Chapitre 1 : la chevauchée fantastique

« Lizzie, roulez à gauche ! A gauche ! »

Elizabeth Keen se rabattit sur sa voie au dernier moment dans un concert de klaxons, tout en continuant à rouler à fond la caisse sur les avenues de Londres. Il était plus de vingt trois heures, et même si la circulation était beaucoup moins dense, il y avait quand même du monde dans le centre ville.

Mais pourquoi lui ai-je laissé les clés ? Pour la troisième fois en moins de dix minutes, Raymond Reddington se posa la question et se tendit soudain en voyant se rapprocher dangereusement les feux arrière des deux véhicules qui roulaient devant eux et qui empêchaient tout passage. Si Lizzie ne freinait pas, elle allait les emboutir... D'un brusque coup de volant, la jeune femme prit la voie de bus et les doubla par la gauche sans ralentir. Cette fois-ci, ce n'était pas passé loin...

L'espace de quelques secondes, le numéro 4 sur la liste des criminels les plus recherchés imagina les titres des journaux le lendemain matin – Raymond Reddington tué dans un accident en Ferrari à Londres, l'agent du FBI qui l'accompagnait conduisait trop vite - et ricana devant l'embarras suscité par cette situation pour le moins équivoque et problématique.

Lizzie continua à déboîter pour doubler d'autres véhicules plus lents. Jusqu'à présent, ils avaient eu de la chance en ne croisant aucune patrouille, mais ils allaient finir par se faire repérer. D'autant que cette ville était truffée de caméras de surveillance partout…

« Elizabeth, Ralentissez ! »

« Vous avez peur, Red ? »

« Pourquoi Dembé est-il mon chauffeur à votre avis ? Je n'ai pas échappé à la police pendant vingt cinq ans pour mourir dans un accident de la route ou pour me voir arrêter à cause d'un banal excès de vitesse ! »

« Vous avez raison, ce serait moche… »

« Je vous emmènerai sur un circuit où nous pourrons faire la course en toute liberté. Mais en attendant, roulez moins vite, nous sommes en ville…

Elle éclata de rire, mais leva le pied. Il soupira enfin et eut droit à un coup d'œil moqueur. A présent raisonnable, Elizabeth suivit les instructions du GPS et s'engagea finalement dans la rue où se trouvait le club. Elle roula encore un peu et se gara devant le service de voiturier, où leur arrivée fut très remarquée et commentée.

Un grand sourire sur le visage, Liz se tourna vers Reddington.

« Sympa cette bagnole… »

« Danny sera ravi de vous en offrir une à Noël. »

« Je vais la mettre sur ma liste. »

« Et qu'est-ce que vous voulez que je vous offre ?

« J'essaie de vous imaginer en Père Noël… » Elle l'observa, puis secoua la tête. « … A la réflexion, vous êtes plutôt Père Fouettard. Je préfère vous laisser… improviser. »

Red leva un sourcil. Avait-il rêvé ou le regard malicieux de Lizzie avait glissé vers ses lèvres quand elle lui avait dit ça ? Il allait lui demander de préciser quel genre de surprise lui ferait plaisir, lorsque le voiturier ouvrit la portière. Liz confia les clés au jeune homme qui bavait d'envie aussi bien devant la voiture que devant la fille sexy qui venait d'en sortir.

Au même moment, dans la file d'attente qui s'étirait devant le club, il y eut des sifflets admiratifs et des commentaires explicites à l'adresse d'Elizabeth. Comme elle les ignorait, ils redoublèrent de volume, jusqu'à ce que des sarcasmes désobligeants s'élèvent cette fois, quand son compagnon la rejoignit.

Avec un sourire, Reddington les ignora et passa son bras autour de la taille d'Elizabeth. Il se moquait bien qu'on le traite de « papi » ou de « vieux vicelard ». C'était lui qui avait décroché le gros lot. Les jaloux n'avaient plus qu'à aller se rhabiller. Il sentit Lizzie se raidir contre lui, soudain nerveuse. Mue par sa propre volonté, la main de Red se mit à faire des petits cercles sur la hanche de la jeune femme, qui lui retourna alors un sourire crispé. Elle prit alors une grande inspiration, puis passa à son tour le bras dans son dos.

« Que le spectacle commence… » Lui murmura Reddington, d'un ton amusé par la tournure des événements. « … Soyez cool et tout se passera bien... »

Serrés l'un contre l'autre, ils prirent l'allée VIP et entrèrent dans le club.

oooOOOooo

Les abords du bar et la piste étaient bondés. Les gens dansaient au rythme de la musique assourdissante, presque serrés les uns contre les autres. Il faisait une chaleur insupportable et les lumières multicolores virevoltaient tout autour d'eux dans un ballet psychédélique. L'ambiance battait son plein.

