CHAPITRE 1

Juillet 1918 tirait sa révérence lorsque Candy retourna à Chicago. La semaine à la maison de Pony n'avait été qu'enchantements mais hélas tout avait une fin et il fallait bien retourner dans cette ville où sa vie se trouvait. Ses amis, sa pseudo famille et Niel qui n'était pas encore un problème mais qui pouvait le devenir. Elle se renfonça plus dans son siège inconfortable de deuxième classe. Il allait falloir trouver une solution avant que son existence soit invivable.

Son début de semaine de reprise du travail avait été plutôt calme, mercredi accueillait les enfants du quartier dont les mères partaient à leurs occupations et souvent c'était le moment de faire un check-up de leur état de santé. Candy venait d'examiner un énième enfant lorsqu'un homme entra, décidé. Elle n'y prêta pas attention au premier abord. Lorsqu'elle reconnut la voix qui s'adressait au médecin elle grimaça sous l'effet d'un frisson désagréable.

- Puis-je libérer Candy de ses obligations professionnelles ?

- Mais bien sûr fit le Docteur Martin avec bonhomie.

- Il n'en est pas question ! Intervint Candy déterminée.

- Candy ... l'homme eut un petit rire sec. Ce n'est que pour une heure ...

- Non, j'ai du travail. Agacée elle quitta son bureau et alla prendre un bol d'air frais dans le jardin.

- Ah les femmes ! Soupira le Docteur Martin qui sortit une bouteille vite fait pour siffler une gorgée.

« Tu vas me le payer » se morigéna Niel tout en prenant congé.

Lorsque Candy revient elle vit que Niel avait quitté les lieux. « Un peu trop facilement je trouve, aurait-il compris ? Enfin ? ». Elle s'assit à son bureau reprenant la tâche là où elle l'avait laissé. Un malaise diffus ne voulait pas la quitter, comme une sorte de mauvais pressentiment.

Il gara sa voiture dans le parc, et s'assit sur un banc. Il fallait réfléchir à un plan. Il devait gagner ce combat, c'était vital, il ne supporterait pas de la voir pendue au bras d'un autre que lui-même. Tout tournait dans sa tête, argent, emploi, routine et soudain il eut l'idée. Satisfait il entra dans un bar chic et commanda un Whisky et jeta un coup d'œil à la pendule puis fila à l'adresse où habitait Candy.

Candy sur ses gardes entra chez elle et prépara son dîner. Elle n'aimait pas ce moment, la solitude commençait à devenir insupportable. Elle songea que ce serait bientôt la fin du mois et qu'elle allait devoir payer son loyer. C'était une période qu'elle redoutait particulièrement car ses finances étaient au plus juste et elle refusait coûte que coûte de demander de l'aide aux André. Elle soupira. Ce mois allait être particulièrement difficile elle le savait. Elle ne se trompait pas.

Son logeur lui apprit le lendemain, alors qu'elle partait au travail, une augmentation du loyer à payer. Elle serra les dents. Comment allait-elle faire ? « Bah tant pis je vais vendre ce qui ne me sert plus ... mes robes de soirée ... peut-être que j'en tirerais assez d'argent ... ».

La fin de semaine fut là et Candy mit son plan à exécution. Les friperies reprirent sans difficultés ses robes et ses quelques bijoux. Le cœur serré elle retourna dans sa modeste demeure les bras allégés. Une voiture neuve, rutilante stationnait devant chez elle, elle grimaça « Ce Niel ... grrrr ». Il était en grande conversation avec son logeur. Elle serra les points et marcha bien décidée dans leur direction.

- Bonjour Monsieur, Niel ... « Respire un bon coup, je vais m'en débarrasser vite fait de celui-là ! ». Monsieur je vais vous donner l'argent pour le loy ... er, il venait de lever la main.

- Mademoiselle Neige ce n'est pas la peine ... monsieur vient de me le régler.

- Co ... QUOI ?

- Oui ... maintenant viens j'ai à te parler !

- Monsieur, c'est un malentendu. Monsieur Legan va reprendre ses billets, et je vais vous payer moi-même ce que je vous dois.

