Bonjour bonjour, chers lectrices et lecteurs !
Et oui, je sais ce que vous pensez : "Mais il n'est pas mort, lui, encore ?". Et bien non !
En plus, je reviens avec un tout nouveau projet ! Et là encore, j'ai une idée de ce que vous vous dites : "Mais non ! Tu n'arrives déjà pas à tenir une histoire, pourquoi en commencer une deuxième ?". Et bien en fait... celle-ci est terminée.
Nanarusasu et une autre lectrice (dont je n'ai plus le nom sur ce site, mais seulement sur facebook, désolé...) m'ont mis au défi d'écrire cette fanfiction, parce que je voulais un KibaKankurô dans la fanfiction Un Effleurement de Nanarusasu, et qu'elle refusait de le faire juste pour me faire plaisir XD
Ah, et deuxième point important du pari : il y a un lemon dans le deuxième chapitre. Puis, disons que... Ba il n'est pas crade, mais il n'est pas gentil non plus, quoi. Le rating va en conséquence, vous serez prévenu.
Enfin, avant de vous laisser avec la lecture, je tiens à vous dire que c'est assez différent de ce que j'ai fait jusque là. Ici, pas autant de prise de tête du perso'. Deux chapitres (même s'ils s'étalent sur 27 pages), c'pas assez pour s'attarder trop sur la torture psychologique. Kankurô est également BIEN moins poli que mon Kiba de l'autre fanfiction. Et tout est plus... subtil, comme je le disais sur ma page facebook. J'espère avoir réussi à transmettre ce que je voulais, mais c'pas gagné, parce que c'est moins habituel. En tout cas, j'espère que ça vous plaira ! En tout cas, je serais amusé si vous trouviez la vraie signification du titre et si vous en déduisiez les bonnes choses avec ce chapitre là. Huhu :3
P.S : j'écris sur un format Word, donc la mise en page est plus jolie si vous la mettez en 1/2. Après, libre à vous de faire comme vous le souhaitez =)
Titre : Nocif
Genre : Yaoi, POV Kankurô, lemon. Pour le reste, vous verrez bien. Y'a un peu de tout.
Résumé : Nocif : qui est de nature à nuire à l'organisme. Qui est dangereux, pernicieux. " Je ne le savais pas encore, mais Kiba était nocif à ma personne. "
Nocif
Un long bâillement m'échappa. Ce faisant, je quittais des yeux pour la première fois depuis des heures la partition sur laquelle je travaillais. M'informant de l'heure en jetant un coup d'œil à mon réveil, je m'aperçus avec surprise qu'il était pratiquement deux heures du matin. Un long soupir franchit mes lèvres.
- Ce n'est pas aujourd'hui que je vais me coucher tôt, me plaignis-je.
Décidant de me dégourdir les muscles l'espace d'un instant, je me levais de mon bureau et fit le tour de ma chambre en marchant, étirant mes bras, malaxant mon cou endolori par une position statique. Cela ne prit pas bien longtemps, au vu de l'étroitesse de ma chambre d'étudiant, et je décidai d'ouvrir le frigo miniature dans le coin de la pièce pour prendre l'une des bières qui m'y attendaient, bien au frais. La force de l'habitude aidant, je l'ouvris en une seconde et en but quelques gorgées avant de profiter de l'air frais de l'extérieur en m'accoudant à ma balustrade.
Sans surprise, je constatais en examinant les différentes résidences universitaires aux alentours que je n'étais pas le seul à veiller aussi tard. Avec un sourire, je devinais que, comme d'habitude, je n'étais pas le seul à avoir négligé mon travail et que, comme d'habitude, nous étions forcés de rattraper le retard pendant la nuit. Pourtant, je devrais être habitué à cette fac'. J'étais en cinquième et dernière année de master en informatique, où je m'étais orienté plus spécifiquement sur les réseaux et la sécurité des systèmes. Ce n'était peut-être pas ce qu'il y avait de plus excitant au monde, mais ça me convenait et je faisais mon petit bonhomme de chemin, des résultats parfaitement corrects ponctuant mon avancée. Et pourtant, ce n'était pas gagné d'avance.
Notre fac', appelée Konoha, était en réalité une sorte de mini-ville étudiante. On y trouvait de tout, du fast-food au coiffeur, en passant par la supérette et la laverie automatique. Au début, c'était assez déboussolant, surtout à cause du fait que la moyenne d'âge de cette pseudo-ville était aux alentours de vingt-deux ans, mais comme tous, je m'y étais vite fait. De plus, si j'étais dans la section scientifique, il n'en était pas moins que ce complexe universitaire abritait des formations dans de nombreux domaines, et que tous ceux-ci bénéficiaient d'un programme au top, assurant un très bon enseignement dans chacun d'eux. Cependant, une telle renommée n'apportait pas que des avantages, et la formation restait stricte, si bien que de plusieurs centaines en première année, nous n'étions dorénavant pas plus de vingt dans ma classe. Rien d'insurmontable, en somme, mais il fallait être rigoureux et organisé.
... Ce que j'avais parfois un peu de mal à faire. Quittant ma fenêtre, je revins à mon bureau, posant ce qui restait de ma bière dans un coin - ou en tout cas suffisamment loin pour que je ne l'ai pas renversée - à côté d'autres cadavres de bières que je n'avais pas encore eu le courage d'amener à l'extérieur. Obligé de plisser les yeux car la fatigue me rattrapait, je tentais de lire les notes que j'avais griffonnées dans la soirée sur une partition vierge. Imaginant les notes que je ne pouvais jouer à cause de mes voisins qui apprécieraient probablement un peu de calme à une heure si avancée, je hochai la tête, plutôt satisfait de moi.
