« Promets moi de ne jamais en parler à personne, fiston.

_ C'est promis papa.

_ Et n'oublie pas à propos de maman…

_ Maman est morte dans un accident de voiture, je sais. »

Stiles baisse la tête. Le cœur de Noah se serre mais il n'a pas le choix. Il ne peut pas prendre le risque de perdre son fils comme il a perdu sa femme quelques semaines plus tôt.

Il caresse les cheveux du garçon. Ce petit bout de huit ans est tout ce qu'il lui reste.

« Ça va aller Stiles, cette fois ça va aller. Personne ne nous connaît là-bas, et Beacon Hills est une très jolie ville. Papa va travailler comme adjoint et dans quelques années il sera shérif, ça sera plus facile comme ça. Ça va aller. »

Stiles acquiesce à peine. Noah sait qu'il lui a promis trop de fois que ça irait pour être convaincant.

Pourtant il ne perd pas espoir. Il ferait tout pour garder le secret de son fils. Il le protégerait quoi qu'il arrive de la folie des Régulateurs.

8 ans ans plus tard

« P'pa j'y vais !

_ Sois prud-»

Stiles n'attend pas la suite mais connaît la chanson. Il claque la porte d'entrée et fait un signe de la main à son père à travers la fenêtre.

Il grimpe dans sa fidèle Jeep direction le lycée pour une longue journée d'ennui en perspective. Avec un peu de chance, Scott aura quelque chose d'intéressant à lui mettre sous la dent. Il n'y croit pas trop – il ne se passe jamais rien à Beacon Hills.

Stiles le sait, c'est une bonne chose. Après tout, son père est shérif et s'il y a des embrouilles dans le coin, ça devient son problème. Et les problèmes attirent parfois des Régulateurs...ce qui est encore plus emmerdant pour son père et lui. Stiles en a souvent bavé pour le cacher son fichu secret, ce n'est pas le moment de réduire ses efforts à néant par simple ennui.

Du moins il essaie de s'en convaincre. C'est que l'ennui c'est presque la grande faucheuse pour un hyperactif.

« Stiles ! T'es limite en retard tu sais ? »

Scott lui a à peine laissé le temps de sortir de sa Jeep sur le parking du lycée. Ça ne lui ressemble pas, habituellement son ami est plus calme.

« Limite c'est pas en retard, répond Stiles avec un clin d'œil. Allez accouche, t'as clairement un truc à me dire. Si ça concerne tes rendez-vous galants avec Allison je veux pas savoir.

_ Rien à voir avec Allison. Enfin c'est elle qui m'a appris la nouvelle mais…bref, d'après son père des Régulateurs sont arrivés en ville cette nuit. Il va y avoir un couvre feu et tout, personne pourra sortir après 21h.

_ Un couvre feu ?

_ Ouais, apparemment y aurait des Marginaux dans le coin…à Beacon Hills, t'imagine ? Mais ton père a dû te le dire. Ça craint, hein ?

_ Ouais, ça craint… »

Les hauts parleurs du lycée s'activent dès la première heure de cours. Le principal confirme la rumeur : « couvre feu à 21h jusqu'à nouvel ordre », « merci de ne pas entraver les activités des Régulateurs », « si vous remarquez une quelconque activité suspecte qui pourrait être liée à la présence de Marginaux, n'intervenez pas mais contactez immédiatement le 925 ».

Allison a l'air plus grave que d'habitude, Scott reste très sérieux, tout le monde chuchote à ce sujet.

Stiles, lui, reste silencieux et gribouille un coin de son bloc notes4. C'est la première fois depuis la mort de sa mère que des Régulateurs se trouvent dans la même ville que lui pour enquête. Il angoisse comme un dingue mais ne doit surtout pas le montrer.

Parce que Stiles est un Marginal, comme le gouvernement américain et 99% de la population disent. Un humain presque normal au détail près qu'il est né avec un don, un pouvoir surnaturel qui lui coûterait la vie si quelqu'un venait à le savoir.

Les Régulateurs sont en quelque sorte le FBI exterminateurs de Marginaux.

