Chapitre 1 : L'œil et la main.

Le désir débute bien souvent par des regards ou des contacts physiques. Et tout gentlemen soit-il, le distingué Harry Hart ( l'un des meilleurs espions de sa Gracieuse Majesté) n'échappait pas à cette règle naturelle. Là ou cela posait problème, c'etait dans l'identité de l'objet de son désir.
Ni plus ni moins que son apprenti, sa recrue : l'insolent Eggsy, dont les manières bien que très supérieures à ce quelles étaient au démarrage, demeuraient hautement inopportunes.

Cela avait commencé très pernicieusement comme beaucoup de choses. Des petits regards passant d'objectifs et neutres à hautement intéressés. Comme par exemple lors d'un entraînement où les recrues écoutaient religieusement Merlin, il songea "Mais va-t-il cesser de se mordiller la lèvre ?"
Mais aussi des contacts d'abord anodins et bref, qui se multipliaient et duraient légèrement plus que nécessaire. Lorsque le jeune homme le rendait très fier, il lui donnait du " C'est très bien Eggsy " accompagné d'une main posée sur l'épaule du blond en guise de récompense. Mais la main serrait maintenant assez longuement cette épaule si robuste, tentant par tous les moyens de ne pas glisser sur le non moins magnifique torse.

De façon générale, Eggsy était beaucoup trop tentant.

Bref Harry Hart se sentait damné et se demandait parfois comment faire pour achever sa formation sans lui faire subir les outrages luxurieux de ses nombreux fantasmes.

Cependant, cela ne le tourmenterait pas bien longtemps, car il se trouvait que le fils de son ami Gauvin, éprouvait depuis presque le premier jour une fascination de moins en moins chaste pour son mentor. Il le trouvait incroyable, tellement classe, accompli. Et il savait que son insignifiante personne avait un tout petit peu d'importance pour l'espion. Cela lui réchauffait le cœur. Jour après jour, il se languissait que leur relation passe à plus. Dans tout cela, deux choses le mettaient complètement sans dessus dessous : quand il rendait fier Harry et lorsque ce dernier prenait sa voix de dominant afin qu'il soit sérieux et se concentre plus de 10 secondes.
Ho cette voix ! Et ces intonations ! Pour un peu, il en souillerait ses sous-vêtements sans même être touché. Les mots lui coulaient par les oreilles, glissaient le long de son dos tel un gel glacé et pour finir c'était comme si cette voix s'incarnait en une main qui lui tenait les entrailles bien serrées avant de tirer comme pour les sortir à travers la peau de son ventre.
Eggsy savait très bien que si ce fantasme se réalisait, il serait alors perdu, totalement sous le contrôle de Harry, (et le plus terrifiant) parfaitement heureux de son sort.

Eggsy venait encore de se surpasser. Il était vraiment une personne étonnante et chaque jour, il rendait fier son mentor. Peu leur importait à tous deux que les autres gentlemen, leurs apprentis, Merlin, et même Arthur ne comprennent pas, pensent aberration au lieux de duo qui fonctionne à merveille. D'ailleurs, cela valait mieux, car alors ils auraient peut-être pu voir la vérité cachée.
Les exercices des recrues se faisaient aussi bien en groupes comme pour le coup du dortoir transformé en aquarium qu' en solo comme c'était le cas pour le dernier test en date d'Eggsy. On l'avait lâché dans un quartier de Londres après lui avoir donné 10 minutes de préparation. Sa mission :de ne pas se faire prendre avec une clef usb remplie de données confidentielles. Il ne devait pas sortir d'un certain périmètre, et avait 3 check-points à valider pour corser un peu les choses. Des agents de Kingsman et leurs recrues devaient quadriller la zone, le trouver, le traquer et le neutraliser afin de lui voler la clef.
Non seulement, il leur avait échappé aucun d'entre eux n'ayant repéré la moindre mèche de ses cheveux, mais en plus son score à la validation des check points s'avérait le meilleur jamais enregistré pour cet exercice. Meilleurs que celui d'Harry qui détenait pourtant le record.

Ce dernier bien qu'il ne se serait jamais autorisé une démonstration malvenue d'enthousiasme rayonna quand même lorsque les résultats de tous furent affichés dans la salle de conférences au centre d'entraînement. Roxy bien que déçue d'avoir raté la première place fut sincèrement heureuse pour son ami.
De fait, les jeunes gens à qui on avait en guise de récompense donné le week-end, sortirent faire la bringue jusqu'à l'aube. Et Eggsy oublia de prévenir Harry.
Certes, il n'était pas son père, et le jeune était majeur depuis longtemps, mais avoir la correction de lui dire où il allait ou qu'il ne fallait pas l'attendre faisait parti de ce que le plus âgé lui inculquait depuis qu'il l'avait pris sous son aile.