La musique ne faisait bien évidemment pas partie de mon cursus en informatique. Cependant, un ami à moi avait eu l'idée d'ouvrir une sorte de club nocturne de musique. Ainsi, une fois tous les cours terminés, nous avions la possibilité d'emprunter une salle insonorisée de la section musique pour nous exercer. À mon inscription, je connaissais déjà quelques bases, mais ces quatre années à m'entraîner quotidiennement - ou presque - m'avaient permis d'atteindre un niveau correct. Sans compter que ça me permettait de faire autre chose que de rester devant un écran d'ordinateur toute la journée.
Bâillant une nouvelle fois à m'en décrocher la mâchoire, je décidais finalement d'aller me coucher, profitant d'une bonne nuit de sommeil réparatrice. Inutile de forcer plus que nécessaire alors que j'allais avoir besoin d'énergie pour la journée du lendemain.
[...]
Les cours de la matinée terminés, mon pote Yahiko et moi partions dans un fastfood nous prendre un déjeuner. Lui, c'était un grand roux au visage carré, les yeux noirs, bien bâti et toujours de bonne humeur. Hélas pour moi, je savais pour lui avoir demandé qu'il n'était pas gay, et j'avais dû faire une croix sur lui il y avait un moment. Pourtant, malgré tout, il était la seule personne que je considérais encore vraiment comme un ami, ici. La plupart de mes autres camarades avaient quitté l'école pour différentes raisons, et si plus ou moins tout le monde était au courant de mon orientation sexuelle, cela n'empêchait pas le milieu informatique de notre école d'être un peu vieux jeu, et je n'étais pas toujours très bien accepté par mes compatriotes. En soit, je me fichais éperdument de l'avis de ces sinistres crétins et je le leur avais bien fait comprendre, le jour où, énervé par les remarques homophobes de l'un d'eux, je lui avais asséné une droite qui l'avait étalé au sol. Il avait moins fait le malin lorsqu'il avait fallu expliquer à tout le monde qu'une tapette avait causé cette vilaine ecchymose sur son visage. Depuis, on avait décidé de me foutre la paix, et seul Yahiko reparlait encore parfois de ce passage qu'il avait trouvé, d'après ses dires, hilarant.
Comme d'habitude puisque nous étions entourés d'étudiants, le fastfood était blindé de monde, mais Yahiko me convainquit de rester de peu.
- Ce cours m'a lessivé ! s'exclama-t-il en s'installant à une table. Heureusement que ce bon gros burger est là pour me remonter le moral !
Amusé par sa remarque et son enthousiasme, je ne pus toutefois m'empêcher une petite remarque.
- Il va falloir que je te surveille. Si tu continues à manger n'importe quoi, le corps de rêve que tu as va en prendre un coup. Je serais dégoûté si ça devait arriver.
- Tu peux parler, Kankurô, rétorqua-t-il du tac au tac. Tu n'as encore pas assez dormi cette nuit et tu as de gros cernes autour des yeux. Un peu plus et on dirait ton frère.
- Mon frère est plutôt beau gosse dans son genre, tu sais. Il a plus de succès que toi avec les filles, en tout cas !
Faisant mine d'être vexé, Yahiko tourna la tête dans le sens opposé au mien. Je savais toutefois que ce n'était qu'un jeu, pour lui comme pour moi, et je me décidai à entamer mon propre repas.
Le frère dont nous parlions juste à l'instant s'appelle Gaara. Plus jeune que moi de deux ans - j'en avais vingt-trois - il était plutôt du genre renfermé, même si depuis quelques années, sa rencontre avec un certain Uzumaki Naruto lui avait permis de s'ouvrir un peu plus au monde. Sa vie n'avait pas toujours été facile, et bien que je le considérasse et le protégeasse du mieux que je le pouvais, je n'avais jamais été très démonstratif avec lui, si bien que nous entretenions une relation étrange, lui et moi. Physiquement, nous ne nous ressemblions pas du tout. Alors qu'il était un garçon roux à la peau très pâle, j'étais plus grand que lui, brun à la peau plus mate. Le seul point sur lequel nous étions similaires, c'était sur le fait que nous étions canons, tous les deux. Non, sérieux ! De plus, comme le laissait entendre Yahiko à l'instant, Gaara possédait deux types de tatouages sur le visage. Le premier était un kanji japonais sur le front, tandis que le deuxième était moins conventionnel. Il avait fait cercler ses yeux de noir, rendant son regard intimidant au possible. Toutefois, le Naruto cité avait commencé à le changer, et le bougre de petit frère commençait à avoir un franc succès auprès de la gent féminine. Je me réjouissais pour lui, lui qui avait dû passer par plusieurs épreuves difficiles dans sa vie. D'ailleurs, c'était notre famille au grand complet, les Sabaku, qui avait eu à affronter diverses épreuves, mais il avait toujours eu plus de mal que les autres à se remettre de certains événements en particulier.
Le brouhaha incessant au sein du fastfood commençant à me taper sur les nerfs, je décidai de réengager la discussion avec Yahiko, histoire de penser à autre chose.
- Au fait, Yahiko. Tu pourras me filer les clés de la salle de musique ?
- Tu vas y aller ce soir ? demanda-t-il en se retournant vers moi.
- J'aurais aimé tester un ou deux trucs, oui. J'ai travaillé tard sur ma partition.
- Ce qui explique les cernes, se moqua-t-il. Okay, tiens, tu peux les prendre. Je me demande même pourquoi je ne te les laisse pas tout le temps. Tu passes plus de temps que moi là-bas. Dire que je suis censé être le président de ce groupe... !
Ce disant, il fouilla dans ses poches pour sortir un trousseau de clés qu'il me tendit.
- Tu n'es juste pas assez rigoureux, c'est tout, expliquai-je. Et fainéant, aussi.