Elizabeth Keen se fraya un chemin tant bien que mal parmi la foule, suivi par Raymond Reddington qui la regardait marcher devant lui. Seigneur ! La robe qu'elle portait ce soir mettait ses formes en valeur d'une manière explosive. Ces jambes et ce déhanché suggestif… Il était littéralement sous le charme, surtout quand elle amorçait quelques pas de danse comme ça… La chanson qui passait en même temps n'arrangeait rien à la situation…

Baby I'm preying on you tonight

Hunt you down, eat you alive

Just like animals…

Animals…

Elle se retourna pour voir s'il la suivait toujours et le surprit, alors qu'il lorgnait sans vergogne son anatomie. Elle eut une petite moue à laquelle il répondit par une expression innocente qui la fit lever les yeux au ciel. Il se mit à rire. Comme il aimait lorsqu'elle faisait ça…

Elizabeth continua à esquisser quelques pas de danse devant lui au milieu des autres danseurs. Sensuellement, elle se passa la main dans les cheveux tout en le regardant. Elle était en train de l'allumer. Avec un sourire, il la laissa faire, porter par l'envie de se laisser séduire par cette sirène. Lentement, elle s'approcha de lui, posa la main sur son épaule et se pencha pour lui murmurer à l'oreille :

« Vous avez vu les autres ? »

Il posa ses mains sur les hanches de la jeune femme et se mit doucement à onduler au même rythme qu'elle en la regardant dans les yeux. Puis il se pencha à son tour :

« Dembé est à droite près du bar, avec Danny. Sinclair et Diana sont assis, à deux tables de notre cible. »

« Vous avez eu le temps de voir tout ça ? »

« Je ne fais pas que vous observer, Agent Keen. »

Don't tell no lie, lie lie lie

You can't deny, ny ny ny

The beast inside, side side side

Yeah yeah yeah

La jeune femme jeta un œil par-dessus l'épaule de Red et aperçut Wilde qui les regardait attentivement.

« Danny est très protecteur, vous ne trouvez pas ? »

« Je ne crois pas qu'il apprécie de voir la Belle succomber aux charmes de la Bête. »

« Monsieur Reddington, vous êtes bien présomptueux. Qui vous dit que je succombe ? »

« Oh, Lizzie… »

Elle le repoussa soudain avec un sourire moqueur et recommença lentement à danser devant lui sans le quitter des yeux. Il se mit à déglutir. Si elle continuait comme ça, il n'allait pas tarder à perdre tout contrôle. Elle s'approcha encore de lui et se pencha, lui faisant cette fois découvrir son décolleté plongeant… Oh, par tous les saints… Il ferma les yeux et se sentit soudain à l'étroit.

« Allez plutôt nous chercher un verre, vous voulez bien ? Et restez concentré… »

Elle eut un rire, puis elle lui tourna le dos en ondulant lentement des hanches. Reddington oublia un instant où il se trouvait pour l'observer, le regard irrémédiablement attiré par son postérieur. Seigneur, l'effet qu'elle lui faisait…

Une heure plus tôt, quand il l'avait vue descendre l'escalier au bras de Sinclair, il en était resté muet d'admiration. La petite robe noire qui descendait jusqu'à mi-cuisse, dessinait sa silhouette de façon provocante et sexy. Il avait littéralement dévoré des yeux son corps en sentant son cœur se mettre à battre plus vite dans sa poitrine. Lizzie l'ignorait mais elle seule avait ce pouvoir sur lui, celui de le rendre vivant. Il avait ensuite remarqué qu'elle s'était maquillée de nouveau et avait apprécié cette touche de féminité qui mettait en valeur ses magnifiques yeux myosotis. Leurs regards s'étaient attachés l'un à l'autre et elle l'avait observé tout à fait consciente de l'effet qu'elle produisait sur lui, et sur les autres hommes dans le vestibule. Aucune pitié… Femelle : un – Mâles : zéro.

Red n'avait pu s'empêcher de sourire. Voilà qui promettait une soirée riche en surprises… Il s'était alors tourné vers Wilde et avait failli éclater de rire : Danny ouvrait des yeux éberlués et manquait de s'étrangler en voyant sa fille habillée ainsi.

« Elizabeth n'est-elle pas magnifique ? » Avait demandé Sinclair le plus innocemment possible.

« Brett, tu n'avais rien de moins ?… enfin, quelque chose de plus ?… »

« C'est Liz qui a choisi, Danny. Ouvre les yeux, c'est une adulte, plus une petite fille… »

« Quand même… » Avait bougonné Wilde pour la forme.

« Il va falloir très vite t'y habituer… » Etait intervenu Reddington en prenant le bras de Lizzie à son arrivée en bas. Il se tourna vers elle et lui fit un de ces fameux sourires. « … Vous êtes parfaite comme ça. Notre ami O' Sullivan va être totalement conquis… »

Avec un rire, Sinclair était allé rejoindre Diana qui avait elle aussi sorti les talons hauts et le petit haut sexy. L'aristocrate lui avait donné le bras avec un regard appréciatif et ils étaient sortis les premiers.

