Averto : Cette fanfiction qui est (plus ou moins) censée se dérouler entre la saison onze et la saison douze, soit en 2014, contient un énorme anachronisme qui, non content de se compter en dizaines d'années, est lié à l'intrigue principale, c'est-à-dire au mobile du tueur. Je ne me suis malheureusement rendue compte de cet anachronisme que lorsque que j'étais bien trop prise dans cette histoire pour pouvoir modifier le scénario. Je m'excuse donc d'avance auprès des puristes que cela pourrait déranger.
Chapitre un : Cible
Theresa Lerdings arrivait au milieu d'une journée toute ordinaire. Un mercredi comme un autre, où elle avait travaillé toute la matinée pour en arriver à sa pause de midi. Comme elle le faisait régulièrement, la jeune femme avait pris des nouilles sautées à l'emporter et avait élu domicile sur le bord d'une fontaine dont la fraîcheur était très agréable par cette lourde journée d'été. Absorbée par le contenu de sa boîte déjeuner et par ses réflexions sur les prochaines lois que devaient voter le congrès, elle ne prêtait pas grande attention à ce qui l'entourait. Aussi, quelle ne fut pas sa surprise de recevoir du sang sur sa jupe. Et elle fut encore plus grande quand, levant les yeux vers l'homme qui se dressait devant elle, elle le vit être pris d'un soubresaut. Puis d'encore un autre, accompagné cette fois ci d'un sifflement à son oreille et d'un nouveau jet de sang.
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Leroy Jethro Gibbs n'était pas connu au sein du NCIS pour sa gentillesse et pour sa joie de vivre. En revanche, il l'était pour son caractère irascible et son fameux instinct. Aussi, quand il débarqua au milieu des bureaux de son équipe, à deux heures quarante-et-une précises, et qu'il lança à son équipe un sec « trouvez-moi DiNozzo », personne ne pensa à discuter cet ordre et tout le monde obéit aussitôt. Eleanor Bishop attrapa son combiné et composa le numéro de son collègue aussi vite qu'il était humainement possible, tandis que Timothy McGee lançait une recherche sur la géolocalisation de son téléphone portable. Abigail Sciuto, se trouvant là justement parce qu'elle avait un mauvais pressentiment, se contenta de trépigner en serrant les poings.
« Il ne répond pas, » lança Bishop.
Trois visages inquiets se tournèrent vers leur spécialiste en informatique, qui accéléra la cadence de ses doigts sur le clavier.
« J'ai une localisation… »
Il appuya fermement sur la touche enter et resta bouche bée en découvrant la position du téléphone de son collègue.
« McGee ! s'impatienta Gibbs.
- Patron… Il est à Bethesda. »
La laborantine pâlit, lâchant même un gémissement. Les deux agents de terrains tournèrent leur regard vers leur chef d'équipe, à la recherche de la bonne réaction à avoir. Celui-ci avait froncé les sourcils, et dégainait son téléphone. Il composa le numéro de l'hôpital naval, mémorisé dans la puce au prix d'une bataille acharnée contre la technologie, et s'éloigna de quelques pas du reste de son équipe. Reste de son équipe qui, de son côté, ne le quittait pas des yeux.
« Vous croyez qu'il va bien ? chuchota Bishop en s'accroupissant à côté du bureau de McGee.
- J'espère, répondit ce dernier. Ce qui m'inquiète c'est que je n'ai aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Aux dernières nouvelles, personne ne voulait le tuer…
- Peut-être qu'il a eu un accident de voiture, supputa l'agente.
- Ou peut-être qu'il est là-bas juste pour un contrôle, rétorqua Abby. Et il a juste oublié de nous prévenir. »
Devant le regard interloqué de sa collègue, elle s'emporta légèrement :
« Pensée positive, Bishop ! Pensée positive ! Tony n'a rien de grave. Rien.
- Ce n'est pas toi qui es montée paniquée en disant que tu avais un mauvais pressentiment et qu'il était arrivé quelque chose à Tony ?
- C'est différent, affirma la gothique. Je ne contrôle pas mes pressentiments mais la pensée positive, elle, peut influencer les choses. »
La dernière arrivée dans l'équipe chercha une explication rationnelle auprès de McGee, qui articula silencieusement « ne cherche pas ».
« Gibbs revient, annonça-t-il ensuite à voix haute.
- Gibbs ! Gibbs ! Gibbs ! trépigna Abby. Qu'est-ce qui se passe ? Comment va Tony ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi il est à Bethesda ?