- Pas totalement faux. Ou alors c'est juste toi qui es un malade. C'est pas comme si on avait le temps de s'ennuyer, ici.
- Moi, ça m'amuse. Je ne vois pas ça comme du boulot.
Il me scruta durant un instant de son regard sceptique.
- C'est ce que je disais, conclut-il. Tu es barge.
Je levai les yeux au ciel avant de répondre.
- Mange et tais-toi, ce sera plus constructif.
Ma remarque le fit rire, et il ne s'arrêta pas de parler malgré mon ordre, ce que je n'avais d'ailleurs pas réellement espéré une seule seconde. Nous nous étions tous les deux habitués à entretenir ce genre de relation, et chacun connaissait les limites à ne pas dépasser. Le repas fut donc accompagné par-ci par-là de remarques plus ou moins cinglantes que nous nous envoyions mutuellement, le sourire aux lèvres. Et ce fut dans le même état d'esprit que nos cours de l'après-midi reprirent.
[...]
Avec un grognement approbateur, je quittai la salle de travaux pratiques. Nous sortions d'un cours de réseau particulièrement poussé qui avait demandé toute ma concentration, et je n'étais pas déçu d'avoir une pause, même si elle n'allait être que de courte durée. En effet, nous venions d'apprendre que nous aurions un deuxième examen la semaine prochaine, alors que la troisième semaine de cours débutait à peine. Pendant les vacances d'été, j'avais presque oublié à quel point on nous remettait vite dans le bain.
- Tu vas toujours dans la salle de musique ? s'interrogeait Yahiko, remarquant que je n'avais plus la tête à travailler.
- Pour sûr ! affirmais-je en m'étirant. Pour moi, la musique, c'est pas du boulot, et j'ai besoin de ça, là.
- Okay. Et bien ce sera sans moi. Je pensais t'accompagner un moment, mais j'avoue que ma motivation est un peu en baisse, là.
- Evidemment. Tu dois avoir tellement de choses intéressantes à faire chez toi, comme manger des chips allongé devant ta télé miniature !
- Ah, j'y avais pas pensé, à celle-là, fit-il, l'air songeur, mais l'idée me tente bien. Merci bien !
Je ris à gorge déployée.
- Bon, allez, à plus ! lança-t-il à mon adresse, sans s'offusquer.
- Oui, c'est ça, à demain.
Nos chemins se séparèrent à l'intersection que nous venions de rejoindre, et je pris la direction de la salle de musique, située dans le bâtiment à l'extrême opposé de celui où je me trouvais. Pour cela, j'empruntais un long chemin goudronné sans faire attention au design contemporain des constructions qui m'avait tant marqué au début, que je côtoyais quotidiennement depuis plusieurs années. Le moins que l'on pût dire, c'était que cette ville d'étudiants avait le mérite d'envoyer du lourd. Les frais de notre scolarité était plutôt bien investis, au moins.
Arrivé dans la salle, je ne fus pas surpris de voir que j'étais le seul ici. Yahiko était celui qui passait le plus souvent - après moi - et même lui, on ne le voyait pas si régulièrement. Certains élèves passaient parfois la porte de cette salle et l'attractivité de la nouveauté les faisaient venir régulièrement pendant quelques semaines, voire un mois tout au plus, et ils arrêtaient de venir pour se concentrer sur les sorties entre amis ou le travail. Je ne les blâmais pas, au contraire. Je préférais être seul ici, sans personne pour me prendre la tête.
La pièce était grande, ou en tout cas suffisamment pour accueillir un orchestre complet lors de ses répétitions. On y trouvait toutes sortes d'instruments, allant du violon au hautbois, passant par la clarinette, la contrebasse et la guitare. Dans un coin de la salle, on trouvait même une launchpad. Sans attendre, je me dirigeai donc vers le seul piano de la pièce, et m'assis sur le banc prévu à cet effet. Rapidement, j'ouvris mon sac et plongeai dans le bordel qu'il contenait à la recherche de la feuille de partition que j'avais remplie la veille. Une fois trouvée, je dus la défroisser un peu, car comme j'en avais l'habitude, je l'avais fourrée dans mon sac sans chercher à la préserver. J'en profitai au passage pour relire ce que j'y avais écrit, histoire de me remettre tout ça en tête. Le problème, c'était que...
- La vache ! m'exclamais-je. Je devrais arrêter d'écrire la nuit, parce que ça ne me réussit pas toujours.
Non, sérieux, les dernières lignes n'étaient plus très claires, même pour moi, et je dus remettre ça au propre avant d'avoir une chance d'en faire quelque chose. Heureusement, je me souvenais de ce que j'avais voulu faire et cela ne prit pas plus d'un quart d'heure avant que tout devînt lisible. Sans attendre, je m'installai confortablement devant le piano, déposait la partition devant moi, et mes doigts commencèrent à effleurer certaines touches pour retrouver mes marques.
Je m'arrêtai après seulement deux trois notes, savourant le son de l'instrument qui se répercutait dans la pièce. Il n'y avait pas à dire, ce piano était de très bonne facture. Au moins, les élèves de la filière musicale ne se faisaient pas entuber et leurs frais d'inscription étaient rentabilisés. Et Yahiko avait géré en parvenant à nous dégoter cette pièce. Inspirant un grand coup, je me reconcentrai sur la partition et laissai mes mains suivre les instructions que j'avais posées sur le papier.
[...]
Tout ne se passait pas aussi bien que je l'avais espéré. À plusieurs reprises, j'avais dû modifier intégralement des morceaux de ma musique, et je piétinais plus que je n'avançais. J'avais beau être ici depuis plusieurs heures, maintenant - je n'aurais su toutefois dire combien exactement - je n'arrivais pas à être content de moi. D'ailleurs, si ce sur quoi je butais avait été autre chose que la musique, je me serais probablement emporté et aurais fini par perdre patience. Pour des raisons que je ne comprenais pas, la musique était le seul domaine pour lequel je pouvais être patient.
