Un vide en ce monde
Résumé : John a du mal à faire face à la perte de Sherlock. Un mystère apporte de la distraction... ou pas ?
Note de l'auteur : Ceci est la cinquième partie de ma série "Aucun autre coeur que le tien". Elle peut quelque peu spoiler ceux qui n'ont pas lu les parties précédentes, ça sera donc plus compréhensible si vous lisez la série dans l'ordre, vous saurez ainsi comment John et Sherlock s'en sont retrouvés là.
Warnings : Slash Sherlock/John, assez imagé. Et gros, très gros spoils de la saison 2. Pensées suicidaires, références à une ancienne relation abusive, non-consentie, agression sexuelle.
Lisez et s'il-vous-plaît laissez des reviews !
Note de la traductrice : Bonjour à tous et bonne rentrée que ce soit travail ou études ! Comme vous l'attendiez, voici le premier chapitre de la cinquième partie de "Aucun autre cœur que le tien", suite de "Toujours le dernier à comprendre", "Absolument fantastique", "Le Cantique de Sherlock" et "Le gardien de mon frère".
Je compte également, mais ce n'est pas sûr (car j'ai déjà deux autres traductions en cours), traduire la sixième partie que Sherlock's Scarf a publié, s'intitulant "La famille est tout ce nous avons", et qui est l'histoire de la rencontre entre Sherlock et Mme Hudson, la circonstance de leur premier câlin, bref, comment Sherlock à gagner une deuxième maman.
Je dois aussi vous prévenir qu'en raison de mon emploi du temps changé, et des devoirs qui accompagnent le tout, je ne serais plus capable de publier aussi régulièrement que je l'ai fait pour les autres parties. Attendez-vous donc à un ou deux chapitres par mois (en comptant les autres traductions également).
ATTENTION ! Je tiens également à re-préciser, car il me semble que ça n'est toujours pas totalement clair pour tous, que Mycroft n'est pas celui qui a organisé le meurtre de Sebastian. Le responsable est Moriarty, qui a envoyé ses sbires exécuter celui qui avait osé toucher à celui dont le malheur appartient. Mycroft a juste été le plus "intelligent", car il savait comment allait réagir Moriarty, et c'est donc pour cela qu'il a tout révélé à Jim, concernant Sebastian. Là où Mycroft ne peut se montrer inhumain, il se débrouille pour quelqu'un d'autre le soit à sa place.
(1) Ceci correspond à peu près à 2 030 000 euros.
"Dans le monde entier, il n'y a aucun coeur pour moi que le tien. Dans le monde entier, il n'y a pas d'amour pour toi, à part le mien."
- Maya Angelou
Chapitre 1 : Je meurs de ton absence
xXxXxXxXxXxXxXxXxXxXxX
"Là où tu étais, se trouve désormais un vide en ce monde,
autour duquel j'erre le jour,
et dans lequel je sombre la nuit.
Je meurs de ton absence."
– Edna St. Vincent Millay
xXxXxXxXxXxXxXxXxXxXxX
Lorsque le réveil se déclenche à 8h30, ma main claque immédiatement pour l'arrêter, et je me retourne automatiquement dans le lit, cherchant à tâtons la forme chaude, et flexible qui devrait être blottie contre moi. La réalité me frappe violemment, gravant un creux ayant la même forme que la tête de Sherlock dans ma poitrine.
Plus jamais.
C'est ma routine de chaque matin, désormais. Quelques merveilleuses secondes d'oubli, à chercher instinctivement le corps de Sherlock, puis l'agonie du souvenir, de la réalité. L'horrible vide en moi, ma peau n'est plus qu'une enveloppe entourant une charpente faite de verre brisé.
Cela fait 38 jours, 18 heures et 33 minutes que l'amour de ma vie a sauté du toit de St Bart's, 55 833 minutes que je ne suis plus qu'une coquille vide, 3 349 980 secondes écoulées depuis que l'homme le plus vivant que je n'aie jamais connu a décidé de mettre fin à ses jours, juste sous mes yeux.
Avant de rencontrer Sherlock, lorsque je venais d'être rapatrié d'Afghanistan à Londres, ma vie était fade, sans couleurs, ce n'était pas une vie. Je traînais les pieds chaque jour, cherchant une raison de continuer à vivre cette existence ennuyeuse. J'avais frauduleusement conservé mon Browning L9A1, le nettoyais et l'entretenais soigneusement, une porte de sortie qui pourrait servir si la recherche aboutissait nulle part. Si je n'avais pas rencontré Sherlock, j'aurais fini par l'avoir, ce rendez-vous avec mon arme.