Alors que les derniers renards achevaient leurs quêtes de nourritures dans les poubelles de Londres cinq minutes avant l'aube, Eggsy pénétrait en titubant chez le gentleman. Ils y vivaient ensembles depuis plusieurs mois maintenant et la cohabitation ne s'était pas faite en un jour.
Accroché à la porte par la poignée et la tranche Eggsy ne parvenait pas à ôter ses baskets rien qu'avec les pieds comme il le faisait tous les jours au grand désespoir d'Harry. Il gloussa peu discrètement alors qu'il chutait presque au ralenti et se retrouvait le nez dans le tapis de l'entrée. Un autre gloussement lui échappa quand assit comme un enfant, il retirait ses chaussures sans se rendre compte que la porte demeurait grande ouverte. Ses baskets tombèrent lourdement sur le sol malgré le fait qu'il soit assit par terre. Il les regarda très sérieusement un doigt venant se poser sur ses lèvres :

- Chhhht vous allez réveiller Harry, les gronda-t-il de façon autoritaire et somme toute assez comique.

- À dire vrai, c'est déjà le cas, aurais-tu l'amabilité de me dire d'où tu viens, pourquoi la porte est grande ouverte, pourquoi tu rentres à cette heure-ci et qui plus est saoul comme un violon (nda : équivalent anglais de rond comme une queue de pelle) ? Lui demanda froidement Harry au milieu de l'escalier que dans son état d'ébriété, il n'avait entendu arriver.

À sa décharge, son mentor se déplaçait toujours silencieusement et les occasions de l'entendre se comptaient sur peu de doigts.

- Salut Harry, démarra-t-il en refermant la porte et se redressant, ben on a fêté nos scores avec les autres recrues.

- Et je n'ai pas été averti que tu sortais toute la nuit parce que ..?

- Euh... J'ai oubi- oubilié..non c'est pas ça ... j'ai oublié, balbutia le blond.

- C'est lamentable, décréta l'espion en descendant le reste des marches. Non mais tu as vu dans quel état tu es.

- Ho c'est bon fait pas ton vieux, chuis sûr que tu ... Ho la vache, tu peux dire aux murs qu'ils arrêtent de danser steuplé?

Eggsy tendit un bras afin de s'appuyer à quelque chose. Son teint d'ordinaire blanc virait au verdâtre, n'augurant rien de bon à son mentor. Passe encore qu'il sorte sans l'avertir, qu'il rentre au petit matin, mais qu'il se soûle de la sorte hors de question. Il attrapa donc promptement par l'oreille ce jeune chiot qui méritait une bonne leçon. Mais d'abord, il le tira dans un couinement jusqu'à la cuisine.

- À l'évier, tout de suite, ordonna-t-il d'un ton qui ne souffrait aucune réplique alors qu'il ouvrait le robinet deau froide.

"Ho bon sang" se dit Eggsy " pas le coup de la voix maintenant Harry". Pourtant, il obéit et se tint devant le bac ses mains cramponnées à la faïence.
Le jeune homme ferma les yeux afin de ne plus voir le décor bouger dans tous les sens et entendait vaguement le maître des lieux s'affairer tandis que l'eau continuait de couler. Sa concentration pour calmer ses nausées était telle que lorsqu'Harry l'empoigna par les cheveux, il sursauta.

- Bois tout, ordonna son mentor sur le même ton implacable.

Sentant un verre se presser contre ses lèvres, ils les ouvrit et bu docilement une longue gorgée de liquide frais tandis qu'une main de fer le maintenait solidement.
Toutefois, ce n'était pas que de l'eau et il ne s'agissait pas non plus d'un médicament. L'espion lui avait préparé un vomitif des plus basique. De l'eau excessivement salée. Comme prévu, Eggsy se pencha vivement vomit presque instantanément. Toutefois, il se fit redresser sans répit par Harry. Passé derrière lui, plaqué contre son dos, il l'obligea à boire encore. Vidant le contenu de son estomac pour la deuxième fois, il s'aperçut qu'il lui restait encore un tiers de la pinte d'eau salée. Toujours docilement, honteux de la situation dans laquelle son excès d'enivrement l'avait précipité, il se laissa faire appréciant malgré tout de se sentir ainsi dominé.
"Mon pauvre Eggsy, tu es dans de beaux draps" murmura sa petite voix interieure dans un ricannement peu charitable.

Pour sa part, le gentleman observa avec fascination ainsi qu'un grand plaisir que le blond lui obéissait sans moufter, sans aucune réaction de rébellion. Sa soumission semblait totalement sincère et volontaire. Voilà qui se révélait hautement intéressant.
Lorsqu'il fut satisfait des régurgitations de son apprenti Harry coupa l'eau et posa ses mains sur les épaules un peu tremblantes d'un Eggsy lessivé.