- CANDY ! Excusez-la ! fit Niel vers le propriétaire, puis furieux Niel la prit par le bras, autoritaire. Elle tentât de se dégager d'un mouvement sec.

- Comment oses-tu ? Elle était cramoisie de fureur.

- Au-revoir monsieur ! Fit Niel au logeur tout en entrainant de force Candy vers son appartement.

- NIEL ! Tu vas me lâcher oui ? De quel droit ! Non mais je rêve ! Tu n'as pas à payer mon loyer !

- Tais-toi ! Gronda t-il l'air menaçant. Tu vas finir par m'écouter oui ? Maintenant entre et cesse de te faire remarquer !

- Je me fiche de me faire remarquer !

Elle ouvrit non sans difficultés tellement ses mains tremblaient de fureur, et entra furieuse dans son logement. « Non mais de quel droit intervenait-il dans sa vie ? ».

- Tu reprendras ton argent Niel ... et arrête de te moquer de moi ! Il la regardait l'air suffisant, un sourire accroché à sa bouche parfaite.

- Non. Je suis désolé ma-petite-Candy maintenant tu vas respirer un grand coup, te calmer, t'habiller décemment, je veux dire plus chic que ce que tu portes ... tu dois bien avoir une robe habillée dans ton armoire, je t'emmène. Le ton refusait toute discussion.

- Co ... non mais je ne suis plus à ton service ! J'ai fini mon temps quand j'étais ta domestique au Ranch ! Ces yeux émeraude brillaient de colère et ressortaient d'autant plus que ses joues brûlaient d'un feu intérieur alimenté par le ressentiment.

- Obéis ... menaça t-il, ça vaudrait mieux, j'ai à te parler et j'ai faim alors j'ai décidé de faire les deux.

Elle le regardait bouche bée.

- ACTION ! Cria t-il presque.

Les yeux ronds elle n'en croyait pas ses oreilles, ses mains la démangèrent soudain, l'envie de lui coller une gifle devient insistante.

- Et bien ? Tu ne sais plus où se trouve ton armoire ? Petit rire qui lui fit l'effet d'un lancer d'aiguilles acérées sur son corps. Il souffla soudain d'un ton incroyablement sexy : Tu veux peut-être que je t'aide à te déshabiller ..., ce qui j'avoue ne serait pas pour me déplaire comme en-cas.

- Tu peux toujours rêver répondit-elle la voix tremblante. Je n'ai pas faim déjà ... et je n'ai surtout pas envie de déjeuner en ta compagnie et ... je n'ai pas à me justifier, maintenant je te demande de sortir d'ici.

Il arqua ses sourcils. « Elle résiste la chipie, mais elle ne connaît pas Niel Legan, personne ne m'a jamais parlé sur ce ton ! Elle va le regretter ».

- Non. Il s'installa encore plus confortablement sur sa chaise et s'appuya sur la table de la cuisine. Tu n'as rien préparé pour le déjeuner, alors je pense que tu n'as pas grand-chose à manger. Il soupira J'espère que tu as une excellente raison. Je te fais peur ?

Elle ricana.

- Toi ? Me faire peur ? Tu plaisantes ?

- Alors ? Pourquoi refuses-tu ? Il fronça les sourcils. Tu me caches quelque chose, c'est ça ... Donne-moi une bonne raison pour refuser de déjeuner avec moi, alors que tu n'as plus rien à craindre de moi.

« Pourquoi mon cœur bât la chamade ? Plus rien à craindre de lui ? »

- Je ... « Si je lui avoue que je n'ai plus rien à me mettre il déguerpira ». Je n'ai plus aucune robe, j'ai du m'en débarrasser.

Il vit qu'elle se tordait les mains gênée et soudain il toucha du doigt ce qu'elle avait du faire pour payer le loyer.

- Tu n'as pas ... si ?

- Je ...elle soupira puis soudain ses joues s'empourprèrent à nouveau. Je ne peux pas t'accompagner, demande à une autre. Elle se pencha pour sortir une casserole et se faire un maigre déjeuner mais Niel était tenace (tendance qu'elle avait à oublier).

