Cette histoire est écrite pour un concours sur le site Slayerstime dont le thème est l'homophobie
Auteur : Yael Revolliewsky
Fandom : Criminal Minds
Pairing : Emilie Prentiss / Jennifer Jareau
Note : Episode alternatif de la saison 5.
Il fallait comptait cinq heures de décalage entre Quantico, en Virginie et Londres. Après plusieurs mois d'enquête, la police criminelle locale s'était décidée à faire appel à l'une des meilleures équipes de profilers au monde. Le FBI était invité pour la première fois à enquêter en Europe. Les agents Hotchner, Garcia, Morgan, Reid, Rossi, Prentiss et Jareau avaient traversé l'océan pour les besoins d'une enquête. La Police Anglaise pensait faire face à un copycat, un imitateur de Jason Stidwell, arrêté un an plus tôt pour avoir tué six homosexuels après les avoir sexuellement agressés.
A peine sortie de l'avion, l'équipe de l'agent spécial Aaron Hotchner fut aussitôt accueillie par le capitaine Lena Watson, une femme d'une quarantaine d'années, désignée comme responsable de l'enquête. Elle serait l'intermédiaire entre les agents américains et les forces de l'ordre anglaises.
Sous le ciel gris et nuageux au dessus de l'aéroport d'Heathrow, Hotch' se dirigea sans attendre vers sa consœur anglaise avant de lui serrer la main.
— Nous sommes venus dès que j'ai eu ton message, annonça-t-il.
— Merci, répondit Lena d'un ton amical.
Hotch' lui répondit d'un signe discret de la tête avant de désigner son équipe de la main.
— Voici les agents Morgan, Rossi, Prentiss et Reid.
Il présenta JJ :
— L'agent Jareau est notre agent de liaison média, elle sera en charge des relations avec la presse et des officiers de police. Et enfin, l'agent Garcia, notre analyste technique chargée de ressembler toutes les informations nécessaires à l'enquête.
— Ravis de vous rencontrer, répondit le capitaine Watson après les avoir rapidement détaillés.
Elle expliqua rapidement :
— Pour l'instant, nous avons su rester discrets avec les médias et la version officielle se base sur la disparition de plusieurs jeunes hommes.
— Vous avez précisé leur orientation sexuelle ? demanda Spencer Reid.
— Non. Etant donnée la situation et les circonstances, nous attendions votre arrivée pour prendre les décisions adaptées.
— Vous avez bien fait, confirma l'agent Hotchner.
— Je vais vous conduire jusqu'au commissariat central, vous aurez accès à davantage de détails sur l'enquête et nous pourrons faire le point avec les inspecteurs en charge.
Deux véhicules officiels avaient été mis à disposition de l'équipe et les agents du BAU prirent place dans les véhicules avec pour seul bagage, une valise chacun qu'ils rangèrent dans les coffres.
Spencer monta avec Hotchner, Derek et Rossi alors que JJ, Emily et Pénélope Garcia montaient avec le capitaine Watson. Une fois installée et en route en direction du centre de Londres, Pénélope commenta :
— Sérieusement… Comment faites-vous pour rouler à gauche ? C'est comme avoir le cerveau à l'envers. Ou pire, inter changer le bouton droit à celui gauche d'une souris. C'est tout le système de navigation qui est perturbé. Quelle horreur !
Assise sur la banquette arrière près de Pénélope, JJ ricana sur cette comparaison amusante.
— Reid serait là, il te ferait sans doute une thèse sur ce qu'on appelle plus communément, les habitudes ou réflexes du cerveau humain. Cela dit, je suis sûre que je ne me ferai jamais à la conduite à gauche.
Rares étaient les fois où Pénélope Garcia accompagnait l'équipe du BAU en déplacement. Pour le plus grand bonheur de Jennifer Jareau, Hotchner avait exigé sa présence puisque Pénélope Garcia, pour ses recherches, aurait besoin d'accéder aux réseaux en local.
Emily Prentiss s'adressa au capitaine Watson qui conduisait depuis quelques minutes :
— Hotch' nous a dit que tous les meurtres avaient commencé il y a trois mois. Avez-vous transmis une description du mode opératoire aux postes de polices des autres villes ?
— Le message a été transmis ce matin, répondit l'anglaise. Nous recevrons les premières réponses dans la journée.
Emily acquiesça et reporta son regard vers l'extérieur. Ils étaient sur l'autoroute et au loin se dressaient les premiers immeubles de la ville.
— Vous pensez que notre meurtrier aurait pu tuer ailleurs ?
— C'est probable, répliqua Emily. Des dossiers des trois victimes que vous nous avez transmis et le mode opératoire est trop parfait pour que notre assassin en soit à son premier coup d'essai.
— Il y aurait donc plus de trois corps ? s'inquiéta-t-elle.
— C'est ce que nous pensons, confirma Emily.
Le capitaine Watson n'était pas rassurée et s'impatientait d'avoir les avis de tous ces agents capables d'analyser le comportement de leur assassin.
JJ écoutait d'une oreille, absorbée par le décor peu accueillant à l'extérieur. Une chose était sûre : Elle n'aimait pas Londres. Le ciel gris, une pluie incessante tombait sur une multitude de parapluies noirs. Cette ville était triste, froide, autant que ses habitants moroses et constamment pressés. JJ espérait que ce déplacement serait bref et que l'imitateur de Jason Stidwell serait rapidement appréhendé.