Ces jours-là, ce n'était qu'un pique-nique comparé à ma vie, maintenant.
Le réveil sonne de nouveau, et je me retourne pour l'éteindre complètement. Grognant, j'extrais ma pitoyable carcasse du lit, traînant des pieds jusqu'à la salle de bain, ma routine commence. J'évite autant que je le peux de me regarder dans le miroir. Je ne supporte pas de voir ces yeux mornes, vides me regarder, les yeux d'un étranger. Je m'en vais ensuite dans la cuisine pour prendre un café.
Ce n'est seulement que lorsque j'en suis à ma deuxième tasse, tentant le plus fort possible de garder mon esprit vide, et de ne penser à rien, que je me demande d'un seul coup – pourquoi ai-je programmé mon réveil ? Je ne suis certainement pas attendu à la clinique, je n'y ai plus travaillé depuis… depuis que c'est arrivé, alors pourquoi me suis-je levé si tôt. Puis je me souviens, et presse deux doigts autour de mon nez, pour essayer de garder mon sang-froid.
Mycroft.
J'avais reçu une note hier, une épaisse carte en relief.
Cher John,
J'ai respecté votre souhait (très clairement exprimé) voulant que je "reste hors de votre vue", mais il reste des détails dont nous devons discuter, et malheureusement, ça ne peut plus être davantage retardé. Je passerai au 221B Baker Street samedi matin, à 9h00, nous pourrons ainsi avoir une discussion concernant ces problèmes.
À bientôt,
Respectueusement votre,
Mycroft Holmes
J'envisage un instant d'éviter la confrontation, mais je sais qu'il s'arrangerait pour envoyer ses sbires me kidnapper, si je le fais, et je préférerais éviter un autre désagréable voyage en voiture aux côtés "d'Anthea", ou quel que soit son vrai prénom. Alors je me résigne, préparé à l'inévitable, m'assoie dans mon fauteuil, et m'adosse contre le coussin Union Jack.
Je m'aperçois que mes pieds sont nus, je médite quant à savoir si je vais oui ou non chercher des chaussettes ou bien des chaussures, puis finalement je hausse les épaules. Je ne vais pas m'emmerder à savoir si mes pieds dérangeraient Mycroft ou pas. Je ne l'ai pas invité ici, il s'est invité tout seul.
La sonnette résonne brièvement, et je me souviens de Sherlock avec ses remarques dédaigneuses, lorsqu'il savait que Mycroft était à la porte ("Il appuie le moins longtemps possible, puis essuie son doigt sur un mouchoir, monsieur le délicat."). Une boule se forme dans ma gorge, et je ferme les yeux, tentant d'éloigner l'image de roulement d'yeux méprisant et de boucles toutes agitées qui allaient de pair avec ce commentaire.
Je n'ai pas envie de me lever. Après un moment, je peux entendre Mme Hudson ouvrir la porte, et saluer Mycroft avec son habituelle chaleur et sa convivialité. Je me sens un peu mal de l'avoir laissée ouvrir. Leurs voix me parviennent, basses et inquiètes, je sais donc qu'ils sont en train de parler de moi. J'en soupir d'irritation.
Quelques minutes plus tard, Mycroft clos la conversation, et j'écoute le bruit de ses semelles en cuir hors de prix s'approcher. Il apparaît sous l'encadrement de la porte ouverte, ayant l'air tendu et serré par son costume. Pour une fois, il n'est pas avec ce parapluie qu'il balance tout le temps d'une main, mais à la place se trouve un attaché-case en cuir fin.
"- Bonjour, John."
"- Mycroft."
Il s'installe de lui-même sur le siège cuir argenté situé en face du mien. C'est atrocement douloureux de le voir assis dans le fauteuil de Sherlock, et je dois m'empêcher de me mettre à lui hurler dessus, de lui ordonner de se lever. Avec réalisme, je pense au fait qu'il devait bien s'asseoir quelque part, dans cette pièce ou chaque objet me fait penser à Sherlock.
Chevauchant Sherlock installé sur le fauteuil, les genoux plantés de chaque côtés de ses hanches, échangeant de longs, profonds et langoureux baisers, nos langues glissant, s'entrelaçant, mes doigts agrippant ses boucles soyeuses, et ses longs doigts, si gracieux, montant et descendant le long de mon dos…
Il va vraiment falloir que je me penche sur la question du déménagement – je suis hanté par Sherlock, qu'importe sur quoi je pose mon regard.
