Une moto grise se gara sur un parking de gravillons blancs soigneusement ratissés devant une espèce d'immense château perdu au milieu de la campagne d'Inverness (ville tout en haut de l'Ecosse, vers le cercle polaire). Bien que les routes menant au château soient soigneusement déblayées, le parc environnant était noyé sous quarante centimètres de neige, à la mi-novembre.
Le château était composé de pas moins de cinq bâtiments. Une grande arche soutenue par deux piliers ornementés spécifiait « Lycée Rosemary McOwel », en français s'il vous plait. Le château avait servit de lycée aux damoiseaux français en 1648. Bien entendu, le lycée avait été refait, et l'on avait installé par exemple l'eau courante et le chauffage (ça peut être utile).
Plusieurs infrastructures sportives étaient dispersées dans le parc. On distinguait, au loin, une piscine couverte, et plusieurs écuries, une carrière enneigée, deux manèges ainsi qu'un grand lac, complètement gelé en cette période de l'année.
Le conducteur de la moto ôta son casque intégral. Des cheveux blonds, mi-longs, séparés par une raie au milieu, tombèrent sur les épaules du jeune Caïus Volturi. Le jeune homme remit ses cheveux derrière ses oreilles, posa son casque intégral sur le siège de sa moto et entreprit de l'attacher à l'emplacement prévu.
C'est ce moment que choisit une voiture noire aux vitres fumées pour se garer sur une place libre non loin du jeune Volturi. Une jeune fille aux cheveux d'un noir spectaculaire, suivie d'une autre aux cheveux d'un roux flamboyant, sortirent de la voiture. La fille aux cheveux noirs remonta ses lunettes ovales à la monture noire sur son nez pendant que son amie fermait la voiture.
La fille aux cheveux noirs était petite. Elle ne devait pas mesurer plus d'un mètre soixante. Vêtue d'une élégante jupe plissée, noire, qui lui arrivait au genou, assortie à une paire de collants en laine et de petites bottines plates, noires également. Elle avait passé un manteau en laine rouge avec un capuchon noir, plissé à la taille, par-dessus son haut. Elle avait une pochette en cuir très élégante à la main, gantée de cuir. Ses cheveux, lisses, étaient laissés libres, mais un serre-tête blanc orné d'une fleur tout aussi blanche décorait sa tête.
Son amie était beaucoup plus décontractée. Et plus grande, aussi. Elle devait faire un mètre soixante-dix. Ses cheveux, roux, étaient attachés en un vague chignon, assortit d'un serre tête bleu, décoré également d'une fleur assortie. Elle portait une veste de working-girl, un pantalon en jean pattes d'ef et une besace bleue en bandoulière.
Caïus attrapa son casque, rangea ses clefs dans la poche intérieure de son blouson et entra dans le château.
Un claquement de talons l'interpela. La jeune fille aux cheveux noirs avait glissé sur une plaque de verglas. Son amie la rattrapa par le bras. Caïus se planta sous l'arche et attendit que les deux jeunes filles arrivent à sa hauteur.
-Mes demoiselles, je ne crois pas vous avoir vu avant, constata Caïus.
-Exact. Nous arrivons de Norvège, à vrai dire, déclara le petit chaperon rouge. Je me nomme Cléophée Ferbre et voici mon amie Deïdre Bordalin.
-Enchanté. Je suis Caïus Volturi, délégué des élèves de TES 1.
Cléophée fit un sourire très blanc à Caïus avant de lui demander le chemin du bureau du proviseur. Le blond se proposa pour les accompagner, proposition fortement approuvée par Deïdre, qui redoutait visiblement le sens de l'orientation de Cléophée.
Ladite tira la langue à son amie qui sourit en retour. Les deux jeunes filles ôtèrent leurs manteaux et suivirent Caïus dans le dédale de couloirs en marbre. Le jeune homme les laissa devant une massive porte en bois, avec pour prétexte de fuite des formulaires à récupérer pour le bal de Noël, dans un mois.
Deïdre frappa à la porte pendant que son amie regardait le jeune blond partir. Une voix sèche leur ordonna d'entrer.