Ils ont tué sa mère il y a huit ans.

Stiles casse sa mine sur son bloc-notes.

« Tout va bien ? » s'inquiète Scott

Stiles lui sourit.

« Ouais t'inquiète. Je m'inquiète juste pour mon père, tu sais.

_ Je comprends, mais tu peux faire confiance aux Régulateurs.

_ Ouais carrément… »

Stiles ne ment pas tout à fait. Il sait que certains Marginaux sont réellement dangereux, détestant les autres humains au point de vouloir leur faire du mal. Stiles les comprend un peu même s'il ne blesserait jamais quelqu'un. Vivre dans le secret et dans la peur de se faire zigouiller pour un truc dont on est pas coupable, ça fiche un peu les nerfs.

Et puis il s'inquiète parce que de toute évidence, son père n'avait pas été mis au courant de l'arrivée des Régulateurs. Ces gars là se croient toujours au-dessus de tout le monde. C'est sûr que son père a été pris de court et quand on est shérif et géniteur d'un Marginal, c'est pas bon pour le cœur ce genre de nouvelles.

Il note dans un coin de sa tête que les Argent, eux, ont été mis très tôt au courant. Le père de Stiles les a toujours soupçonné d'être des Régulateurs sous couverture et les évite comme la peste. Peut-être qu'il est pas aussi parano que Stiles le pense, au final.

Stiles finit sa journée en ayant l'air aussi normal que d'habitude – c'est-à-dire pas trop mais assez pour ne pas être grillé. Personne ne sait à part son père qu'il a un don, même pas Scott ou Melissa.

Petit garçon, Stiles ne comprenait pas pourquoi il devait mentir à tout le monde et cacher son pouvoir. Après tout, c'était pas un pouvoir dangereux du tout, au contraire. Mais pas d'exceptions parce qu'un Marginal pouvait engendrer une progéniture de Marginaux avec des dons bien plus menaçants.

Bordel, qu'est-ce qu'il pouvait détester la Nature et ses idées pourries parfois…

Il est 16 heures et la voiture de son père est déjà là. Stiles croit savoir pourquoi – aucun moyen que son père ne soit pas rentré pour lui répéter d'être encore plus prudent que d'habitude, blablabla…

« Yo p'pa ! Lance-t-il sur un ton faussement léger. Dure journée je parie ? »

Son père quitte le canapé et lui fonce dessus pour le prendre dans ses bras. Stiles le serre en retour, et ça le rassure bizarrement. Il n'avait pas réalisé qu'il était si stressé depuis l'annonce du proviseur.

« Bon sang fiston…je voulais t'appeler ou t'envoyer un message mais tu sais ce qu'on dit, les Régulateurs aiment intercepter les conversations des autorités de la ville où ils enquêtes…ces fichus rats. Comment tu te sens ? »

Stiles force un sourire, il ne veut pas faire flipper son père davantage.

« Ça va, on savait qu'il y avait des risques qu'ils viennent fourrer leur nez par ici un jour. Je veux dire, ils sont partout ces gars là. Mais t'inquiète pas, suffit que je reste discret. C'est pas comme s'ils étaient sur ma piste.

_ C'est vrai…, soupire son père avec un air préoccupé. Stiles, promets moi de redoubler de prudence. S'il devait t'arriver quelque chose, je…

_ Il va rien m'arriver p'pa alors détends toi. Le seul à plaindre dans l'histoire, c'est le gars qui se fait traquer par les Régulateurs. Tu crois qu'il ou elle est de Beacon Hills ? Si ça se trouve c'est quelqu'un qu'on connaît bien et qui se planque comme nous…ça craint, j'espère qu'il recevra de l'aide…c'est peut-être qu'une gamine ou un mec comme moi. Ou peut-être même toute une famille...

_ Stiles…je ferais ce que je peux mais il vaut mieux qu'on laisse faire les Régulateurs. On ne peut pas se permettre d'attirer l'attention sur nous.