« Tiens, Red, voici les clés. Je te confie ma fille et ma voiture. Ce n'est certainement pas une bonne idée, alors tu fais attention aux deux comme à la prunelle de tes yeux. »

« Je conduis » s'était soudain exclamée Elizabeth.

« Tu conduis ? » Avait demandé Wilde en se tournant vers la jeune femme. « Mais, il s'agit d'une Ferrari, ma chérie, et pas n'importe laquelle. C'est LaFerrari ! C'est la quintessence de la marque, le rêve masculin par excellence. Chaque vibration de moteur, chaque kilomètre parcouru à bord de ce bolide est une expérience uniq… »

Elizabeth avait devancé Reddington et s'était emparé des clés.

« Je conduis. » Avait-elle répété d'un ton qui n'admettait aucune réplique.

« Oh… Ok, alors… »

Red était hilare. Danny avait levé un doigt en guise d'avertissement à son attention, avant de rejoindre Dembé pour qu'ils partent de leur côté.

Reddington et Elizabeth étaient restés seuls. Ils ne partiraient que bien plus tard.

« Vous êtes splendide, Lizzie. »

« Vous n'êtes pas mal non plus… »

Reddington avait troqué ses éternels costumes trois pièces pour une veste noire, un pantalon de la même couleur et une chemise rouge bordeaux ouverte au col. Liz avait apprécié qu'il ait laissé sa cravate au placard. Sa tenue était à la fois classe et décontractée, tout à fait en accord avec la sienne, et avec l'endroit branché où ils se rendaient. A l'étonnement de la jeune femme, il n'avait pas non plus pris son chapeau, qui était comme une extension de sa personnalité.

Il revint au présent lorsque Danny l'intercepta en lui prenant le bras, avant qu'il n'ait atteint le bar. Son ami était visiblement en colère.

« Qu'est-ce que tu crois faire, là ? »

« Doucement, Danny, c'est elle qui s'amuse à mes dépens. Après tout ce qu'elle a traversé ces derniers temps, laisse-lui ce plaisir… »

« Qu'est-ce que tu as l'intention de faire ? »

« Rien qui ne mette en péril la relation de travail que nous entretenons, elle et moi, ou notre relation d'amitié… »

« Tu n'essaieras pas de coucher avec elle ? »

Reddington ne répondit pas, passa devant son ami et s'appuya au comptoir pour commander.

« Ray, je te préviens… »

Reddington se retourna brusquement vers Wilde et le considéra intensément.

« Au cours de toute mon existence, j'ai volé, extorqué, infiltré des organisations, manipulé des innocents. Je me suis bassement enrichi en assouvissant des vengeances et en tuant plus que de raisons. J'ai bravé la mort souvent en me fichant de savoir si c'était la dernière fois, combattu le mal en oubliant que j'en étais l'incarnation… Je ne suis pas un être de lumière, Danny, je suis un homme de l'ombre, un homme qui n'aspire plus désormais qu'à sortir du trou dans lequel on l'a mis vingt cinq ans plus tôt... Je sais que je ne connaîtrai jamais la paix, qu'on ne me pardonnera pas ce que j'ai fait, mais sans Elizabeth, sans sa présence, sans son sourire, la vie ne présente plus aucun intérêt pour moi. Elle est le feu qui embrase mon esprit, qui me permet de me lever tous les matins en me disant qu'il y a quelque chose de bon en ce monde. Elle me redonne l'espoir et il n'y a rien que je ne ferai pour elle… » Il hocha la tête pour tacher d'en convaincre son ami. « … Danny, il n'y a rien de plus important qu'Elizabeth à mes yeux. »

Wilde l'observa en silence, puis soupira.

« Est-ce qu'elle sait ? »

« J'ai toujours honnête avec elle. Il n'est pas question de lui mentir. Je la perdrais sinon. »

Wilde se passa les mains sur le visage, prit un verre que le barman avait déposé sur le comptoir et le vida d'un trait.

« Si tu échoues dans ton entreprise, quelle qu'elle soit… Tu sais que tu l'entraîneras avec toi, n'est-ce pas ? »

Reddington prit les verres et considéra une dernière fois son ami.

« C'est pourquoi je n'ai pas le droit d'échouer, Danny. »

Il laissa Wilde à ses réflexions et partit rejoindre Elizabeth.

A suivre…

Pour reprendre ton expression, Lucie, c'est Lizzington powaaaa !

J'espère que ça vous plaît. J'avoue avoir éprouvé beaucoup de plaisir machiavélique à écrire cette première partie, et la suivante que vous verrez dans le prochain chapitre.

PS : La chanson sur laquelle Elizabeth danse : Animals, de Maroon 5. Quant à la Ferrari LaFerrari, elle est tout simplement sublime…