Fandom : Captain America.
Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de Marvel. Les films sont de Joe Johnston et des frères Russo, Anthony et Joe.
Pairing : Steve/Bucky, Steve/Peggy et Bucky/Peggy/Steve ( j'ai juré, il y a de tout dans ce bordel ).
Rating : M pour la référence à la violence de la guerre, à la torture, à l'usage ( non-consensuel ) de drogues, au viol, à l'homophobie, à la mort d'un personnage principal, à la maladie d'Alzheimer et au rapport sexuel explicite ( mais je vous rassure, tout est éparpillé dans les chapitres ).
Genre : Romance/Drama.
Note : Ce devait être quelque chose de joyeux et c'est devenu très triste et sérieux. Je voulais trois parties, une pour chaque personnage. Au final, il y en a cinq, de longueurs plus ou moins égales, et on dira que la fin se finit bien. J'ai perdu le contrôle de cette chose ( le POV de Peggy était totalement improvisé, la suite n'était pas prévue du tout ... bref, une catastrophe cette histoire ). Je n'avais pas prévu d'introduire d'autres personnages que Bucky, Steve et Peggy au départ. Les membres des Commandos Hurlants et Sam Wilson sont plus ou moins cités dans ce truc. Ah, oui, d'ailleurs. C'est mieux si je précise qu'il y a de gros bonds dans le temps ( entre CAFTA et CATWS ) et que le Bucky/Steve/Peggy est explicite.
La première partie est écrite du POV de Bucky et le Steve/Bucky y est assez présent ( surtout en ce qui concerne les sentiments forts qu'éprouve Bucky à l'égard de son meilleur ami ). Il y a des mentions de la violence typique à la guerre et de tortures. J'espère que cela vous plaira, bonne lecture !
Bucky I
.
Il faisait froid et sombre tous les jours, mais ce qu'ils craignait le plus – lui, eux, tous les autres –, c'était le silence. Le silence c'était la mort et la fin de tout. Ça voulait dire que Bucky ne pourrait plus revoir l'Amérique, qu'il ne pourrait jamais plus embrasser sa sœur et serrer ses parents entre ses bras. Il ne pourrait plus sentir l'odeur du café – et pas celle de l'ersatz qu'on leur servait sur le champ de bataille – et de la viande et des tomates en train de cuir dans une marmite. Par dessus tout, il ne pourrait plus jamais revoir Steve et son allure débraillée, ses cheveux en bataille et ses costumes trop grands pour son maigre corps. Ça lui tordait les tripes à la seule idée qu'il pouvait mourir dans ces tranchées et devenir un de ces corps anonymes qui n'aurait droit qu'à un nom sur un monument, pas même à une tombe convenable, parce qu'on n'avait pas pu identifier les restes de son cadavre éparpillés par les bombes.
Il se réconfortait parfois en se disant que les bureaux de recrutement avaient évité toutes ces horreurs à Steve – le crétin prêt à mourir le pied à peine posé sur les côtes d'un pays inconnu pour des étrangers qui ne sauraient même pas proprement le remercier pour ses sacrifices. Steve et ses membres frêles, Steve et son asthme et ses allergies, sa pneumonie et toutes les maladies qu'il avait accumulées – jusqu'à ce qu'elles le rongent de l'intérieur – et qui malgré tout aurait foncé tête baissée, l'arme à la main et le casque sévèrement vissé sur le chef jusqu'à ce que son cœur s'arrête de battre. Au moins Steve était en sécurité de l'autre côté de l'Atlantique à gribouiller sur ses feuilles de papier et tant pis si ça le faisait enrager.
Bucky, lui, n'avait pas vraiment choisi sa destinée. Il avait entraîné Steve avant qu'il ne s'enrôle. Il l'avait suivi, c'était évident. Mais il aurait préféré rester aux États-Unis et continuer à bricoler sur des engins. Après tout, il n'était pas si mauvais que ça – même sans diplôme, même sans rien que ses mains et sa jugeote. Les semaines, il se serait rendu à son ancien boulot – qu'il ne retrouverait jamais vraiment et que ferait-il en rentrant, s'il ne quittait jamais l'Europe ? – et aurait continué son train de vie habituel, alternant les soirées avec Steve et celles qu'il passait – seul ou accompagné – dans les bars de Brooklyn. Le week-end, il aurait accompagné Steve là où bon lui chantait et aurait répondu au moindre de ses désirs sans broncher. Il aurait coulé des jours heureux, à se dorer la pilule au soleil les jours d'été, à marcher pieds nus dans l'herbe fraîchement coupée et à voir le soleil se refléter dans les cheveux blonds de Steve et dans ses sourires. À la place, il traînait sa douleur dans la boue et la terre à travers les lignes ennemies et le maquis français.
Il ne pouvait rien exister de pire que le silence et mourir, non. Il le savait ça, parce que ça voulait dire perdre l'Amérique, l'Amérique et sa famille pour toujours et ne plus jamais entendre les rires de Steve.
