Disclaimer :
L'univers et les personnages de St Seiya ne m'appartiennent pas. Ils sont la propriété de Masami Kurumada, la Toei et la Shueisha.
Les personnages originaux de cette fanfic m'appartiennent.
L'image de couverture appartient à Sakino Saku 茶久人
Merci à Notsil pour la correction.
Merci à Horod et à SanTanaka pour leur aide et leurs conseils.
Warning :
Le rating est M pour la violence de certains passages et de certaines actions.
Description d'événements physiquement et psychologiquement difficiles subit par des enfants en bas âges.
En espérant que cette fanfic vous plaira.
L'enfant laissa échapper un lourd soupir chargé de sanglots retenus.
Il faisait nuit. Il faisait noir. Il faisait froid. Il avait faim. Il avait soif. Il était fatigué. Il avait peur. Il était essoufflé. Il avait mal. Il voulait pleurer.
Il resta un moment face contre terre, là où il venait de tomber, avant de sentir la main de son jumeau dans son dos. Alors il se fit violence, et se redressa péniblement.
Devant eux, au loin, à peine discernable dans la nuit, la femme qu'ils suivaient depuis plusieurs heures maintenant s'éloignait sans les attendre. Ils n'avaient aucune idée de leur destination, et les roches du sentier toujours plus pentu qu'ils suivaient ne leur donnaient aucun indice, ni aucun espoir d'arrivée prochaine. Mais ils devaient continuer, car la silhouette qui se faisait de plus en plus incertaine était leur seul espoir.
Alors que le petit garçon de trois ans qu'il était aurait dû depuis longtemps s'effondrer et pleurer toutes les larmes de son corps en refusant d'aller plus loin, il fit un pas, puis un autre, puis encore un…
Son esprit était vide. L'épuisement l'empêchait de réfléchir. Mais sans doute valait-il mieux qu'aucune pensée ne vienne le déconcentrer de la tâche à la fois si simple mais si pénible que représentait le fait de suivre la femme qui leur avait proposé de venir avec elle. Ainsi il ne réalisait pas à quel point il avait mal aux jambes, aux genoux et aux paumes des mains, à quel point il voulait pleurer, à quel point il voulait s'arrêter.
Sans un mot, il prit la main de son frère dans la sienne, et la serra avec le peu de force qui lui restait.
Ils devaient continuer. Ils devaient avancer. Ils devaient suivre la femme devant eux. Sinon… Sinon ils retourneraient à l'orphelinat. Sinon ils seraient séparés.
L'enfant ravala de justesse les larmes qui menaçaient de couler. Ne pas penser, ne pas réfléchir. Avancer. Encore et toujours avancer.
Il ne savait pas vraiment si c'était son jumeau qui le tirait et l'aidait à rester debout, ou si c'était lui qui jouait ce rôle pour son frère. Ils étaient tous les deux dans le même état : marchant depuis des heures sans plus attendre le moindre repos, mais en l'espérant éperdument.
Parfois, malgré tous leurs efforts, ils chutaient tout de même, comme il venait de le faire, comme son jumeau l'avait fait quelques minutes auparavant, comme ils le feraient surement de nouveau.
La veille encore, rien que les paumes écorchées de ses mains, rien que le goût métallique que lui laissait sa langue mordue à chaque choc auraient suffi à ce qu'il réclame l'attention d'un adulte, à ce qu'il témoigne en quoi cette douleur était difficile à surmonter pour lui, à ce qu'il pleure, et crie, et se plaigne. Mais la veille, il n'avait pas reçu cet ultimatum donné d'une voix sèche et impérieuse : Ils devaient suivre sans se plaindre, et ne pas faire le moindre bruit en le faisant.