_ Je sais mais quand même, c'est totalement injuste…

_ Il reste malgré tout la possibilité que la personne recherchée soit dangereuse. Peut-être que…

_ Que son pouvoir fait flipper et qu'il vaut mieux pas lui laisser le bénéfice du doute ? »

Stiles a parlé froidement même s'il sait où son père veut en venir – se mêler des affaires des autres quand les Régulateurs sont impliqués, c'est jamais bon. Mais Stiles ne supporte pas que l'on fasse immédiatement le lien entre « marginal » et « danger ». Il ne l'a jamais supporté.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire fiston.

_ Ouais, t'inquiète. J'ai des devoirs à faire, je te laisse okay ? Le meilleur moyen de pas se faire choper, c'est d'agir comme d'habitude. »

Son père acquiesce et Stiles est ravi de pouvoir monter dans sa chambre et de s'y retrouver seul.

Il déteste aborder le sujet des Marginaux. Il déteste encore plus savoir qu'un d'entre eux est en train de se faire traquer en ce moment même. Pour ce qu'il en sait, ça pourrait tout aussi bien être Scott ou Lydia. Non, Lydia est trop parfaite pour porter un sombre secret. Il psychote un peu et envoie un texto à son meilleur ami pour savoir comment il va. La réponse ne tarde pas – Scott roucoule avec Allison.

Stiles avait toujours su que Scott perdrait sa virginité avant lui, mais quand même c'est pas super cool d'entendre son pote de toujours parler de sexe quand lui se contente d'observer Lydia Martin de loin toute la journée.

La nuit a déjà commencé à tomber quand l'esprit de Stiles le ramène vers un sujet beaucoup moins léger. Le ou les marginaux en train de se faire chasser. Peut-être justement, sûrement injustement. La plupart du temps, les Régulateurs tuent les Marginaux dès qu'ils mettent la main dessus. Parfois, ils les capturent et personne ne sait ce qu'ils font d'eux ensuite.

Stiles a sa petite idée : torture, expériences…puis la classique mise à mort. Il y pense rarement, parce que dès qu'il le fait, il se sent terriblement seul au monde. Même pour quelqu'un de naturellement enjoué comme lui, c'est un secret effrayant et dur à porter. C'est pas comme s'il voulait stresser son père avec ça, alors il lui en parle peu et joue à l'adolescent banal, peu préoccupé par cet aspect de lui-même.

Ce soir c'est différent. Stiles n'arrive pas à se sortir de la tête cette histoire qui pourrait être la sienne. Qui avait été celle de sa mère…

Il se mord la lèvre au sang, se remet à gribouiller sur ses cours. Il fait ça dès qu'il est nerveux.

« Vas te coucher Stiles… » se met-il à murmurer

Merde. Le voilà tenté d'ignorer le couvre feu.

« J'ai promis à papa…il passe déjà sa vie à s'inquiéter pour moi… »

Ouais mais papa est au travail. Stiles pourrait juste faire un petit tour…et si la chance est de son côté il croisera peut-être le Marginal.

« Et après quoi ? P'pa a raison c'est peut-être un type dangereux. Et même si ça l'est pas je vais faire quoi ? Le planquer ? Et si c'est une famille entière en plus ? Je la planque quand même ? »

Ouais…ça pourrait être une idée. Après tout, Stiles apprécierait qu'on fasse la même chose pour lui. Il est sûr que son père apprécierait aussi qu'on fasse la même chose pour son fils.

Et si le type est sympa, Stiles aurait un Marginal avec qui parler. Un gars qui le comprendrait vraiment. Et si c'était une fille super mignonne ? Ou deux filles super mignonnes ?

« Je devrais pas faire ça. Je devrais vraiment pas… »

Stiles est sacrément talentueux pour ignorer sa propre conscience. Il attrape une veste – son vert délavé accordé à son t-shirt rouge et son jogging/bas de pyjama bleu ferait hurler Lydia – la clé de sa Jeep et file.

