Ça faisait longtemps...

Je ne sais pas trop ce que vous pouvait attendre de ce maigre prologue. Je ne vais pas forcément reprendre avec assiduité l'écriture de fanfiction. Mais j'ai relu ce petit bout de texte ce matin et il nécessitait encore quelques relectures avant d'être à peu près présentable. J'avais dû temps libre à lui consacrer. Alors, le voilà.

Si vous êtes ici sans savoir qui est Kara, sachez juste que la dernière fois que j'ai écrit sur elle remonte à au moins quatre ans. Il s'agit d'une OC sur l'univers de Marvel dont voici la troisième fic lui étant consacrée. À l'origine, je devais m'y concentrer sur l'arc du Monde des Ténèbres – histoire que vous vous situez un peu. Une autre fic sur Avengers et une sur Thor sont disponibles sur mon profil, si cela vous intéresse bien qu'il n'est pas essentiel de les avoir lues pour suivre celle-ci.

J'ignore encore s'il y aura une suite à ce prologue. Ce sera certainement à vous de me le dire si vous êtes partants. Je vous fais confiance, fidèles/nouveaux lecteurs.


Les personnages et l'univers appartiennent à MARVEL, les mots à la langue française et les pixels à votre ordinateur. Seule Kara m'appartient.


PROLOGUE

Les Clairs et les Sombres


Les montagnes septentrionales de Svartalfhiem prenaient racine dans les plaines noires qui s'étendaient jusqu'à la rivière de cendre à l'est du royaume. C'était une chaîne semblable à une mâchoire monstrueuse dans sa façon d'hérisser le paysage désertique de pic parfois si hauts qu'ils transperçaient les nuages comme des lances. Les pentes à l'aspect archaïque évoquaient la carapace bossue des gobelins les plus corpulents et le vent s'engouffrait dans leurs crevasses et autres difformités en hululant, comme pour mettre en garde ceux qui s'approchaient de ces montagnes.

Seuls les Svarts n'étaient pas effrayés par l'ombre qu'elles projetaient sur la plaine. Ils les avaient depuis longtemps apprivoisées, creusant leurs entrailles de galerie et de mine pour en exploiter les ressources, les richesses et les ténèbres. Des villages s'étaient développés au fil des années, terrés au fin fond des grottes ou plantés aux pieds des pitons les plus élevés. Puis la prospérité avait fini par jaillir de ces monts comme l'eau jailli d'une source et les mines septentrionales étaient devenues le centre névralgique du commerce et de l'économie du royaume aride des Alfes noirs.

Cela les Alfes blancs l'avaient bien compris quand, après la dernière Guerre des Ténèbres, le Maudit avait été vaincu et que son fief s'était retrouvé sans chef. Ceux qui étaient surnommés « les Clairs » dans ce royaume s'en étaient alors vu confiés la souveraineté. Peut-être, le roi d'Asgard – qui était encore Börr, père d'Odin – croyait que leurs origines communes avec les Svarts faciliteraient la paix et l'entente entre les deux races. Des millénaires d'esclavage alfique lui prouvèrent le contraire.

Les Clairs avaient asservis tous les Svarts, du vieillard mourant au nourrisson à peine né, du chef de clan à la vieille veuve. Ils avaient envahi leur maison et leurs mines, leurs temples et leurs montagnes, et avaient détruit le reste. Les Anciens rois avaient asséché les cours d'eau et rasé les forêts : les Clairs ne se firent pas prier pour piétiner ceux qui restaient à piétiner.

Les mines des montagnes septentrionales étaient alors devenues un coffre au trésor sans fond. Les Alfes blancs y avaient envoyé les Svarts les plus forts et les plus susceptibles de se rebeller pour les épuiser dans les entrailles de la terre. Les autres avaient été chassés de leur maison, jetés du haut des montagnes, exilés sur les plaines inhospitalières. Là, l'histoire perd leur trace et les Svarts septentrionaux s'évanouirent dans l'horizon aux couleurs de cendre et d'ocre.

Depuis, les montagnes ne résonnaient plus du hululement du vent, mais des coups de pioche et des cris arrachés par la haine à laquelle deux races sœurs s'enchainaient un peu plus chaque jour. Mais ce matin-là, quelque chose de beaucoup plus fort ébranla les pics aux sommet aériens.