- Bishop ! tonna l'ancien marine en ignorant les sautillements de la laborantine. Appelle Ducky, vous allez à Bethesda. McGee, avec moi ! »
Les deux agents obéirent sans un mot, l'une se précipitant sur son téléphone, l'autre sortant arme, badge et plaque de son tiroir. Seule inactive, Abby insista :
« Qu'est-ce qui s'est passé Gibbs ? »
L'interpellé qui attrapait les clés d'une des voitures de l'agence s'arrêta un instant pour la regarder. Puis il reprit son mouvement.
« On lui a tiré dessus. »
La laborantine ouvrit la bouche mais ne dit pas un mot, perdue dans le flot de questions qui l'assaillait. Est-ce que c'est grave ? Va-t-il s'en sortir ? Pourquoi l'a-t-on pris pour cible ? Qui est le fils de pute qui a osé tirer sur Tony ? Tu vas le retrouver et lui faire payer, n'est-ce pas ? Il va s'en sortir, hein ? Il va s'en sortir ? Un instant plus tard, alors qu'elle n'avait pas encore rassemblé ses pensées, Gibbs appelait déjà l'ascenseur, McGee sur ses talons. Alors Abby se rabattit sur la dernière personne présente. Elle attrapa le bras de Bishop alors que cette dernière enfilait son sac à dos, et lui souffla un « tiens-moi au courant », auquel elle répondit par un vigoureux hochement de tête et un petit sourire de réconfort.
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« Croquis, photos, prélèvements, je crois que j'ai tout.
- Tu crois ?
- Je suis sûr inspecteur. »
L'inspecteur de police, un homme bedonnant aux cheveux précocement gris, hocha gravement la tête. Son subordonné, un adolescent tout juste sorti de l'académie, manquait cruellement de méthode mais il était d'un naturel joyeux, ce qui compensait. Ils avaient procédé la scène de crime, relevant les empreintes et prélevant le sang, pendant que deux autres agents étaient à la recherche du lieu où s'était tenu le tireur. Et la petite Borgia était en train de prendre la déposition de la jeune femme à l'hôpital. Même peut-être du témoin s'il était sorti des urgences. Il relu ses notes, tapotant son carnet de son stylo. L'affaire suivait son cours, ils pouvaient maintenant libérer la scène, qui se trouvait être une place plutôt fréquentée.
« Inspecteur !
- Quoi ? répondit-il sans lever les yeux de ses notes.
- C'est quoi déjà le N.C.I.S. ?
- Le service des enquêtes criminelles de la marine. Pourquoi tu me demandes ça Carron ?
- Parce que le NCIS va prendre l'affaire. »
L'inspecteur leva les yeux sur l'homme qui venait de faire cette affirmation, et qui lui brandissait sous le nez une carte l'identifiant comme l'agent spécial Leroy Jethro Gibbs, membre dudit service des enquêtes criminelles de la marine. Il avait peut-être de l'embonpoint, mais il était plutôt doué pour estimer les gens : le fédéral en face de lui n'était pas quelqu'un qu'on contredisait souvent et définitivement pas quelqu'un qui acceptait avoir tort. Il jeta également un œil au deuxième, plus jeune, qui portait le matériel.
« T'auras pas besoin de ça, gamin. On a déjà fait tous les prélèvements possibles.
- Il va nous les falloir, trancha l'agent Gibbs.
- Et je peux savoir pourquoi vous voulez l'affaire ? demanda l'inspecteur avec un semblant de bonhomie.
- Parce que la personne sur qui on a tiré est un de mes hommes.
- Oh, et vous pouvez m'en dire plus sur lui ? continua-t-il en se préparant à prendre des notes, imperméable au ton sec et au regard mauvais de son interlocuteur.
- Inutile. Nous nous chargeons de l'affaire.
- Malheureusement, ce n'est pas votre juridiction.
- Un agent du NCIS a été pris pour cible et l'enquête ne relève pas du NCIS ?
- Votre agent a bien été touché, mais d'après un témoin, il n'était pas la cible. »
Carron et McGee, quelques mètres en retrait, observaient la confrontation. Chacun savait à quel point leur supérieur respectif pouvait être intraitable, et après un rapide échange de regard, ils avaient compris que la lutte n'était gagnée d'avance pour personne.
L'inspecteur traduisit le regard insistant de son interlocuteur par « dites m'en plus à ce propos » et se résolut à résumer la situation :
« D'après notre témoin, votre agent s'est volontairement placé devant une jeune femme, la cible, pour la protéger des balles. Il dit avoir vu un laser sur son front. Personne n'a pu confirmer ou infirmer, même pas la jeune femme elle-même. Votre gars pourra quand, et si, il quittera les mains des urgentistes. Ça ressemble à quelque chose qu'il pourrait faire ?
