« Il voulait tout. Toujours tout. Et ce qu'il voulait, il l'avait toujours. Je sais qu'il était capable du meilleur autant qu'il l'était pour le pire. Mais ça ne l'intéressait pas. Parce qu'il savait. Il ne referait jamais surface. Il était mort bien avant toute cette histoire. En tout cas, pas vraiment vivant, dans une chute continuelle, il lui fallait juste sa dose pour ne pas s'écraser. Sa dose quotidienne. Pour le reste, il était mort...
C'était un gamin patient et attentif. Silencieux. Les autres enfants s'en prenaient à lui, et il restait silencieux. Il était bizarre. Je me souviens qu'il lisait. Beaucoup. Je sais pas trop comment il avait appris ça, à lire, on avait pas vraiment le temps pour ça ici, mais faut dire qu'il était malin, très malin, alors j'imagine qu'il avait pu apprendre tout seul, plus ou moins. Par contre, personne ne semblait prêter attention à ce qu'il parle ou non. Enfin, il parlait parfois, mais c'était assez incohérent. Bizarre comme je disais. Personne ne s'est jamais approché de lui suffisamment pour savoir ce qu'il avait. Et comme il était isolé, et comme des gamins à problèmes, le coin en était bourré, et bien, on a jamais su. Il était probablement atteint d'une sorte d'autisme. Quoi qu'il en soit, James s'est noyé lorsqu'il avait 13 ans. Oh, non, je sais ce que vous allez dire, mais ce n'est pas ça qui l'a tué; en réalité, il a été sauvé. Tout du moins respirait-il. Oui, il bougeait bras et jambes. Il faisait ce qu'on lui demandait. Mais il était mort. Il n'était plus ni attentif, ni patient. Il se foutait de tout, sauf de ce qui lui plaisait, et s'il faut parler de ce qui lui plaisait... »
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Un deuxième cri se répercuta dans le parking désert.
« Tais-toi. Tu m'agaces. »
Dans la lumière crue des néons, une jeune femme, à peine déshabillée, s'efforçait de ne pas hurler. Quelques heures auparavant, lorsqu'elle avait vu le plutôt séduisant miliardaire, elle s'était vraiment dit que c'était la chance de sa vie. Alors elle s'était laissée faire, même si elle était censée uniquement l'accompagner. Etre gentille lui vaudrait sûrement quelque chose en retour, et elle en avait besoin. Maintenant, elle était seule avec lui, dans un parking et il était plus de 3 heures du matin, subissant un rapport que ressemblait cruellement à un viol.
Jim Moriarty, lui, ne se disait rien, ne pensait rien. Ca valait le coup, rien que pour ça. Il ne voulait simplement pas l'entendre, de cette manière elle n'existait pas et il était seul. De cette manière il ressentait juste cette effroyable, délicieuse, sensation de vide, de brouillard, alors qu'il la prenait violemment contre le mur. Il entendit son portable sonner. Tant pis. Alors qu'il commençait à glisser de plus en plus souplement en elle, il se contracta et laissa échapper un râle et s'épancha.
Il la laissa presque à terre. Il ne tendit pas la main. Ne la prit pas dans ses bras, ne l'embrassa pas. Il l'ignora parfaitement et se rhabilla en reprenant son souffle. Il était encore grisé et le sang battait dans ses tempes. Il se laissa tomber sur le siège conducteur de sa Jaguar XF en ferma les yeux. Son portable sonna à nouveau et il décrocha.
« ...Quoi ? Et tu l'as laissé... OK. Retrouve-le... Je m'en fous, de tes excuses, retrouve-le. Je veux les vidéos de surveillance vendredi soir. »
Il jeta son portable sur la banquette arrière, à côté des affaires de la brune dont il avait oublié le nom, et lui indiqua qu'elle pouvait venir.
Il lui lança un sourire condescendant lorsqu'il la vit ouvrir la portière côté passager.
« Prends tes affaires derrière.
- Quoi ?
- Tu es sourde ? Dépêche toi. »
A peine eut elle récupéré son sac à main en lui hurlant des insultes qu'il démarra en trombe et disparu du parking sans un regard.
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« Tout le monde a sa part d'ombre. Enfin, en général. Il arrive que certaines personnes soient plus sombres que d'autres, et Moriarty n'était qu 'à peine plus sombre que Holmes. Holmes. Ca l'a très vite obsédé. Il fallait qu'il le trouve, et qu'il le tue. Mais pas comme n'importe qui. Il fallait qu'il le détruise, et qu'il le regarde. Qu'il joue un peu, mais surtout qu'il l'observe. Qu'il le voit tomber. Il lui fallait la preuve suprême de sa toute puissance. Et pour ça, il n'a reculé devant rien. C'était la première fois qu'il se mettait réellement en danger. Knowledge is power, c'était comme son adage, et il n'avait jamais eu intérêt à se montrer. Mais il le haïssait profondément. Et ne dit-on pas que l'amour donne des ailes, et que la haine est le sentiment le plus proche de l'amour ? »
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Vidéos. Lieux. Ennemis. Amis. Non. Il n'a pas d'amis. Une faiblesse, alors. Oui, une faiblesse. Il fallait trouver une faille. Mais ça ne serait possible que lorsqu'il le verrait face à face. Personne ne peut éternellement se cacher. Lui-même ne le peut pas. Du moins, pas directement. Attirer son attention. De manière à ce qu'il ne l'oublie pas. Sans qu'il sache qui il est. Un nom sans visage.
« Qu'est-ce que tu regardes ? »
Jim referma son ordinateur et pivota sur sa chaise et leva la tête vers son sniper.
« Qu'est-ce que tu veux, Seb ?
– Tu as un message.
– Et bien, prends le pour moi, lança-t-il en se levant, agacé.
– Le type sait que tu t'intéresses à Sherlock Holmes. »
Jim se figea un instant. Il réfléchit rapidement, avant de répondre:
« Il veut que je l'en débarrasse ?
– Non. Il veut de l'argent pour t'en débarrasser.
– M'en débarrasser ? Mais pour quoi faire ? »
Il ricana. Holmes semblait être intelligent, et le monde était... Ennuyeux, tellement ennuyeux. Tout était facile. Donné. Il n'avait qu'à tendre le bras pour prendre ce qu'il voulait. Mais Holmes... Holmes était intéressant. Il résolvait des affaires, et lui, il mettait en scène les plus complexes. Un petit jeu de pouvoir, ça, c'était amusant. Et ce serait encore plus amusant de le faire courir après un fantôme.
« Quoi qu'il propose, dis lui que j'accepte. Peu importe la somme. »
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« C'était de vrais gamins ces deux-là. Des gamins qui jouaient à cache-cache, qui jouaient au loup avec la vie des gens, parce qu'ils s'ennuyaient. Oh non, non, je sais que Sherlock n'en était pas en reste, il adorait ça. Il adorait la pagaille que semait Jim, il serait mort d'ennui si il n'avait jamais existé. Mais ça, c'est évident. J'ai bien connu Jim, très bien connu, et j'aurai aimé connaître Sherlock d'un peu plus près, si seulement j'avais pu m'en approcher. J'aurai voulu en faire mes plus beaux trophées de chasse. »
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« Non, Jimmy, non, noon. Oh, mon Dieu, aidez-nous !
- Où il est ?
- Sara, sauve-toi !
- Il est parti, Jim, il est parti, arrête, laisse maman, je t'en supplie !
- Je vais le tuer, répéta-t-il, la voix tremblante. JE VAIS LE TUER. »
