Note de la Traductrice : Merci à Tessa Crowley de m'avoir laissé traduire The Unbearable Burden of Caring!


"Oh," dit Hermione à côté de lui. "Oh, Harry, n'est-ce pas magnifique?''

Ça l'était. Et après avoir passé tant de temps dans des endroits tellement sombres, Harry avait développé un amour profond et immuable pour la beauté, partout où il pouvait la trouver.

''Je croyais qu'on ne devait pas utiliser nos vrais prénoms.''

Il la regarda de côté et sourit. Elle était magnifique, elle aussi, vêtue de plumes blanches et de soies – elle avait décidé d'être un cygne parce qu'elle avait déjà une robe blanche à transformer pour l'occasion. Il ne pouvait pas discerner les traits distinctifs de son visage à travers son masque, bien entendu, mais il pouvait tout de même voir qu'elle lui retournait son sourire.

''Tu as raison,'' dit-elle. ''Du moins, pas avant minuit.''

C'était à minuit, apparemment, qu'on retirait les masques. Harry n'était jamais allé à un bal de toute sa vie (sauf s'il comptait le Bal de Noël quand il avait quatorze ans, et puisque ça avait été un évènement scolaire, il décida que ça ne comptait pas), encore moins un bal masqué. Il devait se fier aux connaissances d'Hermione.

Il aimait bien l'idée d'un bal masqué. Le mystère, le romantisme. Le fait que personne ne le reconnaîtrait, personne ne lui demanderait de photographies ni de signatures.

''Je veux un peu de vin,'' décida Hermione, et elle s'éclipsa dans la foule.

Les banderoles, les chandelles, les costumes, le clair de lune à travers la haute fenêtre – magnifique. Harry s'en imprégna, laissa cet environnement le calmer, le laissa lui rappeler que la vie n'était pas que la mort et le deuil. S'il y avait un seul bon côté à son statut de célébrité, c'était de pouvoir participer à des évènements comme celui-ci.

Il avança dans la foule, le murmure des conversations noyé par la musique. L'orchestre avait commencé à jouer.


C'était un bon point de départ, décida Drago. Son agent avait raison : il ne pouvait pas continuer à s'enfermer à l'intérieur comme il le faisait, et ce bal était un compromis sûr. Voir des gens, apparaître en public, socialiser, mais surtout l'anonymat béni, sacré, qui venait avec le fait de porter un masque.

Jusqu'à minuit, en tout cas. Mais Drago ne croyait pas rester aussi longtemps. Il était prêt à se montrer un peu, mais pas autant que ça.

Il but, mais pas trop. Il mangea, mais juste un peu. Il parla, mais brièvement. Le monde extérieur requérait une certaine habileté, et il dû s'y habituer à nouveau, mais ça lui revint assez facilement.

C'était une fête qui, à certains moments, lui semblait un peu trop familière. Toute cette richesse et cette parure lui faisait se souvenir d'avant, avant la guerre, à la maison. C'était douloureux. Parfois, ça le glaçait jusqu'aux os – mais tout allait bien.

Tout allait bien, se rappela-t-il.

Il portait un masque, après tout. Quel meilleur moment pour se détendre?


Harry adorait les couleurs. Des renards d'un rouge éclatant, des lions dorés, des dragons d'un vert poison, des paons aux plumes aussi bleues que le ciel, tous étincelants de bijoux, virevoltant, dansant, riant. C'était si coloré qu'il sentit un soudain pincement de regret d'avoir décidé de venir déguisé en –

''Un corbeau?''

Quand il se retourna, il était face à face avec un prince. Il était grand, bien qu'il faisait quelques pouces de moins que Harry, avec un long manteau noir ourlé d'or, une chemise et une cravate blanches, et de splendides bottes noires. Élégant mais sans prétention.

Aussitôt, Harry tomba amoureux.

''Un choix intéressant,'' dit le prince. ''Audacieux, aussi. Un petit point noir dans une mer de couleurs. Une façon dramatique de se démarquer.''

Oh, oui, songea Harry. Très amoureux.

Son masque noir et doré couvrait la majorité de son visage, mais Harry pouvait tout de même voir son sourire.

