Shape of You.

Il s'était laissé entraîner dans un bordel. Ses hommes exultaient et lui était prêt à sortir. Il aimait les charmes féminins mais ce commerce était de mauvais goût, présent pour satisfaire les pulsions des marins, longtemps restés en compagnie masculine. Il y avait la demande et pas mal d'offres parce que mine de rien, ça payait bien de vendre son corps. Ce lieu-ci n'était pas le pire, il devait bien l'avouer. L'endroit était un peu près propre bien que l'atmosphère était chargée d'alcool et de fumée. Les femmes étaient d'assez belle apparence, de la musique résonnait à travers les rires gras et les disputes de jeu mais il ne parvenait pas à distinguer la mélodie et il n'avait pas le temps de s'amuser à enregistrer la bande son de cette "expérience".

Il avait accepté l'invitation parce qu'il savait qu'il avait besoin d'évacuer ses hormones contenues, qui si elles étaient enchaînées trop longtemps, lui feraient péter un plomb et sa réputation ne pouvait le supporter. Alors c'était seulement par nécessité qu'il était présent. Il n'avait aucun désir pour ces corps à moitié dévêtus, elles ne présentaient aucun intérêt a part la satisfaction de cet instinct sexuel. Mais il se faisait désirer, il n'allait pas coucher avec n'importe qui. Il lui fallait un physique qui puisse le stimuler rapidement et qui ne se plaigne pas. Parce qu'évidemment, il n'allait leur donner aucun plaisir, elles ne le méritaient pas.

Côté alcool, il y allait doucement. Ses hommes se lâchaient et étaient pour la plupart bourrés comme des cantines. Il aurait pu se saouler également et laisser l'élue faire tout le travail mais sa soif de domination l'empêchait de se laisser faire meme pour quelque chose d'aussi mineur qu'un acte sexuel.

Alors qu'il contemplait son verre à moitié vide, il remarqua l'arrêt de la musique, n'étant même pas conscient qu'il y prêtait attention. Des protestations s'élevèrent et alors qu'elles se changeaient en sifflements, il leva la tête vers la scène pour se distraire. Cet événement l'ennuyait vraiment, il aurait été mieux dans sa bibliothèque. Mais bon maintenant qu'il était là, il n'allait pas reculer, si proche de son but. Il devait simplement faire un choix, ce n'était pas si compliqué.

Il haussa les sourcils en voyant apparaître sur la scène, une musicienne. Il entreprit alors de la détailler : une robe noire en dentelle s'arrêtant au dessus des genoux qu'elle avait couverts de bas noirs semi transparents. Ses cuisses étaient ornées de rubans noirs tatoués, des portes jarretelles permanents qu'il trouvait provocants a souhait. Il remonta ses yeux vers le visage et observa des lèvres pulpeuses peintes en carmin, un nez fin, un teint pâle et des yeux chocolats entourés de noir aux courbes gracieuses. Une guitare était accrochée à son cou et elle regardait son public, un sourire factice sur les lèvres mais un regard qui faisait frissonner ceux qui l'avaient sifflée. Elle avait piqué son intérêt.

Elle attendit un silence relatif et se mit a gratter les cordes. Sa voix chaude, affirmée s'éleva et le volume sonore ambiant descendit considérablement sans pour autant s'éteindre.

Alors qu'il écoutait la musique aux allures sensuelles, le regard de la chanteuse se posa sur lui et bien loin d'être troublée, elle haussa les sourcils et reprit de plus belle.

Elle se mit à bouger ses hanches et il haussa un sourcil, elle détourna le regard et promena ses yeux sur le reste de la salle mais elle était consciente qu'il ne la lâchait pas des yeux, devenu son seul projecteur. Elle chantait pour son propre plaisir et parce qu'un contrat d'une chanson la liait à la matrone de l'établissement.

Mais depuis qu'elle avait capté ce regard orageux, cette chanson servait de bande son à leur rencontre. Le temps d'une chanson, elle aurait eu la "chance" de le côtoyer, bien qu'il soit assis à plusieurs mètres d'elle. Cet homme tatoué avait piqué son intérêt.

La chanson allait bientôt se terminer, il le sentait. Il devinait aussi qu'elle n'allait pas s'attarder mais peut être se laisserait-elle offrir un verre au bar ? Il était sûr de ses charmes personnels mais il savait qu'elle ne se laisserait pas faire aussi facilement, vu son regard. Le jeu avait commencé dès qu'elle était entrée sur scène. Dès ce moment, il avait jeté son dévolu sur la star d'un soir. Il esquissa un sourire de satisfaction et se félicita d'avoir suivi ses hommes.

La chanson était terminée, ses lèvres étaient de nouveau closes en un sourire alors que des applaudissements retentissaient aux quatre coins de la salle.

Elle rangea sa guitare dans une housse de protection et quitta la scène, se dirigeant vers le bar pour un rafraîchissement. Il se leva à ce moment et gagna également le bar, attendit qu'elle commande pour se glisser sur le siège d'à côté. Elle commença par l'ignorer. Il engagea la conversation, ravi d'avoir affaire à une barrière.

-Bonsoir.

-Je me demande si cette soirée est aussi bonne que vous le prétendez.

-Peut-être vous faudrait-il un divertissement ?

