Auteur: Moi, Ooka, la fille qui n'écrit toujours que du KiriBaku. Ouais.
Titre: "Eijiro Passion Pectoraux"
Disclamer: Bon, même si on les voit pas beaucoup dans les scans ces derniers temps, aux dernières nouvelles, Eijiro et Katsuki appartiennent toujours à Kohei (même si j'aimerais bien les avoir pour moi... /BANG)
Rating: T pour la première partie, M pour les deux autres. Oui ça commence pas fort mais après ça dérape. 'Pas ma faute.
Genre: Humor/Romance
Note: BONJOUR! Vous allez bien? Vous vous en sortez, avec vos partiels, votre bac, ou même votre chien qui a des problèmes de comportement? Moi ça va, merci. Bref, aujourd'hui, on se retrouve pour la première partie d'un Three-shot sur lequel je bosse pas trop mal depuis trois mois et qui a atteint le joli score de 25K. Alors, pour l'anecdote (parce qu'il en faut toujours une sinon on s'ennuie), à la base, c'était un Two-shot, mais j'ai préféré le couper en trois parce que la partie I faisait 16K... Pour la deuxième anecdote (ahah), c'est une lectrice qui m'avait suggéré l'idée, MlleSRL68, et comme j'y avais déjà un peu pensé je me suis dit "OK C'EST PARTI". Voilà. Donc attendez vous à de la niaiserie, de l'humour douteux, et du bon gros cul à partir de la semaine prochaine. J'y suis pour rien si ces deux là finissent toujours par se sauter dessus, j'vous jure!
Bref, comme d'hab' je parle trop, alors je vous libère tout de suite avant de me mettre à encore raconter n'importe quoi.
Enjoy!
PARTIE I
L'homosexualité d'Eijiro n'était plus à prouver. D'aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours voulu se taper des mecs. Loin d'être intéressé par les courbes voluptueuses et joliment arrondies de la gent féminine, il s'était toujours pris à fantasmer sur des torses bien sculptés, aux pectoraux et aux biceps saillants, il aimait les bras musclés et les cuisses fermes, les fesses galbées qui pouvaient s'avérer pourtant si tendre lorsqu'on laissait ses doigts s'y enfoncer pour… Bref. Eijiro aimait les hommes, et ça avait toujours été ainsi.
Quand il n'était encore qu'un collégien, il avait pris l'habitude de rester discret à ce propos. Sans pour autant mentir à ses amis en leur faisant croire que lui aussi, il s'en donnait à cœur joie devant telle ou telle catégorie de porno hétéro, il se contentait juste, lorsque le sujet apparaissait au fil d'une discussion, de faire mine de s'intéresser vaguement à la question.
Pour ce qui était d'agir en revanche, étant encore trop timide à l'époque, il se contentait de regarder les autres jeunes garçons de son âge de loin, persuadé sans même oser tenter sa chance qu'elle était perdue d'avance. Malheureusement pour lui, il grandissait à une époque où les relations entre personnes du même sexe n'étaient pas encore vues d'un très bon œil par la majorité de la population.
Mais arrivé au lycée, remonté à bloc et prêt à se prouver à lui même qu'il pouvait être l'homme fort et viril qu'il avait toujours rêvé d'être, échangeant sa personnalité introvertie pour un grand sourire jovial et contagieux, bien décidé à se faire de nouvelles connaissances et même mentalement prêt à aborder les garçons qui lui taperaient dans l'œil, il fit une rencontre qui le bouleversa.
Dans le bon sens du terme, bien sûr.
Un garçon de sa classe (ils étaient en majorité, la proportion de filles était plutôt faible pour son plus grand bonheur) aux épis blonds et au regard vermeil envoûtant, un air toujours renfrogné aux traits et qui ne l'ouvrait que pour gueuler. Aux premiers abords, il était magnifique, mais il n'avait fallut qu'un jour à Eijiro pour comprendre qu'il avait un vrai caractère de merde. Et évidemment, il avait fallu que ce soit celui-ci en particulier qui lui fasse de l'effet.
Advienne que pourra, s'était-il dit un soir alors qu'il fixait le plafond de sa chambre, peinant à trouver le sommeil, ses pensées allant toutes au cendré explosif, j'ai décidé de ne plus être le minable que j'étais avant, alors pourquoi ne pas essayer, cette fois ? Après tout, j'ai peut-être une chance, aussi infime soit-elle…
Voilà comment Eijiro en était venu à tourner autour de Katsuki, un mois à peine après la rentrée, alors que les deux adolescents commençaient seulement à interagir ensemble. Étrangement -ou pas- le jeune garçon qui semblait pourtant peu propice à nouer des contacts avec ses semblables s'était laissé approcher par le carmin sans trop l'envoyer chier. Ils commençaient à être amis. Et de fil en aiguille…
§§§
Certes, Katsuki n'était pas non plus le seul et unique garçon bien sculpté de la Seconde A, non. Il y en avait d'autres sur qui le regard d'Eijiro s'était arrêté, mais aucun ne lui avait plu autant que le blond. Il y avait ce type, là, Rikido. Un gars vachement sympa avec qui il discutait sans prise de tête et qui putain, avait un corps d'athlète. Un dieu du stade. Mais bon, pour ce qui était du reste en revanche… Il était l'exact opposé du type de mec d'Eijiro.
Y'avait aussi un autre gamin, un peu trop adorable pour son propre bien, le souffre douleur du cendré par la même occasion qui sous ses airs d'ange innocent était en fait pas mal baraqué. Midoriya. Mais… Non, encore une fois, il ne correspondait pas vraiment à l'image du mec de rêve de Kirishima. Et puis, sans rire, vu la façon dont il réagissait dès qu'une fille lui adressait la parole, c'était cuit d'avance.
Bon, le fils du Héro Endeavor était franchement pas mal aussi. Mais cet air neutre et distant… Impossible de savoir ce qu'il avait derrière la tête ! Il était beaucoup trop froid. Eijiro préférait de loin quelqu'un avec du caractère plutôt qu'un garçon aussi flegmatique. Devoir batailler pour lui tirer les vers du nez… Très peu pour lui.
Sinon, du côté de ceux avec qui il commençait à bien s'entendre depuis la rentrée, Denki et Hanta (par contre ce dernier, c'était niet), l'autre blond était plutôt pas mal, mais il lui manquait les muscles. Puis vu la façon dont il reluquait les filles du lycée, c'était mort aussi.
