Elle se souvient encore malgré le temps de ce premier jour là-bas, au loin, dans un chanteau perdu dans la lande écossaise. Rien ne pourra effacer ce premier jour à Poudlard.
Un train qui traverse les vertes vallées où le vent balaye la terre. Le train rouge qui file dans la lande fend le vent qui l'assaille. Une voie ferrée qui se perd dans la campagne Britannique. Des rails qui tracent une cicatrice dans le paysage, blessure béante qui expose la terre mise à nue. Camaïeu de marron et de vert, saupoudré de gris. Des tons qui s'éloignent tellement de ce qu'elle connait. Elle, son monde est rempli d'ocre et de Terre de Sienne. Une poussière qui chez elle se soulève à la moindre vibration. Une poussière qui dans cette ile du bout du monde se transforme en boue lourde et collante.
Cette journée a pris source à la gare de King Cross. Un pilier de pierre qu'on traverse et la voila devant la locomotive fumante. Machine d'un autre siècle. Le temps semble avoir pris dans une gangue immuable, les sorciers du Royaume-Uni. Londres n'est qu'une étape dans son long voyage. Un lieu de passage pour les étudiants du Commonwealth. Curieuse, elle regarde ces sorciers en robe. Accoutrement tellement changeant des vêtements de chez elle.
Effrayée autant qu'elle est curieuse, elle attrape la main de sa sœur qui se tient non loin d'elle. Et sert sa main, une main pleine d'une chaleur apaisante. Elles se serrent encore plus l'une contre l'autre tandis que leur père monte leurs bagages. Et là, seule dans leur compartiment, elle n'a plus que sa sœur et cette main chaude comme là-bas, dans un pays lointain sous d'autres cieux.
Un sifflement et le train s'élance. Une fois sa valise mise dans le filet, elle s'affaisse dans son siège. Sa sœur contemple la fenêtre, émerveillée par les paysages qui se dévoilent à ses yeux d'enfant.
Désabusée par le paysage qui défile, elle jette à peine un coup d'œil par la vitre. De toute façon, elle sait déjà que ce pays, elle ne l'aimera pas. La chaleur lui manque, le froid et surtout l'humidité la rend maussade. Elle aime les grands espaces et le soleil qui tanne sa peau cuivrée. Elle aime sentir la terre couler entre ses doigts, mais ici la terre colle aux semelles et alourdit ses pas.
Le crachin en cette matinée grisâtre cache le soleil trop faiblard. Ici, tout est trop différent, elle ne veut pas s'adapter. Son pays lui manque et tout dans ces paysages écossais vient alimenter son mal du pays. Les moutons qui s'éparpillent sur la lande, les pierres des châteaux tombant en désuétude. Et ce vent, ce vent qui hurle et semble vouloir arracher le train de son chemin. Un vent qui la terrifie et la fait frissonner
Elle se renverse encore plus contre le fauteuil défoncé et extirpe de son sac un petit cahier à dessin. Sa sœur l'a laissée depuis quelque temps déjà. Peut être agacée de son air renfrogné, sans doute pressée de rencontrer de nouveaux amis. Mais peu lui importe. Là, au milieu de ce wagon d'autre temps Padma dessine.
Elle couvre son cahier de croquis de ses souvenirs. Un carnet déjà bien rempli d'images, de maisons en argile cuite. De paysages orange et jaunes. D'animaux qui vivent paisibles chez elle, à la ferme, quelque part là-bas en Inde.
Elle crayonne ses paysages, ceux qu'elle aime et qui lui manque. Mais surtout dans toutes les nuances possibles d'ocres, jaunes et rouges, elle dessine une boule qui réchauffe son corps. Un dessin qui montre des paysages sous un soleil de plomb. Son soleil, son soleil d'Orient.
