Hello hello, amis lecteurs ! Ça ne fait pas si longtemps que j'ai terminé The past is the past and the future is me, mais le ZoSan me manquait déjà, alors me revoici avec un petit UA ^^ J'espère qu'il vous plaira !
Ah, et One Piece ne m'appartient évidemment pas.

Le vent soufflait sur le plateau des Hautes-Fagnes, et la température était anormalement froide pour un mois de septembre. Zoro rentra un peu plus la tête entre ses épaules, cherchant à s'enfoncer jusqu'au nez dans le col de son manteau. Ses bottes s'enfonçaient à chaque pas dans le sol spongieux de la tourbière, et produisaient un affreux bruit de succion à chaque fois qu'il levait le pied. Qu'est-ce qu'il foutait ici, déjà ? C'était vraiment une idée débile d'avoir accepté cette invitation…

- Oh, arrête un peu de grommeler, Zoro ! s'énerva Nami, quelques pas devant lui. On y est presque et, comme je te l'ai dit, ça ne te fera pas de mal de prendre un peu l'air !

Zoro se renfrogna. Cet été-là, il avait manqué sa chance de battre Mihawk, le champion du monde de kendo, et de lui voler son titre. Il en avait été tellement frustré qu'il avait réclamé un deuxième combat après le tournoi, mais cette fois-ci avec de vraies épées. Mihawk avait accepté, contre toute attente. Mais le combat ne s'était pas du tout passé comme Zoro l'avait prévu : Mihawk l'avait humilié complètement en utilisant dans un premier temps un tout petit couteau, presque un coupe-papier, pour contrer ses attaques – et quand enfin il avait daigné sortir son sabre, il lui avait suffi d'un mouvement pour infliger à Zoro une blessure qui l'avait mis KO. Le champion national de kendo s'était réveillé à l'hôpital, avec des points de suture sur l'entièreté du torse, et la promesse d'une cicatrice qui lui rappellerait à vie son humiliation.

Pourquoi, dès lors, ses amis ne le laissaient-ils pas ruminer sa honte et sa rage chez lui, comme il l'avait fait ces derniers mois ? Non, au lieu de ça, il fallait qu'ils s'inquiètent pour lui, et le poussent à sortir, à s'aérer un peu… Peuh. Ce n'était pas en pataugeant dans la gadoue des Hautes-Fagnes qu'il allait faire des progrès en kendo. Tout le temps perdu ici était du temps en moins pour s'entraîner ! Mais il n'avait pas pu refuser, pas quand Nami lui avait promis qu'elle réduirait sa dette (assez colossale, il fallait bien l'avouer) s'il venait avec elle.

- Robiiiiin ! héla justement la rouquine, faisant de grands gestes du bras. C'est nous !

Zoro et Nami venaient en effet de pénétrer dans la zone de fouilles archéologiques que menaient actuellement leur amie à tous les deux, Nico Robin. Plusieurs personnes étaient occupées à travailler, creusant la tourbe à grands coups de pelles, de pioches et de bêches, et la chef de chantier suivait leurs progrès, accroupie près de la tranchée. Elle leva la tête en entendant son nom, et esquissa un grand sourire en reconnaissant les deux visiteurs.

- Nami ! Zoro ! Merci d'être venus ! Ça n'a pas été trop difficile pour trouver ? leur demanda-t-elle, se mettant debout pour aller à leur rencontre.

- C'est vrai que dans le genre « trou perdu », on peut difficilement faire mieux… ronchonna Zoro, s'attirant un coup de coude fulgurant de la part de la rousse.

- Non, ça allait, j'ai gardé un œil sur notre sabreur préféré pour qu'il ne puisse pas se perdre, répondit Nami avec un sourire moqueur.

Robin pouffa de rire, tandis que Zoro fusillait les deux femmes du regard.

- Alors, qu'est-ce que ça donne jusqu'ici ? Vous avez trouvé autre chose ? continua la rousse.

