ENTRETIEN AVEC UN CRIMINEL

Chapitre 1 – Rencontre

Iruka Umino, cadre haut placé dans une multinationale japonaise, laissa échapper un soupir lorsqu'il entendit la voix mielleuse d'une hautesse raisonner sur les quais de la gare. Le train qui devait le mener à Nagoya venait d'être annulé en raison d'un problème technique, et il allait donc devoir attendre le suivant, une heure plus tard...

Profondément énervé, il fouilla dans sa mallette et en sortit un roman d'Albert Camus pour passer le temps. Alors qu'il était plongé dans sa lecture depuis bien une quinzaine de minutes, un inconnu s'approcha et lui adressa la parole :

- Bonjour monsieur.

- Bonjour, répondit-il poliment en relevant la tête.

Il tomba sur un jeune homme d'une vingtaine d'années. Les cheveux blonds, le regard océanique, ce dernier lui adressa un sourire resplendissant avant de lui demander s'il pouvait s'asseoir à ses côtés. Iruka hocha la tête et reprit sa lecture.

- C'est très énervant ces retards de train, n'est-ce pas ? Lui demanda bientôt le jeune homme à ses côtés.

- Effectivement, répondit-il.

- Que lisez-vous ?

Iruka étouffa un soupir las. Même si ce garçon semblait très sympathique, il n'était pas d'humeur à converser. Il lui donna donc rapidement le titre du livre ainsi que le nom de l'auteur, et se replongea dans son récit. Cependant, le jeune homme ne sembla pas vouloir en rester là.

- Albert Camus est un écrivain talentueux. Il a un don tout particulier pour concéder une dimension unique à ses personnages, déclara-t-il avec fraîcheur. La plupart des gens considèrent que le protagoniste de son œuvre a un tempérament absurde.

- Hm hm, répondit Iruka, dans l'espoir de couper court à la discussion.

- Je ne suis pas de cet avis, continua-t-il malgré tout. Cet individu a du génie et ses actions illustrent à la perfection l'impuissance des hommes. Car il est vrai que notre vie est faite d'événements qui s'enchaînent de manière purement hasardeuse, comme une sorte de fatalité. Ne trouvez-vous pas cette vision du monde fantastique ?

- Ce serait un peu triste si notre existence devait se résumer en terme de destin, répliqua Iruka, les sourcils froncés.

L'inconnu eut un sourire amicale.

- C'est justement pour cette raison que les hommes nient la vérité. Ils n'acceptent pas d'être soumis aux règles du hasard.

- Comment pouvez-vous être sûr que la vie est ainsi faite ? Demanda-t-il, son opinion divergeant en tout point.

Le jeune homme eut de nouveau un sourire. Iruka se demanda alors brièvement comment une personne aussi chaleureuse pouvait avoir une vision si pessimiste sur la condition humaine.

- Naruto Uzumaki, déclara-t-il d'une voix claire.

- Je vous demande pardon ?

- Mon nom, précisa le jeune homme. Il est plus facile de converser avec quelqu'un lorsqu'on sait comment il s'appelle.

- Oh, je vois, répondit-il en lui serrant la main. Iruka Umino.

- Enchanté, Monsieur Umino. Pour en revenir à votre question, il se trouve que la vie m'a assez gâté pour que je puisse en comprendre le fonctionnement.

- Que voulez-vous dire par là ? Demanda-t-il, intrigué.

- Êtes-vous enclin à m'écouter parler maintenant ? Répondit Naruto, un sourire moqueur au visage. Je vous préviens, c'est une longue histoire et elle risque de fort vous déplaire.

Gêné, Iruka sentit le rouge lui monter aux joues. Son attitude avait été déplacée quelques minutes plus tôt, mais il pensait avoir été assez discret pour que ce jeune homme ne l'ait pas remarqué. Il se racla la gorge afin de reprendre ses esprits. Après tout, il n'avait rien à se reprocher.

- J'ai tout mon temps, déclara-t-il en indiquant le panneau où figuraient les horaires de trains.

- Bien. Je suppose que tout a commencé le jour où mes parents sont décédés, expliqua Naruto. J'avais dix ans à l'époque...

Mon enfance avait toujours été joyeuse, et mes parents m'aimaient d'un amour inégalable. Imaginez ma souffrance lorsqu'ils quittèrent ce monde, et que je fus contraint de partir à l'orphelinat ! Je n'avais jamais été très doué en matière de relation humaine, et je ne parvins pas à m'intégrer à ce nouvel univers. Ce n'était pourtant pas faute de faire des efforts : j'essayais désespérément de plaire, d'être drôle et amical, mais les autres enfants me rejetaient.