Griffonnant une dernière modification, je repris tout pour une énième fois depuis le début. La première partie de la musique me convenait plutôt bien, et je commençais à la jouer par automatisme, mais je me forçai à rester concentré pour ne pas tout foirer lorsqu'arriverait la transition entre les deux parties. Ici, les accords s'enchaînaient plus vite et je ne parvenais pas toujours à les jouer correctement. Cette fois fit pourtant exception, ce qui ne m'empêcha pas de m'arrêter et de grimacer.
- Non, ça ne va pas. C'est vraiment trop moche, râlais-je après moi-même. Il faut que je trouve autre chose.
- Pas tant que ça, en fait, fit une voix d'homme derrière moi. Tu n'es pas mauvais, mais il manque un petit truc.
Peu habitué à être surpris durant mes entraînements, je me retournai, un peu sur la défensive, pour y découvrir un jeune homme que je n'avais jamais vu. Pourtant, il aurait eu de quoi retenir mon attention. Approximativement de ma taille, brun, le teint assez mat, il avait aussi et surtout deux tatouages rouges en forme de triangle inversé, un sur chaque joue. Sans parler de ses traits bestiaux. Même si je ne le montrais pas, ses canines particulièrement longues dévoilées par son sourire en coin et ses yeux en fente attirèrent mon regard et me surprirent. Il fallait avouer également qu'il aurait pu être bel homme, si cet air de suffisance qu'il dégageait ne me donnait pas envie de lui en retourner une.
- Qui t'es, toi ? l'agressai-je d'emblée.
Plutôt que de s'énerver, le mec en face perdit son sourire et parut surpris l'espace d'une fraction de seconde, avant de se reprendre et de s'approcher de quelques pas supplémentaires, son sourire retrouvé. Il n'était maintenant plus qu'à un pas de moi, et son regard s'était posé sur ma partition, répondant à ma question sans se tourner vers moi.
- Je n'ai pas l'habitude de me présenter, commença-t-il, mais je suis Kiba Inuzuka. C'est un morceau que tu as écrit toi-même, pas vrai ? Tu as une bonne culture, parce que je reconnais tes influences, mais il te manque encore un petit truc.
Inuzuka... ? Inconnu au bataillon. Et ce mec m'insupportait déjà. Il agissait comme si le monde entier devait le connaître, que ce fût pour son talent ou quelque chose d'autre.
- Dégage de là, tu veux ? dis-je d'un ton sec. Je n'ai pas besoin de tes conseils à la noix.
- Et dire que je me trouve un peu expéditif, parfois, répliqua-t-il sans se départir de son sourire. Je suis en troisième année, dans la section musicale.
- Je ne t'ai pas demandé de me raconter ta vie.
Quittant enfin ma partition des yeux, Kiba se tourna finalement vers moi. Son sourire s'estompa et il prit un air un peu plus sérieux. Croyant deviner qu'il allait me rembarrer à son tour, je restai sur la défensive.
- Je me suis inscrit à ce club, moi aussi. Laisse-moi tester un truc. Après, je me barre, si tu ne demandes vraiment que ça.
Trouvant d'abord étrange qu'un élève de la filière musicale s'inscrivît dans notre groupe, sa demande me laissa ensuite un peu perplexe. Cela dit, il avait été clair : si je le voulais, il partirait. De toute manière, j'avais bien besoin d'une pause, ne serait-ce que pour étirer mes membres engourdis, et j'aurais, au mieux, l'occasion de me foutre de lui s'il échouait lamentablement, une idée qui me plaisait beaucoup. Il n'y avait rien de pire que les mecs arrogants dans son genre.
Ce fut malgré tout avec une certaine réticence que je me levai du banc et le lui désignai d'une main.
- Fais-toi plaisir. Tu as cinq minutes.
Son sourire, un peu moins arrogant et peut-être plus sincère, revint.
- Cool. Je n'en demandais pas plus.
Visiblement confiant, il prit ma place, pendant que j'étirais mes muscles en faisant quelques mouvements. Les notes commencèrent alors à s'élever du piano et je fus surpris de le voir se débrouiller si bien avec une musique de ma composition, qu'il ne pouvait pas avoir connue auparavant. Cela ne dura toutefois pas bien longtemps, car il eut vite fait de faire une fausse note, et je ne fis rien pour retenir un sourire narquois, tandis qu'il jurait.
- On dirait que tu n'es pas aussi bon que tu veux le faire croire, mec, me moquais-je.
- Laisse-moi me concentrer, contra-t-il sans s'énerver. Que tu l'aies fait exprès ou non, tes influences ont fait que ta musique ressemble beaucoup à l'une de celles que je connais par cœur, sur ce passage en particulier, et mes réflexes ont pris le dessus. Mais je ne me ferai pas avoir deux fois.
Comme je constatais que ma remarque n'avait pas eu l'effet escompté et qu'il s'était à nouveau penché sur ma partition, je préférai me taire, lui laissant les cinq minutes de répit que je lui avais promises.
Sans sommation, il reprit, alors que je m'adossais au mur le plus proche, jambes et bras croisés. Cette fois, je l'observai jouer, et je perçus malgré moi la raison qui le rendait si confiant. Il avait raison : cette fois, il ne se trompa pas. Il joua le morceau - mon morceau - d'une traite, sans hésitation. Ses doigts touchaient les touches de manière fluide et sans aucun mouvement superflu, presque comme si le piano était un prolongement de son propre corps. Il n'y eut aucune fausse note, aucune erreur. Lorsqu'il arriva au passage qui m'avait tant gêné plus tôt, il le modifia sensiblement, ajoutant ou enlevant des notes, modifiant le tempo par moment, si bien que le tout se métamorphosa en quelque chose de franchement bien. Sans m'en rendre compte, je m'étais approché de quelques pas, et savoir que ce gamin arrogant jouait mieux que moi après plusieurs heures d'entraînement me contraria. Je devais le reconnaître : il était bon. Et pas qu'un peu. Je détestais être incapable de trouver un défaut à ce qu'il venait de faire.