Non, vraiment, Katsuki aurait pu être parfait sur tous les plans si seulement… En fait, il l'était. Il avait un visage magnifique, des yeux fins bordés de longs cils sombres, des prunelles carmines qui lui faisaient tourner la tête, des cheveux où se reflétaient les rayons du soleil, et un corps ! Non mais sans dec' il était carrément aussi musclé que lui, et surtout, surtout, il avait une de ses paires de pecs ! La première fois qu'Eijiro l'avait vu se désaper dans les vestiaires, il était resté bouche bée à tel point que même une remarque du dit Denki n'avait pas suffit à le faire revenir sur terre.
Bon, côté caractère, c'est clair qu'on aurait facilement pu faire plus aimable, mais cet air renfrogné qu'il arborait en permanence le rendait plutôt mignon. Ou alors c'était parce qu'il lui avait tapé dans l'œil et que sa vision était brouillée pas l'amour… Non mais si, il y avait pas à tortiller, Katsuki était canon et c'est sur lui qu'Eijiro avait jeté son dévolu. Enfin… Même si pour le moment, il se contentait de le regarder de loin. Bonnes résolutions ou non, lorsqu'il s'agissait de passer à l'acte, le carmin se liquéfiait littéralement sur place. Il avait encore du chemin à faire.
Et malgré les coups de foudre, la vie suivait son cours à Yuei. Ce soir-là, après le cours de Super Héro 101, les élèves de la Seconde A se dispersaient pour retourner aux vestiaires. L'entraînement avait eu lieu sur le terrain gamma, éclairé du plein soleil de la fin du printemps, et en sortant du labyrinthe de tuyaux, les garçons comme les filles n'avaient qu'une seule idée en tête : prendre une douche bien méritée.
Alors qu'ils rentraient dans la salle de rechange tout en discutant, enfin : Katsuki râlait et Eijiro l'écoutait tout en jetant de temps à autre un coup d'œil dans son décolleté (il bénissait le Dieu des muscles chaque après midi lorsqu'il avait l'occasion de reluquer le torse bien moulé de son camarade dans son haut d'entraînement), le blond ouvrit son casier et fit tomber sa chemise d'uniforme qu'il avait négligemment jetée là-dedans avant de se changer. Il se pencha en grognant pour la ramasser et, lorsqu'Eijiro laissa inconsciemment son regard se poser sur son fessier, il se sentit vite à l'étroit dans son pantalon et tourna immédiatement son visage vers son propre casier lorsque son camarade se redressa. Il continuait son monologue, n'ayant pas relevé les pourtant si peu discrets reluquages de son ami.
« … Et ça me casse grave les couilles ! Non mais sérieux, tu trouves pas ça abusé, toi ?
-Hein quoi ?
-Comment ça, « hein quoi ? » ? Tu m'as pas écouté en fait ? L'engueula le blond en montrant les dents. Et non en effet, Eijiro n'avait rien écouté, bien trop occupé à le mater à son insu. Il balbutia :
-Si ! Si si, et euh… Ouais, c'est carrément abusé. »
Il n'eut qu'un grognement en réponse, et le carmin passa rapidement à autre chose lorsque son camarade enleva son haut pour enfiler sa chemise. Il se fit la réflexion, après avoir du essuyer le coin de sa bouche d'un revers de manche, qu'il ferait mieux d'être discret s'il ne voulait pas se faire littéralement exploser par son ami si jamais ce dernier se rendait compte de ses oeillades.
Mais rapidement, le simple fait d'observer Bakugo lors des séances vestiaires ne suffit plus à Kirishima. Il voulait plus, il ne voulait plus se contenter de se rincer l'œil et de penser à lui lorsqu'il se retrouvait seul dans sa chambre le soir, mais il le voulait pour lui. Certes, ça faisait très possessif dit comme ça, mais Eijiro se rendait compte que Katsuki n'était plus un ami, à présent. C'était un crush, un coup de foudre. Il ressentait un vrai truc.
Il était amoureux de lui.
§§§
Triturant distraitement ses grains de riz du bout de ses baguettes, Eijiro avait le regard vague, ses yeux se perdant sur son plateau. Autour de lui, il entendait des bribes de voix auxquelles il ne prêtait pas attention, trop occupé à être perdu dans ses pensées, à tel point qu'il en avait perdu l'appétit. Son bol était encore plein -mais il avait mangé ses brochettes de viande, on parlait quand même d'Eijiro, là- et le connaissant, ce n'était pas normal.
Un énième soupir de sa part fit se retourner vers lui son ami blond, qui coupa court à la discussion qu'il menait de bon train avec Sero quelques secondes auparavant. Il lui donna un coup de coude un peu brusque qui le fit sortir de sa léthargie dans un couinement.
« Aïe ! Qu'est ce que tu me veux, Denki ?
-Tu soupires depuis qu'on a commencé à manger et il reste de la bouffe sur ton plateau. Sois t'as mal au bide, soit t'as un réel problème. Alors ? »
Kirishima reposa ses baguettes au bord de la table. Il repoussa son plateau de bout des doigts et croisa ses bras devant lui. Il jeta un œil derrière Kaminari, et Hanta discutait à présent avec la jeune fille rose qui les accompagnait toujours, Mina. Ses yeux se reposèrent sur le blond qui avait l'air d'attendre. Il souffla :
« Ben… Ça va être un peu délicat d'en discuter ici. Ça te dérange pas qu'on sorte ? »
Son camarade lui répondit d'un signe de tête, et les deux garçons se levèrent tous les deux, laissant leurs amis en tête à tête, leur disant qu'ils les rejoindraient plus tard.
Alors qu'il posait son plateau dans les rangements prévus à cet effet, Eijiro se disait que, maintenant qu'il n'avait pas nié face à Denki que non, ce n'était pas un mal de ventre qui lui coupait l'appétit mais bien autre chose d'ordre émotionnel, il se retrouvait en quelque sorte bloqué. Il n'allait pas pouvoir esquiver avec une piètre excuse, et en mauvais menteur qu'il était, il ne pouvait que lui dire la vérité.
Il ne savait pas si les autres étaient au courant de son orientation. Il n'en avait pas parlé avec eux, mais savait que parfois, ça se laissait deviner. D'un autre côté, il sentait qu'il avait besoin de vider son sac. Ça faisait plus d'un mois que l'image de Katsuki tournait en boucle dans sa tête au point de l'empêcher de trouver le sommeil, et il n'en pouvait plus. Il avait besoin d'aide, aussi sommaire soit-elle.
Les deux lycéens, après avoir quitté le self, se dirigèrent vers la cour extérieure. Un vent chaud de début d'été y soufflait, et le carmin s'appuya dos à un arbre, faisant face à son camarade qui attendait patiemment, les poings enfoncés dans les poches.
