J'avais une idée pour une nouvelle histoire et je ne pouvais pas la laisser passer. Je ne compte pas abandonner "un avenir incertain". Cette histoire est différente des autres mais j'espère qu'elle vous plaira tout autant.
Un bourdonnement frappait ses tempes. Malgré que ses yeux étaient fermés, elle ressentait une vive douleur face à la lumière du jour. Sa gorge était sèche et ses membres engourdis.
Avec beaucoup de difficulté, elle réussit enfin à ouvrir les yeux. Son regard se posa tout autour d'elle. Elle reconnaissait la pièce dans laquelle elle se trouvait mais pourtant elle avait l'impression de n'y avoir pas été depuis des années.
Elle était allongée dans un lit qui lui était aussi familier. Sa conscience revenant petit à petit, elle fut prise d'un sentiment de panique. Soulevant avec peine son bras engourdi, elle porta sa main à son visage pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. Elle portait un ruby bleu à l'annulaire gauche.
Dans un accès de panique, elle retira violemment la bague de son doigt pour la jeter un peu plus loin.
Des larmes coulèrent de ses yeux. Ce n'était pas possible. Elle était sûrement en proie à un cauchemar et allait se réveiller rapidement. Elle se pinça à plusieurs reprises mais rien n'y faisait. Elle était toujours dans cette pièce où elle avait vécu quelques années auparavant.
Des pas dans l'escalier se firent entendre. Elle se raidit un court instant écoutant le moindre mouvement. Quelqu'un toqua à la porte une fois puis une deuxième. Finalement elle entendit cette voix dont jamais elle n'aurait cru avoir à entendre de nouveau.
-Julia ! Debout chérie. Il est huit heures passées. Tu vas être en retard au travail
Elle était incapable de lui répondre. Comment pouvait-elle répondre à un fantôme ? Il était mort. Darcy Garland était mort, assassiné par James Gillies depuis bientôt trois ans.
Elle vit la poignée se tourner doucement. Rapidement Julia se leva, chassant tant bien que mal cet engourdissement qui ne semblait pas vouloir la quitter. Elle vint coller son corps contre la porte pour empêcher Darcy d'entrer. Puis elle ferma le verrou de la porte.
-Julia qu'est ce qu'il se passe ? Pourquoi refuse tu de me laisser entrer ?
Julia se mit à réfléchir à un moyen de sortir d'ici. Elle se précipita à la fenêtre. Mais comme dans ses souvenirs, la chambre était située au deuxième étage et elle ne pouvait pas risquer d'enjamber la fenêtre sans risquer sa vie.
-Julia si tu ne me réponds pas immédiatement, j'enfonce la porte.
Julia se sentait totalement impuissante. Que faisait-elle ici et pourquoi ne se réveillait-elle pas ?
-Très bien Julia tu as gagné ! Eloigne toi de cette porte.
Le seul moyen d'avoir des réponses à ses questions était d'ouvrir la porte et de faire face à l'homme à qui elle avait demandé le divorce trois années auparavant.
Julia prit une grande inspiration avant d'ouvrir la porte. Elle ferma les yeux très fort espérant de se réveiller. Darcy s'engouffra immédiatement dans la pièce.
Elle sentit ses mains sur ses bras et s'écarta instinctivement. Elle ne pouvait tolérer qu'il la touche.
-Mais qu'est ce que tu as bon sang ?
Elle leva finalement les yeux vers lui. Il était tel qu'elle l'avait connu avant sa mort. Il se tenait droit, le regard insistant. Aucune douceur habitait son regard au contraire de l'homme dont elle était follement amoureuse.
Où était-il ? Et pourquoi n'était-il pas avec elle ?
-Darcy qu'est ce que je fais ici ?
Confus, il fronça les sourcils.
-Julia, tes propos n'ont aucun sens. Est ce que tu as de la fièvre ?
Il approcha sa main de son front pour prendre sa température mais Julia s'écarta une nouvelle fois.
Résigné, Darcy mit ses mains dans ses poches.
-Tu ne me laisses pas le choix. Je vais appeler un confrère pour qu'il vienne t'examiner.
Il quitta la pièce subitement.
Julia sentit son pouls s'accélérer. Elle ne pouvait pas le laisser faire. Si elle venait à raconter à qui que ce soit que son ex-mari était mort depuis des années, elle finirait sûrement pas être internée dans son propre asile.
Comme William le disait si bien, elle devait étudier tous les faits pour avoir une idée précise de la situation.
Julia noua sa robe de chambre qui se trouvait sur une chaise et descendit les escaliers aussi vite qu'elle le pouvait. Darcy était au téléphone. Sans réfléchir, elle se saisit du combiné et raccrocha immédiatement.
Abasourdi, Darcy ouvrit la bouche pour parler mais Julia fut plus rapide que lui.
-Excuse moi pour mon comportement de ce matin. J'ai fait un mauvais rêve qui m'a beaucoup perturbé.
Méfiant, Darcy resta sur ses gardes. Son épouse était une femme imprévisible.
-Est ce que tu veux m'en parler ?
-Non je ne préfèrerai pas. Maintenant si tu n'y vois pas d'inconvénient, je vais aller m'habiller.
Julia s'éloigna pour monter dans sa chambre mais Darcy la retint en prenant sa main dans la sienne.
Julia serra les dents de toutes ses forces pour ne pas s'enfuir en courant. Elle devait agir comme une épouse normale tant qu'elle n'aurait pas retrouvé William. En aucun cas elle ne devait éveiller encore une fois ses soupçons.