J'étais malheureux, je vivais dans une solitude extrême. Cela dura huit ans. Et lorsque j'atteignis enfin la majorité, je décidai de quitter cet enfer pour vivre par mes propres moyens. Je partis habiter à Tokyo, certain de pouvoir y trouver du travail, et me fis bientôt embaucher dans un petit restaurant de ramens, dans le quartier de Kabukichô.

- Kabukichô ? S'exclama Iruka, l'air scandalisé.

- C'est bien cela, confirma Naruto, amusé par sa réaction. Cela ne me gênait pas. N'oubliez pas qu'à l'époque je n'étais qu'un adolescent aux hormones en ébullition. N'importe quel jeune à ma place aurait été comblé : je pouvais travailler en admirant les formes gracieuses des femmes qui se pavanaient derrière les vitres des maisons closes.

- C'est abominable, rétorqua-t-il en virant au rouge pivoine.

- Je dirais plutôt insolite, corrigea Naruto. Mais le fait est que je trouvais ce lieu fascinant...

J'y travaillais de midi à vingt-trois heures, et je pouvais donc admirer chaque jour la métamorphose étrange du quartier. En pleine journée, ce district n'avait absolument rien de répréhensible. C'est seulement à partir de huit heure, lorsque la nuit commençait à poindre, que les rues se transformaient en un lieu de débauche. C'est le principe des quartiers chauds, me direz-vous.

Bref, je vivais dès lors à mes propres dépends, et cela me procurait une incroyable joie de vivre. Le patron de l'établissement, Monsieur Teuchi, était très sympathique avec moi. Il me payait bien et m'autorisait même quelques débordements sur mes horaires... Ma nouvelle vie me plaisait, mon indépendance me plaisait. J'ai cru pouvoir demeurer ainsi jusqu'à la fin de mes jours.

Pourtant, une rencontre est venue tout bouleverser. Car c'est précisément dans ce restaurant, quelques années plus tard, que j'ai fais la connaissance de Sasuke Uchiwa.

- Sasuke Uchiwa ? S'exclama de nouveau Iruka.

- Silence ! S'énerva Naruto. Cessez donc un peu de m'interrompre ou nous n'irons pas loin... Oui, j'ai bien dit Sasuke Uchiwa. Je suppose que vous n'ignorez pas que Kabukichô, en plus d'être un lieu de plaisir, abrite également les QG de nombreuses mafias.

C'était un samedi soir, au mois de Juin. Nous avions beaucoup de clients à cette période de l'année. J'étais en train de servir de charmantes demoiselles au bar, lorsqu'un groupe de yakuzas en costumes noirs a pénétré dans l'Ichiraku. Je me souviens avoir été frappé de stupeur en relevant la tête. Je n'avais jamais été directement confronté à la mafia japonaise avant ce jour, mais j'avais assez de connaissances pour reconnaître l'éventail rouge et blanc sur la veste de ces hommes. Teuchi m'avait vaguement parlé des relations qu'il entretenait avec les Uchiwa : je savais qu'il leur devait de l'argent. J'eus alors terriblement peur, car les yakuzas n'avaient pas pour habitude de se montrer sympathiques envers ceux qui avaient des dettes à payer. Pourtant, cette frayeur se transforma rapidement en fascination lorsque j'aperçus leur meneur.

Décrire la beauté d'un tel visage me semble encore vain aujourd'hui. Je suppose que vous avez déjà entendu parler de la magnificence et du charisme qui se dégage de Sasuke Uchiwa. J'en avais également entendu parler à l'époque. Pourtant, les mots de celui qui m'en avait fait l'éloge me parurent bien superficiels lorsqu'il fut devant moi. Je crois qu'il n'existe aucun qualificatif assez puissant pour exprimer le charme de cet homme. Les formes voluptueuses et tentatrices des femmes que j'admirais depuis mon arrivée à Kabukishô m'ont alors semblé tellement insignifiantes à côté de l'éclat qui exhalait de Sasuke !

- Est-il si beau que ça ? S'étonna Iruka.

- Plus beau encore, répondit-il en souriant. Je suppose que vous ne pouvez connaître la réelle signification du terme « beauté » temps que vous n'avez pas vu Sasuke.

Il haussa un sourcil, l'air dubitatif, et Naruto répondit à ce geste par un nouveau sourire.

- Sasuke est le comble de la perfection, reprit-il. Mais il est aussi l'homme le plus orgueilleux que je connaisse.

