Titre: Jaune et bleu
Genre: Angst
Rating: T
Personnages: Shizuo, Izaya et Mikado
Résumé: Jaune et bleu, ou bleu et jaune, ou bleu et bleu ou jaune et jaune et – noir. À l'intérieur, nulle lumière, rien, néant. Dans un coin, un coin ni jaune ni bleu : une chose.
Dédicaces: À Mia Suzuki-sama, à qui j'ai piqué le concept du cirque en association avec DRRR (avec son autorisation, au moins!). Son histoire s'appelle Circus Monster, je vous la recommande fortement!
À Moïra-chan (encore? Eh oui!), qui m'a aussi énormément inspirée avec son propre texte sur le cirque (des parties de ce premier chapitre s'en inspirent grandement, d'ailleurs). Sa fic, Moi, cauchemar, est tout simplement un chef-d'œuvre!
Espace pub : Oui, je suis désolée, je n'ai pas le choix de le faire (en fait si, mais bon xD) : je vous fais de la pub pour un tout nouveau forum que je viens de créer, en collaboration avec Momo (citée juste au-dessus), concentré bien entendu sur DRRR! Vous trouverez le lien et une description plus détaillée sur mon profil!
Note: Voici un threeshot! C'est la première fois que je fais une fic à chapitres qui ne durera pas deux siècles! Donc, un UA, dans un contexte un peu flou... ça va se préciser au prochain chapitre. Pour l'instant, la narration est un peu particulière; je pense que ça va changer pas mal dans la suite de l'histoire. Aussi, pour une fois, j'ai des titres de chapitres!
Ah oui, je ne sais pas quand je vais publier la suite. À dire vrai, j'ai décidé de commencer à publier pour me motiver à écrire la suite. J'ai l'idée, mais l'inspiration se fait attendre...
Bref, je vous souhaite une bonne lecture! Ce chapitre-ci est assez court, mais le prochain, normalement, devrait être plus long (je dis ça mais il va être aussi long finalement ^^').
Ça – Le commencement
Jaune et bleu, ou bleu et jaune, ou bleu et bleu ou jaune et jaune et – noir. À l'intérieur, nulle lumière, rien, néant. Rien du tout, non, il n'y a rien; si on ferme les yeux.
Dans un coin, un coin ni jaune ni bleu : une chose. Quelque chose de vaguement humain, peut-être, si on regarde bien, très bien – si on ouvre les yeux. Un truc qui bouge à peine, juste pour dire que c'est encore vivant, encore présent, encore là.
Dehors, c'est bleu et jaune, et jaune et bleu, à l'intérieur aussi, c'est noir et jaune et bleu et noir – tout est toujours noir, ici, toujours. La chose bouge enfin, pour se coucher sur le sol, le sol qui est froid et humide et dur – comme de la glace. Ça se couche sur le sol, reste en boule comme pour accumuler une chaleur inexistante, comme pour ne pas laisser partir le peu d'humanité qui lui reste.
C'est encore vaguement humain, mais ça perd son humanité de jour en jour, de nuit en nuit, de noirceurs en noirceurs – et ça ne comprend pas, ça ne comprend plus. Ça n'existe encore que pour un nom, que pour une chose, que pour–
Izaya.
Ça existe pour la silhouette, la seule qui s'approche de lui, celle qui toujours, toujours, toujours, le pousse à ouvrir les bras, à laisser filer son humanité qu'il prend allègrement, éclats de rire par-dessus éclats de rire. Celui qui ne quitte pas son sourire ni son couteau, celui qui le dompte en lui volant de jour en jour sa liberté.
C'est bleu et jaune et noir, tout autour de la chose qui grelotte maintenant, qui frissonne, toute seule derrière des barreaux de métal froid. Ça gratte son cuir chevelu, là où il y a surement des poux maintenant – il faudra le raser, surement, c'est ce qu'ils diront –, ses cheveux blonds sales qui tombent sur ses yeux maintenant, plus pour longtemps surement.