- Le souci est ... que je ne veux que toi. Remballe tout de suite ta casserole et suis-moi.

Elle soupira.

- Je n'ai pas d'ordre à ... Niel ferma les yeux s'évertuant à dissimuler un agacement de moins en moins subtile. Je fais ce que je veux ! Même si ça t'énerve !

- Candy ... ne me pousse pas à bout, ok ? Tu n'as presque rien dans tes placards alors cesse de me faire croire le contraire.

- Si ! J'ai ... et sans crier gare Niel commença à faire l'inventaire de ses provisions, très très maigres.

Au bout de deux minutes et quelques légumes trouvés ça et là, le constat était sans appel. Elle se mordit la lèvre à la fois honteuse et ulcérée.

- Tu ne comptes pas faire un vrai repas avec ce qu'il y a ici ? Si ? Si c'est le cas je le refuse et même si je dois t'emmener de force je le ferais !

- Tu as gagné fit-elle sur un ton rageur. « Bon allez tu écoutes ce qu'il a à te dire et après tu l'envoies sur les roses ... il va falloir réfléchir à une solution pour qu'il arrête de t'ennuyer, l'oncle William ? ».

Il la fit monter dans sa voiture et prit la direction du centre ville. Enfin il se dirigea vers les rues où se tenaient les boutiques les plus chics et s'arrêta devant le magasin connu pour être le plus cher à des kilomètres. Il lui ouvrit la portière. Candy le regardait, éberluée, il devait plaisanter. Il ouvrit la porte ouvragée et la poussa presque devant lui.

- Niel ... tu ...

Il ignora son appel à l'aide et héla une vendeuse qui le reconnaissant arriva illico-presto.

- Monsieur ?

- Veuillez habiller le plus élégamment possible cette personne, des pieds à la tête.

- Bien sûr ! Veuillez me suivre dans le petit salon madame.

Candy fit les yeux ronds en direction de Niel, qui l'ignora superbement. Elle la suivit comme un automate. Niel les suivit du regard puis prit congé, Candy sentit sa gorge se serrer.

Les essayages se déroulèrent en moins d'une heure. Candy choisit une tenue le plus simple possible (tout en se promettant de rembourser les achats à Niel) et tentât d'en connaître le prix.

- Oh ... c'est étrange ... vous êtes la seule cliente qui veut connaître le prix de ces choses.

- Oui ... je ... n'aime pas dépendre de qui que ce soit.

La vendeuse eut un petit rire, décidément quelle cliente étrange !

- Eh bien ... seul celui qui achète connaît le prix de nos articles, c'est dans notre règlement.

- Mais ...

- Alors ? Ces achats ? Fit Niel sur un ton inquisiteur tout en entrant comme en terrain conquis. Il avait souri lorsqu'il avait entendu Candy s'enquérir du prix des articles.

- C'est fait. La vendeuse dévoila les deux robes, les chaussures choisies. Niel hocha la tête, satisfait, puis se dirigea vers la caisse. Candy s'était tournée vers eux, espérant entendre le montant. Elle en fut pour ses frais. La vendeuse glissa un papier vers son acheteur qui régla.

- Combien je te dois ? Fit Candy, lèvres pincées dans la voiture.

Niel éclata de rire.

- Tu n'espères quand même pas que je te le dise ? Si ? Quoiqu'il en soit il reste encore quelques achats et ensuite et bien ... tu te prépareras à Lakewood pour notre sortie.

Il l'emmena dans une bijouterie puis comme prévu ils allèrent à Lakewood. Albert les regarda amusé se chamailler. Niel ne cessait de le surprendre depuis un certain temps et dans le bon sens. Pendant que Candy – de mauvaise grâce – se changeait, Niel et Albert discutèrent autour d'un Scotch. Enfin elle réapparut, splendide mais l'air fâché.

- Tu es magnifique ! Lâcha Albert appréciateur.

- Mon oncle, Niel ... il a tout payé ! Fais lui entendre raison ...