« Bon, voilà, je…
-C'est Katsuki, c'est ça ? »
Denki le regardait avec l'air le plus innocent qu'il avait en réserve au visage. Eijiro releva brusquement la tête et le fixa avec de grands yeux, les lèvres entrouvertes comme un poisson suffoquant hors de l'eau. Il se passa une, deux secondes avant que le carmin ne se reprenne, se raclant la gorge et regardant à présent l'autre jeune homme avec méfiance :
« Qu'est ce qui te fais dire ça ?
-Oh, c'est bon, arrête. Tu perds ton temps. On t'as tous cramé, tu sais. »
Eijiro, qui n'en menait pas large, commençait à perdre son calme. Il avait chaud, sentait qu'il transpirait plus que de raison et il passa une main dans sa nuque. Il allait parler, mais Denki fut plus rapide :
« Déjà, t'arrêtes pas de lui tourner autour. Rien que ça, ça prouve que t'as un truc pour lui. Mais le pire mec, c'est la façon dont tu le mates H24 ! Attends, même Mineta est pas aussi lourd que toi !
-Je vois pas de quoi tu parles, tenta Eijiro, mais sa voix mourut dans sa gorge tant la gêne qui l'envahissait était grande. Il baissa le regard, ne sachant quoi faire de ses doigts qui trituraient le bas de sa chemise. Denki posa gentiment une main sur son épaule.
-C'est bon, y'a pas d'malaise, c'est cool. Il appuya son propos d'un sourire amical. Moi, je m'en fous. Comme ça au moins, j'suis sûr que tu me piqueras pas ma future gonzesse ! »
Eijiro eut un petit rire embarrassé. Alors, il avait été si peu discret à tel point que tout le monde, plus ou moins, avait cramé son -énorme- faible pour Katsuki ? Il se sentit un peu mal à l'aise à l'idée, mais au moins, il n'aurait pas besoin d'inventer un mensonge farfelu ou de faire genre qu'il avait un ami qui était amoureux d'un autre gars… Il pouvait parler à Denki à cœur ouvert. Un nouveau soupir lui permit de rassembler tout le courage nécessaire à sa déclaration :
« Ben, je… Ouais. Je crois que je l'aime bien… »
Il releva les yeux vers son camarade et ami d'un air peu sûr de lui, comme s'il cherchait son approbation. Denki vint s'adosser à l'arbre à côté de lui.
« Donc tu es vraiment sur lui, hein ?
-Ouais…
-En vrai, tu peux avoir tes chances.
-Comment ça ?
-Ben… Fit Denki en passant une main dans ses mèches blondes, tu vois, Mineta et moi on discute souvent de meufs, on se partage nos trouvailles en matière de porn…
-Denki, je veux pas savoir !
-Pardon, mais là où je voulais en venir, c'est qu'on parle aussi des autres gens de la classe. On a un jeu lui et moi, c'est qu'on aime bien s'amuser à imaginer qui pourrait se taper qui. »
Eijiro le fixa d'un air désabusé. Il commençait légèrement à regretter sa décision de se confier à son ami. Pourtant ce dernier ne lui laissa pas le temps de réfléchir plus et poursuivit :
« On a remarqué que Katsuki plaisait aux meufs, mais que par contre, lui, il s'intéressait pas du tout à elles. Momo pourrait se mettre à poil devant lui qu'il en aurait rien à foutre…
-Bon, Denki, j'ai compris, stop. Coupa le carmin. Comment ce gars pouvait être aussi irrespectueux ? Il soupira de nouveau, et questionna, s'en tenant à l'essentiel : comment est ce que vous pouvez affirmer que Katsuki s'intéresse pas aux filles ? Vous lui avez posé la question ?
-Ah ben non, on tient à notre peau, hein. Mais j'veux dire, c'est le genre de truc qui se voit. Qui se… Sent. Comme toi, ça s'voit que tu kiffes les gars… Et on t'as pas posé la question, pas besoin de ça pour en être sûr.
-Attends, comment tu peux classer les gens dans des cases comme ça ?
-Mais j'ai raison, non ? Regarde, à propos de toi, on avait vu juste.
-Oui mais c'est peut être juste un coup de chance ! Katsuki ne montre peut-être pas d'intérêt pour les filles parce qu'il est plus occupé à devenir le numéro un…
-Qu'à se taper des meufs, compléta le blond, oui, c'est ce qu'on c'est dit ! Mais c'est un mec de seize ans, en plein boom de testostérone et d'hormones comme nous… Alors à moins qu'il soit déficient sexuellement et que…
-Bon, ça suffit, fit Eijiro en se décollant du tronc. Il comprit que la conversation avec Denki, vu comme elle était partie, tournait en rond et ne le mènerait nulle part, je retourne en classe.
-Parle-lui. »
Eijiro qui avait commencé à s'avancer, s'arrêta pour se retourner.
« Quoi ?
-Parle à Katsuki. De toute façon, borné et buté comme il est, il ne fera jamais le premier pas vers qui que ce soit. Essaie au moins de discuter avec lui pour voir si t'as tes chances. »
Le carmin eut une petite moue pensive. Parler à Katsuki... Il ne savait pas, mais s'il n'essayait pas, la situation resterait la même pour toujours et il ne se contenterait que de l'imaginer dans ses fantasmes les plus fous alors qu'il pourrait, peut-être, éventuellement, avec un peu de bol, l'avoir pour de vrai.
Sans répondre, il tourna le dos à son camarade et s'en alla en direction de leur salle de classe, perdu dans ses tribulations mentales. Il ne le savait pas encore, mais même si elle n'en avait pas eu l'air, cette discussion avec Denki allait l'aider plus qu'il ne l'aurait imaginé.
§§§
La journée avait laissé place à une nuit chaude, sans nuages. Les étoiles illuminaient le ciel, accompagnant un large croissant de lune qui éclairait la ruelle des ses rayons pâles. Accoudé à sa fenêtre, les bras croisés et le menton posé par dessus, Eijiro regardait les astres, perdu au plus profond de ses pensées. Ses yeux faisaient des aller-retours entre l'astre de la nuit et les points clignotants des satellites qui traversaient le ciel de temps à autres.
La journée s'était plus ou moins terminée comme d'habitude. Ils avaient repris les cours de l'après midi avec l'entraînement de Super Héro 101, ce qui n'avait pas laissé au jeune homme le temps de réfléchir à sa discussion avec Denki. Ce ne fut qu'une fois de retour chez lui que les paroles du blond lui revinrent en mémoire. Et ce soir encore, il ne trouvait pas le sommeil, ses pensées allant toutes à l'autre blond, celui qui hantait littéralement ses nuits, à tel point qu'il ne restait plus une seule place de libre dans son esprit pour lui permettre de décompresser.
Un soupir retentit dans le silence de la ruelle. Une voiture ronronnait parfois, passant sur la voie adjacente, mais ce soir, le quartier était particulièrement calme. Eijiro baissa les yeux, fixant le paysage en dessous de sa fenêtre. Depuis le premier étage où il était, il laissa ses yeux balayer la rue, appuyant sa joue contre son bras.
