Infidélités
- CONNARD !
- Oui, ma poule, moi aussi j'ai adoré passer une nuit ou deux avec toi, mais faut se rendre à l'évidence, on n'est pas faits l'un pour l'autre.
Le bruit de la gifle retentit jusqu'à Pré-au-Lard. La fille s'en va. La porte claque, puis s'ouvre sur une autre personne quelques instants plus tard.
- Putain, mec, c'est la huitième cette semaine…
- Et ? réplique Draco en replaçant consciencieusement les bords de sa chemise dans son pantalon. Ce n'est pas mon meilleur score. Et puis je n'y peux rien, j'ai un charme fou.
- On est jeudi, soupire Blaise en s'appuyant le dos contre un mur du dortoir. Je me demande simplement quel genre d'enfoiré affectif tu es pour te taper huit filles en quatre jours, en t'en sortant avec quelques claques de bas niveau dans la gueule et à peine trois crises d'hystérie en public.
- Tu exagères, je ne m'en suis pas vraiment tapé huit. A vrai dire, avec Cassie – celle de mardi matin -, on n'a rien fait. Elle m'a juste…
- Ouais, ouais, je vois, passe-moi les détails, merci.
- Elle a failli me la mordre, d'ailleurs. La salope.
- En même temps, tu m'as raconté que des gosses de deuxième année vous avaient surpris dans le placard où tu l'as amenée… J'imagine qu'elle eu peur, non ?
- Ouais, j'ai flippé aussi, mais c'était pas une raison pour laisser ses dents déraper sur…
- De toute façon, une heure plus tard, tu avais oublié son nom.
- La preuve que non, puisque je t'en parle, idiot ! Tu as une si mauvaise image de moi…
- Ma mère m'a appris à traiter les filles autrement, admet Blaise d'un ton las.
- Ta mère t'a élevé seule, siffle Draco. Elle avait forcément une forme d'autorité sur toi et sur ta pauvre conscience. Je devrais les respecter, c'est ça ? Par les noix de Merlin, j'aimerais bien, si seulement elles faisaient le moindre effort pour me donner envie de les respecter… Mais tu vois, si elles ne s'abaissaient pas à me supplier de les tirer, « juste une fois ! », elles ne se plaindraient pas que je les prenne au mot. Je suis plutôt du genre généreux, tu me connais, je ne sais pas refuser. Juste une fois. Et encore, celle qui vient de se barrer a eu la chance d'y passer une deuxième. Elle a des seins formidables ! ajoute-t-il avec un sourire attendri.
- Ravi de le savoir. T'es au courant qu'on est en train de rater le cours de McGonagall pour la vingt-deuxième fois du trimestre et que ça va finir par nous retomber sur la gueule ?
- J'emmerde la métamorphose.
- En plus, June doit m'attendre…
- J'emmerde ta copine aussi. C'est une foutue Poufsouffle.
- Et ?
- Et depuis quand on fait dans la charité ?
- Je ne t'ai pas demandé de l'apprécier.
- Encore heureux !
- Putain, ce que tu peux être désagréable…
- Allez, va. Abandonne-moi lâchement pour aller retrouver ta petite chérie. Dis-moi, ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?
- Bientôt trois mois.
- Et tu l'as trompée combien de fois ?
- Jamais.
- Blaise, à qui crois-tu parler ?
- Deux.
Draco interrompt son recoiffage improvisé pour se retourner vers son ami, incrédule.
- Deux ? Tu déconnes ? En trois mois ?
- Ouais, je sais, mais c'était pas de ma faute, c'est Charlie, elle me harcèle, elle passe son temps à essayer de me coincer dans les couloirs, et forcément elle arrive parfois à ses fins, mais c'est arrivé que deux fois, c'était pas de ma faute ! répète-t-il, les yeux baissés. Et en plus…
- Attends, tu parles de Charlie Wallman ? La petite brune adepte des décolletés plongeants ?
- Ah, tu vois bien, c'est pas de ma faute ! s'exclame Blaise, triomphant. Elle cherche !