''Ce n'était pas intentionnel,'' dit Harry. ''Ma plus belle robe est noire. Je me disais que ce serait facile de la transformer.''

Le prince fit un pas vers l'avant, inspectant les plumes cousues sur les manches d'Harry. Maintenant qu'il était plus près, Harry pouvait sentir son odeur – thé et cigarettes. Malgré lui, il inspira profondément.

''Les corbeaux sont des oiseaux terriblement incompris,'' fit remarquer le prince. ''Poe a éternellement détruit leur réputation en écrivant son poème. Ils sont en fait très joueurs.''

''Vraiment?''

''Oh, oui. Ils se pourchassent entre eux, glissent sur les bancs de neige – ils se font même leurs propres jouets.''

Harry sourit. ''Êtes-vous ornithologue?''

Le prince rit. ''Non,'' dit-il, ''je fais seulement beaucoup de lecture.''

Il se pencha pour prendre une flute de champagne sur la table près d'eux, et par le fait même, se rapprocha encore plus d'Harry. L'odeur de thé et de cigarettes inonda à nouveau ses sens.

''Votre voix est familière,'' dit Harry. ''Est-ce qu'on se connait?''

''C'est une question un peu étrange, vous ne croyez pas?''

Harry ouvrit la bouche, la referma sans avoir parlé, puis finalement dit, ''Pardon?''

''Nous sommes à un bal masqué,'' dit le prince. ''Le but même de cette soirée est le mystère et l'anonymat. Je souligne simplement le paradoxe d'un homme masqué demandant à un autre homme masqué s'ils se connaissent.''

Pendant un moment, Harry considéra la possibilité que sa décision spontanée qu'il était tombé amoureux n'avait en fait pas été si loin de la vérité. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi éloquent de toute sa vie. L'homme parlait comme si c'était de la poésie, et malgré lui, Harry ne pouvait pas s'en passer.

Il prit un moment pour étudier son prince. Le masque ne pouvait pas tout cacher, après tout : Harry pouvait voir qu'il était mince, qu'il était très propre, que ses cheveux étaient d'un blond très pâle, et que le mouvement de son cou lorsqu'il buvait du champagne était exquis. Il était beau, et le point faible d'Harry pour les belles choses n'avait jamais été aussi faible.

''Est-ce que vous dansez?'' demanda Harry.

Le prince avala sa gorgée de champagne. ''M'invitez-vous?''

''J'insiste.''


Il s'en sortait si bien, voletant d'une personne à une autre, se livrant à des plaisanteries sans importance. Ça avait été une série d'étirements et d'échauffements tout en douceur pour ses aptitudes sociales rouillées.

Puis il avait parlé au corbeau, et il avait senti le houx, et avant qu'il comprenne ce qui était en train de se passer, ils dansaient. Tout ce à quoi Drago pouvait penser, c'était à quel point ses bras étaient forts autour de lui, et cette pensée était plus forte que toutes celles qui lui rappelaient qu'il ne devait pas aller si loin, si rapidement.

''Si je ne peux pas connaître votre nom,'' dit le corbeau, ''alors vous pouvez au moins me dire ce que vous faites dans la vie.''

''Je suis écrivain,'' dit Drago. ''Romancier.''

''Ça explique votre facilité avec les mots.''

''Dans le passé, des gens m'ont dit que mon vocabulaire était prétentieux.''

''Ils devaient être assez jaloux. Avez-vous écrit quelque chose que je pourrais lire?''

''Merlin, j'espère que non.''

Le corbeau rit, et peut-être que c'était l'imagination de Drago, mais il lui sembla qu'il avait senti son bras se resserrer autour de sa taille.

''Quoi? Est-ce qu'ils sont mauvais?''

''C'est possible, bien que j'aie eu de bons commentaires. Ce n'est pas la qualité qui me concerne, c'est plutôt qu'ils soient si personnels.''

''Oh?''

''Écrire La Tragédie du Narcissique, c'était comme déchirer mon propre cœur avec un couteau à beurre mal aiguisé; le publier, c'était comme afficher l'organe publiquement pour que tout le monde puisse l'inspecter.''

Le corbeau souriait. Drago pouvait seulement étudier moins de la moitié de son visage, mais son expression semblait ravie.

''Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui parle comme vous,'' dit le corbeau. ''C'est incroyable à écouter.''

Cela surprit Drago, bien que ça n'aurait probablement pas dû. Après tout, il avait passé huit ans enfermé dans son appartement, écrivant et lisant et buvant trop, et ne parlant à personne. Peut-être que dans ces longues années d'exil, sa façon de parler avait changé. Presque tout de lui avait changé.

Peut-être que ce qui le surprenait, ce n'était pas l'aveu du corbeau mais bien le fait que le corbeau l'avait avoué simplement. Ça semblait être une chose si étrange et vulnérable à dire – son ton n'avait pas été flatteur ou adulateur, mais plutôt joyeux et ouvert.

Drago réalisa qu'il avait pris de longues secondes à répondre et dit, ''Vous êtes très franc.''

Le corbeau haussa les épaules. ''Je n'aime pas me cacher ou cacher mes pensées. Mieux vaut être détesté pour ce que vous êtes qu'aimé pour ce que vous n'êtes pas.''

''J'imagine que la peur du mépris doit être moins grande lorsqu'on porte un masque,'' dit Drago.

Le corbeau se pencha en avant. Drago respira le houx et sentit un souffle chaud sur sa mâchoire. ''J'ai l'impression que je vous complimenterais même si aucun de nous deux ne portait de masque.''

Drago frissonna et tomba amoureux, en dépit du fait qu'il savait que ça ne pouvait pas possiblement être réel. S'il n'avait pas de masque, s'il savait seulement –

Son bras, à l'endroit de la Marque des Ténèbres, lui brûlait, lui faisait honte. Rappelle-toi qui tu es, elle lui rappelait. Rappelle-toi ce que tu as fait.


La chanson se termina et tout le monde applaudit, mais Harry était peut-être trop empressé de se libérer du plancher de danse et de la proximité des autres danseurs. Il prit le prince par la main et l'amena plus loin, à travers de grandes portes françaises qui menaient au jardin, illuminé de guirlandes de lumières.

''Vous êtes très silencieux tout d'un coup,'' dit Harry une fois que tout le bruit de la salle de bal s'était calmé en un vrombissement plaisant et lointain.

''Toutes mes excuses,'' dit le prince. ''Je vous assure que c'est très inhabituel de ma part. Si cela vous soulage, vous pouvez me considérer tellement pris par votre charme que vous m'avez rendu abasourdi.''

''Merlin, j'espère que ce n'est pas le cas. J'ai déjà décidé que j'adorais vous entendre parler.''

La lune sortit de derrière un voile de nuages, illuminant le jardin d'une lumière argentée. Quand ils s'arrêtèrent, ils étaient près d'une fontaine, assez loin de la salle de bal pour n'entendre que le bruit de l'eau et des grillons.

''Vous avez une franchise à couper le souffle,'' dit le prince.

''Vraiment?''

''J'ai toujours admiré l'authenticité. J'ai passé tellement d'années enfermé loin du monde extérieur, me cachant de tout incluant –'' il hésita un moment. ''Incluant moi-même.''

Harry n'était pas certain de ce qu'il devait dire, alors il ne dit rien.

''Je suppose que c'est – le monde est si rafraichissant, je crois. C'est rafraichissant, de voir autant de sincérité. Comme ouvrir une fenêtre dans une pièce renfermée et respirer de l'air frais.''

''Merlin,'' dit Harry de nouveau, en riant. Comment quelqu'un qui parle de cette façon pourrait exister ailleurs que dans les livres? ''Je n'ai aucun problème à être aussi sincère que vous le souhaitez si ça vous garde intéressé.''

''Vous ne devriez pas avoir peur de perdre mon intérêt,'' dit le prince, et il s'était tellement rapproché qu'il devait lever un peu le menton pour rencontrer le regard de Harry, et Harry ne put pas s'empêcher de regarder les mouvements de son cou. ''Êtes-vous un Auror?''

Harry força ses yeux à se détacher de son cou, son cou qui remplissait sa tête de pensées inadéquates. ''Comment saviez-vous?''

