plus tard, ne parviennent pas à trancher si elle préfère que cette année ne soit pas arrivée ou si au contraire, c'est la meilleure année de sa vie. C'est l'année qui l'a forgée. Assister à la mort, à quelques mois d'écart, des deux femmes qu'elle a le plus estimées a été une épreuve très forte. Mais comme on dit, les épreuves qui ne nous détruisent pas nous rendent plus forts.
Enfin, tout le monde entre dans la calèche des Bennet, Lizzie entre son père et Jane. Mme Bennet recommence son discours.
« Mr Bingley ne doit avoir d'yeux que pour Jane. Dans la mesure, impossible évidement, où il vous demande à danser, vous devez refuser tant qu'il n'a pas dansé avec Jane. Jane, toi, ma fille, tiens-toi plus droite, bombe la poitrine plus fermement, et sourie ! Évidemment, si tu avais un peu d'avance sur ton argent de poche, tu pourrais avoir une robe plus à la mode. Il paraît que c'est la fureur de la dentelle. Mais bon, vu que ton père donne tout le surplus d'argent de poche à Lizzie, il faut bien faire comme on peut. J'espère que ce sera suffisant pour Mr Bingley. »
Seule Lydia ose interrompre les monologues de sa mère. Seule la plus jeune peut s'en sortir sans se faire agresser verbalement. Le visage de Mr Bennet est sombre, et il serre de temps en temps le bras de sa seconde fille, comme pour lui transmettre de la force. Il a hésité longuement à aller à l'assemblée. Finalement, ce qui l'a convaincu, c'est la « mise au point » de sa femme, qui a dénigré encore une fois sa fille préférée.
C'est aussi qu'il a rencontré Mr Bingley et son ami, un gentilhomme dont le nom a remué beaucoup trop de souvenirs. Il faut qu'il soit là pour la présentation de sa seconde fille. Pour autant que ça l'intéresse, Jane peut plaire au monde entier. Il aura un rendez-vous très poussé loin de sa femme pour savoir, d'après Lizzie, ce que Jane et Lizzie pensent réellement de ce nouveau prétendant. Mais Lizzie, elle, ne peut pas plaire à tout le monde. Sa situation est plus complexe qu'il n'y paraît, et l'homme qui peut la simplifier sera présent ce soir. Pour l'instant, il n'a pas soufflé un mot sur l'arrangement qui empêche Mlle Elizabeth Bennet de se marier. Ni sur la vérité sur sa dot.
Et certainement qu'il ne va pas souffler un mot à sa femme de la présence de Mr Darcy, dont la fortune est bien plus conséquente que celle de son ami Mr Bingley.
Une fois à destination, Mr Bennet fait descendre sa femme, puis ses filles dans l'ordre des âges. Une fois tout le monde dehors, ils s'avancent vers l'assemblée. Un simple regard le convainc que le groupe de Netherfield n'est pas encore là. Il délaisse ses filles et retrouve son beau-frère, Mr Philips pour discuter.
Lizzie et Jane, elles, profitent de la présence de leur amie Charlotte Lucas pour fausser compagnie au reste de la famille. Mary, elle va vers les musiciens. Une solution simple pour éviter d'entendre sa mère et ses jeunes sœurs.
Quelque temps plus tard, les portes s'ouvrent à nouveau et un groupe de trois hommes et deux femmes entrent. Sir Williams Lucas, le père de Charlotte file vers eux. Divers pères de famille sont eux aussi en ligne pour les présenter à leurs familles. Mr Bennet est invisible, dans une autre salle.
Mme Bennet vient chercher Jane et s'approche de Sir Williams, prête à être la première à présenter sa fille adorable. Lizzie est horrifiée sur les manières de sa mère, encore plus que d'habitude, et se confond en excuse à Charlotte.
« Allons, ma chère Eliza, on sait très bien que ta mère pense que le monde entier est en admiration devant Jane.
— Non, mais ton père devrait te présenter toi, ou Maria, ta sœur. Certainement pas ma mère et ma sœur ! Et pourtant, c'est ce qu'il fera.
— Tu sais, mon père est comme ça. Ta mère est aussi complètement convaincue qu'elle fait le bien de Jane.
— Ou mon mal. »
Le marmonnement d'Elizabeth ne passe pas inaperçu aux oreilles de Charlotte. Elle sert rapidement son amie dans ses bras, à ces moments-là, Eliza lui rappelle tellement l'air hagard quand elle avait été ramenée par un carrosse resplendissant, tant d'années en arrière.
« Allons plutôt chercher ton père, lui saura te présenter aux gentilshommes, je sais que tu as des questions à leur poser. »
Sans dire un mot de plus, les deux jeunes femmes sortent de la pièce, à la recherche de Mr Bennet. Très vite, elles le trouvent.