- Je vous rembourserais fit Albert à Niel qui d'un geste de la main balaya sa remarque.

- Non ! Dis-lui que je suis assez grande pour me gérer toute seule. Albert pinça les lèvres. Elle était fière mais hélas son orgueil n'avait plus le soutien financier et il le savait.

- Non soupira t-il. Non Candy et tu le sais bien ! Je t'ai proposé de voir le Docteur Léonnard pour que tu retournes travailler à l'hôpital mais tu refuses !

- Il m'a renvoyé. Il a obéit aux ordres de sa mère (du menton elle désigna Niel qui totalement détendu finissait son verre). Elle recommencera j'en suis certaine. Avec le Docteur Martin elle n'a pas de prise, je suis tranquille de ce côté-là.

- Ce n'est pas suffisant comme revenu et tu le sais très bien avança Niel. Tu devrais accepter notre proposition ... je t'ai aussi proposé de retrouver ton poste d'infirmière à l'hôpital Sainte-Joannah. Je ne comprends pas ton obstination.

- Je me débrouille ! « Enfin jusqu'à présent ... le loyer ayant augmenté ça va être difficile mais tant pis j'y arriverais même si je dois cumuler plusieurs emplois ! ».

Niel oscilla sa tête tout en faisant la moue. « Quelle tête de mule ! »

- Bon nous en rediscuterons. Je peux vous emmener votre fille ? Je vous promets de ne pas lui faire de mal.

- Mais tu as tout intérêt, rétorqua Albert. Celui qui nuira à ma fille aura à faire à moi. Son visage perdit ses traits juvéniles soudain. Il faudra que nous songions à neutraliser votre mère et votre sœur.

- Je le sais bien fit Niel en se dépliant avec grâce du fauteuil en cuir. Père est de mon côté.

- Hum ...

- Je lui ai avoué que moi et ma sœur nous étions à l'origine de la mauvaise réputation de Candy.

- Tu as fais ça ? Candy le regardait ahurie.

- Evidemment.

- Quelle a été sa réaction ? Fit Albert en se levant à son tour.

- Il a été furieux. Surtout envers ma mère d'ailleurs. Il m'a avoué que c'était pour cette raison d'ailleurs qu'il refusait de venir à Chicago aux repas de famille et autres réceptions.

- Ton père est un homme de terrain, il aime son travail plus que tout. Le visage de Niel se rembrunit à ces mots.

- Exact.

Albert regarda sa montre et d'un ton pressant prit congé.

- Allez les enfants, bon déjeuner ! Vous allez vous faire refouler vu l'heure !

Niel se gara devant un restaurant un peu à l'écart de la ville dans lequel se réunissaient les hommes d'affaires des environs. Les hommes du clan André y avaient leurs petites habitudes sans aucun doute car le serveur su tout de suite qui était Niel.

- Je comprends mieux pourquoi tu m'as fais me changer ... il n'y avait pas d'autres endroits ? Les rares femmes présentes étaient toutes sur leur trente-et-un quant aux hommes, eux aussi étaient tous très élégants.

- Non. Il lui tendit le bras afin qu'elle y passe le sien en dessous. Ce qu'elle ne comprit pas tout de suite. Et bien ?

- Je ne suis pas ta petite amie !

- Candy ... gronda t-il et elle se plia à l'exigence de mauvaise grâce et passa son bras sous le sien. En passant elle eut la désagréable impression d'être scannée sur son apparence, sur sa tenue, et savait intérieurement que des remarques à son sujet seraient déversées à son sujet aussitôt hors du champ de vision des autres femmes. Niel la sentit frissonner.

- Tu as froid ?

- Non, non mais je déteste être le centre de l'attention, murmura t-elle.

Niel eut un petit rictus.

- Tu n'as rien à craindre de la part des autres femmes, tu les dépasses toutes et de très loin sans fournir le moindre effort. Elle se sentit rougir sous le compliment.

- Merci ... souffla t-elle.