La raison de ces fouilles, en effet, avait été la découverte fortuite d'une botte en cuir, parfaitement conservée, dans la tourbière. En effet, la tourbe étant constamment saturée en eau et très pauvre en oxygène, elle constituait un milieu anaérobie qui empêchait la décomposition des matières organiques, et permettait de retrouver des objets vieux de plusieurs siècles, mais en parfait état de conservation.

- Oui, on a retrouvé aussi une sacoche en cuir, elle aussi en très bon état ! Je pense qu'on ne devrait pas tarder à retrouver le corps… révéla Robin avec un sourire confiant. Si mon hypothèse est bonne, notre individu aurait d'abord perdu sa botte, puis abandonné son sac, et aurait fini par tomber et mourir quelque part par ici. J'ai hâte de pouvoir établir les causes du décès. Peut-être était-il grièvement blessé, ou bien très malade…

Zoro et Nami échangèrent un regard entendu : Robin était toujours aussi morbide. Mais il fallait sans doute ça, pour travailler en permanence avec des vieux os.

- Et tu as déjà une idée de datation ? reprit Nami avec un sourire un peu forcé.

- Oh, on n'a pas encore les résultats du labo concernant la botte, mais à en juger par son style et sa facture, je dirais qu'elle doit remonter au XVIIème siècle.

- Ouah ! Tu te rends compte, Zoro ? Vous allez peut-être découvrir un cadavre vieux de quatre siècles ! fit Nami.

- Quoi, tu ne restes pas ? fit le sabreur en fronçant les sourcils.

- Nope, on m'attend à la station météorologique, répondit Nami. Ils ont enregistré d'étranges perturbations, et ont demandé mon avis d'expert. Mais j'ai promis à Robin que je lui prêterais tes gros bras pour son chantier, tant que j'étais dans la région !

- Hey ! Tu m'avais dit qu'on visiterait le chantier de Robin, pas que je devrais travailler ! Espèce de sorcière ! protesta Zoro. Tu ne peux pas louer mes services quand ça te chante, sans même m'en parler avant !

- Pense à ta dette, Zoro, pense à ta dette…

Zoro grommela encore un peu pour la forme, tandis que Robin suivait l'échange d'un œil amusé. Finalement, Nami se pencha pour faire la bise à son amie, et donna une claque amicale sur l'épaule du sabreur.

- Bon ! Je vous laisse. Terminez peut-être un peu plus tôt, ce soir, parce qu'il y aura tempête… Et ce sera fameux !

- Merci, Nami, on s'en souviendra, répondit l'archéologue.

La météorologiste repartit ainsi par où elle était venue, et Robin se tourna vers Zoro avec une lueur dans les yeux.

- Bien. Et si on s'y mettait ?

~~oOo~~

Une heure plus tard, Zoro n'avait plus seulement dix centimètres de boue collés sous chaque semelle, mais carrément de la boue jusqu'aux coudes. Sans exagération. Il fit une pause pour reprendre son souffle, passa une main sur son visage en sueur (étalant de la boue sur ses joues sans le savoir) et héla Robin, toujours accroupie au bord de la tranchée.

- Hey, Robin ! Jusqu'où exactement tu veux qu'on creuse ? Si on continue encore, on ne va plus parvenir à ressortir du trou, à la fin !

Un murmure d'assentiment s'éleva des autres ouvriers, et Robin se pencha pour estimer la profondeur.

- Mmh, oui, je pense qu'il serait inutile pour l'instant de creuser plus profond… Mais puisque, visiblement, il n'y a rien dans ce secteur, je vous demanderai alors d'élargir encore la tranchée de chaque côté.

- Encore ? Tu crois pas que t'abuses, un peu ? grogna le sabreur. Je n'ai jamais donné mon accord pour ça, je signale !

- Je suis persuadée que notre cadavre se trouve là, tout près ! Je te demande juste encore un peu de patience ! Ou alors, tu vas me dire que le champion national de kendo n'a pas l'endurance nécessaire pour donner quelques petits coups de pioche ? insinua Robin.