« Père, les gens de Netherfield sont arrivés.
— Je suppose que ta mère a déjà présenté Jane, voire Lydia aussi.
— Elle s'est précipitée sur Sir Williams.
— Mlle Lucas, merci d'avoir accompagné ma fille, Andrew, on se reparle plus tard. Et faudra que tu viennes faire un tour pour… tu sais quoi.
— Le plus simple, c'est que tu passes à l'agence. Mes assistants sont totalement fiables, tu le sais.
— On en reparle plus tard. Lizzie, ma chère, viens donc. »
Andrew Philips replie les documents étalés sur la table, et accompagne Charlotte, Elizabeth et Thomas Bennet dans la salle de danse. Effectivement, les inconnus de Netherfield sont toujours ensemble, et mis à part Sir Williams, il n'y a plus personne devant eux.
Mr Bennet s'approche d'eux, sa fille Lizzie au bras. Il fait signe à Mary de les rejoindre, pour qu'elle soit à son second bras. Kitty et Lydia sont déjà en train de danser avec les jeunes voisins. Il fait signe à Sir Williams qu'il prendra le relais.
« Mr Bingley, je crois que vous avez déjà fait connaissance de ma femme Mme Bennet. Je ne crois pas qu'elle ait présenté toutes mes filles. Voici Elizabeth, ma seconde, et Mary, ma troisième fille. Catherine et Lydia sont déjà sur la piste de danse.
— Enchantée Mlle Elizabeth, Mlle Mary. Mme Bennet nous a présenté Mlle Catherine et Mlle Lydia de loin. Quand vous êtes passé, mon beau-frère Mr Hurst n'était pas présent, ni mes sœurs. Voici Mr Hurst, et sa femme, ma sœur, Mme Hurst. Et voici ma sœur aînée, Mlle Caroline Bingley.
— Enchanté de faire votre connaissance. Mr et Mme Hurst, Mlle Bingley, voici mes filles, Mlle Elizabeth et Mlle Mary.
— Et vous connaissez déjà mon ami.
— Oui, je vais aller le voir. Merci, Mr Bingley. Nous sommes vos voisins les plus proches, n'hésitez pas à venir me voir si vous avez besoin d'un renseignement. »
Les deux hommes se séparent. Mr Bennet entraîne ses deux filles à la rencontre du dernier homme, tout en gardant un œil plus qu'attentif sur sa fille préférée.
« Mr Darcy ! Je suis ravi de vous retrouver ici.
— Mr Bennet. Votre femme est déjà passée pour faire les introductions.
— Elle n'a pas dû vous présenter les deux filles les plus intelligentes de ma maison. Mlle Elizabeth, ma… seconde fille, et Mlle Mary, la troisième. Lizbeth, Mary, je vous présente Mr Darcy. »
Le regard paniqué qu'elle lève vers son père, puis vers l'homme qui lui fait face, inspire un nouveau pincement de culpabilité à Thomas Bennet. Il n'aurait peut-être pas dû dire cela. Il ressert le bras de sa fille chérie et relâche Mary qui retourne après une révérence vers ses amis musiciens. Lizzie, elle, est fixe sur place, et ne peut pas bouger de là où elle est. Elle sort de sa stupeur pour demander.
« Mr Darcy ?
— Oui, Mlle Elizabeth ? »
Les mots débordent de sa bouche sans qu'elle ne sache quoi dire. Elle le dévore des yeux. Elle est quasiment sûre que c'est lui. Mais… Il ne semble pas la reconnaître. Il n'y a qu'une façade lisse qui lui fait face. Seuls ses yeux semblent animés.
« Vous venez souvent en Hertfordshire ?
— C'est la première fois. Je viens du Derbyshire.
— Le Derbyshire est magnifique. Si sauvage… Avez-vous un domaine, Mr Darcy ?
— Oui, mon domaine, Pemberley, se trouve à deux journées complètes de cheval par beau temps de Londres. Je suis ici pour aider mon ami Bingley à diriger un domaine, c'est le premier qu'il possède et il ignore encore tellement de choses.
— Vous êtes là pour le former ? N'avez-vous pas besoin d'apprendre vous aussi ?
— Je suis maître de mon domaine depuis plus de cinq ans, quand mon père est mort.
— Oh, Mr Georges Darcy est mort ? Toutes mes condoléances. Je suis tellement désolée.
— Je… Mon père, George, était un homme très respecté et j'essaye de marcher dans son sillage.
— Et votre… famille, sinon, elle va bien ?