Cependant, ce fut lorsqu'il se tourna vers moi avec son sourire arrogant que je revins à la réalité. Ce mec était doué, mais il le savait et en jouait beaucoup trop.
- Alors ? eut-il le culot de demander.
Bien conscient de son talent, je ne pouvais toutefois le reconnaître pleinement sous peine de lui donner trop d'importance.
- J'avoue, tu te débrouilles plutôt bien, le complimentai-je sans me montrer trop démonstratif.
- J'ai une bonne oreille, expliqua-t-il. En plus, c'était assez court et t'avoir entendu le jouer une fois m'a suffi pour comprendre où étaient les erreurs. Et puis tu as bien travaillé dessus. C'était facile de combler, tu n'avais plus le recul pour le faire. Depuis combien de temps étais-tu là ?
Le voilà de nouveau sérieux. Il n'avait plus forcément ce ton arrogant et parlait avec moi de mon morceau dans un esprit très professionnel. Ce brusque revirement de situation me laissa à nouveau perplexe mais mon engouement pour la musique prit le dessus et je décidai de ne pas me poser trop de questions.
- Depuis la fin des cours, répondis-je. J'ai passé une partie de la nuit là-dessus.
- Tu es dans quelle formation ?
- En informatique.
Un rire franc et sincère lui échappa. Malgré moi, je ne pus m'empêcher d'apprécier ce son et me giflai mentalement après m'en être rendu compte.
- Dommage ! poursuivit-il. Si tu es capable de faire quelque chose comme ça en une soirée, tu aurais pu faire de belles choses en ayant plus de temps. Parce qu'il faut avouer que ce morceau reste simple et il te manque quelques bases techniques pour avoir un très bon niveau.
À nouveau, son comportement m'irrita.
- Tu ne te prends vraiment pas pour une merde, hein ? lâchai-je avec mépris.
- Disons surtout que j'ai l'impression d'être le seul dans ma formation à vraiment faire attention à ce que je fais. Il y en a trop qui sont bons mais qui n'en branlent pas une. Quant aux autres, c'est dommage, ils restent mauvais, quand bien même ils bossent toute la journée sur un truc. Pour moi, la musique n'est pas qu'un passe-temps, et j'aurais parfois envie de leur secouer les puces.
Mon énervement se dissipa. Ce que disait Kiba restait sensé et, derrière son arrogance naturelle, il avait apparemment le même genre d'intérêt que moi pour la musique.
Sans attendre une réponse de ma part, il prit en main ma partition.
- Faudrait vraiment que tu changes quelques trucs et ce sera cool. Moi, je vais aller m'en fumer une, mais je peux t'aider, après.
Hésitant entre ma fierté qui prendrait très mal le fait d'être aidé par un type comme lui et le fait qu'il était indéniablement meilleur que moi, je pris mon temps pour réfléchir à la question.
- Fais comme tu veux, osais-je finalement sans trop me mouiller. Je ne prévois pas de bouger, de toute manière.
Plutôt content de lui, Kiba fit un bond pour se lever du banc, me tendit la partition et se dirigea vers la sortie. Quant à moi, je me repenchai sur ma partition, essayant de me souvenir la mélodie qu'il avait jouée pour trouver où apporter quelques modifications. Ce con... Il est vraiment doué, hein ?
[...]
Alors que cette histoire m'avait tourné dans la tête toute la nuit et toute la journée, ce ne fut qu'à la pause de 16h, sur le trajet entre deux de nos cours, que je me décidai enfin à aborder le sujet avec Yahiko.
- Dis, le coupais-je alors qu'il était en train de me parler d'un truc auquel je ne m'intéressais absolument pas, tu connais le nouveau du groupe de musique, toi ? Le... Kiba, là.
D'abord décontenancé par mon interruption, il fronça ensuite les sourcils.
- C'est une blague, là ? Tu me fais marcher ?
Surpris, je fronçais à mon tour les sourcils.
- Non, pourquoi ? J'ai vu que tu m'en avais parlé dans le texto' hier, mais je ne le connais pas, moi.
En effet, j'avais préféré l'ignorer la veille, pendant mon entraînement, mais j'avais reçu un message de Yahiko m'informant que Kiba risquait de se pointer, parce qu'il venait de rejoindre le groupe. Cela dit, je n'avais lu le message que lorsque j'étais allé me coucher et j'avais donc été pris par surprise par l'homme-bête.
- Mais dans quel monde tu vis, sérieux ? s'étonna-t-il en riant.
... Je commençais peu à peu à comprendre pourquoi ce type avait pris la grosse tête à ce point. Et aussi pourquoi il avait été surpris de savoir que quelqu'un ici ignorait son prénom.
- Il est dans la filière musicale, reprit Yahiko, voyant que je n'appréciais pas qu'il se moquât de moi sur le sujet. Il est le major de sa promotion. Il est doué.
Major de promo', rien que ça...
- Oui, ça, j'avais compris, fis-je froidement.
- Il est passé hier ? s'inquiéta-t-il. Et tu ne l'as pas tué ? Wow.
Ah ? Visiblement, sa réputation ne s'arrêtait pas à son talent, et je n'étais pas le seul à le trouver proprement insupportable par moments.