Après trois quart d'heures, les voitures s'arrêtèrent devant le commissariat central de la ville sur Bishopgates et l'équipe pénétra dans les bureaux. L'ambiance des lieux n'avait rien à voir avec celle de Quantico et plusieurs regards curieux les suivaient à travers l'immense plateforme de bureaux.
Le capitaine Watson les conduisit dans une grande salle de réunion où se tenaient deux agents chargés des enquêtes.
— Voici les inspecteurs Molly Holloway et John Stevens.
— Nous sommes heureux de vous recevoir ici, commença Molly Holloway. Nous ne savions plus où chercher et votre venue est vraiment appréciée.
Reid s'était empressé de détailler les deux agents. La jeune femme de petite taille, cheveux courts teints en noir, arborait une posture droite et franche. Ses mains sur les hanches reflétaient son dynamisme et son volontarisme. John Stevens, son binôme, était un homme discret, âgé et bientôt à la retraite. A sa posture près de Molly Holloway, Reid devinait un comportement protecteur envers la jeune femme, voire paternel. John Stevens devait être rigide dans son travail bien qu'il soit engagé et impliqué.
Le capitaine Watson reprit à l'attention de Hotchner :
— Comment voulez-vous procéder, Hotch' ?
— Dans un premier temps, l'agent Garcia a besoin d'un bureau pour se connecter aux serveurs des transports ferroviaires. Je doute qu'on trouve quoi que ce soit sur les vidéos de télésurveillance, mais on ne sait jamais.
— Elle pourra prendre le mien, répondit l'agent Holloway.
— Pour le reste, nous devons étudier toutes les pièces qui n'ont pas été transmises pendant notre vol pour Londres.
Lena Watson désigna plusieurs cartons :
— Tout est consigné ici. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à me demander.
— Merci, répondit Hotch'. Nous devons être seuls en attendant.
Lena fit signe à ses collègues de quitter le bureau et tous prirent place autour de la grande table en distribuant les différentes pièces afférant aux dossiers des trois victimes.
Keith Macpherson, 24 ans, retrouvé mort le 24 novembre. Matthew Lawler, 21 ans, retrouvé mort le 9 janvier et Lawrence Horney, 22 ans retrouvé mort le 28 janvier, soit deux jours plus tôt.
L'équipe d'Aaron Hotchner organisait donc chaque pièce de ce puzzle selon leurs procédures habituelles. Jennifer Jareau accrochait les photos portraits et aériennes des scènes de crimes sur un grand tableau. Spencer Reid déterminait la zone d'activité du tueur qui permettait de trouver, par défaut, sa zone dite « de sécurité ». De leur côté, Hotchner, Derek Morgan, Emily Prentiss et l'agent Rossi passaient en revue et un à un les dossiers des victimes, les rapports des légistes et les victimologies essentielles à savoir « pourquoi » leur assassin s'en était pris à « eux » et pas à quelqu'un d'autre.
Tous savaient qu'à ce stade de l'enquête, tous les éléments devaient être repris, analysés de façon neutre sans songer au profil établi lors de leur enquête sur Stidwell. Leur nouveau meurtrier n'était pas un simple imitateur. Il avait ses fantasmes, ses névroses que chacun devait comprendre. Hotchner exigeait qu'aucun de ses agents ne se référent à d'autres cas similaires pour éviter tout amalgame. Chaque cas était unique et leur présence était nécessaire pour permettre de trouver la différence, même infime, entre ce tueur en série et Stidwell.
— La zone de confort est très précise, intervint Reid en se tournant vers ses collègues.
Un triangle rouge était tracé autour d'un quartier précis du centre ville et non loin de la grande avenue d'Oxford Street.
— Les stations où les corps ont été retrouvés se situent autour de Soho qui est le quartier gay de Londres.
— Un quartier gay ? répéta Emily.
— Rien d'étonnant, intervint Rossi.
— Pourquoi les tunnels de métro ? demanda Hotchner.
— Les tunnels sont sombres, commença Derek. Peu fréquentés, dangereux. Il emmène ses victimes dans ces tunnels pour être certain de ne pas être dérangé. Il les tue et s'en va. Les corps sont retrouvés quand les agents d'entretiens sont alertés par les odeurs.
— Je pense que notre homme n'a pas de voiture, fit Reid. Il ne peut pas se déplacer, le cas contraire il chercherait un endroit plus sûr et sécurisé pour tuer ses victimes. Je pense aussi qu'il connaît ses tunnels mieux que personne et qu'il a su mettre ses victimes en confiance pour qu'elles les suivent.
— Ca se tient. Quoi d'autres ?
JJ reprit :
— Il vit avec un parent proche, ce qui l'empêche de ramener ses victimes chez lui.
— Prentiss, interpella Hotch'. Tu n'as rien à dire ?
Emily leva les sourcils et répondit simplement :
— L'essentiel a été dit.
Hotchner fronça les sourcils, interpellé par le manque de réactivité et d'implication de son agent. Il reprit à son attention :
— Bien, dans ce cas, JJ et toi irez jeter un œil aux scènes de crimes.
Il porta son regard sur ses autres subordonnés :
— Morgan, Rossi et Reid rendrez visite à la famille de la dernière victime. Vous emmènerez l'agent Holloway avec vous. Les parents seront sur leurs gardes en voyant vos badges du FBI et pourraient de ne pas répondre à vos questions.