Le proviseur était un petit homme sec, vêtu sobrement de gris. Il avait un petit bouc et ne devait pas mesurer plus d'un mètre cinquante-cinq. Le teint pâle et les cheveux poivre et sel, l'homme ne devait pas avoir plus de cinquante-cinq ans. Il sourit brièvement à la vue des deux jeunes filles.
-Mesdemoiselles Ferbre et Bordalin, exact ?
-Précisément, monsieur le proviseur, acquiesça Deïdre.
-Alors… vous aviez choisi la filière Economique et Sociale, exact ? Vous êtes en TES 1.
-Très bien, monsieur le proviseur.
-Je compte sur vous pour être exemplaires, mesdemoiselles, prévint le proviseur. Notre lycée ne conserve que le meilleur.
-Cela coule de source, répondit Cléophée avec un léger sourire.
-Vos délégués vous mettront au courant de tout. Voici vos emplois du temps, vos uniformes, et vos carnets, à remplir dans les plus brefs délais. Rendez-vous en cours à partir de cet après-midi. Voilà les clés de votre dortoir. Vous le partagez avec Miss Swann.
-Très bien, monsieur. Au revoir !
Les deux jeunes filles ressortirent du bureau du proviseur et Cléophée pouffa.
-Qu'est ce qu'il est petit !
-J'affirme, répondit Deïdre. Plus petit que toi, faut l'faire…
Cléophée donna une pichenette à son amie qui intercepta sa main. Un jeune homme brun, au teint mat et aux cheveux en brosse, dérapa au coin du couloir pour continuer son sprint devant le bureau de proviseur et se cacher dans un renfoncement du mur.
-Vous ne m'avez pas vu, dit-il, à peine essoufflé.
Les deux jeunes filles, intriguées, acquiescèrent. Un jeune homme aux cheveux cuivre apparut à l'angle du couloir, le visage figé en un masque de froide résolution.
-Jacob Black, je sais que tu es là, dit-il. Sort de ton coin, on peut pas se battre devant chez le proviseur.
Cléophée et Deïdre fixaient le jeune roux d'un air frais et éveillé. La rousse flamboyante, si elle n'avait pas porté le carton contenant leurs uniformes, aurait croisé les bras. Par contre, elle ne se priva pas de hausser un sourcil, réflexe qu'elle avait quand quelque chose la blasait.
Son amie, quand à elle, eut un sourire moqueur et rabaissant, pour la même cause que son amie.
Les deux filles échangèrent un regard complice, comprenant qu'elles avaient eu exactement le même opinion.
-Mais qu'ils sont peu raffinés, lâcha Cléophée à voix haute, sans se soucier de la réaction des deux hommes.
-Et en plus, on ne se bat pas dans ses conditions… Non mais franchement, on ORGANISE les duels avant, merde quoi ! Il faut que ça se fasse dans les règles de l'art ! renchérit Déïdre en soupirant, son carton dans les bras.
Le dénommé Jacob Black et l'autre homme aux cheveux cuivrés dévisagèrent Cléo et Dy' avec un air plutôt étonné (même très étonné) et avaient l'air de même en oublier leur conflit. Les deux filles eurent un rire sarcastique et bref, avec une synchronisation étonnante, leur regard moqueur étant presque hostile.
-Ma chewie, fit Cléo en tendant sa main vers son amie, monseigneur le proviseur nous a sommées de ne revenir en cours que cet après-midi ! Laissons les rustres s'entre-tuer et rentrons !
-Bonne idée, souffla « Chéwie » avec lassitude.
La rousse tourna brièvement son regard vers les hommes et leur adressa un regard insignifiant. Cléophée sourit discrètement, en lissant les plis de sa jupe avec un geste souple de la main, et remonta ses lunettes ovales.
-Si vous tenez vraiment à vous battre, faites-le à une heure appropriée et dans un lieu approprié. Genre, la forêt après les cours, dit-elle.
Et sur ce, les deux filles descendirent les escaliers. Discutant de tout et rien, mais surtout de rien, elles sortirent du bâtiment sans se perdre, grâce aux panneaux qui indiquaient la sortie. Elles traversèrent la cour enneigée
A DEUX HEURES :
Dréïde et Cléophée marchèrent d'un pas pressé vers le bâtiment, comme tous les élèves, évitant avec agilité les éclaboussures que s'envoyaient des garçons (évidemment) qui devaient trouver ce passe-temps des plus intelligemment distrayants.
