Elle était là. Enfin, à sa merci. Dans les profondeurs des cachots du palais de justice, enchaînée à la pierre humide, la bohémienne qu'il avait traquée si longtemps. Son plaisir de chasseur était à son comble. Portant le flambeau, il s'approcha d'elle.
- Que voulez-vous ? demanda-t-elle brisant le long silence.
- Contempler ta défaite. Tu m'as causé tellement d'ennuis que je jubile vraiment de t'avoir finalement attrapée. Toi, et ta bande de vauriens, toi et ta Cour des Miracles.
La peine sur son visage le régala.
- Je ne faisais rien de mal ...
- Bien sûr que si. Vous êtes de la vermine, vous ne valez pas mieux que le cafard qu'on écrase du bout de pied avec dégoût.
- Vous ne pouvez pas vous débarrasser de tout un peuple comme ça ! Nous ne sommes pas des débris que l'on peut détruire si aisément !
La gifle termina sa phrase. Quand il lui redressa le visage, il constata avec satisfaction qu'il avait abîmé ses lèvres. Il l'observa.
- Combien de tes 'amis' gitans ont eu leur nuit avec toi, hm ?
- Quoi .. ?
- Et combien d'honnêtes hommes as-tu réussi à séduire et à débaucher dans l'ombre des ruelles ?
- Vous êtes ignoble !
Il resserra ses doigts sur la petite mâchoire, lui extirpant un gémissement de douleur.
- Combien de temps t'a-t-il fallu pour le faire tomber dans tes filets, sorcière ? As-tu d'abord dansé pour lui ? L'as-tu envoûté avec ton parfum ?
- Mais de quoi-
- Tu vas brûler, sorcière, tu vas brûler pour tout le mal que tu as fait. Les flammes vont te dévorer, lentement, tu vas fondre dans le feu de l'enfer !
- Mais enfin que vous ai-je fait ?!
- TU ME L'AS PRIS ! hurla-t-il la secouant à chaque mot, manquant de l'étrangler, le visage rouge de haine, TU ME L'AS PRIS ALORS QU'IL EST A MOI ET A MOI SEUL !
Il la lâcha, s'éloignant d'elle, assommé de s'être laissé emporter ainsi, surtout en la présence de la gitane.
- Pas moi ... Lui... dit-elle d'une petite voix, réalisant.
Frollo réajusta sa robe, replaça une mèche derrière son oreille. L'excès de bile s'atténuait à mesure qu'il reprenait le contrôle de lui-même.
- Tu vas brûler, répéta-t-il plus calme.
- Je vous assure, je ...
- Tu vas brûler et je vais te regarder agoniser avec le plus grand plaisir.
La lourde porte de bois se referma, laissant Esmeralda seule face à son funeste sort.