Tous se levèrent pour quitter la salle de réunion mais Hotchner interpella Emily :
— Prentiss ?
La concernée s'arrêta et Hotchner la regarda :
— Je peux savoir où tu étais ?
Emily fronça les sourcils.
— Pardon ?
— Tu n'es pas avec nous. Qu'est-ce qui se passe ?
— Rien, répondit Emily. Nous n'en sommes pas encore au profil et j'aimerais avoir en main tous les éléments avant de répondre à vos questions.
Hotchner hésita, conscient que son agent n'était pas dans son état normal. Il acquiesça d'un signe de tête et Emily Prentiss quitta le bureau…
Jennifer Jareau et Emily Prentiss avaient rejoint Soho, le quartier gay de Londres le plus fréquenté par la communauté lesbienne et gaie de la ville. De jours comme de nuits, les homosexuels hommes et femmes se retrouvaient dans ces bars, restaurants, magasins ou cafés des alentours. Cette communauté, que JJ n'avait pas pour habitude de fréquenter, semblait tout à fait à l'aise dans son mode de vie aux couleurs arc-en-ciel et JJ constatait plusieurs regards se tourner vers elle et Emily. Elle marchait à ses côtés en direction de Regent Street afin de rejoindre Tottenham Court Road où le premier corps avait été retrouvé.
— Je trouve ça plutôt sympa de se promener dans ces quartiers. Au moins si un homme me regarde je peux me dire qu'il apprécie mon nouveau sac à main et pas mes fesses pour rester polie.
Elle lança un coup d'œil à Emily qui ne disait rien et marchait d'un pas relativement rapide. Elle sourit et commenta encore :
— En tout cas, toi, elles te regardent. Tu crois que c'est ton côté femme en tailleur qui attire ou ton petit côté sévère ?
Emily se sentait surtout mal à l'aise, dans un endroit où elle ne trouvait pas sa place. Elle jetait quelques coups d'œil sur les gens qu'elles croisaient. JJ avait raison de remarquer que certains regards se posaient sur elle et sa collègue blonde. Elle préférait se dire que ces jeunes femmes aux regards trop insistants étaient davantage intriguées par son arme à la ceinture que par son physique. Un sourire nerveux se dessina sur ses lèvres suite à la question taquine de JJ.
— Je crois surtout qu'ils devraient prendre des précautions en sachant que des corps ont été retrouvés dans le métro du quartier.
Emily ne voulait pas s'attarder sur ce sujet et souhaitait se concentrer sur leur enquête. Elle connaissait JJ, la savait curieuse, dotée d'une formidable faculté de détendre l'atmosphère même dans les pires circonstances. Toutes les deux descendirent les escaliers menant à la station et se firent guider par deux officiers, deux hommes habillés d'uniforme qui les conduisirent aux quais du tunnel où le dernier corps avait été retrouvé.
— C'était par ici, précisa le premier officier. Nous y accédons par les tunnels d'entretien, suivez-moi.
Ce que firent Emily et JJ. Elles passèrent une porte, descendirent des marches et traversèrent un couloir sur plusieurs mètres avant d'accéder aux abords de la voix ferrées. Environ deux mètres séparaient les voies des façades en pierres du tunnel, un espace suffisant permettant aux agents d'entretien de circuler librement. JJ commenta tout bas à Emily :
— J'ai horreur des chemins de fer, ça me donne la chair de poule.
Les lieux humides dégageaient des odeurs fortes mêlées d'huiles, d'urines et autre produits chimiques utilisés par les agents d'entretien. JJ s'arrêta net quand le bruit des rames du métro gronda dans le tunnel. Elle ramena spontanément sa main sur le bras d'Emily qu'elle agrippa, figée quand les wagons passèrent à leur hauteur et à toute allure. Leur passage sembla durer une éternité pendant laquelle JJ avait tout bonnement cessé de respirer. En un souffle, le dernier wagon s'éloigna et elle relâcha doucement son emprise sur Emily qui n'avait pas bougé, quelque peu impressionnée par les wagons mais avant tout surprise par la réaction de JJ.
— C'est toujours impressionnant au début, leur fit l'agent. Venez, c'est par ici.
Le cœur de JJ cognait à toute allure et elle enroula simplement son bras à celui d'Emily avant de poursuivre son avancée.
— Ne m'en veux pas, mais quand je dis que j'ai horreur des chemins de fer, j'en ai vraiment horreur. Qu'il s'agisse des rails ou de tout ce qui va dessus.
Emily jeta un œil incertain sur le bras de JJ enroulé autour du sien. JJ l'avait pratiquement plaquée contre la paroi, avait collé son corps contre le sien quand le métro avait défilé à toute allure. Elle comprenait la peur de sa collègue, la trouvait aussi touchante que JJ pouvait l'être parfois. Pourtant, Emily ne se sentait pas à l'aise face à tant de proximité. Celle-ci l'envahir, submerger tout le reste, balayer ses réflexions sur l'enquête. Elle ne pouvait se laisser prendre d'assaut, devait rester professionnelle. Elle écarta son bras de celui de JJ, arrangea le pan de sa veste et se concentra sur ce que l'officier leur expliquait.