Parler à Katsuki. Bien sûr qu'il le devait. Même si il ne s'en sentait pas le courage, il ne pouvait pas continuer comme ça toute sa vie, à penser à lui au lieu de dormir. Il ne tiendrait pas bien longtemps, sinon. Ce qui l'ennuyait, c'était qu'il oscillait entre deux états d'âme. Un jour, il se disait qu'il avait toutes ses chances après un sourire échangé avec le cendré, ou un éclat de rire de la part de ce dernier. Un autre, lorsque Katsuki était dans ses mauvais jours et l'envoyait proprement chier, il réalisait qu'il était plus qu'idiot d'imaginer n'avoir ne serait-ce qu'une seule chance avec lui.
En plus d'être perdu par rapport à l'autre adolescent, il l'était aussi avec lui même. Il se sentait enfermé dans une cage, dont les barreaux étaient faits de ses doutes.
Il se redressa et quitta sa fenêtre pour aller se vautrer entre ses draps. Sa chambre était baignée de la lumière pâle de la lune, et il distinguait vaguement les formes du mobilier et les images des posters fichés au mur. Au dessus de son lit, Crimson Riot trônait fièrement, les bras croisés sur son torse musclé, le regard au loin. Il tourna le visage vers lui, fixant le papier glacé.
L'effigie lui rappelait celui qu'il était auparavant, mais était aussi l'image de ce qu'il voulait devenir. Un mec super cool et viril, qui en jette, qui n'a peur de rien et suis son chemin de vie sans se poser mille et une questions… Tout le contraire de ce qu'il était lui, au final. Il se recroquevilla sur lui-même, tournant le dos au poster.
Il s'était pourtant promis de changer et de ne plus être le loser qu'il était à l'époque du collège. Il s'était juré qu'à partir de maintenant, il serait fier de chacun de ses choix et de ses actes, mais apparemment, ça n'était pas aussi simple que ça. Il ne suffisait pas de se fixer dans le miroir et de se promettre tout ce qu'on voulait entendre, parce qu'il fallait aussi agir.
Et ça, il en était toujours incapable, même malgré toute sa bonne volonté.
§§§
Le lendemain, Eijiro était plutôt morose, à l'image des nuages gris qui recouvraient la ville et de la pluie fine qui tombait sur Musutafu. Il quitta son domicile un parapluie sous le bras pour se protéger d'une éventuelle averse, et se dirigeait en direction de la gare les yeux rivés sur le sol.
Il avait encore la tête dans ses idées noires de la veille. Il se sentait vidé de toute motivation, et s'il avait pu, il aurait préféré rester à larver sous sa couette plutôt que de se lever pour prendre le chemin du lycée. Mais bon, il n'avait pas le choix de toute façon. Il devait essayer de trouver au fond de lui cette inexistante étincelle d'inspiration qui lui permettrait d'affronter cette magnifique journée.
Il pressa le pas lorsqu'en arrivant à l'entrée de la gare, il vit sur le tableau d'affichage que son train partait dans une minute. Il s'engouffra dans le wagon avant que les portes ne se referment, prenant la direction du Yuei, et arriva à l'entrée du lycée une vingtaine de minutes plus tard où il croisa Iida, en imper jaune poussin qui se dirigeait vers les portes du campus au pas de course. La vision de son délégué ainsi vêtu lui arracha finalement un sourire, et ce fut le cœur un peu moins lourd qu'il fit son chemin jusqu'à la salle de cours.
La matinée fut comme tant d'autres, enchaînant cours d'anglais (qu'il haïssait proprement) et cours de littérature japonaise (qui n'était pas mieux, de son point de vue). Il avait du mal à se concentrer, jetant de temps à autres des coups d'œil furtifs sur le dos de la source de toutes ses réflexions nocturnes assis un peu plus loin devant lui. La silhouette trapue était penchée sur son bureau, griffonnant de temps à autres dans un coin de son cahier ou regardant la pluie tomber par la fenêtre lorsqu'il se désintéressait momentanément du cours lui aussi.
L'après midi fut, en revanche, un peu moins palpitant que ce à quoi ils étaient habitués. Réunis sous le gymnase couvert, les élèves avaient fait des simulations de sauvetage pendant deux bonnes heures. Eijiro, mit par le professeur en binôme avec Tooru qu'il portait sur son dos pour l'emmener à l'autre bout du terrain car celle-ci jouait la blessée, soupira entre deux foulées. La jeune fille ne manqua pas de le remarquer :
« Il y a un problème, Kirishima-kun ?
-Hein ? Non, pourquoi tu me demandes ça ?
-Tu as fait la tête toute la journée et là, tu n'arrêtes pas de soupirer. Tu n'est pas aussi sombre d'habitude, on croirait voir Fumikage ! Qu'est ce qui ne vas pas ? »
Le jeune homme reposa doucement sa camarde au sol. La paire de gants volants vint se placer en face de lui.
« C'est juste que je m'ennuie un peu, aujourd'hui… Je m'attendais à un cours plus palpitant que du simple sauvetage.
-Ah, oui, c'est vrai que tu as toujours l'air de beaucoup plus t'amuser lorsqu'on fais des simulations de combat… Mais tu sais, le sauvetage fait aussi partie du quotidien des héros. C'est peut être moins amusant, mais c'est tout aussi essentiel. Lorsqu'on sera pros, on sera bien préparés, comme ça ! »
Les deux gants se levèrent en l'air, suivant les mouvements de la jeune fille invisible. Eijiro eut un léger sourire :
« Ouais, t'as raison. »
Son regard dévia de son interlocutrice pour aller se poser plus loin, de l'autre côté du gymnase, où Katsuki, mit en binôme avec Sato, engueulait copieusement ce dernier pour une raison inconnue. Il ne pouvait pas avouer le fond de sa pensée à Tooru. Il ne pouvait pas lui dire que ce qui le tracassait réellement, c'était qu'il avait le crush de l'année sur le type le plus grognon du lycée et qu'il ne savait pas comment le lui annoncer.
Un nouveau soupir ne put s'empêcher de franchir la barrière de ses lèvres.
Il était dix huit heures passées lorsque les élèves quittèrent les vestiaires après s'être changés pour renter chez eux. La pluie tombait de plus belle, le crachat de la journée s'étant transformé en une belle averse. Eijiro, son parapluie sous le bras, s'auto-remercia mentalement d'avoir pensé à le prendre avec lui ce matin. Alors qu'il faisait glisser son sac sur son épaule pour pouvoir se servir de ses deux mains afin de le déplier, une voix rauque retentit dans son dos :
« Putain, fait chier. »
Eijiro se raidit. Il l'aurait reconnue entre mille. Il se retourna brusquement et se retrouva face à son camarade blond, un air mauvais aux traits.