... Mais "par moments", seulement. En fait, de retour de sa pause clope, nous avions travaillé ensemble sur mon morceau, et ses connaissances s'étaient révélées aussi justes qu'utiles, si bien qu'en fin de soirée, j'avais cessé de passer d'un état d'antipathie profonde à la surprise pour comprendre que cela faisait partie de lui. Je ne l'acceptais pas vraiment, et je continuais à m'énerver lorsqu'il me prenait de haut ou qu'il se considérait comme le maître incontesté du monde, mais nos manières d'appréhender la musique se ressemblaient et, comme toujours lorsqu'il s'agissait de musique, je m'étais montré patient. De toute manière, j'avais bien essayé de l'envoyer balader, mais il ne le prenait jamais mal et ne s'énervait jamais, comme si rien ne l'atteignait.
- On a travaillé un peu ensemble sur mon morceau, expliquai-je finalement à Yahiko. Il est un peu désagréable mais ça va.
Je pus deviner sans l'entendre le dire que Yahiko était choqué. Toutefois, ce n'était pas pour la raison que j'avais imaginée.
- Vous avez couché ensemble ? demanda-t-il de but en blanc.
- Quoi ? m'exclamai-je, pris au dépourvu. Bien sûr que non ! Pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que ce type saute tout ce qui bouge, expliqua-t-il, apparemment rassuré. Les seules conditions sont d'être un mec et ne pas être trop moche, et tu rentres dans les deux critères. Il est là depuis trois ans et il doit être passé sur la moitié des mecs du campus. Plus jeune, plus vieux, des profs, ... Tout. C'est un chien galeux tout le temps en manque.
À sa description de Kiba, je me renfrognai. Pour une raison quelconque, elle me contrariait.
- Il ne m'a pas laissé cette impression. On a plutôt bien travaillé et il ne m'a fait aucune avance.
Pour une énième fois depuis le début de cette conversation, Yahiko fronça les sourcils, l'air concerné.
- Qu'est-ce que tu es train de me faire, là ? Ne côtoie pas ce mec de trop près. Il n'a aucun ami, seulement des objets qu'il jette une fois qu'il s'est vidé. En plus, il est doué en musique, certes, mais il ne fait rien pour. Il est juste naturellement doué, il ne bosse pas plus qu'un autre.
À cette dernière remarque, je tiquai. Je me souvenais parfaitement de ce que Kiba m'avait dit la veille à propos de ceux qu'il aurait "parfois envie de secouer", et je n'avais pas l'impression qu'il mentît. Pourtant, je n'avais aucune raison de douter des propos de mon seul et unique ami et j'enregistrai ce que me disait Yahiko. Au moins, j'étais prévenu.
Et puis de toute manière, je ne prévoyais pas de revoir ce type. Je ne connaissais pas son existence avant hier, et à moins qu'il décidât de revenir au club, je n'étais pas prêt de le revoir. Et un type comme lui n'avait rien à y faire.
- Ouais, tu as raison, fis-je vaguement en passant la porte de notre dernier cours de la journée.
[...]
Dix-neuf heures. Voilà que j'étais devant la porte de la salle de musique, sans savoir si je devais l'ouvrir ou non. Et inutile de se voiler la face : la raison de ce doute était Kiba. Ce que m'avait dit Yahiko me faisait hésiter. Toutes ces choses qu'il avait confiées sur ce mec étaient probablement vraies, il n'aurait eu aucune raison de me mentir. Pourtant, je n'avais pas envie d'y croire, et, pour une raison ou une autre, je remettais tout ça en question. J'en étais là dans mes réflexions, toujours hésitant, quand une voix me sortit de mes pensées.
- Tu prévois de rester longtemps devant la porte, comme ça ? me demanda-t-il.
Je le savais, c'était Kiba.
- Ne me dis pas que tu n'as pas les clés, se plaignit-il sans me laisser le temps de lui répondre.
- Non. J'étais dans le vague, c'est tout.
Il se moqua ouvertement, mais ça ne me fit ni chaud ni froid. Je sortis les clés de ma poche et ouvris la porte. Maintenant qu'il était là, la question ne se posait plus vraiment : j'allais travailler mon morceau, ne serait-ce qu'un peu. Au moins le temps que je pouvais le supporter.
- Au fait, Kankurô, reprit-il sur le ton de la conversation en pénétrant à ma suite dans la salle, j'ai travaillé aussi un peu sur ton morceau, ce matin, pendant les cours dont je n'avais pas besoin. J'ai écrit une partition pour t'accompagner au violon, compléta-t-il, enthousiaste.
Pris de court, je fronçai les sourcils, pour plusieurs raisons. Premièrement, même si nous nous étions quittés en bons termes la veille, je ne lui avais jamais donné mon prénom. Deuxièmement, il n'était décemment pas possible qu'il eût inventé un accompagnement à ma musique sans avoir la partition, n'est-ce pas ? Et troisièmement... il savait également jouer du violon ? Le connaissant, il ne devait pas être mauvais, en plus. Savoir qu'il me battait à plate couture au piano m'avait suffi, et j'encaissais mal le fait qu'il pût également être bon ailleurs.
- Tu déconnes ?avais-je fini par demander. Comment tu pourrais avoir fait ça sans ma partition ?
- Je te l'ai déjà dit : j'ai une bonne oreille. Et puis je te rappelle aussi que j'ai réussi à jouer ton morceau en moins de cinq minutes, hier. On a bossé des heures dessus, après. Je pourrais te le rejouer sans tes partitions, maintenant.
Son sourire arrogant était de retour. Cependant, cette fois, j'avalai la boule de nerfs qui menaçait d'exploser dans ma gorge, tout simplement parce que je savais qu'il ne faisait qu'énoncer une vérité. Si je l'avais mis au défi, il y serait arrivé. De plus, m'énerver là ne servirait à rien. Ce crétin ne comprendrait même pas. En revanche, j'avais une autre question qui me brûlait les lèvres, maintenant.