« Qu'est-ce que je fous ? Mais qu'est-ce que je fous ? »

Le voilà au beau milieu de la forêt de Beacon Hills, sur une route déserte super flippante la nuit. Il faut mieux qu'elle soit déserte en fait, parce que s'il tombe sur des Régulateurs ça va sérieusement barder pour lui.

Okay, il est peut-être temps de faire demi-tour. Il ne sait même plus ce qui lui est passé par la tête. Au fond c'est pas étonnant, Stiles a toujours été le roi des plans foireux, du genre qui les mettent lui et Scott dans des situations pas possibles, du genre qui…

« OH PUTAIN ! »

Stiles appuie comme un fou sur son frein et donne un coup de volant dans l'espoir de ne pas écraser la bête qui s'est jetée sous ses roues. Son capot entre en contact avec un arbre, assez fortement pour arrêter sa course, pas assez violemment pour s'écraser et écraser Stiles par la même occasion.

« Merde… » bougonne Stiles

Il a un peu cogné son front et prend le temps de vérifier qu'il ne saigne pas. Manquerait plus que ça. Heureusement il a la tête dure – son père le dit tout le temps. Il la frotte en râlant un peu et ouvre sa portière de l'autre main pour aller constater l'étendue des dégâts. Mais une fois sortie de la Jeep, il n'avance plus.

Une respiration forte et saccadée. Il peut l'entendre tout près de lui. L'animal ? Stiles est pourtant sûr de ne pas l'avoir heurté.

Un gémissement rauque cette fois.

Stiles sursaute et attrape son téléphone portable dans la poche de son jogging. Il s'en sert comme d'une lampe torche et balaye le sol autour de lui. Rien du tout sur la route ou autour de la Jeep.

Non, le bruit vient des bois. Évidemment, ça serait trop simple sinon…

Stiles crispe sa main sur son téléphone. En fait tous ses muscles se crispent – sûrement un SOS de son corps qui lui dit de monter dans sa Jeep et de se barrer. Pourtant Stiles déglutit et passe entre les deux premiers arbres face à lui.

Une voix au fond de lui se moque, « tout ça pour un animal ». Une autre le met en garde, « t'as déjà entendu un animal gémir comme ça ? ».

Il avance encore un peu. Maintenant il n'entend plus que sa propre respiration. Il fait super froid, normal quand on est en pyjama au milieu d'une forêt au mois de novembre. Stiles est à deux doigts de faire demi-tour. Son cœur bat la chamade. Il fait volte-face et…et se prend les pieds dans un morceau de bois avant de s'étaler de tout son long sur le sol recouvert de feuilles.

« C'est pas vrai… » gémit-il

Il se redresse tant bien que mal – ses mains sont bien égratignées mais il a l'habitude. Il s'appuie sur une jambe pour se lever et…une jambe ? C'est bien une jambe, mais c'est pas la sienne. Celle-ci est nue est couverte de sang.

Le cœur de Stiles rate un battement. Il se fige un instant, jusqu'à ce qu'il ait le courage de, tout doucement, tourner la tête pour voir à qui appartient la jambe.

Au milieu des feuilles et des branchages et à moitié sous lui, un homme gît inconscient. Il a l'air jeune sous sa couche de terre humide, il est sacrément musclé et nu comme un nouveau né. Mais surtout, il est blessé. Très blessé.

Stiles a un haut le cœur en remarquant l'énorme entaille qui traverse son torse. Du sang s'en écoule encore et pourtant le torse du jeune homme se soulève toujours au rythme d'une respiration tout de même faible. C'est un battant celui là.

Stiles avance ses mains tremblantes vers la blessure. Il ne peut pas le laisser comme ça, ça reviendrait à tuer cet inconnu puisqu'il qu'il a les moyens de le sauver.

C'est le pouvoir de Stiles. Un don parfaitement inoffensif, voué à soigner et à sauver, qui pourrait pourtant lui coûter sa propre vie. Stiles s'en est rarement servi. Il n'en a pas le droit et a fait cette promesse à son père. Mais là…là c'est un cas de force de majeure. Et puis Stiles n'est pas du genre à obéir aux règles.