Est-ce donc si étonnant que je ne puisse pas commencer à tourner la page ?
Pourtant… où pourrais-je aller ? Quel but ai-je, maintenant que je n'ai plus rien ?
Mycroft gigote dans le siège, et enlève des fils microscopiques, parasitant son pantalon. Ses yeux bleus si froids m'étudient incessamment, et au bout d'un moment, je ne le supporte plus.
"- Qu'est-ce que vous voulez, Mycroft ?"
"- Je suis désolé de vous déranger, et ce à l'encontre de vos souhaits précédemment exprimés, John. Malheureusement, il subsiste quelques questions juridiques à régler, et cela ne peut plus attendre."
"- Et en quoi ça me concerne, Mycroft ?"
"- Vous êtes le bénéficiaire exclusif de Sherlock, comme le stipulent son testament et ses dernières volontés, John. En tant que son exécuteur testamentaire, j'ai été en mesure de me charger de la plupart des démarches judiciaires." il grimace. "Néanmoins, il y a des documents que vous devez signer, et vous avez quelques décision à prendre."
Je tombe tout simplement de l'armoire suite à cette annonce. Si jamais l'idée, de ne serait-ce qu'y penser, m'avait traversé l'esprit, j'aurais assumé que les biens de Sherlock seraient tous revenus à Mycroft. Et pourtant, honnêtement, je ne me suis jamais posé la question. Qu'est-ce que j'en ai à faire des biens matériels, lorsque ma raison de vivre, de respirer, n'est plus là ?
Je me secoue un peu, stoppant toute pensées avant de finir par fondre en larme. En arriver là, face à Mycroft, serait mortifiant.
"- Très bien. Où dois-je signer ?"
Mycroft ouvre son attaché-case, et en sort une liasse de feuilles, ainsi qu'un stylo à plume doré.
"- J'ai déjà rempli tous les formulaires fiscaux nécessaires, et pris la liberté d'ouvrir un nouveau compte afin d'y placer la majorité de votre héritage. Toutes ses possessions vous reviennent, bien évidemment, et vous êtes en droit d'en disposer comme bon vous semble."
Héritage ? Nouveau compte ? Mon ahurissement doit être visible sur ma face, parce que Mycroft ajoute :
"Sherlock a toujours voulu le meilleur pour vous, John. Et il voulait que vous ayez largement de quoi subvenir à vos besoins."
Un vague nauséeuse s'abat sur moi. Il voulait ce qui avait de mieux pour moi ? Ce qu'il pourrait y avoir de mieux pour moi n'inclue certainement pas de regarder mon petit-ami s'éclater le crâne et finir en bouillie sur l'un des trottoirs de Londres. Ce qu'il y aurait pu avoir de mieux pour moi n'aurait pu inclure ce trou béant, si douloureux dans ma poitrine, là où mon cœur reposait autrefois.
Je réalise que Mycroft a dit quelque chose, ce qui me sort des méandres de l'horreur, je dois me concentrer sur le visage de l'enfoiré installé face à moi.
"- Pardon– quoi ?"
"- J'ai dit 'vous allez devoir décider de ce que vous comptez faire du Stard'." répète-t-il.
"- Qu'est-ce que c'est ?"
Mycroft lâche un soupir ennuyé.
"- Vraiment, John. Le Stradivarius. Le violon de Sherlock. Vous n'avez sûrement pas oublié ?"
Je me fige.
"- Le violon de Sherlock… est un Stradivarius ?" parviens-je à articuler.
Je ne suis pas un amateur de musique classique, mais je sais quand même qu'un Stradivarius est extraordinairement rare, que c'est un instrument d'une qualité exceptionnelle, et que ça coûte une fortune. Mais merde, comment ai-je pu ne pas savoir que Sherlock en avait un ? Et puis, bon Dieu, cette chose avait toujours été posée dans un coin de l'appartement, et non pas dans un lieu spécial, ni sûr, ni n'importe quoi d'autre pour le protéger, et ce depuis que j'ai emménagé ici. Comment se fait-il qu'il ne se soit jamais fait volé ?
Mycroft porte son petit sourire froid.
"- Je suis surpris que Sherlock ne vous ait pas mis au courant, John. Le petit instrument ici présent est un objet d'une très grande valeur."