« Katsuki ! Il sentit son ventre danser la samba avec son cœur et fit de son mieux pour garder sa contenance. Depuis quand il lui faisait cet effet, d'ailleurs ? Tu… Y'a un problème ?
-Oui, y'a un problème ! J'ai pas de parapluie ! Ragea le cendré en pointant le rideau de pluie du bout d'un doigt accusateur. Le visage d'Eijiro s'illumina, il vit en la détresse de son ami une occasion en or :
-J'en ai un, moi ! On a qu'a aller jusqu'à la gare ensemble.
-… Ok. » Fit le jeune homme, l'air peu convaincu mais résigné.
Et une fois déplié, les deux lycéens s'engouffrèrent sous le parapluie salvateur pour faire leur chemin jusqu'en bas de la côte. D'une main, le carmin tenait le manche, et de l'autre, il agrippait la bretelle de son sac à dos, pendu à son épaule. Ils marchaient en silence, Katsuki les poings enfoncés dans ses poches et les sourcils froncés, et Eijiro le regard au loin, l'air tendu comme s'il s'apprêtait à passer l'entretient d'embauche de sa vie. Les paroles de Denki lui revinrent en mémoire.
Parle-lui.
Il déglutit. Il était mignon, lui, aussi ! Comment aborder un tel sujet avec une bombe à retardement comme Bakugo sans passer pour un abruti fini ? Il voyait le quai de gare en bas de la côte, et jeta des coups d'œil furtifs à droite et à gauche, cherchant désespérément de quoi engager la conversation, et qui aurait pu, en même temps, lui permettre d'y voir un peu plus clair sur le cas de son camarade.
Soudain, sur le trottoir d'en face, apparut une jeune femme d'une vingtaine d'années, portant un tailleur impeccable, se protégeant elle aussi de l'averse sous un parapluie transparent, ses talons cognant contre le bitume. Eijiro ne réfléchit pas plus :
« Hé, dis, Katsuki… C'est quoi, ton type de fille ? Celle d'en face, t'en penses quoi ?
-Hein ? Rugit le cendré qui venait d'être tiré de ses pensées par la question d'Eijiro. Il ne prit même pas la peine de jeter un regard à la fille en question avant de gronder : C'est quoi, cette question débile ? Parle plutôt de ça avec la pile électrique et l'autre pervers. Je m'en fous, moi.
-Pardon… Balbutia le carmin qui se frappa mentalement en se traitant de tous les noms d'oiseaux. Quelle andouille ! Katsuki allait croire qu'il était intéressé par les femmes, maintenant ! Il se reprit : Euh, mais, qu'est ce que tu veux dire par je m'en fous ? »
Le silence retomba momentanément sur les deux lycéens, troublé par le crépitement de la pluie sur la toile qui les protégeait. Katsuki soupira avec agacement avant de répondre :
« Il faut te faire un dessin, ducon ? Je m'en fous, et puis c'est tout. J'ai mieux à faire que de m'intéresser à ça. »
Et sur ses sages paroles, il arrivèrent sous le toit de la gare. Katsuki réajusta son sac sur son épaule avant de se tourner vers le carmin :
« … Merci pour le parapluie, fit-il en le fusillant du regard, détestant tout ce qui se rapportait de près ou de loin aux marques de gratitude, à demain. »
Eijiro resta comme un idiot, la bouche ouverte, le manche toujours entre les mains.
« À demain… » Répondit-il, mais Katsuki était déjà loin.
Il cligna des yeux, s'extirpant de sa pensée, et s'empressa de replier l'objet sous peine de passer pour un idiot, à se protéger de la pluie alors qu'il était déjà sous un toit. Alors qu'il le refermait, il ne put s'empêcher de se rejouer en boucle les paroles prononcées par l'autre garçon quelques minutes plus tôt : « Je m'en fous, j'ai mieux à faire que de m'intéresser à ça… » Mais qu'est ce qu'il avait voulu dire ? Qu'est ce qu'il devait déchiffrer de cette déclaration tout sauf explicite ?! Qu'est ce que ça signifiait, merde ! Est ce que Katsuki se foutait juste des relations plus ou moins amoureuses, ou est ce qu'il n'était juste pas intéressé par la gent féminine, et n'avait pas osé le formuler autrement ?
Eijiro était à deux doigts de s'arracher les cheveux face au casse-tête humain qu'était son ami, à tel point qu'il en rata son train, trop occupé à tenter de déchiffrer ses paroles. Lorsqu'il vit son wagon quitter la gare, il était trop tard, et dans un soupir désabusé, alla s'asseoir sur un banc en attendant le prochain qui passait dans une grosse demie-heure.
Une vraie journée de merde.
§§§
Le lendemain, la couche nuageuse avait disparu, laissant place à un magnifique soleil de printemps qui réchauffait de ses doux rayons la ville encore humide des pluies diluviennes de la veille.
Eijiro, qui avait une fois de plus passé l'intégralité de sa soirée à se retourner le cerveau, arborait ce matin un magnifique sourire lorsqu'il poussa la porte de sa salle de classe.
Il en était arrivé, après de nombreuses heures d'intense réflexion (comme quoi, quand il le voulait il le pouvait…) à la conclusion qu'en effet, il pourrait, éventuellement, avoir de réelles chances avec le blond.
Son raisonnement était le suivant : s'il alliait les paroles de Denki aux révélations de la veille de son camarade, tout collait. Katsuki ne s'intéressait pas aux filles. Sinon, il aurait au moins regardé la jeune femme d'hier avant de l'engueuler comme un malpropre. Et, suivant toujours l'hypothèse de la pile électrique, qui disait que « tout jeune homme entre 14 et 18 ans subissait un pic de testostérone qui l'accablait d'un incontrôlable désir sexuel », il en venait à la conclusion suivante :
Si Katsuki lui avait affirmé qu'il ne portait aucun intérêt aux filles, et si Katsuki avait entre 14 et 18 ans, ce qui était le cas, alors il pouvait affirmer que ce dernier trouvait donc son bonheur de l'autre côté. Qu'il était comme lui, en gros. Attiré par le même genre. C'était logique !
Satisfait plus que de raison par le résultat auquel il en était arrivé, Eijiro ne réalisait pas à quel point son raisonnement était foireux et bancal. Mais comme l'espoir faisait vivre, il n'en tenait pas compte une seule seconde, et ce fut remonté à bloc qu'il pris place sur sa chaise, rangeant son sac à dos sous son bureau et sortant ses affaires d'un air ravi. Denki, qui était arrivé un peu avant lui, se retourna vers son ami qui avait le sourire jusqu'aux oreilles :
« Salut mec. Ben alors, qu'est ce que t'as ? C'est quoi ce sourire ?