•••

L'explosion avait fait gronder le Col de la Griffe à la manière d'un géant en colère. Les porteurs de pierre chargés de récupérer le charbon et l'éther à la sortie de la mine, se retournèrent vers l'entrée de la galerie principale qui s'était mise à fumer comme la gueule d'un dragon. Des cris et des rugissements firent trembler la montagne, alors que les premiers mineurs se ruaient hors des entrailles de pierre qui commençaient à s'effondrer sur eux. Mais à peine eurent-ils poser un pied hors de l'obscurité qu'une pluie de flèche s'abattit sur eux, les clouant au sol, se fichant dans leur gorge pour se saisir de leur cri d'effroi.

Les porteurs de pierre qui eurent la mauvaise idée de lever les yeux pour tenter d'apercevoir quels archers étaient ainsi embusqués dans les sommets de la montagne, furent abattus sur le champ. Les autres laissèrent tomber leur charge et détalèrent dans toutes les directions, hurlant à leurs confrères revenant du village le panier vide :

– Les Clairs nous attaquent !

L'entrée de la mine continuait de vomir ses Svarts fuyant l'éboulement créé par l'explosion, ignorant qu'en agissant ainsi, portés par le désespoir de rester en vie, ils se ruaient sous les flèches des Alfes blancs. Ces derniers les visaient avec des yeux de rapace et leurs flèches étaient comme la foudre qui s'abattait parfois sur les plaines en contrebas. Certains se contentaient de canarder les mineurs, tandis que d'autres s'étaient aperçus de la débande des porteurs de pierre et s'acharnaient à les empêcher de s'éloigner. Cependant, quand ces fuyards se retrouvèrent hors de portée de leurs arcs, plusieurs archers bondirent hors de leur cachette et se ruèrent à leur trousse.

Derrière eux, les éboulements commençaient à s'entasser à l'entrée de la galerie. Quelques mineurs se retrouvèrent coincés sous les blocs de pierre qui s'amoncelaient. Certains avaient leurs jambes ou leurs bras écrasés et poussaient des hurlements agonisants tus par les flèches alfiques qui hérissaient progressivement leur corps. Alors que leurs confrères s'enfuyaient devant eux, les piétinant parfois, personne ne se retourna pour les dégager ou les mettre hors d'atteinte de l'effondrement.

•••

Le porteur de pierre trébucha sur la pente irrégulière de la montagne, se rattrapa à une petite cavité, puis s'engouffra dans l'ouverture étroite d'une crevasse. Il s'y enfonça aussi loin que sa large carrure le lui permettait, s'éraflant sur la roche acérée, s'y tapit et ne bougea plus.

Il aurait voulu pouvoir courir jusqu'au village pour prévenir les autres, mais la panique l'en avait empêché. À présent, seul dans l'obscurité, son souffle haletant soulevant sa poitrine de façon incontrôlée, il se dit que les autres Clairs devaient déjà s'y trouver. Il crut entendre des hurlements de douleur résonner entre les flancs de la montagne. Les archers avaient dû rattraper les autres fuyards. Le porteur de pierre ferma les yeux.

Pourquoi eux ? Ils n'étaient que des pauvres mineurs qu'on récompensait de leur travail par de la misère tout juste assez bonne pour leur remplir la panse et nourrir leur force. Ils n'ignoraient certes pas les vagues de révolte et de protestation qui secouaient Svartalfheim depuis quelques temps, mais aucun d'entre eux n'y avait jamais pris part de prés ou de loin. Pour eux, les murmures et les rumeurs aux allures de prophétie étaient juste bons à bercer les enfants. Personne ici n'attendait le retour du Maudit, le dernier des Rois des Ténèbres, celui qui avait condamné et sacrifié son peuple pour échapper à la fureur d'Asgard. Qui voudrait d'un souverain pareil ? Certainement pas de pauvres mineurs comme eux. Même si leurs deux races se détestaient, les Clairs leur avaient permis de survivre dans cet environnement inhospitalier et désertique. Ils les avaient exploités sans relâche en échange de leur propre vie. Et pour les Svarts, trahis par leur roi, détestés par tous, il n'y avaient rien de plus précieux que leur vie : c'était la dernière chose en ce monde qui n'avait pas été réduite en cendre.