"- Il ne me l'a jamais dit." je murmure.
"- Dans ce cas vous devriez en savoir un peu plus concernant votre nouvelle propriété." déclara-t-il. "Comme vous le savez, il n'existe pas grand nombre de violons pour gaucher faits par Antonio Stradivari, peut-être 600, tout au plus. Ce Stradivarius en particulier, connu sous le nom de 'La Donna', a été conçu en 1727, et a été possédé par Niccolo Paganini."
Je me souviens brusquement d'une conversation chez Angelo, avant que nous ne devenions un couple, lorsque Sherlock s'était mis à déblatérer sans fin à propos de Paganini, s'extasiant sur sa virtuosité, ainsi que les techniques brillantes qu'il avait développées. "Si Paganini n'avait pas existé, John, tu n'aurais jamais pu entendre un seul violon, en tant qu'instrument solo. Son utilisation des harmoniques et du pizzicato a révolutionné la manière dont le violon était joué.".
Je peux encore me remémorer l'étincelle dans ses yeux, pendant qu'il en parlait, encore et encore, plus enthousiasmé par Paganini que par un triple homicide, et je dois me mordre l'intérieur de la joue pour étouffer un sanglot.
Mycroft m'observe, et j'aperçois soudainement le remord qu'il y a dans ses yeux. J'ai tellement été centré sur la rage que j'ai contre lui, pour être en partie responsable de la chute de Sherlock, que j'en ai presque oublié ceci – il a perdu son petit frère. La culpabilité d'avoir révélé les secrets de Sherlock à son pire ennemi le pèse.
Il s'éclaircit la voix, puis continue.
"- Le violon est estimé à 1,6 million de livres(1)."
Quoi ?
"- Quoi ?!"
Mycroft penche la tête, et se répète.
"- 1,6 million de livres. Il est assuré, bien entendu, chez Lloyd's, à Londres."
"- Seigneur, Mycroft ! Ce truc est toujours resté ici, dans l'appartement ! Il doit bien y avoir des conditions à respecter chez Lloyd's, quand on possède un truc pareil, non ?"
"- En effet, John. Je paye des sommes significatives afin de permettre ce type d'accessibilité à 'La Donna'. Cependant, comme vous n'en jouez pas, et que vous en êtes désormais le propriétaire, peut-être voudriez-vous le vendre ? Ou alors le mettre à disposition d'un musée ? Ils accordent très souvent des primes d'assurances pour les objets en leur possession."
Imaginer vendre le violon de Sherlock… non. Non. Cela représente beaucoup trop qui il était. Concernant le musée, ça peut marcher, mais il est bien trop tôt pour y penser.
"- Je ne peux pas prendre de décision maintenant, Mycroft." Ma voix se brise légèrement, et je déglutis difficilement, avant de continuer. "Peut-être que vous pourriez l'emporter et le mettre dans un endroit sécurisé pour moi, juste le temps que je sois prêt à y penser ?"
"- Bien sûr." Mycroft se remet doucement sur ses pieds. "Si vous pouviez juste signer ici, bien, je récupère ceci, prendrai le Stard, et disparaîtrai de votre vue."
Nous nous rendons jusqu'à la table de la cuisine, désormais désespérément vide de tout équipement de chimiste, et je m'empare du stylo afin de signer les documents. Je lutte afin de suffisamment contrôler ma main gauche et maintenir ma prise. Mon tremblement est revenu à la mort de Sherlock, et ne m'a plus quitté depuis. Ma signature est beaucoup plus déformée qu'elle ne l'a jamais été.
Mycroft vérifie tous les papiers, les range dans sa pochette, puis s'approche de l'étui à violon reposant contre le mur. Il l'ouvre, examine l'instrument, puis referme le tout. Il se retourne pour se diriger vers la sortie.
"J'espère que bientôt, John, vous serez capable de reprendre goût à la vie."
Il est plus guindé et distant que jamais, mais son regard est triste. Il attend une réponse, mais je ne dis rien. Il soupire, et passe la porte.
"- Quelle vie ?" je chuchote.
Il m'entend, et s'arrête sur la première marche des escaliers, restant immobile durant un instant, dos à moi. Puis il se remet à descendre, sans un regard en arrière.
"- Adieu, John."
À suivre...
Note de la traductrice : Et voilà, c'est du post-Reichenbach, psychologique, alors préparez vos mouchoirs, car Sherlock's Scarf sort la grosse artillerie.