Ils furent installés dans l'endroit le plus calme de la salle, dans une sorte d'alcôve. Candy se demandait bien tout ce que cela cachait et sentait confusément que son esprit était en état d'alerte maximal.

- Bon ... tout cela n'est pas gratuit je suppose, soupira t-elle. Qu'est-ce que tu me veux ? Viens en aux faits !

- Tu sais très bien ce que je veux. Tu me résistes alors ... je suis obligé de mettre mon intelligence à différents stratagèmes pour que tu finisses par me céder, ce qui finira par arriver.

- Au moins tu as confiance en toi.

- Je sais que tu finiras par me céder, c'est obligé. « Quel présomptueux ! Non mais pour qui se prend-t-il ? »

- Non ! Non jamais ... même si ... je ne supporterais pas ta famille !

Il eut un petit rire accompagné d'un haussement d'épaules.

- Si et je te promets de te rendre heureuse. Son regard déjà assombri par l'endroit se mua en encre noire. Sa mâchoire se contracta et son visage devient comme figé et froid. Ma famille n'a pas intérêt à te nuire, ce temps est terminé.

Elle ravala sa salive. Jamais elle ne l'avait vu ainsi.

- Tu n'as pas pu empêcher ta mère. Je ne retournerais pas dans cet hôpital ... il lui a obéi comme un chien aux ordres de son maître !

- Je veillerais à ce qu'elle ne te nuise plus jamais. Je sais que sur le plan de la confiance j'ai du chemin à faire. Son regard descendit sur la gorge dégagée de Candy. Une rougeur diffuse s'invita sur ses joues et elle remercia intérieurement le serveur de les avoir placé dans cet endroit à la lumière tamisée. Maintenant venons-en à ma proposition.

Le cœur de Candy manqua un battement.

- Je t'écoute même si je vais la refuser.

- Je dois partir un mois au Mexique. Je ne veux pas y aller seul. Je te propose donc cinq cent mille dollars pour que tu m'y accompagnes. Bien entendu ce prix inclus que tu fasses ce que je t'ordonnerai.

Candy le fixait abasourdie.

- Cinq cent mille dollars pour que je t'y accompagne ? Et je serais en quelque sorte ta domestique ? J'ai bien compris ? Non mais je rêve là ... ! Je ne suis pas une fille qu'on paie ! « Il a de la chance que le restaurant soit loin de la ville sinon je partirais sur le champs ! ».

- C'est une idée à laquelle je n'avais pas songé. Une drôle de lueur scintillait au fond de son regard perçant. Il avait la mine réjouie. Candy quand à elle ne décolérait pas. Il lâcha un soupir. Je ne te prends pas pour ce que tu sous-entends. Je sais que cet argent tu en as besoin.

- Tu plaisantes ? Je suis sûre que d'autres filles de ta condition sociale seraient ravies de faire ce voyage je ... Et elles tu ne les paierais pas ! Il eut un petit rire amusé. « Oh que si je devrais les payer ... elles n'ont pas ta fierté ! Elles se feraient payées en bijoux, en sortie ... les filles de mon monde sont des pintades idiotes complètement inutiles si ce n'est pour enfanter, elles sont élevées pour ça ».

- Tu vas accepter parce que ... tu n'es pas en mesure de refuser. Ta situation financière est catastrophique ..., d'autre part j'ai fait la même proposition à la Maison de Pony qui a à peu près le même état financier que le tien et qui elle a accepté. Si tu refuses, mon aide leur sera évidemment retirée. Il arbora son petit sourire en coin du vainqueur. Candy le détesta.

- Tu es ... je vais te dire ce que tu es ... sa voix avait du mal à franchir le nœud de ses cordes vocales resserrées du fait de la colère, tu es ... monstrueux ! Elle renifla, luttant pour ne pas dévoiler ses émotions qui la menaient au bord des larmes. « Évidemment que ma situation financière est catastrophique ... et ce loyer qui a augmenté de cent dollars ... jamais je ne pourrais le payer pour les mois suivants ! Il va falloir que je trouve un autre travail en complément ! ».