Elle daigne lui offrir un regard et hausse les épaules.

-Nous sommes dans un bordel, la source première des divertissements charnels.

-Il paraît donc assez logique que vous ayez offert un divertissement spirituel.

Elle acquiesce, ses traits se détendent légèrement.

-Je pense pouvoir dire que j'ai réussi a vous divertir.

-Pourquoi spécialement moi ?

-Parce que vous êtes le seul homme sobre, osant aborder la musicienne armée et aussi froide que la glace. Tout esprit un tant soit peu malin peut en déduire que vous n'avez pas réussi à trouver satisfaction sous les jupes de ces mesdames.

-Je vous accorde ce point sur ma personne mais je doute quand a votre description personnelle.

Sur cette phrase, elle relève sa robe pour dévoiler un assortiment de poignards.

-Je ne sors jamais sans mes bijoux. Et j'aimerais entendre votre jugement sur ma personnalité glaciale.

-Votre regard peut certes se montrer sévère mais ces mouvements de hanches, cette voix suave et le choix de cette chanson démentent sans problème votre affirmation.

-Mais vous êtes fin observateur, en plus. Félicitations, Vegapunk.

-Serait-ce la douce mélodie du sarcasme que j'entends ?

-Les mots sont une arme seyante pour un être humain.

-Quelle surprise de voir que vous pouvez tenir aussi bien vos phrases que vos notes.

-N'est-ce pas incroyable de voir qu'une femme peut aussi employer son esprit ?

-Et vos lèvres peuvent faire autre chose que modeler des mots aiguisés ?

-Au moins, vos intentions ont le mérite d'être clair. J'apprécie l'attention.

-Donc ce serait aimable de votre part de répondre a ma question pour que je sache si je dois continuer cette interaction sociale.

-Ce serait dommage d'accepter aussi vite cette charmante proposition. J'ai encore envie de profiter du fait que vous m'estimez un peu parce que je vous refuse ce plaisir charnel.

-Pour l'instant.

-Insinuez-vous que vous êtes capable de me faire plier à votre désir ?

-Et bien, cette chance ne se présentera qu'une fois. Je pars en mer demain.

-Et c'est censé m'affecter ?

-Vous vous faites désirer. Et j'ai peu de patience.

-Alors vous pouvez partir. Je n'aime pas ceux qui sont pressés par le temps.

-Mais nous n'avons qu'une vie et j'ai beaucoup de choses à réaliser.

-Alors pourquoi vous perdez votre temps avec moi ? Puisque manifestement, je ne fais aucun effort pour répondre à votre question.

-Peut-être que je prends plus de plaisir à profiter du voyage qu'a m'inquiéter d'atteindre mon but.

Elle se tourne vers lui, pas seulement la tête, le corps entier et hausse les sourcils, visiblement amusée par sa réponse.

-Intéressant. Je dois avouer que j'aime aussi m'attarder sur le chemin pour graver ce sentiment de satisfaction d'avoir rencontré un esprit intelligent.

-Quelle chance de recevoir un compliment de votre part.

-Si je voulais vous retourner le remerciement, je devrais pouvoir m'assurer que vous êtes sincère mais je crois que ce n'est pas votre manière de faire.

-Seulement avec les êtres que je ne peux supporter. Et il y en a quelques millions ainsi faits.

-Votre tolérance est du même niveau que votre patience.

-Exactement et pourtant je suis ici.

-Par pur besoin. Vous ne me ferez pas croire que vous aimez ce genre d'endroits dépravés.

-Ce n'est pas ce que je souhaitais.

-Et qu'est-ce que vous souhaitez ?

-Vous convaincre d'accepter une nuit en ma compagnie.

-Cet endroit a une influence manifeste sur vous, vous allez finir par me faire payer.

-C'est une idée.

Elle hausse un sourcil, boit d'une traite son verre et prend sa guitare.

-Une idée qui ne se réalisera pas. Ce fut un plaisir. Peut être une prochaine fois.

Elle passe à côté de lui, il étend la main et la pose sur sa hanche pour l'attirer à lui, leurs souffles se mêlent et il a déjà du mal a resister a l'appel de ses lèvres entrouvertes. A la place, il s'approche de son oreille et lui susurre sa réponse.

-La prochaine fois, j'aurais ce joli corps entre mes mains expertes.

Pas troublée le moins du monde, elle passe une main sur sa nuque et lui chuchote. Il sourit et s'imprègne de ce parfum envoûtant de cerise.

-Put that body on me, big boy.

Elle se dégage de son emprise en tournant sur elle-même et traverse la salle sans un faux pas. Il la regarde s'éloigner et quitte le lieu a son tour, se retrouvant dans la nuit sombre. Il laisse le bruit derrière lui pour aller retrouver ce délicieux silence qu'il aime tant. La chaleur étouffante du bordel laisse place à une fraîcheur bienvenue pour dissiper l'alcool mais pas le parfum de la musicienne. Cette odeur reste gravée sur son odorat, il pourrait presque se laisser enchanter par ce souvenir olfactif et se détourner du chemin pour aller trouver la tentatrice.

Mais au lieu de ça, il remonte sur son sous-marin, quelque peu frustré de n'avoir pu la conquérir du premier coup.

Il retentera sa chance la prochaine fois.