- Maintenant que te voilà à peu près purgé jeune insolent, tu vas aller sur ce tabouret en silence et tu vas attendre le reste de ta punition pendant que je mange mon petit déjeuner.

S'exécutant le blond prit place et patienta. Il sentait son corps devenir très lourd, ses paupières se fermer et une envie irrésistible de s'endormir. Après ce qui lui sembla un siècle d'agonie, et commençant à perdre la bataille contre le sommeil, il fut brusquement sorti de cette léthargie par un ordre claquant comme un fouet.

- Ne t'endors pas !

- Pardon renifla-t-il.

Pour Harry, il avait tout du chiot à cet instant. Un chiot très craquant. Il n'avait qu'une envie, c'était de le prendre dans ses bras, le cajoler et le regarder sombrer dans les bras de Morphée à labris dans son giron. Il se promit qu'un jour et peut être même aujourd'hui, ils pourraient mettre en pratique ce petit fantasme.

Eggsy était un excellent élève, un très bon garçon et en dépit de ses manières, il ne demandait qu'à s'épanouir. Harry avait juré pour lui-même de l'aider à y parvenir. Mais pour cela, il y avait quelques leçons nécessaires à faire entrer dans son crâne. Aujourd'hui ce serait quelquce chose comme " je ne me biture pas à en perdre totalement le contrôle".

- Pardon Harry, répéta piteusement Eggsy qui sur l'instant se sentait affreusement mal.

Le plus âgé se leva, but d'une traite le reste de son thé et vint se placer à côté de son apprenti. Il lui posa une main sur l'épaule et lui dit :

- C'est bien Eggsy, le récompensa-t-il doucement avant d'ajouter : courage, c'est presque fini.

- Tu m'en veux ? Demanda ce dernier d'une voix misérable.

Sil lui disait que non Harry craignait que la leçon ne soit pas apprise. Eggsy pourrait juste suivre ses ordres et puis aller dormir sans retenir quoi que ce soit.

- Là n'est pas la question mon beau. Aller lève toi et attend moi debout dans ta chambre.

Harry était réellement fasciné de voir à quel point le jeune homme lui obéissait. Peut-être que...
"Non allez ! Secoue toi, tu as encore du travail". Il grimpa deux à deux les marches et se retrouva très vite dans la chambre attribuée à sa recrue. Étonnamment il la tenait relativement rangée, le désordre se cantonnant à une chaise recouverte de quelques vêtements et le minuscule bureau où quelques feuilles éparpillées côtoyaient un gros volume qu'Harry savait être un des manuels que devaient lire les apprentis. Eggsy quant à lui, planté à gauche de son lit attendait patiemment son sort. Harry prit place sur le lit se tenant bien droit sans inviter le blond à faire de même.

- Maintenant dis moi : pourquoi je fais ça ?

- Tu es fâché que je sois sorti sans t'avertir et rentré aussi tard aussi bourré.

- Il y a de ça, mais réfléchi bien Eggsy.

On aurait presque pu entendre les rouages de son cerveau tourner.

- Je ne suis ni ton père ni le surveillant d'un pensionnat et tu es majeur, le mit-il sur la voie. Alors ?

- Je t'ai déçu, déclara brusquement le jeune après encore quelques minutes de réflexions. Tu fais tout pour que je réussisse, pour me donner des bases solides, faire de moi un tout petit peu de ce que tu es toi. Tu as raison, je suis un espion et je dois garder le contrôle à tout moment. Je te demande pardon, je ne veux pas te décevoir.

Le cœur d'Harry se gonfla de fierté et de soulagement. Il allait aider à faire quelqu'un de grandiose d'Eggsy. Gardant un masque impassible, il se leva cependant et vint serrer son précieux apprenti dans ses bras.

- Je suis fier de toi. C'est très bien Eggsy. Maintenant couche toi, tu as besoin de repos.

Tout léger, le jeune se laissa aller à lui rendre l'étreinte, respirant l'odeur de son mentor. Quelques secondes plus tard Harry le mettait au lit, remontait la confortable couette sur son corps d'éphèbe et profitant qu'il soit déjà dans les limbes lui déposait un tendre baiser à l'orée de ses cheveux.
- Dors bien mon beau. Et détrompes toi, tu ne me déçois en rien.

Eggsy sentait si bon qu'il voulut laisser traîner ses lèvres plus longuement sur sa peau. Toutefois ce n'était pas le bon moment. L'espion alla tirer les rideaux occultant, sachant que son apprenti ne dormait bien que dans le noir total puis quitta la chambre discrètement.

- Étape n°1 réussie marmonna Eggsy dès que la porte fut refermée avant de s'endormir pour plusieurs heures.

Il y aura-t-il une étape 2 ?