— Le corps a été retrouvé juste ici, dans ce renfoncement.
Emily désigna la porte métallique d'un geste de la main et demanda :
— Où mène cette porte ?
— Un local technique destiné aux agents de maintenance. Cette porte reste constamment fermée bien sûr. Et elle était fermée quand nous avons retrouvé le corps.
Une lampe en main, Emily et JJ scrutèrent les lieux exigus et assombris par le manque de lumière. Le renfoncement permettait de gagner davantage de place entre les rails et la paroi. Pourquoi avoir laissé un corps ici ? Dans un endroit aussi peu fréquenté ? Pourquoi le suspect était-il attaché à ces tunnels de métro ? Chaque rituel d'un tueur en série avait sa signification. Chacun de ses agissements, lors d'un meurtre, apportait un élément de plus aux enquêteurs, un indice supplémentaire qui leur permettrait de dresser son profil.
Comme les deux autres victimes, Lawrence Horney âgée de 22 ans avait été retrouvé à moitié dénudé, son pantalon sur ses chevilles. Le légiste avait déterminé plusieurs ecchymoses significatives sur les corps, les flancs des jeunes hommes et des marques de strangulation au niveau de leur cou. Les trois garçons étaient morts par étouffement, probablement pendant l'acte sexuel. D'après les témoignages recueillis pour étayer la victimologie, chaque jeune homme avait été vu dans le quartier de Soho, plus particulièrement des lieux gay-friendly fréquentés par des hommes, des femmes, des hétérosexuels, bisexuels ou homosexuels.
JJ regarda l'agent qui les accompagnait et demanda :
— Combien de personnes ont accès à ces locaux ?
— Des centaines. Tout le personnel d'entretien des voix et ferries sont amenés à intervenir sur le système de distribution électrique, le câblage ou les rails.
— Y'a-t-il un planning qui détermine les interventions ? demanda-t-elle encore.
— Un planning mensuel, oui. Et en cas d'urgence, plusieurs techniciens d'astreintes sont amenés à se déplacer.
Un autre métro défila à toute allure dans le tunnel tandis qu'Emily et JJ continuaient d'examiner les lieux. Il n'y avait rien de plus que des rails, du béton, des câbles et de la poussière dans ce tunnel. Les métros passaient à peu près toutes les deux minutes toute la journée jusqu'à minuit et demi et reprenaient leur trafic aux alentours de six heures du matin. Cela donnait au suspect plus de cinq heures pour agir en toute quiétude.
Emily et JJ examinèrent les autres scènes de crime situées dans les stations de métro aux alentours de Soho. A chaque reprise, le suspect avait laissé sa victime dans un renfoncement du tunnel, à l'abri des regards, en pleine obscurité, dans la même position.
Sorties de la dernière bouche de métro, les deux agents spéciaux se retrouvaient sur Tottenham Court Road, près de Soho. A cette heure tardive de l'après-midi, les gens quittaient leur travail, les jeunes faisaient le tour des pubs. Les Anglais semblaient immunisés contre le froid, contre le triste climat de leur pays. Le quartier se remplissait de gens en tout genre, des parents, des hommes d'affaire, des artistes de rue, mais surtout des couples de même sexe. Les rues Londoniennes n'avaient rien à voir avec celles de Washington ou de Quantico. Plus étroites, parfois pavées et bordées de bâtiments à l'architecture victorienne, elles reflétaient l'Europe, le vieux continent et JJ appréciait ces décors à défaut du temps déplorable. Peut-être pourrait-elle faire un peu de shopping avec Pénélope avant de rentrer à Quantico ?
Ses agents de retour au commissariat central et ce, malgré l'heure tardive, Hotchner les fit asseoir et leur distribua plusieurs documents :
— La police de Brentwood nous a confirmé des meurtres similaires sur leur secteur au cours des deux dernières années. Deux garçons de 21 et 23 ans ont été violés, assassinés, étranglés et les corps laissés à l'abandon, pantalons baissés sur leurs chevilles. Les tests ADN sont en cours pour vérifier s'il s'agit de notre homme.
JJ tourna les pages une à une mais ne s'attarda pas sur les clichés des scènes de crimes très similaires à celles vérifiées sur les victimes londoniennes.
Derek Morgan expliqua :
— La famille de Keith Macpherson a refusé de nous parler. Les parents n'acceptent pas que leur fils ait pu fréquenter des bars gays. Matthew Lawler avait une petite amie que nous avons rencontrée sur le campus universitaire de Stratford. Elle nous a avoué qu'elle avait retrouvé des lettres d'amour échangées avec un garçon du nom de Joe Bowman mais cette piste s'est avérée infructueuse. Et enfin, la mère de Lawrence Horney nous a fait part de ses doutes quant à la sexualité de son fils. Elle n'a jamais pu lui en parler puisque Lawrence évitait systématiquement le sujet.
Rossi résuma :
— Nous avons des victimes qui sont en conflit avec leurs parents et n'assument pas leurs tendances sexuelles. Des victimes qui fréquentent des bars mixtes et deux nouveaux corps découverts à Brentwood qui semblent correspondre aux premiers essais de notre suspect.
— Sa zone de confort est assez restreinte et se situe simplement autour de Soho, rajouta Reid. Ce qui est logique puisque la majorité des bars et des discothèques gays se trouvent à Soho. Si les victimes n'assumaient pas leur orientation sexuelle, mais qu'elles désiraient faire des rencontres, elles étaient forcées de fréquenter ce genre d'endroits tout en évitant d'être vus.