''Il n'y a pas beaucoup de types de personnes invitées à des soirées comme celle-ci,'' dit le prince. ''Vous n'avez pas l'air d'une personnalité mondaine ou d'un politicien. Avec ces éliminations il ne reste plus beaucoup de choix.''

''Bonne déduction,'' dit Harry, souriant.

''Un Auror,'' dit le prince, ruminant. ''Un conquérant du mal.''

Il pouvait détecter une subtile tension chez le prince.

''Vous semblez nerveux,'' dit Harry, tendant la main vers le cou du prince. Le prince prit une inspiration brusque et frémissante, et s'arqua presque par réflexe contre le contact de sa main, comme un animal affamé d'affection. À la vue de cette réaction, Harry fut emplit d'un désir écrasant de le toucher absolument partout si ça pouvait provoquer cette même réaction encore et encore.

''Je ne suis pas nerveux,'' dit le prince.

''Ces choses ne sont pas supposées arriver,'' Harry l'informa. ''Les gens ne sont pas supposés se rencontrer comme ça et être tellement… tellement – ''

''Attirés,'' compléta le prince.

''Attirés,'' répéta Harry. ''Restez-vous jusqu'à minuit?''


L'esprit de Drago allait très rapidement, plus rapidement que son corps ne pouvait le suivre.

Minuit, le corbeau avait dit, et son esprit avait dérapé. Minuit, on enlève les masques, on révèle notre identité. Mauvais passé, mauvais souvenirs, conquérant du mal, c'est un désastre, ça allait toujours être un désastre, pars, va-t'en, va-t'en maintenant.

Pendant un moment tout ce que Drago pouvait faire était de rester là, paralysé. Un air concerné passa sur le visage du corbeau, tordant sa bouche dans une moue inquiète.

''Est-ce que ça va?''

''Je ne peux pas,'' dit Drago. ''Je ne peux pas rester jusqu'à minuit.''

''Quoi? Pourquoi pas?''

Drago n'avait pas de bonne réponse. Toutes les anxiétés dont il avait réussi si difficilement à se débarrasser juste pour cette soirée rampaient vers lui à nouveau, s'agrippaient à lui, comme des ombres lui collant à la peau. Il recula et fit volte-face, puis retourna vers la salle de bal. Va-t'en, va-t'en, va-t'en, va-t'en.

''Attendez – !''

Merlin, y avait-il toujours eu autant de monde? Drago se sentait suffoqué, terrifié. Il avait été idiot de croire qu'il était prêt pour tout ça, si rapidement. La partie de lui qui pouvait communiquer avec les autres était morte dans la Guerre avec le reste de lui.

''S'il-vous-plait! Attendez!''

Les mots étaient distants, sans importance. Le plancher ondulait sous ses pieds, et Drago vacilla, se dirigeant vers le hall, vers l'extérieur, vers n'importe où, il devait sortir.


Un homme habillé en prince courut le long du couloir et vers la porte. Avant qu'elle n'ait eu la chance de décider si elle devait le suivre ou non, quelqu'un d'autre arriva en courant de la salle de bal.

''Attendez!''

Elle ne pouvait pas le reconnaître, mais c'était une soirée très chic et peu importe qui c'était, ça ne pouvait pas être une mauvaise chose, pour elle en tout cas.''

''Je veux juste…''

Dehors, il y eu le bruit familier du Transplanage, et l'homme qui était couvert de plumes enleva son masque et passa ses mains dans ses cheveux.

Harry Potter. Le perpétuel célibataire depuis la fin de la guerre, le héros solitaire, l'Auror sombre et dangereux, amoureux et perdu juste devant elle. Oh, oui.

''Je veux seulement…''

Il ne la vit pas, bien entendu. Personne ne remarque le scarabée sur le mur. Et tout d'un coup son esprit se remplit de possibilités. Harry Potter, 32 ans, a été vu à un bal masqué ce samedi, pourchassant un inconnu…

Non, non. Pas assez d'information, pas d'histoire. Pas encore.

Alors qu'il se laissait tomber sur un banc au mur, Rita rampa prudemment jusqu'à lui et s'accrocha sous son col.


Note de la Traductrice : Merci d'avoir lu! J'espère que vous avez aimé et que vous aimerez la suite. Laissez des reviews!