- Qui est votre témoin et où est-il ?
- Il s'appelle Dan Smith, 39 ans, il est serveur dans un restaurant huppé. C'est lui qui s'est occupé de votre gars en attendant les secours. Il voulait aller à l'hôpital pour prendre de ses nouvelles, on a pris sa déposition et on l'a laissé faire. »
L'inspecteur s'interrompit lorsque son téléphone commença à sonner. Il leva son stylo, pour demander un instant à son interlocuteur, et, fronçant les sourcils parce qu'il ne reconnaissait pas le numéro qui s'affichait, s'excusa et décrocha.
« Harbor, j'écoute. »
Légèrement énervé par l'attitude nonchalante de cet agent de police qui ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire, Gibbs se détourna de lui pour s'approcher de son subordonné.
« Patron, commença timidement ce dernier. Ça ressemble à Tony. Je veux dire…
- Je sais. »
Et c'était ce qui le contrariait le plus dans cette histoire. Il était plus que probable que son agent senior se fût embarqué dans une affaire qui ne le concernait pas au mépris de sa propre vie, pour sauver une inconnue. D'où lui venait cet insupportable dédain de sa propre sécurité ?
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Le docteur Donald Mallard et sa collègue agente spéciale n'eurent aucun mal à trouver ce qu'ils cherchaient à l'hôpital naval de Bethesda. Une certaine agitation régnait aux alentours des urgences où une femme fluette aux épais cheveux platine, vêtue de l'uniforme de police, était en grande conversation via un téléphone de l'hôpital. Une brune au chignon défait, éclaboussée de sang était prise de tremblements violents que deux infirmières ne parvenaient pas à calmer; un homme aux manches rouges se tenait un peu trop droit un peu trop près du mur; un chirurgien en habits d'intervention discutait avec un médecin en blouse blanche alors qu'un interne tentait vainement de capter leur attention. Un énième membre du personnel de l'hôpital s'approcha d'eux lorsqu'il les remarqua, visiblement mécontent de voir autant de monde.
« Je peux vous aider ? »
En réponse à son ton désagréable, l'agent fédérale sortit son badge et lui colla sous le nez sans prendre la peine de paraître polie ou conciliante. Son patron avait définitivement trop d'influence sur elle.
« Eleanor Bishop, NCIS, et voici le Docteur Mallard. Nous venons prendre des nouvelles de notre collègue, Anthony DiNozzo.
- Et bien vous ne serez pas les seuls à attendre qu'il sorte du bloc. »
Il fit un geste du menton vers l'assemblée puis lâcha un abrupt « je vous laisse » qu'il exécuta aussi vite. Les deux employés du NCIS échangèrent un regard et s'avancèrent fermement en direction de la policière qui raccrochait juste et leur tournait le dos.
« Excusez-moi, » tenta Bishop en lui tapotant l'épaule.
Elle bondit presque au plafond et fit volte-face d'un mouvement vif, dégainant à moitié son arme. Surprise, l'analyste leva ses deux mains en signe de paix.
« Désolée, lâcha la policière en remettant en place quelques mèches derrière ses oreilles. Je suis l'agente Nora Borgia et j'enquête sur une tentative de meurtre. Vous êtes de la famille ?
- Pas vraiment, répondit Bishop, sortant une deuxième fois son badge. NCIS, nous sommes ses collègues.
- Ah… Il est toujours en chirurgie. Les médecins ne nous ont donné aucune information.
- Qui sont ces jeunes gens ? demanda le légiste en désignant les deux personnes tâchées de sang.
- Theresa Lerdings, la cible présumée, et Dan Smith, un témoin.
- La cible présumée ?
- Oui, d'après Monsieur Smith l'agent DiNozzo s'est pris les balles pour la protéger. »
Nora Borgia soupira, exténuée et débordée par toute cette agitation. C'était sa première vraie affaire après deux ans coincée au local des preuves et elle avait oublié à quel point ça pouvait être fatiguant d'être agente à la criminelle.
Après un instant flottement produit par l'annonce de la policière, Bishop chercha de l'aide auprès de son aîné. Elle avait initialement prévu d'interroger médecins et témoins éventuels pour enquêter sur une tentative de meurtre sur son collègue, mais ce scénario imprévu la laissait complètement désarmée face à la marche à suivre.