Il éclata de rire. Il adorait la voir dans cet état, il avait tellement envie de la serrer dans ses bras, de coller ses lèvres contre les siennes, un désir puissant montait toujours en lui lorsqu'il la voyait furieuse, symptôme de son impuissance face à son géni.

- Je le sais, surtout lorsque j'ai de la résistance à ce que je veux. Son regard descendit sans vergogne à la naissance de sa poitrine, mise en valeur par sa robe sublime et qui soulignait sa silhouette parfaite.

- Comment oses-tu ? Je ne t'ai rien demandé ! Pourquoi moi ? Je ne te comprends pas ! Pourquoi pas une fille de ton milieu social ?

- C'est de ta faute fit-il en sourdine tout en faisant jouer ses doigts sur son menton. Pour les filles de mon milieu je vais te rassurer tout de suite ... elles n'ont aucun intérêt. Tu as dit tout à l'heure que je n'aurais pas à les payer ? Il eut un rictus comme s'il avait avalé quelque chose d'acide. C'est faux. Ces femmes sont pires que le tonneau des Danaïdes !

- Le tonneau des Danaïdes ?

- Oui elles n'en ont jamais assez ! Toujours mécontentes, à critiquer ... ce sont des vipères et ma mère en est un parfait exemple.

Candy avait pincé les lèvres. « Comment vais-je décliner sa proposition ? C'est vrai que j'ai besoin de cet argent ... comment ose t-il me mettre au même niveau que ces femmes qui se plient au moindre désir d'hommes qui ont de l'argent ? Je dois refuser ... il faut que je refuse, c'est une question de fierté ».

Il reprit, la voix douce tout en ne la quittant pas des yeux.

- Tu m'as aidé sans me demander mon avis. J'étais bien avant que tu interviennes et que tu viennes bouleverser à ton tour mon petit monde. Vois-tu (il but une gorgée de l'excellent vin qui leur avait été servi), tout roulait. Le monde se divisait en deux : les pauvres dont tu faisais partie, et les riches : nous. Mon éducation a fait que, nous nous devons de mépriser les gens de ta condition car ils cumulent tous les maux et surtout le pire de tous : la pauvreté. Il soupira. Un pauvre est forcément mal éduqué, a un mauvais fond, et est égoïste. Par la force des choses bien entendu. Et toi ? Toi tu es intervenue alors que tu n'aurais pas du.

- Mais ...

- Je t'avais fait du mal, moi et ma sœur et ma famille en général, tu aurais du me laisser dans la merde. Et toi ? Non du tout ! Tu t'es portée à mon secours ! Moi ! Le pire des hommes que tu connaissais ! Je t'ai traité pire qu'une rien du tout ! Tu aurais du regarder ailleurs, ne pas intervenir et me laisser avec mes certitudes mais voilà ... tu m'as aidé malgré le mal que j'ai pu te faire ... la conséquence est que je t'aime plus que n'importe quel autre être humain sur cette terre. Quelque part tu me fais payer ma conduite du passé d'ailleurs.

- Comment ça ?

- Ton indifférence, ton rejet ... il mit ses coudes sur la table et posa son menton sur le tablier fait de ses doigts. Il plongea son regard caramel dans les siens. Je t'aime et tu le sais et tu m'aimeras parce que je ne suis pas un Terry ou un autre ... je ne baisserais pas les bras même si je dois t'épouser à quatre-vingt ans !

- Je ... Niel qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas un autre tour que tu me joues ?

- Ce temps-là est terminé. Tu as besoin de cet argent, je le sais.

Le serveur apporta alors la commande. Les assiettes étaient somptueuses et malgré elle, son estomac se délecta du spectacle et se fit remarquer.

- Niel par rapport au fait que je t'ai aidé ... je l'aurais fait pour n'importe qui d'autres ... si c'est ça qui fait que tu m'aimes, sache que tu ne me dois rien !