La remise en question de ses capacités physiques suffit pour que Zoro, piqué au vif, se remette à piocher à un rythme endiablé. Mais il dut bientôt s'arrêter, car l'un des autres ouvriers (celui qui pelletait au fur et à mesure la terre s'accumulant aux pieds du sabreur) posa une main sur son épaule, l'empêchant d'abattre l'outil qu'il levait au-dessus de sa tête.

- Oh, attends, attends ! Je vois quelque chose ! dit-il.

Et effectivement, devant eux, au milieu de la paroi tourbeuse, on pouvait voir une tache blanchâtre, révélée après que Zoro ait détaché sa précédente motte de terre. Prenant la truelle qu'il gardait glissée dans la poche arrière de son pantalon, l'ouvrier gratta tout autour de la tache, dégageant petit à petit ce qui semblait être… un pied.

- Miss Nico ! On l'a trouvé !

~~oOo~~

Le cadavre était celui d'un homme, assez jeune (plus ou moins l'âge de Zoro), habillé avec des vêtements de voyage (à en juger par sa grande cape à capuche), et qui visiblement avait été tué d'une balle dans le dos. Quand Zoro avait manifesté sa surprise à ce sujet (« Ah bon, ils avaient déjà des flingues, au XVIIème siècle ? »), Robin l'avait toisé avec un agacement visible (« Ils avaient des pistolets et des mousquets, oui. On parle du XVIIème siècle, pas de la Préhistoire, Zoro ! »). Mais ce qui était surtout étonnant, c'était l'état de conservation du corps en lui-même.

Comme Robin avait tenté de le lui expliquer (même si la moitié de l'explication lui était passée au-dessus de la tête), les corps retrouvés dans les tourbières subissaient assez souvent un procédé de momification naturelle, qui desséchait et tannait leur peau. A l'inverse, les os étaient rarement conservés, car l'acidité de la tourbe avait tendance à les dissoudre. Et pourtant, rien de tout ça avec le mystérieux inconnu du XVIIème siècle. Sa peau était pâle, d'une blancheur de lait. Ses cheveux blonds semblaient peut-être un peu secs, mais rien qu'un bon après-shampooing ne puisse régler. Ses lèvres bleuies étaient pleines et charnues, comme une promesse de baiser. En définitive, si l'on omettait sa botte perdue, sa balle dans le dos et la boue qui le recouvrait, on aurait dit que l'homme s'était tout simplement endormi, et allait se réveiller d'un instant à l'autre.

Robin et lui se trouvaient à présent au laboratoire, à l'abri de la tempête qui faisait rage dehors. Ils avaient découpé une gangue de terre tout autour du cadavre pour pouvoir le transporter, et une fois bien au chaud sous un toit, ils avaient pu détacher la tourbe qui le recouvrait petit à petit, avec mille précautions. Enfin, relativement au chaud, car la température qui régnait dans le laboratoire n'était pas franchement tropicale – mais Robin lui avait expliqué que c'était nécessaire, donc il n'avait rien dit. L'extraction du corps avait été une opération vraiment fascinante, chaque centimètre carré de peau dévoilé avec une lenteur infinie (quand Zoro avait aperçu les sourcils enroulés de l'individu, d'ailleurs, il n'avait pas pu s'empêcher d'éclater de rire – pas étonnant qu'on lui ait tiré dessus avec une telle cible au milieu de la figure !), et maintenant le résultat se trouvait devant eux, exposé entièrement.

- Incroyable… murmura Robin. Les vêtements me confirment qu'il date bien du XVIIème siècle, et pourtant, on croirait qu'il est mort hier !

Zoro hocha la tête, impressionné malgré lui.

- Oh, comme j'aimerais qu'il puisse se réveiller pour nous raconter son histoire…

- Hey, Robin. On dirait qu'il tient quelque chose dans sa main, tu as vu ? fit remarquer le sabreur, qui venait d'apercevoir quelque chose dépasser du poing crispé de l'individu.