- Mais c'est une Poufsouffle aussi ! s'indigne Draco. Nom d'une pipe mal taillée, mais comment as-tu été éduqué, enfin ? Non seulement t'es pas foutu de t'amuser plus de deux fois en trois mois, mais en plus tu le fais deux fois de suite avec la même, et c'est encore une Poufsouffle ! Mais dans quel monde vit-on ? Pourquoi est-ce que je m'acharne à t'inculquer les vraies valeurs de la vie ?
- Qu'est-ce que t'y connais, toi, aux putains de valeurs ? C'est quoi, les tiennes ? Baiser, jeter, suivante ?
- Je partage du plaisir avec qui en fait la demande, tranche le blond en rejetant théâtralement ses cheveux en arrière. Il n'y à rien de mal à ne pas s'attacher à la première idiote venue pour se lier à elle et lui jurer fidélité jusqu'à ce qu'une engueulade, tromperie ou je ne sais quoi nous sépare. T'as dix-sept ans, merde, profite un peu.
- T'es vraiment convaincu d'avoir toujours raison, hein ?
- J'ai toujours raison, nuance.
- Va te faire foutre.
La porte claque une deuxième fois.
Draco soupire et contemple son reflet dans une fenêtre du dortoir. Il sourit.
- C'est bon, ma poule, il est parti.
Une fille sort maladroitement de sous un lit, les cheveux emmêlés ; elle époussète avec agacement la chemise qu'elle porte, trop grande pour elle.
- Putain, t'étais obligée de te foutre là-dessous avec ma chemise ? grogne Draco, exaspéré. Je déteste qu'on salisse mes affaires.
- Tu m'excuseras, je n'ai pas vraiment eu le choix, je ne m'attendais pas à ce que l'autre poufiasse débarque ici et te pique une crise en me voyant.
- Je crois qu'elle pensait sincèrement être différente, et que j'allais la garder, ou quelque chose comme ça. Pauvre petite chose naïve… Elles le savent, pourtant, que je n'en garde jamais aucune plus d'un ou deux coups, non ?
- Et moi ?
- Toi c'est différent, ma poule. Toi tu ne me dis rien quand je m'en fais d'autres. Tu es mignonne.
- Je n'aurais rien à te dire, je ne fais pas non plus dans la fidélité ; et puis je te connais, et ce serait bien trop te demander que de ne pas aller voir ailleurs plus de quelques jours. Par contre, j'aimerais bien que tu arrêtes d'être insultant ou rabaissant quand tu parles de moi.
- Tu sais bien que je n'en pensais pas un mot, sourit-il en tentant de caresser la joue de la fille qui l'esquive en baissant les yeux.
Elle enlève la chemise, la jette sur le lit du Serpentard et entreprend de rassembler ses propres vêtements, jetés en boule sous le lit en question. Elle les nettoie d'un coup de baguette et se rhabille sous le regard approbateur de Draco.
- C'est dingue ce que tu es bien roulée…
- C'est un compliment ? réplique-t-elle en remontant sa jupe, visiblement mécontente.
- Je crois bien, ouais. Ca partait d'une bonne intention en tout cas.
Elle ne prend pas la peine de répondre.
- Me dis pas que t'as honte ? s'étonne soudain Draco au bout d'un silence assez long pour paraître suspect.
- Non.
- Parce que t'as entendu comme moi, hein, qu'il…
- Ouais.
- Alors ne te prends pas la tête pour ça, sérieusement. Tout le monde finit par aller voir ailleurs un jour, pour une raison ou un autre.
- A plus, Draco.
Il marche avec elle jusqu'à la porte, laissant sa main glisser jusqu'au bas de son dos. Elle frémit, mais se tait. Oui, elle a entendu comme lui. Simplement, elle avait espéré être la seule à tromper l'autre. C'était hypocrite et détestable, mais c'était comme ça. En fait, ils pouvaient prétendre ce qu'ils voulaient, tous les garçons étaient pareils dans le fond. Elle réagit à peine quand Draco lui embrasse le cou et la plaque contre la porte.
- Lâche-moi. Je dois y vraiment y aller, là.
- T'es ma préférée, tu sais ? murmure-t-il affectueusement.
Elle se dégage de son étreinte et sort. Il la suit des yeux, un large sourire sur les lèvres.
- Hé, June ?
- Quoi ?
- On se revoit bientôt, hein ?
La porte claque une troisième fois.
