L'aigle et le Serpent

Prologue

Bien des années s'étaient écoulées sans qu'il puisse s'en apercevoir complètement, lui, enfermé dans cette pièce sans murs, dans cette prison sans chances de s'évader, ou résonnait à peine le son de sa propre voix. Prisonnier de cet endroit magique, l'homme ne possédait qu'une seule chose : un objet qu'il aurait préféré ne jamais avoir à ses côtés. Un miroir. Un miroir qui ne reflétait pas son physique, mais plutôt un royaume. Celui qu'il avait jadis tenté de contrôler, de mettre à genou devant son pouvoir immense. Cependant, un jeune homme venu de la forêt, portant une marque sacrée semblable à la sienne, élu de la seule arme qu'il craignait malgré tout, était apparut et, libérant les sages les uns après les autres, rassemblant leur pouvoir, c'était proposé comme son ennemi juré et l'avait combattu. Un combat qui mena à son emprisonnement actuel.

Ganondorf, mieux connu sous le nom de Seigneur du Mal, décida de s'asseoir à même le sol, n'ayant rien de plus important à faire, et jeta un coup d'œil à l'objet magique. De toutes les expériences qu'il avait vécues, il ne souhaitait qu'une seule chose : revivre son dernier combat. Lorsque les deux hommes, chacun élu de la Triforce, chacun élu des déesses créatrices, c'étaient combattus avec tous ce qu'ils pouvaient donner, leur maximum ou encore plus, le prince gérudo avait ressenti un mélange d'émotions si intenses qu'un frisson le traversa à la simple pensée de ce moment si profond. Il ferma les yeux et s'enfouit dans ses propres souvenirs, à la recherche de ces instants extrêmes.

** Ses doigts caressaient lentement, avec grâce, les touches de son ogre, composant une unique mélodie qui résonnait entre les murs de son château, dans toutes ses pièces, et sûrement jusqu'aux oreilles pointues de son futur adversaire, le Héros du Temps. Le calme avant la tempête. Son regard flamboyant se dirigea inconsciemment vers la princesse, retenu par des chaines, dans un coin de la grande salle qui serait l'arène du combat à venir. Elle semblait prier, ses lèvres bougeant à peine, murmurant mots après mots, suppliant que l'élu accomplisse son destin et libère son royaume. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire moqueur. Comment un gamin pouvait-il croire le vaincre, se mesurer à lui ? L'élu de la puissance ? Un rire s'échappa du fond de sa gorge, ce qui fit réagir la princesse Zelda. Elle serra les poings, son regard qu'elle croyait peut-être menaçant tourné vers lui, mais il l'ignora avec facilité. Puis, le gérudo entendit ses pas, aussitôt suivit de l'ouverture du dernier obstacle les séparant. La dernière note de sa musique s'évapora, laissant un lourd silence plané dans la pièce déjà trop petite pour ces trois êtres spéciaux.

D'un mouvement lent mais imposant, Ganondorf repoussa sa cape rouge sang et, pour la première fois, leur regard se croisèrent ; un rubis infernal contre un saphir aussi profond que la mer. Ganondorf le détailla sans aucune retenue, essayant de percevoir une blessure, un défaut, une faiblesse qui l'aiderait dans ce combat qui approchait à grand pas. Pourtant, le gamin l'impressionnait. Une posture courageuse, de larges épaules, un corps d'athlète et un regard pénétrant, insoumis. Pendant une fraction de seconde, le jeune hylien laissa sa surprise déformer son visage, mais se reprit aussi rapidement qu'il avait perdu le contrôle sur sa personne. Link détacha son regard le premier, observa un moment la princesse, voir si elle portait des marques de violence, puis s'avança d'un pas. L'élu du Courage, bien évidemment, ne démontrait aucune peur face à ce qui l'attendait. Son adversaire, l'élu de la force, descendit les quelques marches qui le séparait du même niveau et claqua des doigts. Son instrument de musique disparut dans un éclat de lumière, laissant davantage d'espace pour le duel à venir. Les deux hommes prirent leurs armes dans un mouvement similaires et se mirent à marcher, suivant un rond imaginaire, leur regard planté l'un dans l'autre, attendant le premier mouvement qui déclencherait une guerre.

Quelques longues minutes s'écoulèrent telles des heures. Zelda, impuissante, regardait les deux hommes continuer leur marche, incapable de ce quitter des yeux, observant attentivement les mouvements de l'ennemi, prêt à bondir. Finalement, les deux guerriers s'élancèrent au même moment, leur arme s'entrechoquant avec violence, créant des étincelles et un crissement d'horreur sous la force de l'assaut. Ils s'éloignèrent à l'unisson, que pour tenter une nouvelle attaque qui retomba une nouvelle fois sur les lames plutôt que sur l'adversaire. Le même scénario se répéta à plusieurs reprises jusqu'à ce que le gérudo et l'hylien restent face à face, les dents serrées, les muscles contractés au maximum afin de contrer la force de l'ennemi.