Dans le bâtiment, il faisait plutôt chaud, alors Déïdre se dépêcha d'ôter son écharpe en grosse laine grise, et vérifia vite fait au toucher si sa coiffure n'était pas défaite. Cléophée semblait réfléchir à où pouvait se trouver la salle, et s'apprêta à s'engager dans un couloir. Mais Déïdre la retint, ne se fiant pas au sens de l'orientation de son amie, et se dirigea plutôt vers un plan, qui semblait être le plan de l'école, accroché sur un mur près de l'entrée principale.
-Nous avons cours d'Anglais en premier, fis remarquer Chléo. Salle B308.
-Le bâtiment est grand, et la salle est plutôt loin. On a trois minutes avant la sonnerie, j'ai repéré où elle était. Allons-y !
Une fois arrivées dans la Salle (elles étaient en avance, et seulement trois élèves étaient présents), Déïdre et Cléophée allèrent se présenter au professeur d'Anglais, M. Lanbelme.
-Bonjour Monsieur. Nous sommes nouvelles dans cet établissement depuis ce matin. Je suis Déïdre Borbalin.
-Et je suis Cléophée Ferbre, enchaina la petite aux cheveux noirs.
-Ah bon, eh bien, je vois… Bienvenue dans l'établissement, et je vous souhaite de vous y plaire. Mais je ne peux absolument pas vous accepter en classe si vous n'avez pas de note de la part du proviseur. Sinon, je risque d'avoir des ennuis avec…
-Nous comprenons ! intervint rapidement Cléophée en brandissant un petit bout de papier déchiré où y était inscrit un mot de l'écriture griffonnée du proviseur. Tenez, voilà le mot, mais rendez-le nous, nous en avons besoin pour les autres cours.
-Ah ! Bien, merci… bougonna le Professeur, sûrement très déçu de ne pas avoir pu infliger à un élève de plus une humiliation ou une punition excessive. . Asseyez-vous, alors, mesdemoiselles ! Qu'attendez-vous ?
Le professeur s'installa, enlevant ses horribles lunettes rouge criardes en plastique. Il avait un ventre bedonnant, et un T-shirt informe, avec un Sweet de bonne marque, cher, mais qui ne lui allait pas du tout.
Ses cheveux gras étaient coupés à la David Guetta. On voyait directement le genre de personne qu'il était.
Déïdre et Cléophée allèrent s'installer à la même table, une table proche du mur. Elles n'aimaient pas être au milieu.
Les deux filles examinèrent les élèves présents de la classe. L'un d'entre eux était familier. Blond, posé. Elles l'avaient vu le matin, et il les avait menées jusqu'au bureau du proviseur.
L'autre, était l'élève qui s'était caché de l'homme aux cheveux cuivre. Il rigolait avec son ami, qui avait lui aussi la peau mate mais qui était plus petit et moins musclé. Jacob Black était assis sur la table, dos au professeur, les pieds sur sa chaise.
-Monsieur Black ! Veuillez vous installer de manière convenable, ou vous aurez droit aux verbes irréguliers ! brailla M. Lanbelme de son bureau. Vous allez penser à moi ce week-end !
Black se leva, et alla s'installer derrière Déïdre et Cléophée, après avoir lancé un regard complice à son ami qui le suivit.
Le jeune homme blond était assit au deuxième rang de la rangée du milieu. Ses affaires étaient déjà soigneusement sorties et disposées sur sa table. Il avait étendu ses longues jambes sous sa table et avait croisé les chevilles et les bras. Il observa les deux jeunes filles, puis jeta un coup d'œil au professeur avant de lever les yeux au plafond. Il articula nettement sur ses jolies lèvre un « faites gaffe, il est hyper-lourd », ce qui fit sourire Cléophée qui était la plus proche du rang central.
-Bon, qu'est ce qu'y font les autres là ? demanda Mr Lanbelme, dans un langage soutenu.
-Ils sèchent ! pouffa l'ami de Black, derrière les deux filles.
-Monsieur Ataera ! Deux fois les verbes irréguliers !
-Mais… j'ai rien fait ! s'exclama Quil.
Déïdre adressa eut un regard légèrement moqueur à l'intention du professeur qui ne le remarqua absolument pas. Elle donna un coup de coude à Cléophée qui lui sourit en retour, et eut un rire silencieux, bref, et méprisant.