- Dis, tu t'entraînes souvent ? Parce que ça a l'air simple, quand on te voit, comme ça.
Je l'observais poser ses affaires dans un coin de la pièce et se diriger vers un violon dans une vitrine quand il se décida à me répondre.
- J'ai des prédispositions, oui, répondit-il très sérieusement alors qu'il s'affairait sur le violon. Mon oreille absolue aide. Mais je refuse de faire comme certains crétins de ma classe et ne pas profiter de cette chance. Je m'entraîne tous les jours po... Ah ! s'exclama-t-il après avoir tenté de jouer une note avec son archet. Celui qui s'est servi de ce violon a fait n'importe quoi avec, il est complètement désaccordé.
M'avançant dans la pièce à mon tour pour accéder au piano, je l'observai en train de bidouiller les chevilles de son violon pour en régler la tonalité. Ses doigts bougeaient vite et bien, et je ne doutais pas une seconde qu'il savait parfaitement ce qu'il faisait. Les violons faisaient partie des seuls instruments sur lesquels je ne m'étais pas penché dans cette salle, peut-être par manque de temps, ou alors était-ce autre chose, mais pour cette raison, je suivais du regard le moindre mouvement de ses doigts avec une certaine admiration.
- Ah, c'est mieux ! se complimenta-t-il après avoir fait un nouvel essai. Donc oui, pour répondre à ta question, je m'entraîne tous les jours. Mais je ne connaissais pas l'existence de ce club, sinon je n'aurais pas cassé les oreilles à mes voisins une paire de fois, tard dans la nuit.
Se replongeant dans ses souvenirs, il rit. Comme la dernière fois, son rire avait une tonalité que je trouvai particulièrement agréable à l'oreille et, comme la dernière fois également, je m'en voulus de me laisser attendrir par ce genre de conneries.
Je notai toutefois dans un coin de mon crâne que ce que m'avait dit Yahiko n'était clairement pas complètement vrai. Kiba avait tant de confiance en lui qu'il ne mentait pas. Il n'en ressentait pas le besoin. Et si cette partie s'avérait fausse, peut-être que d'autres l'étaient aussi.
- Vas-y, mets-toi au piano et joue ton morceau, m'intima-t-il soudainement en me désignant l'instrument du bout de son archet. Je vais te montrer ce que j'ai fait.
À la fois perplexe et curieux, je ne rechignai pas et me mis en position, après avoir sorti mes partitions. Une seconde, je crus qu'il allait se moquer de moi parce que j'en avais encore besoin et lui non, mais il ne fit que s'approcher de moi pour avoir une vue d'ensemble sur le clavier de l'instrument.
- C'est quand tu veux, répondit-il à ma question muette lorsque je me tournai vers lui.
Je hochai la tête, et me concentrais sur les notes devant moi. La feuille était couverte d'annotations que lui et moi avions faites hier, mais je m'y retrouvai facilement.
Lançant le départ en jouant les premières notes, il attendit un moment avant de faire jouer de son archet sur le violon. Ceci étant, dès qu'il le fit, la musique changea du tout au tout. Il cala son rythme au mien, et la musique gagna en profondeur et en intensité grâce aux notes de son violon. J'avais déjà trouvé la musique belle la veille lorsque, tous les deux, nous y avions fait de multiples modifications, mais ce qu'il avait fait en ajoutant ce violon, c'était vraiment chouette. Le morceau ne durait toutefois pas plus d'une minute, et nous arrivâmes à la fin bien plus vite que je ne l'avais pensé. Les dernières notes résonnaient encore dans mes oreilles lorsqu'il s'approcha de moi, son sourire en coin sur le visage.
- Alors ? Pas mal, hein ?
- Plutôt, oui, avouais-je.
- Tu es bête d'avoir choisi d'aller en informatique. Les ordi', c'est pas aussi fun, si tu veux mon avis.
Je me renfrognai. Sa manière de me dicter ma vie, à me dire ce que j'aurais dû faire, m'irrita franchement.
- Je ne te l'avais pas demandé, ton avis, répliquai-je aussitôt, un peu sèchement. Et puis même comme ça, j'arriverai à avoir un niveau respectable.
J'en avais l'habitude, mais il ne se départit pas de son sourire lorsque ma langue acérée lui répondit.
- Et tu ne veux pas plus qu'un "niveau respectable" ?
Sa question laissa place à un silence. Il n'avait pas totalement tort sur ce point-là. Ma fierté faisait que j'aurais aimé être plus que "moyen", mais la musique restant une passion et non un travail pour moi, je me voyais mal tenir la cadence avec quelqu'un comme lui.
- Je vais te montrer la différence entre le niveau moyen, ce qu'on vient de faire, et le bon niveau, celui dont je te parle.
Ce disant, il s'écarta de quelques pas, et réajusta son violon sur son épaule. Renonçant à l'idée de l'arrêter mais toujours sur les nerfs à cause de sa manière de voir son point de vue comme étant le meilleur, je me tournai vers lui.
- Tu connais le vingt-quatrième des Caprices de Paganini ? me questionna-t-il.
Je fronçai les sourcils en acquiesçant. Ce morceau était réputé pour être d'une difficulté particulière, et je restai sceptique sur sa capacité à le jouer, quand bien même il eût pu être bon. Lui, il sourit. Puis, il se lança.