- Tu m'impressionnes, gamin, dit finalement le seigneur du mal avec un sourire en coin alors qu'il s'approchait.

Link recula pathétiquement sous sa force, mais n'abandonna pas pour si peu. D'un mouvement agile, il fit dévier son épée, en profita pour se glisser sur sa droite et lui administrer un coup aux côtes. Le Seigneur ne broncha pas pour un tel détail ne servant qu'à le distraire, mais lorsqu'il se retourna, il fut éblouit par une lumière qui ne pouvait provenir que d'une seule arme : les flèches créées par la sagesse afin de le vaincre. Une douleur inhumaine le traversa et son adversaire en profita pour le charger. Le Héros du Temps concentra son énergie dans la lame sacrée qui l'avait choisit et, à l'instant où il se trouva suffisamment près, relâcha son attaque. L'onde de choc le frappa de plein fouet, l'envoyant valser contre le mur, un pauvre gémissement franchissant la barrière de ses lèvres. Il se releva, sa soudaine posture reflétant sa rage, et s'élança vers le plus jeune. Le blondinet essaya en vain de préserver une certaine distance entre eux, mais le fils du désert, plus rapide, lui bloqua son chemin et son poing entra en contact avec son ventre. Link grimaça, sentant ses pieds quitter le sol, et alla s'écraser par terre, roulant quelques tours sur lui-même, le souffle court. Cependant, repoussant cette horrible sensation qui l'empêchait de respirer correctement, le jeune homme empoigna à nouveau la master sword et bloqua de justesse la nouvelle du Seigneur. Le repoussant d'un mouvement vif, l'hylien bondit hors de porter et posa son regard perçant sur Ganondorf, légèrement essoufflé. Le plus vieux arqua un sourcil, réprimant son envie de se moquer de sa faiblesse.

- Je t'ai fais mal peut-être ? Ou serais-tu déjà fatigué ?

Son opposant garda silence, la main ayant une emprise mortelle sur son arme, son bouclier protégeant le devant de son corps. Ses yeux brillants reflétaient toujours cette même détermination, ce même courage légendaire que demandait le titre d'Héros du Temps. Sans prévenir, il courut dans sa direction, mais n'utilisa pas l'épée de la légende. Ganon remarqua un éclat orange dans le fond de sa paume et puis, une boule de feu filait tout droit dans sa direction. Le Feu de Din. Grognant d'irritation, il utilisa alors sa cape comme bouclier et la renvoya vers l'homme vêtu de vert. Celui-ci laissa la surprise transformer sa posture, mais retrouva sa concentration et bondit hors de portée. Cependant, le fils du désert s'élança aussitôt à sa poursuite, cherchant à le toucher mortellement de son arme. Link abandonna alors son bouclier, empoigna la master sword à deux mains, et se lança directement sur lui avec un cri de détermination. Au moment où les deux armes s'entrechoquèrent, une onde de choc se déclencha et leur puissance, leur détermination, s'entremêlèrent, créant une aura autour de chacun d'eux, un léger tremblement traversant le long de la tour, les deux Triforce brillant de milles feux sur le dos de leur main. Malgré la différence de force entre les deux hommes, le Héros compensait cette faiblesse par son courage légendaire. Pourtant, ce ne fut pas suffisant.

Le fils du désert concentra son énergie magique dans son épée et la relâcha, déstabilisant son adversaire, le repoussant de quelques mètres. Le seigneur en profita pour le blesser sérieusement en le coupant, à la diagonale, au niveau du torse. Son sang se répandit sur le sol, sous le regard effrayé de la future reine devant ce spectacle, alors qu'il se mordit la lèvre afin de retenir son cri. N'ayant pas le temps de réagir à ce détail, il laissa Ganondorf l'accrocher par le collet et le plaquer sans douceur sur le mur. L'hylien gémit sous la pression qu'exerçait son ennemi, sous la douleur qui le martyrisait, mais ses yeux possédaient toujours cet étrange éclat qui piquait sa curiosité.

- Donne-moi le Courage, gamin, maintenant.

- Dans tes rêves, répondit enfin le blond.

Les premiers mots prononcés depuis son entrer dans l'arène. Il les avait prononcés d'une voix déterminée, qui ne semblait pas craindre son destin. Ou peut-être que tous ses détails n'étaient qu'une façade ? Un être si jeune, à peine âgé de 13 printemps, prisonnier d'un corps mature, ne pouvait ne pas ressentir la peur. Soit toutes les expériences et les connaissances qu'il possédait à présent l'avait renforcit ou son adversaire cachait cette partie honteuse de lui-même au fond de sa personne, n'osant pas révéler que le grand Héros du Temps éprouvait cette émotion déstabilisante, humiliante.