« Je vais me renseigner sur l'état d'Anthony, annonça le légiste. Essaie d'en apprendre plus des témoins. »
Elle hocha la tête, épatée comme toujours par la manière dont les membres de cette équipe semblaient toujours savoir exactement quoi faire dans toutes les situations. Alors que Ducky s'éloignait en direction du chirurgien, du médecin et de l'interne, Bishop s'approcha de la jeune femme en état de choc.
Les deux infirmières lui adressèrent un regard méfiant, auquel elle répondit en levant les paumes et en souriant. Elle s'agenouilla ensuite en face du témoin, qui était elle, ainsi que les infirmières, assises sur des chaises en plastique vraisemblablement mises à disposition à la hâte. Toujours secouée de tremblement, la potentielle cible d'un meurtrier avait les yeux résolument fixés sur ses genoux.
« Madame Lerdings, tenta doucement l'agente spéciale. Je suis Eleanor Bishop du NCIS…
- J'ai déjà… tout dit. A la police, bégaya-t-elle difficilement.
- Je sais. Mais l'homme que les chirurgiens essaient de sauver est mon collègue, et je voudrais vraiment savoir comment c'est arrivé.
- Je… Je ne sais pas ! J'ai reçu du sang… du sang sur moi. Et puis, et puis… il s'est… effondré. Et… et… j'avais son sang sur moi ! Je voulais… je voulais l'aider. Mais…
- Mais je l'ai tirée à l'abri derrière la fontaine. »
Bishop leva les yeux vers le témoin, qui avait quitté sa place près du mur pour se rapprocher d'elles mais qui se tenait toujours aussi droit.
« J'avais peur que le tireur soit toujours à l'affût et ne la tue si elle restait exposée. J'ai attendu un peu, pour être sûr qu'il avait abandonné avant d'aller porter assistance à votre collègue. Quelqu'un a appelé le 911 pendant que j'essayais de contenir ses blessures. L'ambulance est arrivée, elle est montée avec eux et je suis resté là-bas pour attendre la police. J'ai donné ma déposition et je suis venu aux nouvelles.
- Les ambulanciers ont trouvé son badge et sa plaque, raconta une infirmière, prenant le relais. Ils ont donc décidé de l'amener directement à Bethesda et il est au bloc depuis.
- Oh… j'espère qu'il… qu'il va… qu'il va s'en sortir. »
Une infirmière lui frotta le dos pour la réconforter. Bishop se mordit la langue, s'en voulant d'avance pour la question qu'elle devait poser à une victime en état de choc.
« Madame Lerdings, je sais que c'est dur, mais pouvez-vous penser à quelqu'un qui voudrait vous tuer ? »
Elle encaissa les deux regards noirs des infirmières pendant que l'intéressée étranglait un sanglot. Le « non » qu'elle articula ensuite fut presque inaudible.
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« Ce n'est pas normal Jimmy ! Nous devrions avoir des nouvelles. Pourquoi n'avons-nous pas de nouvelles ? »
Réfugiée dans son laboratoire, où Jimmy Palmer l'avait rejointe, Abby faisait les cents pas en étreignant Bert, son hippopotame péteur. Elle avait mis en attente tous les tests qu'elle était censée faire, comme il avait remis dans leur tiroir mortuaire tous les cadavres qu'il devait autopsier, et poussé sa musique au volume maximum. Ce qui l'obligeait à hurler pour exprimer son inquiétude. Et ce qui l'obligeait, lui, à hurler pour y répondre.
« Ça ne fait même pas une heure qu'ils sont partis, ils n'ont peut-être pas de nouvelles eux-mêmes.
- Jimmy ! Ça fait presque une heure qu'ils sont partis, nous devrions avoir des nouvelles ! Ducky et Bishop doivent être à l'hôpital depuis longtemps maintenant !
- Oui mais Tony n'est peut-être pas encore sorti des urgences.
- Mais ils doivent au moins savoir à quel point c'est grave ! Ils pourraient m'appeler pour me dire à quel point c'est grave !
- Peut-être que ça ne l'est pas du tout, et que c'est pour ça qu'ils ont oublié de nous prévenir.
- Bishop a dit qu'elle me tenait au courant.
- Alors appelle-la.
- Les portables sont interdits dans les hôpitaux ! »
Abby stoppa un instant sa marche, puis se précipita vers son collègue pour le prendre dans ses bras dans un câlin collectif avec Bert.
« Oh Jimmy ! J'espère qu'il va bien ! »
Le légiste tapota maladroitement le dos de son amie en marmonnant un « moi aussi, Abby, moi aussi ».