Il croise ses mains, la paume de sa main gauche contre les phalanges de la droite, et les amène à trois petits centimètres du torse musclé de l'inconnu. Il ne peut pas s'empêcher de trembler comme une feuille. Il n'a pas l'habitude de…

« NE ME TOUCHE PAS ! »

Stiles sursaute si fort qu'il en tombe sur les fesses. Son cœur menace de sortir de sa poitrine. Il essaie de se lever pour partir en courant mais la main de l'inconnu l'agrippe impitoyablement par la gorge et se met à l'étrangler. Stiles attrape le poignet de l'homme et tire de toutes ses maigres forces pour le faire lâcher, sans grand succès.

S'il était sûr de s'en sortir, il se dirait qu'il l'avait bien mérité à force de n'en faire qu'à sa tête, mais Stiles ne voit clairement pas comment sauver sa vie et il se contente de se débattre comme un diable tandis que l'homme se redresse et le fait glisser sous lui sans arrêter de l'étrangler. Stiles lâche son poignet pour essayer d'atteindre son visage, de le griffer…il ne sait pas trop, il panique totalement. Ses poumons sont en feu et sa tête menace d'exploser.

« S-s'il te plaît je...juste te….soigner… » parvint-il à balbutier

Il croise le regard de l'homme. Un regard littéralement doré mais aussi plein de haine. Un regard fou. Au moment où Stiles commence à sentir ses forces le quitter et à se maudire d'avoir été si stupide, la main le libère. Il se cambre aussitôt pour prendre une énorme bouffée d'air puis il roule sur le côté et se met à tousser si fort qu'il s'attend presque à cracher ses poumons. Ça fait mal, mais c'est mille fois plus agréable que la sensation de se faire étrangler par une main deux fois comme la sienne.

N'empêche que Stiles est toujours à côté de l'inconnu qui a failli l'assassiner. Il tourne doucement la tête vers lui, effrayé comme pas possible. Mais le jeune homme le regarde sans vraiment le regarder. Ses yeux sont vides maintenant, pourtant il tient à genoux. Les bras ballants, il semble essayer de vouloir dire quelque chose.

Le cœur de Stiles se serre. Ce type a essayé de le tuer, mais il ne sait pas pourquoi, sa souffrance lui est insupportable. Peut-être parce que l'inconnu a l'air encore plus perdu que lui ?

Il tend de nouveau les mains vers lui, plus prudemment cette fois.

« J-je veux juste te soigner…tu perds trop de sang, tu vas mourir si je ne fais rien… »

L'inconnu plisse légèrement les yeux, comme s'il se demande ce que Stiles peut bien raconter. Comme il ne fait rien d'autre, Stiles approche plus ses mains et se concentre. Il visualise l'énergie dans le creux de son ventre et la fait circuler jusqu'à son torse, ses épaules, ses bras puis ses mains. Une pâle lumière blanche s'en échappe, chaude et enveloppante. Stiles ne voit pas la blessure cachée sous ses mains, mais il sait qu'elle se referme. Il le sait car il peut sentir une partie de la douleur de l'inconnu le brûler à l'endroit même où la blessure se trouve sur celui-ci.

Quand la blessure est entièrement fermée, il retire ses mains. Sa tête se met à tourner et il se sent terriblement faible. Stiles n'avait jamais utilisé son don pour une blessure aussi grave, mais il n'est pas du genre à réfléchir à ce genre de détails avant d'agir. Ses yeux se ferment, il part en avant.

Deux mains le retiennent. Stiles n'a pas la force de se dégager, il s'oblige simplement à rouvrir les paupières et tombe nez à nez avec le visage de l'inconnu. Ses yeux ont changé de couleur, ils tendent vers le bleu gris maintenant. Stiles le savait, ce gars n'est pas normal.

Il est comme lui.

« Tu es un Marginal, souffle l'inconnu.

_ Toi aussi.

_ Tu m'as sauvé. Ma blessure…c'est ça ton pouvoir.

_ Yep, et toi t'as essayé de me buter.