Ses pensées furent interrompues par une douleur stridente à la cuisse. Son emprise redoublant pour être certain que l'hylien ne puisse en profiter de cet instant afin s'enfuir, il regarda la plaie causé par un poignard. Il avait sûrement été dissimulé dans sa botte ou encore sous sa tunique. Arquant un sourcil sous se geste, Ganondorf choisit de resserrer ses doigts autour de sa gorge et le soulever de terre. Link s'étouffa, relâchant son arme sous la panique, essayant lamentablement de se libérer. La princesse Zelda s'essouffla à le supplier de relâcher son élu, mais pourquoi le laisser vivant ? Le seigneur gérudo désirait le pouvoir, la Triforce complète plus que tout, et ce n'est pas un rejeton de la nature qui l'en empêcherait. Un rejeton aux traits doux malgré son corps de guerrier, malgré le sang qui tâchait à présent son visage, aux cheveux aussi brillant que le sable dorée luisant sous le soleil de midi, une peau de pêche, sans compter ses yeux saphirs, brillant de vie et de courage, insoumis et qui ne le sera peut-être jamais. C'est à ce moment que le prince eu envie d'être celui qui allait le soumettre, le dompter, le réduire à genoux, à sa merci.

- Qu'est-ce qui se cache bien derrière ce regard, je me le demande bien, murmura Ganon d'un ton à faire frissonner un lion.

Link ne répondit pas, peut-être préférait-il économiser ses réserves d'oxygène, mais regarda ailleurs, fuyant le regard de braise du gérudo. Celui-ci glissa ses doigts dans ses mèches d'ors et lui tira la tête vers l'arrière, provoquant une légère grimace, et le força à le regarder.

- Un pauvre enfant choisi pour m'arrêter vers mon souhait, c'est ça, la meilleure solution des Déesses créatrices ? Laissez-moi rire.

- Ne laisse pas mon apparence te tromper ! parvint-il à dire.

En un grognement de détermination, il appuya ses pieds joints contre le torse massif du prince et le repoussa de toutes ses forces. Tirant profit du fait que le géant relâcha sa poigne de fer, l'hylien réussit à se libérer et, après avoir tombé sur le sol, ramassa Excalibur et mit encore une fois une certaine distance entre eux. Ganondorf laissa un rire résonner dans la salle alors qu'il se tournait d'un mouvement lent, son épée à nouveau dans sa main, et prit une pose offensive. En quelques secondes, le duel reprit vie et, parmi l'entrechoc des armes, le sang frais tâchant de plus en plus les dalles du plancher, la fureur de leur résolution, une passion unique et incomparable prenait naissance au fond de leur être. Ce combat à la mort, c'était la première fois qu'il trouvait enfin un défi, un égal pour lequel il devrait se pousser au dessus de la limite. Et parmi toutes les émotions qui se chamaillaient à l'intérieur de son esprit, ses pensées se dirigèrent vers la peine qu'il ressentirait à la fin de cette guerre. Jamais il n'y aurait une passion semblable à celle-ci, une telle ivresse qui lui brouillait la vue et les idées.

Voilà. La Master Sword pénétra douloureusement en son ventre, ses muscles se figeant sous la brûlure qui traversait son corps comme une vague de lave bouillante. En pur reflexe, il enroula ses doigts autour de la lame, tentant d'arrêter sa course, mais c'était déjà trop tard. Les dents serrées, il regarda le jeune blondinet couvert de blessures qui relâchait la tension de son corps exténué, et ria. Link arqua un sourcil, visiblement surpris de sa réaction. Le combat n'était pas terminé. Loin de là. La Triforce de la Force se mit à briller intensément et sa transformation s'amorça. **

Il fut tiré de ses pensées lorsque des pas résonnèrent dans cet endroit sans limite. Ganondorf arqua un sourcil, surprit d'entendre ce bruit si rare ici, et releva la tête que pour poser son regard de braise sur la Déesse qui était sensé le protéger. Din, créatrice du feu et de la terre fertile, vêtu d'une robe décorée de rubis et de topaze rouge, aux longues mèches de sang, s'avançait d'une démarche flottante dans sa direction. Son regard presque noir où dansaient quelques flammes, l'observa pendant quelques secondes. Le fils du désert, curieux, se releva d'un mouvement lasse, croisa les bras contre sa poitrine, et attendit que l'être divin prenne la parole.

- Bonjour, mon cher élu, commença-t-elle d'une voix forte, comment trouves-tu l'immortalité de cette demeure ?

- Viens-en au fait.

Un petit rire aussi coupant que le cristal rebondit contre les murs invisibles de ce lieu magique.

- Et si je te disais que je pouvais te rendre ta liberté ? Que tu pourrais à nouveau parcourir à ta guise le comté d'Hyrule ?