Je me souviens avoir croisé son regard ce jour-là. Imaginez plonger dans une mer d'encre pour y découvrir les profondeurs abyssales de l'enfer. C'est ce que j'ai éprouvé à ce moment, et c'était une sensation vraiment exquise. Quoi qu'il en soit, les Uchiwa semblaient en avoir après Teuchi, et malgré la beauté divine de leur chef, je n'aurais abandonné mon patron pour rien au monde.

- Nous avons à te parler Teuchi, a déclaré Sasuke.

Un masque de frayeur avait recouvert le visage de mon ami, et je décidai gauchement de prendre sa défense. Alors qu'un des accompagnateurs de Sasuke s'avançait vers lui, je m'interposai. J'avais un corps plutôt bien bâti et je savais être en mesure de vaincre mon adversaire. Mais il faut avouer que m'a réaction avait tout de stupide. Pourtant, alors que celui-ci projetait de me frapper au visage, Sasuke lui ordonna de s'arrêter. Je me tournai vers lui, étonné. Il me scruta durant de longue minutes, et j'eus la désagréable impression d'être mis à nu sous son regard. Cela m'excita.

- Vous êtes homosexuel ? Demanda Iruka, surpris.

- Non, je ne le suis pas, répondit Naruto avec simplicité.

- Vous avez pourtant été excité à la vue d'un homme, remarqua-t-il de nouveau.

- En effet. Mais n'oubliez pas qu'il s'agit de Sasuke Uchiwa. Cet individu est un appel à la luxure. Mais une fois encore, vous ne pouvez comprendre temps que vous ne l'avez pas rencontré...

J'ai de bonnes raisons de croire que Sasuke fut capable de ressentir mon désir, car il m'adressa un sourire hautain. Ce rictus désobligeant le rendait séduisant à se damné, mais je trouvais qu'il ne lui allait pas. J'étais conscient de l'aspect érotique de la chose, mais lorsqu'il arborait cette expression malsaine, je n'avais qu'une envie : lui foutre un coup de poing au visage.

- Tu ferais bien de ne pas trop te mêler de nos affaires, a-t-il déclaré sur un ton sinistre.

- Vous aurez votre argent. Je m'engage à vous rembourser moi-même, ai-je alors répondu en souriant.

Lorsqu'il furent partis, j'eus du mal à comprendre mes paroles. Je n'avais pas les ressources nécessaires pour payer les dettes de Teuchi, et ma proposition était tout bonnement stupide. Maintenant, c'était moi qui était dans l'embarras.

- Pourquoi avoir dit une telle chose alors ? Demanda Iruka, l'air moqueur.

- Je me suis posé la question à de nombreuses reprises au cours des années qui ont suivi, répondit Naruto. J'ai d'abord cru avoir fait cela par simple reconnaissance envers Teuchi. Voyez mon apparence, Monsieur Umino : je suis blond aux yeux bleus. Les japonais ont souvent du mal à accepter la différence. Personne à part lui n'a voulu m'embaucher à l'époque.

- C'était donc une raison suffisante, acquiesça Iruka, l'air compréhensif.

- Non, car ce n'était pas le réel motif de mon attitude, répliqua-t-il. Ce n'est qu'avec du recul que j'ai compris : je voulais être lié à Sasuke, que ce fus par l'argent ou par une quelconque autre manière. Tous les moyens étaient bons pour me rapprocher de lui.

- C'est absurde !

- Absurde, en effet, concéda-t-il en souriant. Mais l'absurdité fait partie de la nature humaine. C'est d'ailleurs cette illogisme qui altère notre instinct de survie. Saviez-vous, par exemple, que l'homme est le seul être vivant capable de se sacrifier pour ses semblables ? Fascinant n'est-ce pas ?

- Je l'ignorais, avoua-t-il en haussant un sourcil. Mais poursuivez-donc votre histoire.

- Votre train arrive, répondit Naruto en indiquant le panneau des horaires. Peut-être devrions nous en rester là.

- Poursuivez, je vous en prie, insista-t-il malgré tout. Je prendrai le suivant.


Petit mot de l'auteur

Et voilà pour ce premier chapitre ! L'histoire est un peu étrange, je vous l'accorde. J'espère malgré tout que vous avez apprécié la lecture. N'hésitez pas à me laisser vos avis, bons ou mauvais (je ne mords pas lol). Je ferais mon possible pour poster rapidement la suite ! Je vous dis donc à bientôt, et merci d'avoir pris le temps de me lire =)