— Je n'ai qu'une petite sœur, qui n'est pas dans la région. »
Lizzie remarque que son père essaye de se désengager de ses bras, sûrement pour retrouver Oncle Philipps quelque part loin de la musique. Elle le laisse partir avec une sorte d'apathie. Les premières fois que des gentilshommes inconnus sont arrivés de Londres pour s'installer dans la région, elle rêvait toujours qu'elle retrouverait William. Mais depuis deux ans, elle s'est fait une raison. Et le voilà devant lui.
« Ravie d'avoir fait votre connaissance, Mr Fitzwilliam Darcy.
— Moi de même, Mlle Elizabeth. »
Elle soigne sa révérence, et s'éloigne de lui. Il la regarde avec de l'étonnement et elle rougit en pensant qu'elle a fait deux erreurs fatidiques. Mais elle murmure son nom dans ses rêves depuis si longtemps qu'elle a eu un lapsus.
Il la laisse partir sans plus dire un mot, et s'il l'observe avec son regard empli d'étonnement, il ne vient pas la voir pour discuter. Lizzie le regarde toujours, et cherche à comprendre ce qu'il se passe dans sa tête. Comme il a changé, depuis si longtemps. Il danse magnifiquement bien avec les deux femmes avec lequel il est arrivé. Il échange trois mots avec l'une d'entre elles et s'installe le long d'un mur.
Son ami vient voir Lizzie et lui demande une danse. Un simple regard vers Jane la rassure et lui permet d'accepter.
« Vous avez déjà dansé avec ma sœur aînée ?
— Oh, oui, c'est vrai, Mlle Jane Bennet est votre sœur aînée. Oui, elle est magnifique.
— À qui le dites-vous ? C'est sans comparaison la plus douce et la plus belle de toute la famille.
— Mais vous êtes belle, vous aussi, Mlle Elizabeth. Je crois que toutes les trois, vous êtes belles dans votre propre style. Il faut que j'invite la dernière, Mlle Mary, après notre danse. »
Lizzie lui fait un sourire charmé. Un ami de William, cela prévoyait déjà un bon caractère, mais qu'il veuille danser avec Mary, c'est un accomplissement plus important encore.
« Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre un domaine ?
— Oh, la façon de mon ami de parler de son domaine.
— Oui, Mr Darcy a hérité de Pemberley par son père. C'est une très belle demeure. Sûrement la plus belle qu'il existe…
— Mlle Elizabeth, vous y êtes déjà allée ? Je suis si étonné ! C'est loin d'ici.
— Oh. Non. Heu. Si. Je… Pardonnez-moi. Ma tante a grandi à Lambton, un village qui doit sa prospérité à Pemberley.
— Pour ma part, j'ai découvert Pemberley en réalité au printemps dernier. J'ai été charmé par le domaine, et cela était un rêve de mon père, d'avoir un domaine. Alors j'ai tiré Darcy de sa quête interminable et je l'ai amené avec moi pour qu'il m'aide à m'installer. Le domaine est magnifique. Évidemment, il a plein de reproches à lui faire, mais… C'est ainsi qu'il est.
— Votre amitié doit être importante pour vous deux.
— Oui. Merci Mlle Elizabeth, la danse se termine, je vais devoir vous laisser. J'essayerais plus tard de le tirer de sa mélancolie.
— Merci à vous, Mr Bingley. »
Elle ne sait pas quoi dire, et s'installe à son endroit favori. Charlotte va sur la piste de danse, avec l'un de leurs voisins. Jane est au bras de Mr Bingley, tandis que ce dernier va demander une danse à Mary. Son regard retombe sur le Maître de Pemberley. Plus elle l'observe, plus ses doutes s'effacent. Fitzwilliam Darcy, son William, est de retour dans sa vie. Mais l'a-t-il oublié ? Pourquoi n'a-t-il rien dit ? Qu'est-ce qui se passe dans sa tête ? Elle rougit quand elle croise son regard, et déporte son attention sur le reste de la salle, sur les danseurs. Mary a l'air tellement gauche sur la scène, c'est dommage. Elle connaît les pas, mais n'a pas la grâce de Jane, ni l'énergie et la vivacité de Lydia.
La danse se termine et Mary retrouve sa sœur pour partager quelques mots alors que Mr Bingley va retrouver son ami. Les deux sœurs peuvent entendre la conversation des deux jeunes hommes.
« Darcy ! Cesse donc de faire cette tête, et va danser !
— Non. J'ai déjà dansé avec chacune de tes sœurs, c'est bon. J'aime pas danser. Tu le sais.
— Allez, les jeunes femmes sont tellement belles, j'en ai jamais vu d'aussi belles. Notamment une particulièrement…
— C'est exact, mais encore une fois tu as monopolisé cette danseuse.