C'était ce qu'il avait pensé, même après avoir vu les boyaux des soldats s'éparpiller sur le sol sans qu'ils s'en rendent compte, les voir marcher dessus et se prendre les pieds dedans, avoir vu des mâchoires et des crânes éclatés, des membres explosés et tellement d'horreurs qu'il n'en pouvait plus compter, tellement de sang qu'il croyait parfois que le monde n'était plus fait que de gris, de noir et de rouge. Malgré tout, il persistait. Il ne pouvait rien exister de pire que la mort.
Ça c'était avant. Avant qu'il ne se retrouve harnaché à une plaque en métal glaciale dans un sous-sol sinistre où résonnait le bruit de ses cris. Il regretta alors le silence et le calme d'après les bombardements, les pleurs de ses camarades qui étaient tombés, tombaient et tomberaient au combat.
On était venu le chercher dans sa cellule. Il avait suivi les dizaines d'autres soldats avant lui que plus personne n'avait plus jamais revu. Il était à peu près certain de ce qui allait lui arriver. On l'avait emmené dans une petite pièce sans fenêtre, sombre et tristement humide. Il avait cru avoir froid sur les champs de bataille. En réalité, la chaleur des explosions de poudre et du sang sur ses mains lui manquait.
Une voix – froide elle aussi – lui parlait de temps en temps et il avait mal, à chaque fois qu'elle s'approchait. Le visage à qui appartenait cette voix, Bucky l'avait imprimé au fer rouge dans sa mémoire. Le crâne protubérant, le sourire fourbe, les petits yeux rapprochés et le nez court, il n'oublierait rien. C'était le seul être vivant avec qui il était en contact et il aurait mille fois souhaité se retrouver seul, quitte à en crever de faim et de soif.
Au bout d'un moment, le seul fait d'entendre la voix lui faisait mal, mais il ne parvenait pas à savoir où. C'était son corps tout entier qui le faisait souffrir et toujours un peu plus. Il essayait de penser à autre chose et de faire abstraction de chacune des secousses qui le tétanisaient, impossible. Il hurlait à en cracher ses poumons et pendant les moments de répit il se remémorait qu'il n'avait pas toujours été attaché là, qu'il y avait eu des gens autour de lui pour l'aimer, qu'il avait ri, pleuré et enragé. Il se souvenait de sa mère et de son père, de ses sœurs et de Steve. Il était le Sergent Barnes et il n'était pas qu'un tas de chair insensible.
Il s'appelait James Buchanan Barnes et il vivait à Brooklyn avec ses parents et ses sœurs.
Il s'appelait Bucky et il aimait Steve.
Il ne devait pas oublier, il ne devait rien oublier, sans quoi il finirait par se perdre dans le silence et ne plus rien se rappeler.
Parfois la voix disparaissait et Bucky supposait à ces moments – ces moments durant lesquels le calme et le silence revenaient à lui – que le temps passait. Mais il restait presque toujours attaché à cette table d'opération dans cette salle de torture. Il ne pouvait dire exactement combien de temps s'était écoulé depuis qu'on l'y avait introduit et il préférait ne pas penser combien de temps devrait encore s'écouler avant qu'il n'en sorte.
La voix disparut brutalement et même l'image floue du Docteur s'estompa dans un brouhaha d'enfer. Il se retrouva seul pendant un moment avec des pas frappant le sol au rythme du sang qui pulsait à ses tempes.
La voix revint.
Non.
La voix.
– Bucky.
Il chercha à associer ce ton inquiet à ses souvenirs. C'était simple et tout le revint en plein figure sans même y réfléchir.
– Steve, Steve, murmura-t-il.
Ses yeux oscillèrent dans le flou qui l'entourait, mais il put s'accrocher à ces traits familiers.
Il fronça les sourcils, fixa le visage qui lui faisait face et détailla les bras qui le soulevaient, le portaient, l'aidaient à se relever.
Comment ?
Cet homme à la carrure si imposante et au costume bariolé, déguisé de rouge, de bleu et de blanc – les couleurs des États-Unis – était-il Steve, son Steve, le Steve qu'il avait connu ? Le Docteur aurait pu lui jouer un énième tour, comme il savait particulièrement bien le faire.
Mais si sa vue pouvait le tromper, son ouïe n'était pas encore perdue. Bucky avait reconnu cette voix et c'était comme si on avait posé les traits de Steve sur un corps immense et musculeux.
C'était bizarre et presque contre-nature.
– Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? demanda-t-il ?
Il parvint à peine à se mettre sur ses jambes et dut se faire violence pour mettre un pied devant l'autre. Un bras – épais et fort – se serra autour de lui. Il se sentit étrangement petit à côté de ce géant de presque deux mètres, mais il cessa enfin de tomber.
– Je me suis engagé, fut tout ce qu'il reçut comme réponse.
Et Bucky se sentit coupable car c'était bel et bien Steve qui occupait cette gigantesque carcasse.
Ils s'en étaient sortis – lui, eux, tous les autres et Steve – et même s'il ne se souvenait pas vraiment de tout, il n'avait pas oublié Captain America.