— La petite amie de Matthew Lawler nous a parlé du Lounge Club, un bar auquel Matthew faisait référence dans une de ses lettres échangées avec Joe Bowman, expliqua Morgan.
Attentive à tous les renseignements donnés par les profilers, Garcia avait trouvé une liste des tous les bars du quartier Londonien. Elle prit la parole pour détailler les informations apportées par Morgan.
— Le Lounge Club est un bar chic londonien situé sur Greek Street. Il est gay-friendly et accueille tout le monde. Apparemment, l'entrée est réservée à une clientèle aisée qui recherche discrétion et plaisirs à la fois.
— Tout ce que recherchaient nos victimes, résuma Rossi.
Hotchner porta son regard sur Emily Prentiss qui n'avait toujours rien dit et lui demanda :
— Tes conclusions sur les scènes de crime ?
— Notre suspect laisse ses victimes aux mêmes endroits quelle que soit la station de métro, dans le tunnel, devant une porte qui donne accès à un local fermé. Il doit forcément connaître les tunnels du métro de Londres sur le bout des doigts pour savoir où laisser ses victimes sans se faire repérer. Personne à part les techniciens de réseaux n'a accès à ces tunnels.
— Garcia, tu vas sortir une liste de tous les employés des transports de Londres depuis au moins un an ainsi que leurs plannings de leurs journées.
Pénélope hésita :
— Je dois faire ça maintenant ?
Hotchner prit une courte pause et réalisa l'heure tardive. Il vérifia sa montre. Il était bientôt huit heures du soir. Non pas que ses agents étaient regardant sur leurs heures de travail, mais ajouté au décalage horaire, tous avaient besoin de repos pour être frais le lendemain matin.
— Tu as raison il est tard. Vous pouvez rentrer à l'hôtel et nous établirons le profil demain à la première heure.
JJ se leva et demanda :
— Et pour les médias ?
— Nous en restons à la version des disparitions. Notre homme ne s'assume pas, il ne doit en aucun cas savoir que nous sommes à sa recherche.
Tous rangèrent leurs documents et Hotchner quitta le bureau et rejoignit le capitaine Watson sur la plateforme. A travers les vitres en plexiglas, JJ pouvait la voir sourire. Elle ramena son dossier devant elle et demanda à Emily :
— Tu crois que c'est son ex ?
Emily jeta un œil sur leur chef qui semblait subitement moins sérieux autour du capitaine et esquissa un léger sourire amusé.
— En tout cas, elle pourrait être sa future à en juger les regards qu'elle lui lance.
Elle prit son sac de voyage laissé dans un coin avec les autres et rajouta :
— Les Anglaises n'ont aucun complexe à flirter. Si Hotch' à l'occasion de relâcher la pression, il devrait en profiter, rajouta Emily sur un ton plus léger.
Accompagnée de Pénélope, JJ suivit Emily à travers les bureaux alors que Reid continuait d'émettre diverses hypothèses à l'attention de Rossi et Morgan. Ce petit jeu de séduction entre l'anglaise et Hotch' la faisait sourire et elle croisa le regard de ce dernier en se dirigeant vers la sortie du commissariat. Leur hôtel se trouvait à quelques pâtés de maisons dans une rue voisine et leurs valises avaient été déposées dans leurs chambres respectives. A chaque déplacement, JJ et Emily partageaient la même chambre quand Morgan et Rossi se disputaient afin de ne pas dormir avec Reid qui se trouvait être aussi bavard la nuit que la journée. JJ pensa à une chose et demanda à Pénélope et Emily
— Ca vous dit d'aller dîner avant de rentrer ?
Pénélope répondit la première :
— Désolée ma louloute mais j'ai rendez-vous avec Kevin ce soir.
JJ fronça les sourcils :
— Ne me dis pas qu'il a fait le voyage jusqu'à Londres ?
— Bien sûr que non. Mais ça n'empêche qu'on peut avoir rendez-vous par écran interposé.
JJ roula des yeux et lança un petit coup de coude à Emily pour l'interpeller :
— C'est pas à moi qu'on donnerait un rendez-vous virtuel, pas même un rendez-vous tout court d'ailleurs.
Emily gardait son léger sourire, témoin du bref échange entre les deux blondes. Garcia et JJ étaient très proches après toutes ces années à travailler l'une avec l'autre. Elles étaient les deux rayons de soleil de l'équipe, capables d'effacer en quelques instants tous les tourments qu'une enquête pouvait créer parfois.
— Peut-être parce que tu n'en as pas besoin, lui répondit Emily.
Garcia enchaîna aussitôt.
— Tu as déjà Will et Henry ! Oh et comment va mon petit prince adoré d'ailleurs ?
Emily songeait surtout que JJ pouvait obtenir tous les rendez-vous du monde, qu'ils soient virtuels ou non. Il fallait être aveugle pour ne pas s'attarder sur la beauté évidente que Jennifer dégageait. Son allure, ses gestes, son sourire et son regard bleu azur captaient toute l'attention. JJ avait toujours eu ce pouvoir et Emily le constatait encore à travers les regards qui se posaient sur JJ alors qu'elles marchaient le long du trottoir.