La chose a deux yeux, au milieu de son visage, qui ne regardent jamais, ne voient pas plus, deux yeux aveugles. Ils étaient bruns chocolat, mais quelle importance, entre le bleu-jaune et le noir les autres couleurs n'existent pas. Deux trous noirs maintenant, vides, deux puits sans fond. Ça ne voit plus rien, depuis ce jour où il lui a crevé les yeux – pourquoi, c'est toujours la question, peut-être parce que ça n'a pas besoin de voir pour sentir son odeur et entendre sa voix, peut-être parce que c'est plus docile depuis que ça ne peut pas voir, peut-être parce que ses yeux effrayaient ceux qui viennent le voir.
Ça frissonne au fond de sa cage et ça arrête de se poser des questions, ça arrête de chercher des réponses qui n'existent nulle part. Ça ne réfléchit plus, depuis longtemps – depuis toujours? – ça ne fait qu'exister, à peine, juste pour ne pas devoir commencer à inexister. Puis ça se demande, tout bêtement, ça se demande si ça réfléchit encore, si c'est encore un peu humain. Chaque jour qui passe, ça se demande si c'est enfin devenu une bête, celle que c'est en vérité.
Ce jour-ci, comme tous les jours, ça réalise une fois de plus que non, ce n'est pas encore devenu une bête, pas tout à fait, parce que ça se pose cette question – c'est son moyen, son unique moyen, de ne pas devenir tout à fait un animal.
Ce jour-ci, ça doit donner un spectacle, comme chaque jour. Les gens vont rentrer, sous le jaune et le bleu, pour voir la noirceur et en rire. Ça a perdu ses yeux, mais ça peut encore s'imaginer les bouches déformées par des rictus de joie. Ça peut encore s'imaginer les enfants, des étoiles au fond des yeux, qui le regardent et l'admirent, comme la bête que ce n'est pas encore, pas tout à fait.
Ça peut aussi entendre les rires, les rires de joie, cette émotion que les gens ressentent en le voyant se ridiculiser – ça aussi, surement, ça rirait si ça avait encore son humanité, si ça n'était pas du mauvais côté de l'équation. Ça sent l'odeur des gens, cette odeur un peu prude, un peu sucrée, celle des parfums qui cachent l'animal sous chaque être humain. Ça, par contre, ça a une odeur d'animal, de sueur et de crasse, une odeur nauséabonde qui l'accompagne partout, toujours.
Les gens vont rentrer pour le regarder se déchainer, se débattre et battre celui qui rira, qui les guidera à rire toujours plus, et ça n'y peut strictement rien. Ça ne peut que crier, ça a depuis longtemps perdu ses mots, ceux qui peuplent encore sa tête mais qui n'arrivent plus à quitter sa bouche – pourquoi, pourquoi, ça ne sait toujours pas.
Ça ne sait pas grand chose et pourtant, il y a une chose que ça sait, une chose qui le pousse à toujours plus devenir une bête : il est le coupable. Le coupable de toute cette joie, toute cette moquerie, le coupable de sa perte d'humanité. Les gens qui ne savent rien, ne comprennent pas, ne sont que victimes après tout, victimes inconscientes d'un seul humain, le moins humain d'entre eux.
Les gens commencent à rentrer, à l'intérieur où il ne fait plus aussi noir, où le jaune et le bleu commencent à envahir la pièce, et ils s'installent sur les bancs – ça peut tout entendre. Ça gémit dans sa cage, ça se lève et tourne en rond, ça s'impatiente, ça soudainement veut du sang, le sang d'une personne – d'un démon déguisé en humain. Ça montre ses crocs, ça griffe les barreaux de métal et ça se réchauffe lentement, le sang bouillonnant montant peu à peu dans ses veines.
La foule se tait et ça sait, ça sait que tout vient de commencer. La noirceur revient, une voix se fait entendre. Ça rugit, ça griffe de plus en plus fort, ça mord les barreaux de ses dents acérées. Ça n'en peut plus d'attendre, ça n'en peut plus d'être une bête en cage.
Soudain, tout bouge et ça sent tout de suite qu'on ouvre la porte. Ça fonce vers l'avant, ça renifle pour trouver où se cache le démon, ça renifle et ça finit par trouver, pas loin, l'odeur sucrée, celle que ça cherche. Ça fonce sans réfléchir, toujours, et ça montre ses crocs, ça montre ses dents.