Il avait promis à Steve de rester à ces côtés. C'était ce qu'il devait faire. C'était ce qu'il avait toujours fait après tout. Steve avait plus que jamais besoin de lui alors qu'il s'était fourré dans la pire des situations. Qui veillerait sur ses arrières si ce n'était lui ? Bucky ne pouvait se résigner à le laisser seul et tant pis s'il devait oublier – enfouir – tout ce qu'il avait vu, entendu, hurlé dans les plus sombres moments de la guerre. Steve n'avait pas à savoir.
L'équipe avait été montée rapidement et Bucky n'était pas stupide, l'image dans laquelle on avait remodelé son Steve en ce drapeau ambulant faisait son petit effet. Ce corps sculpté était plus crédible que la carrure chétive qu'on lui avait attribuée à la naissance. Aucun de ces gars n'aurait suivi Steve Rogers avant qu'il ne devienne Captain America. Bucky, lui, l'aurait fait sans hésiter.
La guerre les avait tous changés, Bucky plus que n'importe qui et Steve comme les autres. Il restait la tête de mule que Bucky avait toujours connue et avait désormais un corps à la grandeur de ses idéaux – à la grandeur de la personne que Bucky avait connue.
Dire que Steve – le Steve qu'il avait connu – lui manquait était égoïste, mais les autres ne voyaient que Captain America et rien de ce qu'il y avait sous le costume – rien de ce qui pouvait se trouver en-dessous.
Et Peggy Carter était entrée en jeu dans son bel uniforme kaki, dans ses jolies robes rouges. Elle était terriblement belle et dans un autre contexte, Bucky n'aurait pas une seule seconde hésité à lui offrir un verre – et pourquoi pas l'aborder et l'inviter à danser si elle l'avait laissé faire –, mais elle n'avait d'yeux que pour Steve. Le plus douloureux pour Bucky fut de s'apercevoir que le sentiment était réciproque : Steve ne voyait plus que l'Agent Carter.
Lorsque Steve s'était mis à rire aux paroles de Peggy – ce même rire qu'il n'offrait qu'à lui, auparavant –, Bucky s'était retrouvé à nouveau dans le silence.
Il ne voulait pas y rester, il ne voulait plus l'entendre. Il s'était approché de Steve, ils s'étaient isolés, un verre à la main – il ne pouvait pas vraiment s'y noyer, à peine les tâches grises et rouges s'assombrissaient-elles.
Steve lui sourit quand Bucky lui tendit un verre et il passa son bras autour de ses épaules – elles étaient tellement plus hautes que dans ses souvenirs, c'était si différent. Il avait besoin de lui parler.
– Il faut que je te dise quelque chose. Avant qu'il ne soit trop tard.
Ils pouvaient mourir demain ou ne plus jamais se revoir et peut-être serait-il trop tard pour tout lui dire. Bucky l'avait compris à ses dépens. Il ne devait plus attendre.
Steve afficha une inquiétude flagrante sur les traits de son visage. Il s'approcha, posa une main sur son épaule – elle était large et lourde, beaucoup plus que dans ses souvenirs, mais le toucher fut réconfortant.
– Qu'y a-t-il ? Que t'est-il arrivé là-bas ? Est-ce que tout va bien ? Bucky, tu me le dirais si quelque chose n'allait pas, n'est-ce pas ?
– Steve, calme-toi, ça va. Je veux seulement te parler.
– C'est pourtant ce qu'on dit toujours quand …
Steve laissa en suspens sa phrase, mais Bucky savait ce qu'il allait dire.
C'est ce qu'on dit toujours quand c'est la fin.
Bucky s'était trouvé aux côtés de Steve au moment où Sarah Rogers était décédée. Elle lui avait parlé en ces termes et comme Bucky regretta à ce moment de ne pas s'en être souvenu plus tôt.
Mais il ne devait plus reculer.
– Steve, je sais, mais tout pourrait arriver, demain, dans une semaine, dans un mois et il faut que je te parle.
Il avait pensé à lui tout le temps, depuis qu'il était parti.
– J'ai cru que je ne sortirais jamais de cette cave. J'ai cru que je passerais mes derniers jours là-bas dans le noir. Mais je pensais à l'Amérique, à ma mère et à mon père, à mes sœurs. J'ai pensé à toi, Steve. J'avais peur de t'avoir abandonné. J'avais peur de t'avoir laissé et de ne jamais te retrouver.
Il sentit les larmes lui monter aux yeux et il n'avait vraiment pas envie que Steve le voit comme ça, aussi sentimental, sans barrière, ni rien pour le protéger. Il l'avait habitué à ne jamais rien montrer.
Steve eut la bienveillance de le prendre dans ses bras et de le serrer contre lui – parce qu'il avait compris.
Bucky se contenta de renifler une fois ses pleurs et avoua d'une voix tremblante :
– Je t'aime, Steve.
– Je t'aime aussi, Bucky.
Et c'était vrai. Il fallait être aveugle, complètement aveugle pour ne pas le voir, mais ça faisait du bien de l'entendre – et de le dire.
Steve l'aimait, comme un ami, comme un amant, peu importe, c'était du pareil au même.
Le prochain chapitre est un POV de Bucky.