— Henry me manque et c'est terrible d'être si loin alors qu'il est encore tout bébé. Quant à Will…
JJ prit une courte pause et leva les épaules.
— Il aimerait que je me rende davantage disponible ce qui sous-entendrait quitter l'équipe pour un poste plus sédentaire.
— Tu en penses quoi toi ? demanda Pénélope.
JJ fronça les sourcils et répondit spontanément :
— Ce n'est pas envisageable. J'aime mon métier, j'aime ce que nous faisons, je ne demanderai jamais une mutation à moins d'y être contrainte. Je ne suis tout de même pas la seule femme au FBI qui ait un enfant. Regardez Hotch' !
— Mauvais exemple, répondit Garcia. Hotch' n'est pas une femme.
JJ ricana en mesurant que sa comparaison n'était pas adaptée :
— Oui, c'est vrai.
Elles arrivèrent devant l'entrée de l'hôtel et Pénélope reprit :
— Je ne sais pas vous mais moi je suis attendue, alors je vous dis à demain et pas d'excès si vous sortez.
JJ regarda Emily et demanda donc :
— Tu viens dîner avec moi ou tu préfères monter ?
Emily s'était amusée de l'échange entre Garcia et JJ, de leurs façons de se mêler de la vie de chacun, de se préoccuper des états d'âme des membres de l'équipe. Même en pleine enquête, à des milliers de kilomètres de la maison, elles parvenaient à retrouver le sourire, leur naturel enjoué et oubliaient toutes les horreurs qu'elles voyaient à longueur de journée.
Emily porta son regard sur JJ après avoir hésité quelques secondes et se laissa tenter.
— Je te laisse choisir l'endroit.
JJ garda son sourire enjoué et se remit en marche aux côtés d'Emily.
— Ca tombe bien parce que j'ai repéré un petit restaurant français sur Soho. C'est le moment de joindre l'utile à l'agréable et si ça te dit, on ira prendre un verre dans ce fameux bar dont parlait Reid tout à l'heure.
Emily demeura silencieuse un instant tout en jetant quelques coups d'œil sur JJ. Elle se réjouissait de passer du temps avec elle, en dehors du travail, appréciait sa présence, peut-être même un peu trop.
— Tu sais que ce bar est surtout pour les homos même s'il est gay-friendly ?
Emily percevait son malaise du début d'après-midi revenir en songeant à une sortie dans ce bar en compagnie de JJ. Elle serait entourée de femmes, d'hommes qui n'avaient aucun complexe à fréquenter des personnes du même sexe et qui ne cherchaient qu'une seule chose : le sexe.
— Je trouve ces gens très sympathiques, reprit JJ. Ils sont souriants et aimables alors quitte à sortir, autant aller dans un endroit où les hommes nous ficheront la paix.
JJ fit signe à un taxi qui s'arrêta à leur hauteur. Le quartier de Soho n'était pas très loin, mais la fine pluie qui ne cessait de s'abattre sur Londres l'agaçait quelque peu et la décoiffait. Elle s'installa sur la banquette arrière, Emily près d'elle et précisa au chauffeur.
— Nous allons sur Soho, le restaurant français…
Elle précisa de son accent américain :
— Le Chaudron quelque chose.
Emily ne put réfréner un léger ricanement en entendant le terme français prononcé par JJ. Bien sûr, le chauffeur n'avait aucune idée du nom de ce restaurant français et se sentit forcée de corriger.
— Le Chaudron des Dieux.
Le chauffeur démarra sans attendre tandis qu'Emily anticipait déjà les questions de JJ en sentant son regard surpris sur elle. Elle préféra la devancer plutôt que d'avoir à s'étendre sur de trop longues explications.
— Toute l'équipe sait déjà que je parle sept langues et toi aussi JJ, je vous l'ai dit peu de temps après être arrivée au BAU.
JJ avait plissé les yeux en regardant Emily.
— Ce qui est surprenant c'est que ton accent est si… français. Ca fait très chic, un peu prétentieux, taquina-t-elle. Mais chic !
Emily ricana une fois de plus devant autant de spontanéité de la part de JJ. Elle secoua la tête et répondit à cette gentille attaque :
— Tu diras ça aux Français, ils seront ravis de l'apprendre.
Lorsque le chauffeur se gara devant le restaurant, Emily lui tendit quelques Livres avant de descendre du véhicule et toutes les deux entrèrent dans le restaurant. La salle de petite taille accueillait une dizaine de tables, rendant les lieux plus intimistes et chaleureux. Un fond sonore de musique classique résonnait et quelques chuchotements provenaient d'une table où se tenaient deux hommes qui ne leur prêtaient pas la moindre attention. Tableaux et autres sculptures décoraient les lieux et ce fut après quelques secondes que JJ réalisa une chose à retardement : Elle se pencha à l'oreille d'Emily :
— J'aurais peut-être dû regarder les prix à l'entrée.
Emily n'eut pas le temps de répondre. Un homme d'une quarantaine d'années approcha, des cartes en mains et demanda dans un accent français :
— Bonsoir Mesdames. Une table pour deux personnes ?
— S'il vous plaît, approuva Emily.
— Par ici je vous prie.
JJ suivit, comprit donc qu'Emily ne lui tiendrait pas rigueur des tarifs peut-être élevés. Le serveur leur proposa une table et JJ le remercia d'un sourire avant d'ôter sa veste qu'elle posa sur le dossier de sa chaise.