Des cailloux roulèrent devant l'entrée de la crevasse. La respiration du Svart resta tapie dans ses poumons redoutant l'écho qu'elle générerait en en sortant. Une paire de botte alfique aux arabesques élégantes et au métal reluisant comme la lame d'une épée se posta devant l'ouverture. Le porteur de pierre mit sa main devant sa bouche, les yeux terrorisés plein de larmes. Dans sa poitrine, il crut sentir son cœur cesser brusquement de battre. Les Clairs avaient l'ouïe fine. Il était persuadé que même le roulement d'une larme sur sa joue le ferait repérer. Alors, ils le tueraient. De ça, il était sûr. Il aurait voulu se transformer en ombre.

Les deux bottes restèrent immobiles un instant devant l'entrée dans la pierre, à quelques mètres de lui. Puis elles se détournèrent dans un pas si léger qui fit à peine crisser la poussière, et s'éloignèrent. Le Svart attendit quelques instants qui lui parurent durer une éternité, avant de libérer son souffle saccadé et chargé de terreur. Sa poitrine était en feu et il avait la nausée. Sa salive devenait pâteuse dans sa bouche et il aurait aimé pouvoir vomir, mais il n'en avait pas le temps.

Il devait quitter la montagne, s'éloigner des mines et fuir sur les plaines noires. S'il ne devait plus avoir un seul Svart vivant dans ces montagnes d'ici le coucher du soleil soit, puisque les Clairs en avaient décidé ainsi. Autant qu'il ne s'attarde pas ici dans ce cas. Peu lui importaient sa maison, le village, les autres porteurs de pierre probablement massacrés en ce moment. Lui, il avait peut-être une chance d'échapper aux flèches alfiques et il devait saisir cette chance.

Le Svart rampa dans l'obscurité le plus lentement possible pour ne pas faire de bruit. Le silence était son fragile voile d'invisibilité, il ne fallait pas le déchirer. Arrivé devant l'ouverture, il risqua un coup d'oeil furtif à l'extérieur. La montagne semblait vide. L'archer avait dû informer ses compagnons qu'il n'avait trouvé aucun Svart. Les Clairs devaient être assez loin à présent pour lui permettre de s'enfuir jusqu'aux plaines.

Le porteur de pierre prit une profonde inspiration pour se donner du courage et sortit discrètement de la crevasse. À peine eut-il poser le pied hors de l'obscurité, qu'il entendit le son que fait un arc alfique lorsqu'on le bande. La lueur d'une flèche projeta une lumière qui découpa son ombre sur la roche derrière lui. Le Svart leva la tête.

Au-dessus de lui, posté sur une pierre, un archer le tenait en joug. Un long manteau recouvrait ses épaules et une élégante armure ornait son corps, jouant avec les pâles rayons du soleil svart comme un diamant. Malgré la flèche de lumière pointée sur le porteur de pierre, son visage était dissimulé sous un capuchon. Pourtant, le Svart crut voir deux yeux y briller à la manière de deux étoiles.

La peur le foudroya un instant et il resta paralysé. Puis, voyant qu'il n'était pas encore mort, le porteur de pierre détala en dérapant dans la terre et la poussière comme un lapin terrorisé devant le renard. S'il n'avait plus aucune chance d'échapper aux archers, alors il n'avait plus rien à perdre.

L'archer lui accorda quelques foulées désespérées avant de libérer sa flèche qui alla se ficher dans le genou du Svart dans un sifflement furieux. Le trait de lumière transperça le muscle puissant aussi facilement que s'il avait été en paille. Le porteur de pierre s'effondra dans un râle d'agonie et se laissa tomber contre le sol rocailleux. Sa chute lui fit dévaler encore un peu plus la pente de la montagne avant qu'il ne s'immobilise, face contre terre.

– Eksd, appela une voix. Viens par ici ! Alsvid a failli laisser filer celui-ci.

– Par Byggvir et Beyla (I) ! jura ledit Eksd. Alsvid, je t'avais dit de t'assurer qu'aucun ne s'enfuit, quitte à retourner chaque caillou.

– Je suis désolé, répondit Alsvid aux bottes élégantes. Mais la crevasse était si étroite, je n'aurais jamais cru qu'un gaillard comme lui puisse s'y tapir.

Une main se posa sur l'épaule du Svart et le retourna. Malgré la poussière qui s'était accrochée à ses paupières, ce dernier entrevit le fin et délicat visage d'un Alfe penché au-dessus de lui. L'arc dans sa main était composé de deux lames pouvant être séparées et était dénudé de corde.

– N-non, sanglota le Svart comprenant qu'il allait mourir, par pitié...