-Wouhou ! Qu'est-ce qu'on va s'amuser, ricana Dy' en se balançant sur sa chaise.
-Je feel l'amusement moi aussi, répondit Cléo'.
Dy' fit un sourire narquois, et sortit son cahier de brouillon de sa besace. Elle en déchira discrètement une feuille et la plia en quatre
Elle écrit sur la feuille soigneusement coupée « Le gars l'Oréal Paris je crois qu'il est réglo'… Et les deux branquignols derrière aussi, je crois. A voir ! »
-Eh ! s'indigna Quil en lisant le bout de papier par-dessus l'épaule de Dy'.
Black rit en essayant d'être discret pour ne pas attirer l'intention du prof.
-Faites gaffe, souffla-t-il à vois basse, Si vous vous faites prendre, c'est les deux heures de colle tous les jours pendant une semaine assurées !
-Pas d'soucis ! La reine de la feinte c'est bien Déïdre ! répondit à vois basse Cléophée, avec même un brin de fierté dans la voix, qui eut don de faire sourire son amie rousse.
-Et de l'art du Duel, rajouta Jacob qui n'avait sûrement pas oublié les remarques du matin, mais qui n'avait pas l'air vexé du tout.
Dy' ricana telle la psychopathe qu'elle était (vous savez, ce rire silencieux et presque sadique qui fait flipper) tandis que Lanbelme guettait le reste de la classe. Celle-ci arriva avec la grâce, la discrétion, et la légèreté d'un troupeau de gnous. D'ailleurs, les retardataires, c'est-à-dire les 25 autres personnes de la classe se firent bien enguirlander par le professeur qui les menaçait de verbes irréguliers et d'un avenir peu radieux. Mais les élèves avaient l'air d'avoir l'habitude, et s'asseyaient en ricanant, certains jetant des coups d'œil curieux à Déïdre et Cléophée qui attendaient le commencement du cours (qui devait être entamé depuis déjà dix minutes) en se souriant d'un air complice.
-BON ! Je fais l'appelle ! prévint le professeur en posant brutalement son gros livre mal organisé sur son bureau mal rangé. ACROFT LUBIN !
-IIIIIIIIHRE ! fit le dénommé Lubin en agitant la main.
-Et c'est partit pour vingt minutes d'appel, soupira Caïus en levant les yeux au ciel.
Et Caïus eut bien raison. D'ailleurs, cette remarque de la part du jeune homme avait eut don de faire rire Cléophée, de son rire subtil et discret. Malgré que leurs noms de famille commencent par un « F » et un « B », Dréïde et Cléophée furent appelée en dernière, les professeurs n'ayant pas encore modifié les listes.
Après l'Appel, le professeur parla des inscriptions au Festival de fin d'année, une fête pour tous les élèves, consacrée à exposer les dons de certains élèves s'étant inscrits. Cela pouvait être dans tous les domaines, et si on recevait un prix, l'année qui suivait celle-ci, on avait la possibilité de créer un club ou un groupe.
Dy', fut pour une fois attentive au cours, cette partie l'intéressant un peu. Elle cherchait, justement, à former un groupe de musique. C'était une bonne opportunité ! Elle espérait au moins que dans cette école, il n'y avait pas que des élèves fans de R'n'B et de Rap.
Ensuite, M Lanbelme débuta un petit discours d'un quart d'heure sur l'économie et les traders, ainsi que les raisons pour lesquelles l'anglais était la meilleure matière scolaire au monde.
Donc, le vrai cours commença à dix minutes de la sonnerie. Cléophée et Déïdre furent bien étonnées de voir à quel point le cours avait stagné depuis la rentrée. Ils n'en étaient qu'à la page 10 du livre. Un élève lu le texte avec peine, fronçant les sourcils, se concentrant pour lire un petit paragraphe. Dy' soupira et croisa les bras.
La classe eut seulement le temps de noter la date, que la sonnerie retentit, et les élèves rangèrent leurs affaires en quatrièmes vitesse et sortirent le plus rapidement de la salle, presque en se bousculant tellement ils avaient envie d'en finir avec ce cours des plus horribles, ennuyeux, soporifiques et agaçants.