Emily jeta un œil alentours, croisa quelques regards curieux et reporta son regard sur JJ qui s'asseyait. Elle avait souri sur la remarque de la blonde qui n'avait pas réfléchi à la note après le repas. Elle prit place face à elle et indiqua dans un signe de la main :
— Tu devrais cacher ton holster.
JJ se redressa et régla l'emplacement de l'étui où se trouvait son arme de service. Non seulement elle oubliait qu'elle la portait, mais Emily ou Pénélope se chargeaient régulièrement de lui rappeler ce détail afin qu'elle la dissimule quand elles sortaient dîner ensemble. Chose faite, elle s'accouda et expliqua d'une voix plus confidentielle :
— Tu sais que c'est la première fois qu'on sort ensemble dans un vrai restaurant ? Ca va nous changer des sandwichs caloriques.
Elle saisit la carte posée et demanda, toujours enthousiaste :
— Tu as déjà mangé français ? Tu me conseilles quoi ?
La réplique de JJ mit Emily quelque peu mal à l'aise. En effet, se trouver dans un restaurant comme celui-ci prêtait à confusion. Habituellement, lorsqu'elles sortaient avec les membres de l'équipe, ils se réfugiaient dans un des bars de Quantico ou de Washington, où beaucoup d'hommes et de femmes employés dans les bureaux cherchaient à se détendre en buvant quelques verres. L'ambiance de ce restaurant était toute autre. Le calme qui régnait autour d'elles lui faisait réaliser l'ambiguïté de ce dîner avec JJ. Emily ouvrit la carte et parcourut la liste de plats proposés. De toute évidence, JJ n'avait jamais goûté la cuisine française.
— Le canard est très bon en général.
Elle lança un regard sur JJ en souriant et reprit :
— A moins que tu veuilles tenter les escargots.
JJ plissa les yeux, son regard parcourant la carte traduite du français à l'anglais. Elle se mordit le coin de sa lèvre et releva un regard plus taquin sur Emily :
— D'accord, escargots en entrée et ensuite le Canard. Au moins j'aurai goûté, mais tu goûtes avec moi !
Emily demeura silencieuse quelques secondes, ses yeux rivés sur JJ.
— JJ, attends… Je plaisantais pour les escargots !
Emily ne s'était pas attendue à ce que JJ veuille goûter aux escargots.
— C'est spécial comme plat, tu risques de ne pas aimer.
JJ ne se démonta pas.
— Aucune importance, on est là alors autant profiter. C'est exotique les escargots !
Le serveur revint vers leur table et demanda :
— Vous avez choisi mesdames ?
JJ commanda :
— Deux entrées d'escargots et deux magrets de Canards.
— Désirez-vous du vin ? demanda-t-il en notant la commande.
JJ reporta évidemment son regard sur Emily.
— Tu t'y connais en vins ?
Emily ne pouvait s'empêcher de rire en silence face à autant d'enthousiasme et de gaieté. JJ avait le don d'égayer l'ambiance quelle qu'elle soit. Naturelle, spontanée, son charme inondait les lieux où elle passait. Emily jeta un œil sur le serveur bien malgré elle alors qu'elle aurait voulu laisser son regard traîner sur le visage angélique de JJ.
— Un Bourgogne rouge, s'il vous plaît.
Le serveur acquiesça et s'éloigna. Emily détailla JJ un instant avant de reprendre :
— Si tu n'aimes pas les escargots, on peut commander autre chose.
JJ gardait son sourire amusé. Elle s'accouda, ses doigts fermés sur la descente de sa mâchoire.
— On verra, qui sait ? Je pourrais y prendre goût et convertir toute l'équipe aux escargots.
Le serveur revint déjà avec la bouteille demandée. Il posa deux verres à vins et servit le Bourgogne qu'Emily goûta puisque JJ n'aurait pas l'idée de le faire. Emily fit un léger signe de tête au serveur, signe implicite lui indiquant que le vin convenait et le serveur posa la bouteille et s'éloigna. JJ n'avait pas bougé et elle demanda :
— Apprends-moi un truc sexy à dire en français.
Emily avait eu le malheur de relever ses yeux sur JJ, de détailler la position qu'elle avait adoptée, de scruter ses doigts fins plaqués contre sa joue. Elle prit une profonde inspiration dans l'espoir de se débarrasser de cette obsession qui revenait. Elle déplia sa serviette, troublée par la présence de JJ, une présence qui balayait le monde autour d'elles.
— Sexy ?
Emily se concentra plutôt sur leur conversation normalement anodine malgré l'intimité qui se créait. Elle reporta ses yeux sur elle et poursuivit :
— Tout dépend à qui tu veux le dire.
— A quelqu'un qui me plairait, répondit JJ. Quelqu'un à qui je ferais comprendre qu'on pourrait finir la nuit ensemble.
JJ plissa les yeux sur le souvenir d'une réplique d'une chanson et leva l'index.
— Attends, je crois que je sais… Ecoute ça.
Elle articula d'un mauvais accent français :
— « Voulez-vous… couchez… avec moi… ce soir… »
JJ ne comprit pas la signification exacte de ces paroles mais devina leur sens peu commun. Emily avait levé les sourcils et la regardait avec étonnement ce qui ne manquait pas de la faire sourire. Elle prit sont verre et goûta le vin avant de demander :
— Alors ? Je m'en sors pas trop mal. Ca veut dire quoi ?