– Ferme-la ! vociféra le Clair en lui envoyant sa botte dans la figure. Un parasite de ton espèce ne demande pas pitié.

– Calme-toi Aslvid, ordonna Eksd près de lui d'une voix plus calme et posée.

Au contact de la botte de l'Alfe, le porteur de pierre eut l'impression que son visage explosait. Son nez se mit à saigner et une affreuse douleur lui scia le crâne. Ses oreilles sifflèrent et des larmes perlèrent au coin de ses yeux.

– C'est le dernier ? continua Eksd en se tournant vers l'archer qui avait tiré sur le Svart et qui restait un peu en retrait.

– Probablement, fit ce dernier son capuchon toujours baissé. Vigrild et Bodrug ont dû s'occuper de ceux restés au village et ceux qui ont survécu à l'explosion ont été rassemblés à l'entrée de la mine. S'il en reste à l'intérieur, ils y mourront : l'entrée a été complètement bouchée par l'explosion.

– Du coup, on peut se débarrasser de celui-ci ? questionna un autre Alfe les ayant rejoint.

Dans un gémissement, le porteur de pierre essaya de ramper, poussé par l'énergie du désespoir, mais Alsvid l'arrêta net en posant le talon de sa botte pleine de terre contre sa tempe. L'Alfe s'appuya légèrement sur le crâne du Svart qu'il sentit s'enfoncer dans le sol dans un craquement.

– Oui, dit Eksd qui semblait être le chef du groupe. Aucun survivant, on a dit.

Il se tourna vers l'archer et lui intima d'un signe de tête presque désintéressé :

– Occupe-t-en.

Aussitôt, l'archer s'approcha du Svart toujours coincé sous la botte d'Alsvid.

– Je peux m'en charger, dit ce dernier en levant sa lame comme pour signifier qu'il en serait ravi.

– C'est elle qui l'a attrapé, répliqua sèchement Eksd visiblement agacé par l'attitude de l'Alfe. C'est donc à elle de finir le travail – c'est la règle. Écarte-toi.

Arrivée à sa hauteur, l'archère attendit qu'Alsvid retire son pied dans un grognement et ne s'écarte. Puis elle s'accroupit à côté du Svart, le mit face à elle et baissa son capuchon d'un geste sec.

Ce n'était pas une Alfe. À la place des élégantes oreilles pointues, deux petits bout de chair arrondis pointaient hors d'une chevelure aux longueurs si inégales qu'on devinait qu'elle n'avait pas été structurée depuis longtemps. Entre ses mèches d'un blond terne presque triste, un visage relativement jeune et féminin se dessinait. L'ombre de fossette encadrait une bouche gracieuse prête à s'animer dans un sourire. Le reste du visage semblait doux, mais le regard qui se darda sur le Svart était empreint d'une gravité impressionnante, comme le regard des statues en pierre de Niflheim. Les yeux de la jeune femme étaient d'un marron si clair qu'ils semblaient dorés.

Derrière elle, Eksd s'impatienta :

– On a dit pas de survivant, Kara.

La jeune femme regarda encore un instant le porteur de pierre puis, dans un soupir, elle sortit une petite dague de sous son manteau. Quand elle leva la lame au niveau du visage du Svart, ce dernier vit qu'une rune y était gravée.

– N-non, je vous en supplie, implora-t-il.

Le regard toujours fixé sur lui, Kara l'égorgea d'un mouvement net du poignet. Le sang noya sa bouche alors qu'il sentait la chair de son cou se déchirer. Il toussa et s'étrangla. Son corps fut pris de violents spasmes alors que les yeux de la jeune femme demeurèrent vides.

Le Svart n'était pas encore totalement mort lorsque Kara le laissa retomber sur le sol. De la pointe de sa botte, elle envoya le porteur de pierre dévaler la pente de la montagne à la manière d'une pierre qui roule. L'Archère suivit sa dégringolade du regard, un mépris crispant son visage tacheté de sang.


(I) Dans le poème Lokasenna, Byggvir et Beyla sont mari et femme et sont des serviteurs du Vane Freyr.


Merci de votre lecture,

Je vous prie de m'excuser pour les fautes de grammaire/conjugaison/orthographe que vous avez pu rencontrer. Je rappelle que je ne touche aucune revenu pour tous ces pixels utilisés et vos reviews sont ma seule fortune.

En espérant vous retrouver très vite,

skya.