Alors ils obéissaient, se dépassant au-delà de ce qu'ils pensaient possible du haut de leur courte vie. Auraient-ils encore la force de vraiment y réfléchir, peut-être auraient-ils été impressionnés par ce qu'ils faisaient. Peut-être aussi auraient-ils compris que la femme devant eux aurait pu disparaitre depuis longtemps vu leur rythme, lent malgré tous leurs efforts. Peut-être enfin auraient-ils remarqué le retour de cette douce lueur dorée autour d'eux, bien plus discrète que lorsqu'ils s'étaient enfuis, bien plus discrète que celle de leur guide lorsqu'elle les avait sauvés, mais dont l'infime chaleur les soutenait et les aidait à aller plus loin.
Mais c'était à peine s'ils réalisaient que la nuit était tombée depuis longtemps déjà, et que l'heure était bien plus avancée que ce à quoi ils étaient habitués. Tout ce qui existait pour eux, c'était le chemin toujours plus en pente, les cailloux à éviter pour glisser, les prises bancales à assurer. Tout ce à quoi ils pensaient, c'était la nécessité d'avancer.
Pourtant, ils finirent par se figer. Le sentier n'était plus qu'une vague évocation, et devant eux se dressait un énorme rocher, et derrière lui une falaise, impressionnante pour leur petite taille.
La femme semblait n'avoir rien remarqué. Elle continuait d'avancer comme si le chemin était plat, comme s'il s'agissait d'une route vaguement accidentée avec quelques pierres à éviter. Ils hésitèrent à l'appeler, muselés par l'injonction au silence qui pesait sur eux. Ils se dandinaient d'un pied sur l'autre, perdus entre la volonté d'obéir à l'ordre de la suivre, ou à celui de se taire.
Mais ils n'eurent finalement pas à choisir. Leur guide s'était arrêtée et s'était tournée vers eux.
Il n'y avait plus de faux-semblant : elle les attendait clairement.
Il n'y avait plus de doute à avoir non plus : elle ne s'était pas trompée de chemin. Elle voulait qu'ils montent par eux même, et elle ne viendrait pas les chercher.
S'ils voulaient continuer à la suivre, continuer à espérer rester ensemble, ils devaient grimper.
L'enfant retint hoquet et larmes, et entendit son frère faire de même à ses côtés.
Il ne voulait pas ! Il ne savait même pas comment faire !
Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était à bout de nerfs. C'était qu'il voulait pleurer, faire une crise de nerfs, crier de toute la force de ses poumons sa fatigue, son chagrin et sa frustration. C'était que ses jambes le portaient à peine, et qu'elles ne seraient pas capables d'escalader ce rocher si grand.
Il regarda son jumeau, trouvant un reflet de son épuisement et de son désespoir dans ses yeux.
Est-ce qu'ils devaient abandonner ? Est-ce que la femme les avait trompés, leur donnant un espoir irréalisable ? Est-ce que c'était eux qui n'étaient pas assez forts, assez grands pour la suivre ? Est-ce qu'ils étaient condamnés à s'arrêter là ? À être ramenés à l'orphelinat ? À être séparés ? À perdre leurs derniers repères comme ils avaient perdu le repaire (ou repère ? sachant que repaire serait une maison dans ce cas) de leurs parents ?
Une lueur décidée anima le regard fatigué de son frère au même instant où lui-même prit sa décision. Il était hors de question qu'il perde aussi son jumeau ! Hors de question qu'ils restent là ! Ils étaient déjà parvenus jusqu'ici, alors ils trouveraient un moyen de continuer, ou feraient leur maximum pour le trouver.
Sans un mot, se comprenant sans effort dans leur symbiose gémellaire, ils se remirent à bouger. Le petit garçon aux cheveux bleus attrapa son frère par la taille pour essayer de le soulever péniblement, tanguant sous son poids et sous sa propre fatigue.
Il y eut une plainte étouffée, quelques secondes que l'effort transforma en moment interminable, puis le poids de son jumeau s'allégea légèrement lorsqu'il réussit à s'agripper au rebord du rocher, avant de finalement disparaitre lorsqu'il réussit à s'y hisser.