Emily se sentait plus perturbée que jamais suite aux mots explicites prononcés par JJ. Elle se demandait aussi à qui la blonde voulait plaire en dehors du père de son petit garçon. Leur conversation prenait une tournure ambiguë qui la plongeait dans une complète confusion. Elle avait failli avaler sa gorgée de vin de travers en écoutant la phrase en français. Elle glissa le bout de sa langue sur ses lèvres asséchées et répondit :
— Tu me demandes si je veux coucher avec toi.
JJ ne quitta pas son léger sourire. Elle s'était attendue à une traduction explicite, voire assez crue, mais celle qu'Emily venait de lui donner n'était pas des plus grossières, du moins, si sa collègue lui donnait la traduction exacte.
— Ce qui veut dire que je l'ai bien prononcé.
Le serveur les interrompit un bref instant et posa les assiettes d'escargots devant elles. Il repartit sans attendre et JJ scruta les huit coquilles réparties dans son assiette. Pour l'heure, elle ne tenait donc plus à apprendre le français mais se demandait comment elle sortirait la chair d'escargot de ces coquilles. Elle regarda la cuillère étrange que le serveur avait amenée et se contenta de prendre un escargot entre ses doigts. De la pointe de sa fourchette, elle fit sortir le mollusque de sa coquille et l'amena à ses lèvres avant de le mâcher lentement. Elle avala sa bouchée et leva les sourcils.
— C'est… Spécial.
Elle ne trouvait pas le mot exact, ne savait dire si elle aimait ou non.
— C'est salé, mais ça n'a pas le goût de poisson… Ni de poulet. Ca se rapproche du goût de crevette peut-être.
JJ saisit un autre escargot qu'elle sortit de sa coquille de sa fourchette afin de l'amener aux lèvres d'Emily.
— A ton tour, tu vas me dire ce que tu en penses !
Emily leva les sourcils de perplexité devant la fourchette tendue en face d'elle. Elle sourit, amusée par l'attitude naturelle et toujours aussi spontanée de JJ. Malgré le décalage horaire, le voyage, l'enquête et la journée de travail qui avaient précédé ce dîner, JJ dégageait une fraîcheur incroyable, apportait une bouffée d'air à travers sa seule joie de vivre, comme si les plus mauvais côtés de la vie ne l'atteignaient pas.
— Tu sais que mes escargots dans mon assiette ont le même goût que les tiens ?
— Pas sûre, tout est dans la façon de les sortir de leur coquille, taquina-t-elle. Ouvre la bouche !
Emily ne se sentit pas capable de refuser cette proposition. Elle se pencha sur la fourchette et recueillit la bouchée entre ses lèvres avant de la mâcher. On pouvait croire qu'elles étaient en couple depuis quelques semaines tout juste. Ensemble depuis peu pour dégager autant de tension sexuelle, de séduction et assez longtemps pour s'échanger de tels regards complices. Ni l'une, ni l'autre n'était consciente de ce qui régnait entre elles et peut-être cela était-il préférable ?
Emily essuya ses lèvres et releva ses yeux sur JJ.
— Hum, tu as raison. Ils ont un petit quelque chose (en français) de plus.
JJ plissa les yeux, sa lèvre inférieure entre ses dents. Elle avait compris le sens de la phrase même sans saisir le sens exact des mots prononcés par Emily.
— J'ai toujours trouvé l'accent français terriblement sexy…
Elle récupéra son verre de vin et demanda :
— Tu es déjà sortie avec des français ?
Emily aurait dû s'attendre à de telles questions de la part de JJ. Depuis son arrivée dans l'équipe du BAU, elle ne s'était jamais vraiment confiée, n'aimait pas non plus s'étaler sur sa vie privée. Bien sûr, elle avait partagé de longs moments de rigolades avec Garcia, JJ et les autres, mais elle s'était toujours débrouillée pour éviter ce type de conversation. Après tout, ses collègues et amis savaient déjà que sa mère était une ambassadrice, qu'elle était née d'une famille politique. Elle ne pouvait réprimander JJ pour ce qu'elle était, pour la jeune femme dynamique et d'une empathie rare. Elle termina de mâcher sa bouchée, semblant chercher la meilleure réponse.
— Non.
Elle esquissa un léger sourire tandis que son regard parcourait les traits fins et délicats de JJ, incapables de ne pas s'attarder sur elle.
— J'ai appris la langue autrement que sur un oreiller.
JJ ricana, définitivement amusée par la répartie d'Emily. Quand celle-ci avait intégré l'équipe après le départ d'Elie trois ans plus tôt, JJ avait malheureusement nourri de nombreux doutes et à priori à son égard, persuadée qu'Emily avait gagné sa place au sein du BAU grâce à la position diplomatique de sa mère. Cependant, Emily avait fait ses preuves par son talent rare en tant que profiler compétent et ses capacités n'étaient plus à prouver. JJ termina ses escargots mais reprit son sérieux en songeant à une chose importante, un sujet qui lui tenait à cœur et qu'elle n'avait abordé avec personne. Elle lança, relativement directe :
— Je pense que je vais rompre avec Will, mais je ne sais pas comment le lui dire.