Les mains du cadavre étaient blanches et fines, avec de longs doigts. A cause de son séjour sous terre, la tourbe s'était incrustée sous ses ongles, mais on voyait néanmoins que ceux-ci étaient parfaitement limés – l'homme du passé prenait visiblement soin de ses mains. L'une d'entre elles était crispée sur sa poitrine, sans doute à cause de la souffrance, tandis que l'autre agrippait ce mystérieux objet. Et pourtant, son visage n'était pas grimaçant, ou même crispé – on aurait même dit qu'il souriait légèrement. Était-ce inquiétant que Zoro le trouve presque séduisant ?

- Lui ouvrir la main sans autre forme de procès serait une fort mauvaise idée, lui répondit Robin, le faisant sursauter. Même si les os ne semblent pas s'être dissous dans ce cas-ci (un miracle, de nouveau), ils sont certainement fragilisés. Mais on pourrait passer sa main aux rayons X pour savoir ce qu'elle contient.

- Ou-oui, bonne idée, fit Zoro, se sentant coupable d'avoir pensé un seul instant qu'un mort pouvait être séduisant.

Zoro n'avait rien contre l'homosexualité. Lui-même avait déjà été en couple avec un homme (son ami d'enfance, Saga) et avec plusieurs filles, sans éprouver de préférence pour l'un ou l'autre sexe. On pouvait le qualifier de bisexuel, si on voulait, mais Zoro préférait dire qu'il était attiré par une personne pour qui elle était, son caractère, son esprit, plutôt que par ce qu'elle était. Il n'empêche, l'homme du XVIIème siècle était mort depuis bien longtemps, et il paraissait inconvenant d'en faire un objet de fantasme.

Tout en suivant Robin, et en poussant la table à roulettes sur laquelle gisait le cadavre jusqu'au scanner, le sabreur jeta un coup d'œil à l'extérieur. Il faisait nuit noire (avec l'excitation de la découverte, ils n'avaient pas vu le temps passer, et il devait sans doute être fort tard) et la tempête était à son comble. Zoro se demanda un instant ce que Nami avait voulu dire en parlant « d'étranges perturbations ». Il espérait en tous cas qu'elle soit bien à l'abri, elle aussi, car il ne devait certainement pas faire bon d'être dehors avec un temps pareil !

- Prêt, Zoro ? fit Robin en le ramenant au présent.

- Ah, oui oui. Prêt, confirma le sabreur, impatient de savoir ce que cet homme avait pu agripper avec l'énergie du désespoir, juste avant de passer l'arme à gauche.

Finalement, il devrait sans doute remercier la météorologiste de l'avoir traîné dans les Hautes-Fagnes aujourd'hui. Il ne regrettait certainement pas sa journée !

Mais juste au moment où Robin actionnait le scanner, il y eut un claquement sec, et toutes les lumières s'éteignirent d'un coup. L'archéologue poussa un petit cri de surprise, et recula d'un pas, tandis que le scanner commençait à grésiller et à émettre une odeur de brûlé caractéristique. Quelques éclairs jaillirent de la machine, rappelant à Zoro les éclairs qu'il avait vus dehors un instant plus tôt. Il savait qu'il ferait mieux de bouger, de s'éloigner, mais il n'y parvenait pas, étrangement fasciné par le spectacle.

- Non ! Le corps va brûler ! fit Robin horrifée, en courant vers la prise pour débrancher le scanner.

Les éclairs et le grésillement n'avaient cessé de s'intensifier, entretemps, jusqu'à ce qu'il y ait une explosion de lumière, qui aveugla Zoro un instant, puis plus rien. Le noir absolu. Robin avait tout débranché.

Le silence était seulement interrompu par sa respiration laborieuse, et le sabreur ouvrit la bouche pour lui demander si ça allait, quand une autre voix s'éleva dans l'obscurité.

- Où… Où suis-je ?