_ Je suis désolé. Ça fait des heures que je suis poursuivi par des Régulateurs. J'ai cru que tu étais l'un d'entre eux. Ils vont finir par me rattraper, tu ne dois pas rester ici. »

Stiles l'écoute à peine. Il est absorbé par le regard glacial de l'inconnu. Rien à voir avec une froideur cruelle. La sienne traduit plutôt la souffrance et la colère.

Stiles ne peut pas s'empêcher de se dire qu'il aurait le même regard, s'il n'avait pas eu son père pour le protéger.

« Je peux te cacher, dit-il soudainement.

_ Bien sûr. A moins que tu disposes d'un bunker creusé quinze mètres sous terre, à proximité immédiate et indétectable par les engins des Régulateurs, tu ne peux pas me cacher et tu ne peux pas te cacher, alors cours. Barre toi tout de suite. »

L'inconnu se lève et tire Stiles par le bras pour l'obliger à faire de même – impossible de résister, le gars fait trois fois son épaisseur.

Stiles se souvient alors – aidé par un coup d'œil – que l'homme est nu. Il retire sa veste et lui jette.

« Couvre toi un peu bon sang ! Et grouille toi de me suivre.

_ T'es complètement bouché ou quoi ?

_ J'ai une voiture, un père shérif et personne ne sait que je suis un Marginal. Soit tu me suis et tu te planques chez moi en attendant qu'on trouve comment te faire quitter la ville, soit tu continues à courir à poil dans la forêt telle une biche effrayée et éventuellement, tu te refais poignarder. »

L'inconnu le foudroie du regard et grogne. Littéralement, il grogne. Pour le coup son pouvoir doit être sacrément effrayant. Mais c'est un Marginal, le seul que Stiles ait jamais eu la chance de rencontrer, et c'est aussi un mec d'une petite vingtaine qui risque de se faire assassiner par une bande de cinglés encartés par le gouvernement.

« Alors ? Prochaine étape tu montres les dents, ou bien tu me suis et tu te donnes une chance de survivre ?

_ Prends pas ce ton là, Marginal ou pas tu restes un gamin en pyjama. »

Stiles lève les yeux au ciel et se détourne de l'inconnu pour filer en direction de sa voiture. Maintenant, il lui revient de le suivre ou pas. Stiles prie pour qu'il le fasse, même si le laisser derrière lui lui éviterait sûrement pas mal de soucis inutiles. Il monte dans sa pauvre Jeep abîmée et met la clé sur le contact. L'inconnu n'est pas là.

Stiles soupire mais démarre le moteur. Ce n'est pas comme s'il pouvait le traîner de force dans la voiture. Au moment où il baisse le frein à main, la portière avant droite s'ouvre. L'inconnu se jette sur le siège passager et la claque aussitôt. Par miracle il a eu la décence de couvrir ses parties intimes – il est loin d'être désagréable à regarder mais Stiles n'a pas franchement l'habitude de traîner avec des mecs complètement nus.

« Vu la tête de ta voiture, y avait vraiment pas de quoi te vanter, commente sèchement – mais c'est sûrement son ton habituel – l'inconnu.

_ Je l'ai encastrée dans un arbre à cause de toi, j'te signale.

_ Même sans ça, y a rien de brillant.

_ Ouais bon la ferme. »

L'inconnu grogne et Stiles se crispe sur son volant.

« Va falloir arrêter de faire ça … », râle-t-il.

Pour toute réponse l'inconnu émet un « tss » dédaigneux. Ça commence bien. Stiles reprend donc la route de chez lui avec une Jeep bien amochée et un Marginal grognon et recherché à bord. Une fois encore, se connaissant un peu lui-même, il ne s'étonne pas franchement de la tournure de sa soirée.

« Moi c'est Stiles au fait, Stiles Stilinski. »

L'inconnu ne répond pas tout de suite. Il a les bras croisés sur son torse et regarde par la vitre. Il s'est passé quelques minutes quand il ouvre enfin la bouche.

« Derek Hale. »


Prochain chapitre en fonction de mon inspiration, de mon emploi du temps et de vos premières impressions.

La bonne journée