- Tu l'as fais pour moi ... moi qui te traitais pire qu'un cafard. Je t'avais toujours dénigré, toujours mise plus bas que terre, tu ne valais rien à mes yeux et puis tout d'un coup tu as tout changé ! Tu as beau faire Candy, ce que tu as fais m'a changé en profondeur. C'est la conséquence de ton intervention. Candy le regardait comme hypnotisée. Elle était entrain de réaliser que l'homme le plus en vue de Chicago, le plus sexy (pour les magasines People), le plus riche accessoirement, n'avait d'yeux que pour elle, elle une modeste infirmière, orpheline de naissance. Elle se mordit la lèvre la rendant incroyablement attirante. Niel s'obligea à poser son regard ailleurs que sur la jeune femme. « Comment ai-je pu passer à côté d'une telle beauté ? Belle à l'extérieur et à l'intérieur ? J'avais un ange sous le nez et je n'y ai pas prêté attention ! Un crétin comme Terrence a bien failli me la prendre ... Quel idiot ! Cela ne doit surtout pas se reproduire ... ».

- Je ... tu étais blessé et puis ces voyous ... ils étaient lâches ...

- J'ai été aussi lâche qu'eux ... rappelles-toi le Collège Royal de Saint-Paul ! Et pourtant tu es venue à mon secours ce qui n'aurait jamais du se produire !

- Je l'aurais fais pour n'importe qui d'autres. Voilà tu es content ? Oublie-moi et ... sors avec des filles qui te ressemble qui ...

- Des pintades ?

- Non !

- Si ! Ce sont des filles sans intérêt car vois-tu elles ... elles accepteraient sans plus de réflexion ma proposition ... elles sont vénales en plus ! Alors que toi ... non seulement tu n'as pas les moyens de me refuser mais tu me résistes et ... ça me plait, cette résistance – je vais même te l'avouer – m'excite. J'ai hâte de te prendre dans mes bras et ... te faire payer une addition d'un genre spécial. Tu adoreras j'en suis sûr.

Candy le regardait cramoisie. « Qu'est-ce qu'il entend par « addition d'un genre spécial » ?».

- Pour ta proposition, je suis sûre que c'est un mensonge de plus, tu bluffes. Qu'est-ce que tu entends par « Une addition d'un genre spécial » ?

Il reprit instantanément son sérieux.

- Tu adoreras. Tu n'auras plus jamais envie de quitter mes bras. Je te promets que pour ce qui concerne le bluff, ce n'est plus mon genre. Alors ma proposition ?

- Je refuse ! Elle déglutit et faillit avaler de travers devant son air de plus en plus fermé. Il tentât de camoufler sa déception en portant le verre dans lequel se levait un vin couleur rubis d'un grand cru Français.

- Tu as trois jours. Il soupira. Pense à la maison de Pony qui a besoin de cet argent, je suis sûr que tu ne vas pas passer à côté d'une telle opportunité. Il se pencha vers elle et l'image du serpent tentateur biblique se présentât soudain dans l'esprit d'une Ève blonde et belle en diable.

- Tu es ... je n'ai pas de mots ! Je ne suis pas une fille qu'on achète !

- Je le sais. J'use de tous mes atouts et si ce n'est pas celui-ci j'en userais d'autres. Jusqu'à ce que tu me cèdes alors tu ferais mieux de te plier à ma volonté tout de suite car de toute façon tu n'as aucune chance. Le silence s'installa pendant quelques secondes avant qu'il ne reprenne. Allons penses à ces pauvres orphelins ! L'Orphelinat a clairement besoin de moyens et ... je leur offre cette aide sans rien en retour !

- Si ! Moi ! Tu es ... une ordure finit-elle par cracher. Le sourire de Niel s'évanouit presque instantanément et Candy eut la certitude qu'elle paierait cet écart de langage un jour ou l'autre. En acceptant cette immonde proposition elle considéra qu'elle payait déjà la facture.

- Machiavélique me conviendrait mieux. À nouveau il dévoila sa dentition parfaite, sans se douter un seul instant que son air supérieur et satisfait énervaient grandement son vis-à-vis féminin qui bouillait de rage.

- Tu as gagné concédât-elle, la voix blanche. J'accepte. J'accepte pour la maison de Pony ! Pour les enfants ... je me sacrifie.