-Denki, écoute-moi. Il se pencha par dessus son bureau et souffla : t'avais raison. Katsuki est gay aussi. »
Le blond ouvrit de grand yeux et se retourna totalement vers son interlocuteur, soudainement intéressé par la conversation :
« Tu déconnes ? Alors, tu lui a demandé ?
-Hier, il m'a dit qu'il ne s'intéressait pas aux filles.
-Ah, tu vois !
-Et si on suit ton résonnement, c'est qu'il est forcément homo !
-On est d'accord ! »
Les deux adolescents, partis dans leur délire, échangèrent un high-five avant que la porte de la salle de classe ne s'ouvre sur leur terrible professeur principal qui les fusilla du regard dès l'instant où il eut posé un pied dans la pièce.
« On en rediscute tout à l'heure. » Chuchota Kaminari en se remettant dans l'axe. Eijiro approuva d'un hochement de tête.
À la pause de midi et deux, les deux complices se retrouvèrent pour déjeuner en toute amitié en tête à tête sous un arbre, armés de sandwichs. Eijiro s'assit lourdement en tailleur dans l'herbe, imité par son camarade qui s'installa en face de lui.
« Bon, on commence par où ? Fit Denki qui commençait déjà à s'acharner sur l'emballage de son sandwich onigirazu.
-Ben, euh… Je comptais lui dire dans la semaine.
-Déjà ? C'est pas un peu soudain ? S'étonna le blond en arrachant le plastique qui entourait son déjeuner d'un coup d'un seul.
-Je peux plus attendre, tu te rends pas compte ! Ça fait depuis la rentrée que l'ai dans le viseur !
-Ouais, ouais, ok. T'as réfléchis à ta déclaration ?
-Hein ? Non… »
Le carmin baissa les yeux. Évidemment que non, il n'y avait pas réfléchit. Il se sentit un peu moins emballé, soudainement. Denki lui donna un coup de coude :
« Eh ça va, y'a pas mort d'homme. T'façon je pense pas que Katsuki serait du genre à kiffer une longue tirade du style je t'ai aimé dès le premier regard que j'ai posé sur toi…
-Arrête ça.
-Pardon, ricana-t-il, non mais sans rire, c'est vrai. Avec lui vaut mieux être honnête et aller droit au but. Si tu tournes autour du pot tu te feras juste exploser. »
Kirishima fixa son ami, l'air pensif. Il avait sûrement raison. Il n'imaginait pas une seule seconde Bakugo l'écouter patiemment alors qu'il balbutierait des phrases incompréhensibles. Il devait y aller franco, être direct, et assumer un peu ses choix comme un vrai mec viril le ferait. Il prit une inspiration et bomba le torse :
« Ouais, t'as raison. Merci, Den' !
-C'est un plaisir. » Lui répondit son ami en chassant un grain de riz collé à sa joue.
La décision d'Eijiro était prise. Il aurait avoué ses sentiments au blond explosif avant la fin de la semaine.
Enfin, si seulement ça aurait pu être aussi simple. La vague de confiance qui avait submergée le jeune homme s'était retirée aussi vite qu'à l'approche d'une marée basse lorsqu'il retomba sur le cendré au détour d'un couloir avant de revenir en cours. Il avait manqué d'avaler sa langue en rentrant presque dans son camarade, qui l'avait encore une fois rabroué pour son manque de concentration :
« Putain, Eijiro, regarde où tu vas un peu !
-Excuse-moi ! » S'était empressé de répondre le carmin qui commençait à sentir son fichu cœur s'emballer dans sa poitrine juste parce qu'il avait malencontreusement posé ses mains contre les pectoraux de Katsuki dans la précipitation.
Ce dernier lui avait tourné le dos et reprit sa route, l'ignorant royalement tout en grognant entre ses dents. Kirishima le regarda s'éloigner avec une petite moue contrariée. Avant la fin de la semaine, peut-être que ce serait un peu plus compliqué que prévu, finalement.
Et si il se prenait le râteau du siècle ? Et si sa théorie farfelue ne tenait en fait sur rien de concret ? Et s'il voyait ses espoirs s'effondrer comme un château de cartes après un courant d'air ? Il commençait à se laisser de nouveau envahir par ses doutes, et sentait son moral retomber à zéro aussi vite qu'il était remonté tout à l'heure. Mais il n'eut pas le temps de plus se laisser aller à ses peurs, car la sonnerie le tira de ses pensées.
§§§
Le soir, lorsqu'il fut de retour chez ses parents, ces derniers l'interrogèrent pendant le dîner, inquiets de le voir si peu bavard ces derniers jours. Il avait inventé une excuse éclair, invoquant une surcharge pondérale de travail imaginaire qui lui prenait la tête, avant de monter à l'étage rejoindre sa chambre pour aller dormir. Il tira ses rideaux, rabattit la couette sur lit, et se mit à fixer le plafond un long moment avant de trouver le sommeil.
Il repensa à Katsuki et soupira tristement. C'était fou de voir à quel point il l'obsédait littéralement. Il ne pouvait pas s'empêcher de le voir partout où il n'était pas, d'entendre sa voix même s'il ne disait rien, et il se souvenait même de son odeur, celle-là même dont l'effluve semblait emplir sa chambre alors qu'il n'y avait jamais mis les pieds. Il se retourna entre ses draps, ses doigts se crispant sur sa couverture.
Il rêvait de pouvoir être plus détendu en sa présence. Ces derniers jours, il avait juste eu l'impression de passer pour un con auprès de lui à chaque fois qu'il ouvrait la bouche ou faisait un geste, à tel point qu'il lui arrivait de perdre ses mots lorsqu'ils discutaient tranquillement tous les deux. Katsuki devait vraiment penser qu'il avait un problème, à ce stade, et ses doutes l'assaillaient à un point où il se demandait sérieusement s'il n'allait pas le faire fuir avec son comportement douteux.
Peu à peu, ses paupières se fermèrent alors qu'il trouvait le sommeil, ses pensées encore toutes dirigées vers un certain adolescent aux cheveux blonds en pétard…
…À tel point qu'il rêva de lui toute la nuit. Au début, il ne s'agissait que d'un rêve innocent. Ils étaient tous les deux, assis sur ce qui semblait être un banc du parc de Yuei, discutant avec aisance et naturel. Puis, il s'autorisait même à lui prendre la main et à l'embrasser sur la joue, sans se faire repousser, frapper ni même insulter par l'autre garçon. Bon, la suite du rêve était beaucoup moins chaste, car l'instant d'après ils se retrouvaient allongés sur le dit banc, leurs vêtements éparpillés à leurs pieds, Katsuki gémissant le prénom d'Eijiro au dessus de lui en train de le… Et dans les règles de l'art, s'il vous plaît.