Elle se retourna finalement vers lui.
-Tu sais que tu peux me parler si tu as besoin.
Julia serra sa main puis elle lui fit ce qui lui paraissait être un sourire rassurant.
-Merci. Je pense qu'un thé me ferait le plus grand bien. Peux-tu faire chauffer la théière pendant que je fais ma toilette ?
-Je ferai n'importe quoi pour toi Julia
Il s'avança et déposa un baiser sur ses lèvres. Julia retenait son souffle tout le temps du baiser pour ne pas hurler. Ses baisers étaient dénués de toute tendresse et de passion. William faisait toujours en sorte de l'embrasser comme si cela devait être la dernière fois. Elle pensa qu'elle venait de tromper l'homme qu'elle aimait en acceptant le baiser de Darcy. Mais comment aurait-elle pu faire autrement ? Darcy ne devait se douter de rien. Elle était certaine que William comprendrait une fois qu'elle lui aurait parlé.
Darcy se recula à la fin du baiser, caressa sa joue puis se dirigea vers la cuisine.
Julia porta ses doigts à ses lèvres. Elle devait mettre fin à ce cauchemar au plus vite.
Elle fit sa toilette rapidement. Au moment de s'habiller, elle remarqua que plusieurs de ses tenues avaient disparu. Le bel ensemble mauve que William aimait tant était introuvable. Sa confusion se fit plus grande lorsqu'elle vit des tenues qu'elle n'avait jamais porté auparavant aux côtés de celles qu'elle n'avait pas porté depuis de nombreuses années. Décontenancée, Julia en choisit une familière et s'habilla rapidement.
Lorsqu'elle descendit à nouveau les escaliers, Darcy était assis à un bout de l'immense table à manger. Julia n'avait jamais aimé cette table qui symbolisait la distance qui existerait toujours entre elle et Darcy.
Elle prit place à l'autre bout et le remercia pour le thé.
-Est ce que tu as beaucoup de patients aujourd'hui ?
Julia soupira, soulagée de voir qu'une chose n'avait pas changé. Elle travaillait toujours à l'asile.
-Je le saurai une fois que je me serai rendue à l'asile
Darcy la regardait étrangement.
-Je ne comprends pas pourquoi tu devrais te rendre à l'asile. Le Docteur Roberts aurait-il encore besoin de toi pour une affaire ?
Les mains de Julia tremblèrent soudainement menaçant de faire tomber la tasse et le liquide qui se trouvait dedans. Elle posa la tasse et noua nerveusement ses mains sous la table. Elle n'avait toujours pas remis son alliance et dieu merci, Darcy ne l'avait pas remarqué.
-Darcy en quelle année sommes-nous ?
Darcy posa à son tour sa tasse de thé. La colère pouvait se lire sur son visage.
-Julia je commence à en avoir marre de ton petit jeu.
-Darcy répond moi je t'en prie.
-Nous sommes le 21 avril 1900. Maintenant dis moi à quoi tu joues.
Julia se sentit oppressée. Pourquoi était-elle revenue trois ans en arrière ? Elle devait quitter cette maison au plus vite.
-Je dois partir. Mes patients m'attendent.
-Julia attend..
Elle lui parla d'une voix qui se voulait rassurante.
-Nous nous verrons ce soir.
Au moment de passer la porte, Julia pria pour qu'elle n'ait pas à le revoir.
Une fois dehors, elle se mit à courir avec difficulté tenant d'une main sa jupe et son chapeau de l'autre. Elle devait se rendre au poste de police numéro 4. Seul William pouvait donner un sens à tout ce qui lui arrivait. Essoufflée, elle marcha rapidement en direction du plateau central lançant des regards tout autour d'elle pour tenter de l'apercevoir.
-Docteur Ogden que faites vous ici ?
Elle reconnut la voix de l'agent Crabtree. Elle jeta un coup d'oeil au bureau de William mais il était vide.
-George pouvez vous me dire où est William ? Je dois lui parler. C'est extrêmement urgent.
George la regarda avec incompréhension et tristesse. Pourquoi tout le monde la regardait comme si elle était devenue folle ?
-Il a pris sa pose déjeuner Docteur
L'étonnement pouvait se lire sur son visage. William ne prenait jamais de pose déjeuner à moins qu'ils n'aient convenu de déjeuner tous les deux. Il préférait amener un panier repas et manger dans son bureau pour ne pas perdre de temps sur une affaire et pouvoir rentrer plus tôt le soir.
Après un rapide merci, Julia quitta le poste. Elle pensait savoir où le trouver. Elle connaissait ses habitudes par cœur. En chemin, elle regarda la ville qui n'avait pas changé. Les rues étaient toujours les mêmes, les commerçants étaient à leur poste. Il n'y avait qu'elle qui n'était pas à sa place. Son regard se posa sur le journal du jour. Darcy ne lui avait pas menti. La date du jour était bien le 21 avril 1900. Ses yeux s'arrêtèrent soudainement sur un nom qu'elle connaissait bien. Son cœur manqua de s'arrêter lorsqu'elle lut le titre de l'article :
« Le détective Murdoch enfin fiancé »
William Murdoch et Louisa Jenkins ont officiellement annoncé leurs fiançailles. Le célèbre détective et la belle héritière se diront oui le 6 juin prochain.
Julia laissa tomber le journal dont les pages se déchirèrent puis s'envolèrent une à une. Elle devait se réveiller. Tout ceci n'était qu'un terrible cauchemar.