Je compris, dès les premières notes, qu'il ne se foutait pas de moi. Exactement comme dans mes souvenirs, les notes s'enchaînèrent à une vitesse folle, et ses doigts bougeaient presque sans que je fusse en mesure de les suivre des yeux. Les vingt premières secondes, j'écarquillais les yeux, puis repris contenance et le regardai, effaré de ses capacités sur un violon. De plus, il jouait tout de mémoire, ce que, à mon niveau, je trouvais simplement inconcevable. Le piano étant ce que je connaissais de mieux, j'avais entendu le morceau plus souvent avec cet instrument qu'au violon, mais je devais reconnaître qu'il le jouait à la perfection, sans la moindre petite erreur. Les notes se répercutaient sur les murs de la pièce et très vite, la technique dont il faisait preuve m'hébéta, et je restai là, immobile, à attendre la fin pour recommencer à me mouvoir.
Ces cinq minutes parurent longues et courtes à la fois, et ce fut son habituel sourire qui me fit comprendre que tout était fini. Je me repris rapidement pour ne pas montrer plus que nécessaire mon admiration pour ce qu'il était capable de faire, et son sourire s'effaça avec mon attitude.
- Je ne dis pas que les gens comme toi qui jouent de la musique pour le plaisir sont des idiots, expliqua-t-il, très sérieux, mais je ne vous comprends pas. Moi, je joue pour ça, ce petit moment où les autres me regardent avec envie parce que ce que je fais déchire tout. J'ai la satisfaction de voir que mon travail paye, et j'adore ça.
Je me retins de justesse de le dire, mais cette déclaration ne m'étonnait pas le moins du monde. Mieux, elle résumait presque à elle seule l'image que j'avais de lui. Pourtant, je le comprenais et, pour la première fois, alors qu'il faisait montre d'une certaine arrogance, je ne m'énervai pas. Je commençais à comprendre ce qu'il était.
Sans me demander mon avis, il posa son violon contre le piano et me força à partager le banc dudit piano avec lui, en me poussant un peu. Heureusement, il y avait la place pour deux, ce qui ne m'empêcha pas de grogner de mécontentement.
- Mais j'aime aussi ce qu'on a fait hier, reprit-il. Travailler ensemble sur ton morceau, c'était plutôt fun.
Il se tourna légèrement vers moi. Je ne dis rien, alors qu'il était maintenant suffisamment proche pour que je sentisse son parfum. Sauvage, les fragrances étaient fortes et subtiles à la fois. Une odeur désagréable de cigarette froide venait se superposer pour donner un mélange intriguant.
- Et puis tu es plutôt cool, aussi. Plus intéressant que les crétins de ma classe, c'est clair. Tu as plus de répondant, aussi.
À partir de là, les choses s'accélérèrent drastiquement. Profitant de la proximité de nos corps, le visage de Kiba s'approcha progressivement du mien et, comme je ne bougeai pas, ses lèvres finirent par rencontrer les miennes. Ce contact fut comme un électrochoc et un frisson de bien-être me parcourut des pieds à la tête. Sans surprise, je répondis donc au baiser, tandis que l'une de ses mains passait dans mon dos et se posait sur le creux de mes reins. Nos respirations saccadées se mélangèrent et la température de nos corps monta de quelques degrés, alors que sa langue se frayait un chemin pour rencontrer la mienne. Un grognement de plaisir s'échappa de sa gorge.
C'est ce moment qu'il choisit pour que sa main libre vînt se poser sur ma cuisse avant de remonter doucement jusqu'à se poser sur mon entrejambe. Là, je pris brutalement conscience de la situation et me levai précipitamment. D'abord surpris, il se leva ensuite avec le regard du mec frustré.
- Quoi, un souci ? demanda-t-il.
Les mots de Yahiko me revinrent en tête et je le dévisageai, énervé.
- Je ne suis pas une pute, lui balançais-je.
- J'espère bien, fit-il, contrarié pour la première fois depuis que je le connaissais. Je ne prévoyais pas de te payer.
Il tenta un pas pour se rapprocher de moi, mais j'en fis un autre pour m'éloigner de lui.
- Quoi ? répéta-t-il. Tu es gay, non ? Je me suis renseigné. Et ma main peut me dire que tu en as autant envie que moi.
Là, je compris définitivement pourquoi Yahiko m'avait mis en garde.
- Et dire que je commençais presque à t'apprécier, lançai-je froidement. Je pensais que, peut-être, les gens disaient des conneries sur toi parce qu'ils ne te connaissaient pas, mais en fait, non, tu es juste un gros con.
Je m'étais attendu à ce qu'il s'énervât, mais non. Exaspéré, il passa sa main dans ses cheveux, se retourna, ramassa ses affaires, et prit la direction de la sortie.
- Okay. Tu sais quoi ? Tu fais chier, déclara-t-il en s'éloignant. Mais tant pis. Je vais aller dans un bar, ou en boîte, et je me trouverai bien un mec moins farouche que toi. Je ne vais pas me prendre la tête pour toi.
Sans jeter un regard en arrière, il disparut et je me retrouvai seul, au milieu de la pièce. Seul avec une colère indescriptible. Pas assez stupide pour frapper le piano, je frappai du pied le banc avec toute la haine que je gardais en moi, si bien qu'il s'envolât et s'écrasât quelques mètres plus loin.
J'avais été gentil de ne le traiter que de gros con. Ce genre de type ne méritait même pas cette insulte. À cause d'eux, je... Une nouvelle vague de haine me submergea, et je tournai en rond, comme un lion en cage, avant de rassembler mes affaires et quitter la pièce à mon tour.
- Merde ! m'énervais-je en passant la porte.
Et yop, chapitre fini !
J'espère qu'il vous a plu et, si possible, que vous êtes un peu frustrés. Ba oui, faudra bien un truc pour vous faire revenir sur le deuxième et dernier chapitre. Il est presque deux fois plus longs, en tout cas ! Je le posterai dans un mois, ou moins, selon vos réactions et ma motivation.
Mais en attendant, hop hop, un petit clic pour me dire ce que vous en avez pensé. Huhu. À pluch', les amis :3