Le réveil fut brutal, le jeune homme se redressa entre ses draps, sursautant comme un dingue lorsque la sonnerie stridente de son téléphone le tira de ses songes. Il regarda autour de lui, hagard et perdu comme s'il ne savait même pas où il se trouvait, avant que ses idées ne se remettent en place. Il fit taire son réveil et soupira, une longue plainte exagérée, avant de soulever avec méfiance ses draps pour constater avec dépit qu'une grosse bosse déformait son boxer. Il se frappa le front du plat de la main, insultant mentalement son subconscient à l'esprit mal tourné de lui concocter des rêves aussi hardcore, avant de se lever pour aller prendre une bonne douche, histoire de se remettre les yeux en face des trous.
Alors que le jet d'eau agréablement tiède l'arrosait et qu'il versait au creux de sa main une généreuse dose de shampooing, il se fit la réflexion qu'il ne pouvait plus continuer comme ça. Ça allait au bout d'un moment, de se laisser torturer par ces incertitudes, mais les vrais mecs agissaient au lieu de se contenter de fantasmer toute leur vie. Et il en était un ! Enfin, il l'espérait, du moins…
Il quitta la cabine de douche un petit quart d'heure plus tard une serviette nouée autour de la taille, enfila son uniforme en quatrième vitesse, avala son déjeuner préparé en amont et avec soin par sa maman avant de filer hors de la maison pour aller prendre, comme chaque matin depuis un bon mois maintenant, le train qui le menait au lycée.
Il ne se sentait pas tout à fait prêt mais ne pouvait plus attendre d'avantage, et sa décision était prise : il allait se confesser à Katsuki aujourd'hui. Pas demain, ni après demain, et encore moins jamais, mais tout à l'heure, là, cet après midi. Parce que cette spirale infernale d'hésitation et d'indécision le rendait tout bonnement fou.
Il avait les mains moites quand il arriva devant les portes de Yuei. Il déglutit, enserrant entre ses doigts les lanières de son sac à dos et inspira avant de faire le pas qui lui permettrait de franchir la barrière comme s'il s'apprêtait à faire un saut dans le vide. Quelques mètres plus loin, les poings enfoncés dans les poches et la silhouette légèrement courbée comme à son habitude, marchait Katsuki qui dégageait une mauvaise aura dès le matin. Eijiro sentit son cœur faire ses valises et sortir de sa poitrine mais il fit de son mieux pour se ressaisir. Il ne devait plus fuir.
Il le salua rapidement une fois arrivé dans la salle de classe, et s'installa à sa place, juste derrière le siège vide de Kaminari qui n'était pas encore arrivé. Il jeta un œil à sa montre. Les cours commençaient dans cinq minutes, et la pause déjeuner était à midi. Il avait quatre heures pour se préparer mentalement.
Allez courage, se dit-il, ça va le faire. Ça va le faire.
§§§
Le retentissement de la sonnerie le fit sursauter. Il regarda sa montre comme s'il n'en revenait pas, et c'était le cas : c'était bien la première fois de sa vie que les heures défilaient si vite. Il tourna les yeux et sentit son ventre se tordre d'appréhension en voyant Katsuki se lever de sa chaise, prêt à quitter la salle. C'est maintenant ou jamais, bouge toi ! Il se leva à son tour et posa une main sur son bras alors que le cendré passait la porte.
« At… Euh, attends, Katsuki.
-Quoi ? Grogna le blond en tournant les yeux vers son camarade qui l'empêchait d'avancer.
-T'aurais deux minutes ? »
L'expression renfrognée du jeune homme se dissipa au profit d'un visage moins crispé. Il le regarda une seconde, tentant de déchiffrer dans le regard de son vis-à-vis quelconque information pouvant lui en apprendre plus sur la nature de sa demande. Il finit par acquiescer d'un simple hochement de tête. En les voyant s'éloigner tous les deux, Denki, resté assis à sa table, lui adressa un discret signe d'encouragement.
Arrivés au bout du couloir du dernier étage, Eijiro poussa la porte d'accès au toit. Il se décala pour laisser passer son ami, qui était étrangement calme depuis leur sortie de cours. Il montèrent les quelques marches qui les séparaient du toit avant que la lumière de l'extérieur ne les illumine tous les deux. Katsuki se protégea d'une main devant son visage avant d'aller s'appuyer contre un mur. Eijiro le rejoint les poings dans les poches. Il n'en menait pas large.
Lorsqu'il fut en face de son ami, il inspira. Il ignora son cœur tambourinant à vive allure et darda sur lui un regard peu assuré :
« Katsuki, je… Hum… Il se frotta l'arrière de la nuque, posant vite ses yeux ailleurs, ne pouvant soutenir plus longtemps les prunelles rouges de Bakugo qui le sondaient. Tu vois, en fait y'a un truc que je voulais t'dire… »
Ça sentait pas bon. Il ne savait pas comment lui annoncer ça. Il avait bien imaginé deux ou trois trucs pas trop fumeux tout à l'heure en cours mais la panique lui faisait tout oublier, si bien qu'il n'était même plus sûr de sa propre date de naissance. Il se rappela in extremis des conseils de son ami la veille : ne tourne pas autour du pot ou tu te feras exploser.
« Je… Je crois que je… t'aime bien ? Enfin, j'veux dire, je pense ? Euh, non ! J'en suis sûr ! Raaah, non, ce que je veux dire c'est que j'ai… Je… »
Il s'emmêlait les pinceaux et rougissait à vitesse grand V, si bien qu'il n'y eut rapidement plus un seul centimètre carré de blanc sur son visage. Il faisait des gestes avec ses mains, ne sachant plus ce qu'il disait, n'osant même pas regarder le blond pour voir sa réaction. Le dos accolé au mur, les bras croisé et le regard légèrement curieux, Katsuki le laissait parler, du moins, tenter de communiquer, l'air d'avoir du mal à suivre. Il finit par trancher :
« Eijiro, ça t'ennuierais d'être plus clair ? Je pige que dalle à ce que tu me racontes, là. J'ai pas toute la journée.
-Pardon… »
Ce fut la dernière chose qu'il fut en mesure d'articuler. Il baissa les yeux au sol, son regard se perdant sur ses pieds. Il commençait à regretter sa décision d'avoir foncé tête baissé de la sorte, il se sentait con et mal à l'aise. Soudainement, il avait envie que ça se termine vite.