Il, d'un simple mouvement, l'évite et rit, se moque, rallie toujours plus le peuple à sa cause – vous voyez, vous voyez, ce n'est qu'une bête qu'il faut dompter, ce n'est qu'un animal! Cette chose, cher public, a perdu depuis longtemps son humanité! Voyez ses crocs, ses griffes, voyez son expression, la salive qui dégouline sur le bord de ses lèvres; ce n'est plus humain, chers spectateurs! Mais! Mais je peux la dominer, cette bête, et je le ferai, juste pour vous!
Ça comprend tout, mais ça ne peut plus argumenter, ça ne peut plus se défendre, ça ne sait qu'attaquer, encore et toujours, même s'il l'évite. Ça ne comprend pas, ça ne peut rien comprendre, ça ne peut que hurler et mordre, griffer, tout en cherchant, parmi tout ce sang, cette violence, cette adrénaline, le peu d'humanité qui reste dans la salle.
Ça ne cherche qu'un peu d'humanité, tout en sachant qu'il n'en existe plus, nulle part.
~xxx~
Il est une fois un garçon, de dix ans à peine, qui cherche à comprendre.
Ses parents l'ont amenés au cirque, quelques années plus tôt, et il n'a pas compris. Il n'a pas saisi pourquoi les gens riaient, pourquoi ils se moquaient, pourquoi ils tressaillaient chaque fois que la bête passait proche de tuer le démon. Il n'a rien compris et aujourd'hui, à ses dix ans, il veut comprendre.
Bleu et jaune, bientôt noir – il se retrouve à l'intérieur, là où il faut fermer les yeux pour ne rien voir. Dans un coin, il voit une chose, dans une cage, qui grelotte et pense sans réfléchir. Il s'approche, doucement, mais à un mètre, la chose soulève la tête et montre les crocs. Le petit garçon peut donc voir son visage, ses yeux à jamais fermés, ses cheveux sales où des poux ont surement élus domicile.
Le petit garçon s'approche encore, pose doucement sa main sur un barreau de métal – la bête recule jusqu'au fond de la cage tout en feulant. Il regarde tout, de ses grands yeux bleus, et il enregistre tout ce que contient la cage, pour comprendre. Enfin, doucement, il pose son regard sur les yeux aveugles de la bête et soudain, sans crier gare, il pleure.
De grosses larmes envahissent son visage et il gémit, et il pleurniche, et il sanglote, et il n'arrive plus à réfléchir tout à fait, à comprendre pourquoi, pourquoi tout à coup il est si triste. Il empoigne les barreaux de toutes ses forces, comme s'il cherchait à les briser.
Pendant ce temps, la bête s'approche, lentement, et arrive près de lui. Ça sort la langue, lèche doucement ses doigts, comme pour le réconforter, et le petit garçon comprend enfin pourquoi, pourquoi il est si triste. La bête, toute chétive soudainement, se recroqueville proche de lui et gémit, cherche à lécher ses larmes peut-être. Le petit garçon, soudain, rit, et regarde l'animal qui se tient dans la cage, ce qui ressemble à un humain mais ne l'est plus, plus tout à fait.
Il comprend enfin, il comprend tout. Il essuie ses larmes, se retourne pendant que l'animal se plaint en un long râle. Il part, reviendra tout de suite, mais ne dit rien; il a un plan. Il cherche, dans l'obscurité, il cherche longuement et trouve enfin : une clé.
Dans la cage, la bête est affalée sur le sol. Le petit garçon rentre la clé dans la serrure, la tourne et ouvre la porte. Ça l'entend et hésite – est-ce que ça peut vraiment sortir, est-ce que ça a vraiment le droit de sortir? Le petit garçon, doucement, lui flatte le dessus de la tête, malgré la crasse, et lui dit, tout bas :
- Va, retrouve la liberté!
Ça n'hésite plus et ça se précipite, en dehors de la cage, en dehors du jaune et du bleu et du noir. À l'extérieur, le soleil – ça ne le voit pas, ne le verra jamais, mais peu importe.
Ça retrouve enfin son nom, celui qui lui a été volé des années plus tôt – Shizuo. Ça le murmure doucement, comme pour se rappeler la sonorité.
Shizuo, enfin, est libre.