- Je le savais. Tu as ce sens là (son visage prit un air affligé). Tu sais que l'Orphelinat ignore quel en était le marché. Pour mademoiselle Pony c'est juste un don qui tombe du ciel. Ta mère aurait du t'appeler « providence » et non « Candy » je pense.

- Et moi ? Alors ? Je vais être obligée de faire quoi ?

- D'obéir à tous mes désirs, son regard perçant traversa ceux d'émeraude comme une flèche atteignant le cœur de la cible. Elle sentit son sang quitter précipitamment son visage. Ne t'emballe pas fit-il sur un ton tranquillisant constatant son malaise, mes désirs les plus intimes sont réservés au moment où tu seras entièrement à moi.

- Ça n'arrivera jamais répondit-elle d'une voix presque inaudible.

Il hocha la tête, l'air plus calculateur que jamais. Candy eut froid comme si leur table avait été installée dans la chambre froide. Il se saisit de son verre (dans lequel un vin hors de prix couleur rubis avait fait son lit), et le leva dans sa direction.

- À notre voyage au Mexique, à notre amour naissant.

Candy baissa la tête et eut une envie immense de pleurer. « Pas devant lui, je me l'interdit ».

Les trois jours passèrent très vite. Albert fit chercher Candy pour préparer ses bagages en vue du Mexique. Le Docteur Martin donna son autorisation et la tranquillisa sur son abstinence à l'alcool. Candy malgré tout était sur des charbons ardents.

- Allons fit Albert, Candy cesse de t'inquiéter ! Niel ne va pas te manger, ce garçon a diablement changé et dans le bon sens.

- Tu ne le connais pas ... tu ne connais pas sa famille surtout !

- Pour ce qui est de sa famille, Georges, moi, Niel et son père nous nous en chargeons. Pars l'esprit tranquille.

- Il est suffisant, imbu de lui-même ... je vais avoir du mal à le supporter pour un mois !

Albert se contenta de rire une fois de plus.

Le samedi 10 Aout à 8 heures, Niel était fin prêt, et attendait Candy dans la grand salon du manoir dans lequel vivait l'oncle William. Enfin elle arriva, les traits tirés (signes d'une grande inquiétude). Niel eut un soulagement intérieur (il s'était imaginé qu'elle tentait de fuir durant la nuit) qu'il prit garde de ne pas faire remarquer.

- J'ai failli attendre fit-il d'une voix acide.

« Tant mieux » rumina t-elle. Elle se contentât de le fusiller du regard.

- La ponctualité n'est peut-être pas mon fort, se moquât-elle.

- Tous les défauts peuvent devenir des qualités, j'en sais quelque chose. Allons-y.

« Le voyage va être gai, plaisant et joyeux » Ironisa t-elle pour elle-même.

Georges conduisit le couple à la garde de Chicago. Niel prit deux billets en première classe pour Durango, petite ville située au nord de Mexico. Le voyage allait bien durer trois jours avec des escales tout le long du parcours. La petite valise de Candy ne renfermait qu'une robe toute simple, des sous-vêtements de rechange, un pantalon et une trousse de toilette. Niel lui embarquait avec quatre valises et il fit la moue devant le peu de bagages de la jeune femme.

- Hum ... cela va être insuffisant, je le crains.

- Ça sera suffisant rétorquât-elle, l'air pincé.

« J'en doute » mais il se contentât de la regarder monter sans rien dire.

- En revanche il va nous falloir du personnel pour descendre tes bagages ... fit-elle sur un ton sarcastique.

- Je n'ai pas besoin de le demander, le personnel vient dès que je pose un pied quelque part.

« Il m'éneerve ! Avec ses certitudes et sa confiance en lui ! »

- Tu as de la chance, ce n'est pas le cas de tout le monde.

- Je le sais.

Le Wagon ferma ses portes, un coup de sifflet déchira l'atmosphère encore sous l'emprise de la nuit, et enfin la locomotive s'élança dans son voyage de plusieurs milliers de kilomètres.