« J'suis désolé… Ce que j'essaie de te dire, c'est que je… Pfff, c'est pas facile… Il avait quand même trouvé le courage de reposer son regard sur lui, j'suis attiré par les mecs, et je ressens un truc pour toi. »
Il y eut un silence. Un coup de vent souffla, accélérant la course des nuages, faisant glisser sur le toit des feuilles qui étaient venues s'y perdre. Les yeux de Katsuki s'agrandirent, et son dos se décolla du mur. Il décroisa les bras et ce fut à son tour de se frotter la nuque.
« … Ah. »
Fut tout ce qu'il fut en mesure de répondre. Voyant qu'en face de lui, le pauvre Eijiro se décomposait à l'image d'une vieille souche de bois, il tiqua et grogna entre ses dents, fidèle à lui même, et pourtant attentionné face à la situation :
« Fais pas cette gueule, andouille ! Je cherche mes mots… »
Le rouge commençait à lui tinter les joues aussi, et après avoir grommelé pendant encore quelques instants, il se remit à fixer l'autre adolescent sous ses sourcils froncés par la gêne.
« J'avais compris, au fait, hein.
-Quoi ? Questionna Eijiro en manquant de s'étouffer avec sa salive.
-Je suis pas con, et encore moins aveugle, abruti. J'ai vu comment tu me matais aux vestiaires. »
Eijiro cligna des yeux, avant de planter littéralement. Il resta interdit, pris de court, ne sachant quoi répondre avant de tenter de se défendre :
« Mais non ! Je… J'ai jamais fait ça !
-Oh la ferme, ça va hein, à d'autres. Franchement, t'as vraiment cru que je le remarquerais pas ? T'as combien de neurones, au juste ? Un ? Deux ?
-Katsuki, c'est pas gentil… » Bredouilla Eijiro, mais il était trop mal à l'aise pour oser répliquer plus.
Le cendré souffla, passant la main qui avait frotté sa nuque un peu plus tôt dans ses épis blonds.
« Ouais, et j'm'en fous. Tu m'as assez reluqué pour les trente ans à venir, sérieux. Même un voyeur récidiviste est pas pire que toi.
-Mais non !… Il allait de nouveau tenter une stratégie de défense, mais autre chose l'interpella. Il demanda, peu sûr de lui, ayant peur de se prendre un nouveau soufflet de la part du blond : attends, si ça t'ennuyais tant que ça, pourquoi tu m'as pas engueulé ? Qu'est ce qui t'aurais empêché de m'en mettre une ? »
Cette fois, Katsuki détourna les yeux. Son air des plus mauvais jours avait repris possession de ses traits et il avait de nouveau croisé les bras, se fermant totalement à la discussion. Eijiro crut comprendre :
« C'est… C'est parce que ça te dérangeais pas ?
-La ferme!
-Ça te dérangeais pas alors tu m'as laissé faire ?
-Ferme ta grande gueule, j'ai dit ! »
Ce fut comme si les rôles avaient été échangés. Kirishima fixait maintenant Bakugo avec insistance alors que ce dernier se défilait, rougissant encore plus à chaque question de la part du carmin. Il sentit une maigre étincelle d'espoir se rallumer tout au fond de lui.
« Est ce que… Ça pourrait vouloir dire que j'ai mes chances avec toi ?
-Gh !… Qu'est ce qui te faire croire ça, triple con ?! J'ai jamais dit que c'était bon, alors t'arrête de t'emballer pour rien ou j'te jure que j'te tue ! »
Katsuki était déchaîné, et en face de lui, Eijiro tempera comme il put la situation en mettant ses deux mains en face de lui :
« T'énerve pas, t'énerve pas ! Pardon, je voulais pas te mettre mal à l'aise. Je… Le maigre sourire qui avait fleuri sur ses lèvres était accompagné d'un regard triste qui se perdait encore une fois vers le sol. Je voulais juste t'en parler parce que j'arrivais plus à le garder pour moi. J'attendais rien… Si c'est pas réciproque, je comprendrai tout à fait… »
Pourtant, il sentait sa voix mourir et une boule se nouer dans sa gorge. Ses yeux s'embuaient. Alors pourquoi lui mentait-il en lui disant qu'il n'espérait rien ? Peut être pour rendre sa propre déception un peu moins amère… Il déglutit. Son sourire avait disparu. Katsuki soupira bruyamment.
« Arrête ça. J'ai pas dit que c'était mort non plus, j'te ferai remarquer, alors tu m'enlèves tout de suite ce putain de regard de chien battu de ta tronche. »
L'adolescent releva immédiatement la tête. Il était perdu, et ça devait se lire sur son visage. Une expression mêlée de tristesse, de déception et d'incompréhension. Katsuki gronda avant de continuer :
« … On peut essayer.
-… Tu veux dire que…
-Mais j'te jure que si tu me fais trop chier, je te jette. T'es prévenu. »
Cette fois-ci, la réaction du carmin ne se fit pas attendre. Il se jeta littéralement sur le blond, des larmes plein les yeux, sentant la pression qui pesait désagréablement sur lui depuis des jours s'envoler miraculeusement. La réaction de Katsuki fut elle aussi immédiate, et il s'empressa de le repousser brutalement, envahi par la gêne palpable qui s'était instaurée entre eux. Malgré tout, le soulagement se laissait aussi sentir, et le cendré capitula finalement, laissant l'autre adolescent le serrer contre lui quelques secondes.
Lorsqu'Eijiro le lâcha, il passa une main rapide sur ses joues, chassant les quelques larmes qu'il n'avait pas pu retenir. Il gratifia l'autre adolescent d'un large sourire sincère qui fit valser l'estomac de ce dernier et pour toute réponse, Katsuki se contenta de son grognement d'ours mal léché habituel.
« Alors on… Kirishima hésita un peu avant de se reprendre, on sort ensemble ?
-Ouais. » Grommela-t-il en détournant les yeux.
À bien y regarder, il avait l'air gêné par la situation mais Eijiro ne le releva pas. Pour l'heure, il était beaucoup trop heureux pour se préoccuper de quoi que ce soit.
À suivre…
*danse la victoire* ÇA Y EST! ILS SE SONT PÉCHOS! YES! Putain, c'est pas trop tôt!
Bref, j'espère que vous avez apprécié cette première partie, que vous avez ri, pleuré ou que sais-je encore, quoi qu'il en soit rendez-vous samedi prochain pour la partie II.
Merci à vous d'avoir lu, merci x2 si vous prenez le temps de laisser une petite review, pour me dire si vous avez vu des coquilles ou encore pour me jeter une pierre ou me donner un (1) coup de pied (pas plus d'un par foyer svp) parce que vous avez besoin de vous défouler.
Sur ce, à dans sept jours, d'ici là, bouffez des cerises!
Bye!