— Elle a deux sœurs.
— Les deux sont de pâles répliques sans personnalités, et surtout pas d'attrait pour moi. Va danser, Bingley, et laisse-moi ruminer.
— Tu penses encore à elle.
— Va danser, Bingley. Je n'ai aucune patience pour tes élucubrations. »
La colère se contient mal dans les mots qui sortent de sa bouche et Mr Darcy quitte son ami pour sortir de la salle. Mr Bingley retourne voir Jane pour danser la suivante avec elle.
Lizzie et Mary se regardent entre elles.
« J'ai bien entendu ?
— Mary, je… pourquoi ? William, pourquoi ?
— Chut Lizzie, chut, calme-toi. »
Mr Bingley danse avec Jane, chacun des deux n'a d'yeux que pour l'autre. Mr Bennet est dans une autre salle, et Mr Darcy vient de disparaître. Charlotte est à l'autre bout de la salle. Il n'y a rien qui permet de retenir les larmes de Lizzie. Elle pleure sur ses rêves arrachés, sur son cœur brisé.
« Lizzie, tu le connaissais, hein. C'était de lui que tu parlais quand tu racontais des histoires de pirates et de princes charmants ? Il… il doit y avoir une solution. Une explication.
— Non, on a bien entendu, on est des répliques pâles et sans personnalité de Jane. Après tout, n'est-ce pas la seule chose que sache dire Mme Bennet.
— Maman a tort de te rabaisser. Je ne suis pas belle, mais toi tu l'es. Tu ne lui ressembles tellement pas, je crois que c'est pour ça qu'elle ne t'aime pas beaucoup.
— Et bien, on ne va dire cela à personne, d'accord. Promets-le-moi, Mary. Et silence aussi sur les lapsus. Le garçon que je connaissais n'a rien à voir avec Mr Darcy, l'ami hautain et dédaigneux de Mr Bingley. Promets-moi que rien de ce que j'ai dit ne sera jamais évoqué. C'est vraiment important.
— De toute manière, Lizzie, jamais personne n'écoute ce que je dis. Mais je te le promets tout de même. Notre arrangement pour demain n'est pas remis en question ?
— Non. Non. Je crois que je n'ai jamais fait trop attention à toi, Mary, je suis tellement désolé.
— C'est pas grave, j'ai l'habitude. »
La discussion entre les deux sœurs s'arrête là. Elles restent côte à côte, leurs mains toujours l'une dans l'autre, et se regardent mais sans plus se dire un mot. Finalement, elles sortent de leur léthargie quand Mr Darcy s'adresse à elles.
« Mlle Mary ? Mlle Elizabeth ? Pourrais-je vous apporter des rafraîchissements ? »
Mary hoche la tête rapidement et appuie du regard sa sœur. Finalement cette dernière retrouve sa voix.
« Oui, s'il vous plaît, Mr Darcy. Si vous aviez l'obligeance de nous apporter un verre chacune, cela serait souhaitable.
— Je reviens rapidement. »
Lizzie le voit disparaître et se tourne vers sa sœur, totalement paniquée.
« Qu'est-ce que je fais maintenant ? Pourquoi ? Cela ne lui a pas suffi ? Pourquoi ? William, pourquoi ? »
D'autres larmes retenues reviennent. Mary reprend sa sœur dans ses bras.
« Chut Lizzie, chut. Je ne sais pas pourquoi il est venu. Il ne va peut-être pas revenir. Peut-être c'est à cause de Jane, peut-être de toi… Sûrement pas de moi ! »
Lizzie murmure à mi-voix « William » et de nouvelles larmes apparaissent aux coins de ses yeux, jusqu'à ce que ce dernier se présente devant elles, avec trois verres à la main.
« Mlle Elizabeth, que se passe-t-il ? J'en avais peur, vous êtes malade ? Vous avez quelque chose qui ne va pas ?
— Non, ça va passer. Mary… S'il te plaît.
— Ma sœur a de l'émotion en trop grande quantité. Elle n'a pas l'habitude de… Que notre sœur Jane danse toujours avec le jeune homme le plus prisé.
— Sœur ? Jane ? »
Il devient tout pâle en disant ses mots, mets les deux verres dans la main de Mary, et s'éloigne en s'inclinant. Il ne leur adresse plus la parole de la soirée, et Lizzie et Mary restent ensemble. Mary tente de réparer l'esprit habituellement indomptable de sa sœur avec des remarques sur les danses de l'aînée des Bennet avec Mr Bingley. Le succès est mitigé, mais au moment où la fête se termine, les larmes de Lizzie sont devenues invisibles. Si ses yeux sont tristes, il n'y a qu'elle, Mary et son père qui s'en rendent compte.