Puis il y eut cet instant de vide où son frère disparut de son champ de vision. Cette peur et cette détresse dans une solitude aussi fugace qu'intolérable. Et enfin il y eut ce visage si ressemblant au sien penché vers lui, ces mains tendues qui cherchaient à être les plus proches possible, ce soulagement en les attrapant, cette douleur ajoutée aux autres en forçant sur ses épaules et en se sentant tiré tant bien que mal, cet accomplissement quand enfin ses genoux retrouvèrent une surface plate.
Ils avancèrent les quelques mètres de chemin praticable et presque vertical qui s'étendait au-delà, avant de passer le nouveau rocher qui se présentait à eux.
Avancer. Trouver un passage. Aller assez vite pour ne pas que leur guide devant eux ne s'impatiente, ne décide pas de finalement les laisser derrière, mais assez doucement pour ne pas tomber, du moins pas trop. Se retourner, souvent, pour voir si son jumeau était toujours là. Le chercher, toujours, même s'il savait à tout instant où il était. S'ouvrir davantage encore les mains et les genoux sur les obstacles à franchir. Chercher des forces alors qu'ils n'en avaient plus depuis longtemps, se hisser péniblement alors qu'ils pouvaient à peine encore marcher.
La progression était lente. Ils étaient à peine à la moitié de la falaise une heure plus tard, et la femme devant eux n'avait pas bougé d'un centimètre, les observant progresser tant bien que mal sans un mot, sans un geste. Son visage, caché par ce masque étrange qui les avait tant inquiétés la première fois qu'ils l'avaient vu, ne semblait pas s'émouvoir de les voir s'épuiser, de les voir trouver par miracle la force de continuer, de voir leur peau si jeune, si fragile, se couvrir de poussière et de sang, s'ouvrir sur les arrêtes rocheuses, s'écorcher sur les graviers.
Puis il y eut l'inévitable. Un rocher branlant, un équilibre déjà mis à mal par l'épuisement brisé par la dérobade d'une prise, une main qui cherchait de l'aide, une autre qui cherchait à secourir, un cri parfaitement synchrone, une douloureuse glissade sur plusieurs mètres, une chute commune.
En un instant, la femme au masque, pourtant à plusieurs dizaines de mètres de là, attrapait les deux enfants en plein vol. Lorsqu'elle atterrît souplement au bas de la falaise, elle entendit deux hoquets heurtés par le choc, puis un silence anormal. La frayeur avait eu raison des dernières forces des deux jumeaux. Ils pendaient, inconscients, sous ses bras.
Il y eut un long moment de silence immobile durant lequel la femme respira à peine, attentive, à l'affut du moindre signe pouvant lui montrer si le cri des deux enfants avait attiré quelqu'un.
Lorsqu'elle fut certaine que seule la nuit l'entourait, elle bougea les corps des deux garçons afin de les saisir de manière plus confortable, avant de passer la falaise avec autant de facilité qu'on saute un ruisseau. Elle n'avait plus à attendre. Elle avait vu ce qu'elle voulait voir, et elle était satisfaite.
Rapidement, un gigantesque escalier apparut devant elle, et presque aussitôt, au détour d'un tournant de cette gigantesque montée, un temple dont la blancheur semblait presque irréelle dans l'obscurité de la nuit et la montagne calcaire l'entourant.
La femme y entra sans une seule hésitation, caressant du regard l'Armure d'Or des Gémeaux qui trônait en son centre.
Elle avait enfin trouvé des successeurs ayant assez de volonté pour être peut-être capable de prendre sa suite. Et peu importait qu'ils soient deux, et qu'elle brise une des règles du Sanctuaire et de sa maison. Elle ferait d'eux les dignes porteurs de l'armure des Gémeaux, et les plus fiers défenseurs d'Athéna dans la guerre sainte à venir.
Ils en avaient le potentiel.
