Crédits : Aucun nom propre ne m'appartient.
Note : Bonjour :) Une chanson dans la tête hier, et me voilà avec un OS! Cela dit, rien à voir avec la chanson en question finalement, et ce n'est pas une song-fic x)
J'étais initialement partie pour en faire une bad end, mais ça me fendait le cœur, alors vous avez le choix. Le premier 'chapitre' est la bad end, le second la happy end. Si vous souhaitez même lire les deux (merci, j'apprécie beaucoup! :3), je vous informe juste que le début, jusqu'à la ligne de séparation, est absolument identique!
Bonne lecture!
Déchirure
« Alors comme ça t'as une nouvelle copine, Kise ? »
Les pas du grand homme à la peau tannée se stoppèrent dans le couloir sombre dès que le nom fut évoqué.
« Sérieusement, tu devrais te poser. Tu pourrais trouver une gentille fille pas trop chiante pour couler des jours heureux~ » chantonna la même voix depuis les vestiaires des pilotes.
Aomine se posa contre le mur, près de la porte qui menait à la pièce, et attendit. Il y avait longtemps qu'il ne s'embarrassait plus de questions ou d'hésitations sur son comportement dès que Ryôta entrait dans l'équation. Il avait fini par accepter qu'il ne décrocherait jamais vraiment, qu'il voudrait toujours en savoir plus sur sa vie pour se convaincre qu'il en faisait encore un peu partie et rêver de devenir une autre personne, celle qui avait cette injuste chance de pouvoir faire un bout de chemin avec son blond, jusqu'à ce que ce dernier trouve celle qui taillerait la route avec lui jusqu'au bout. Aomine se l'était promis, il avait fait le vœu que, ce jour-là, il classerait définitivement cette affligeante pression dans sa poitrine comme le simple souvenir d'un amour et d'une douleur d'une vie passée, enterrée. Il le rangerait dans un tiroir au coin de sa mémoire, et en tournerait la clef. Bien sûr, il serait obligé de le rouvrir parfois pour y placer d'autres images, d'autres scènes qui tourneraient encore librement dans sa tête, les plus difficiles à attraper et à faire taire pour cesser de souffrir.
Il y aurait parmi eux leur premier véritable échange, celui qui les avait amenés à vouloir se découvrir toujours plus, celui autour d'un ballon. Il y aurait aussi le jour où il s'était déclaré sur le toit du collège, une scène apparemment banale à en pleurer. Lui n'avait balancé ses sentiments au jeune mannequin que pour être tranquille avec sa conscience une fois pour toutes. Il n'avait d'ailleurs pas vraiment cherché à savoir ce que l'autre en penserait. Il s'était sentit peu malin au moment où il avait pensé s'en retourner simplement sans rien ajouter, restant finalement paralysé par le choc qui se lisait alors sur le visage de son aîné.
Il aurait aussi du mal à se séparer de l'image de son sourire, aussi lumineux que les fragments de soleil qui parsemaient ses cheveux dorés.
Leur première sortie lui laissait davantage un goût de franche rigolade et d'amitié fusionnelle que ce qu'elle aurait dû représenter, alors il ne voyait rien de mal à la laisser continuer à vagabonder dans sa tête.
Leur premier baiser, cependant, serait sans doute encore plus difficile à ranger, même s'il n'avait pas été forcément agréable. Ils s'y étaient tous les deux pris de façon assez maladroite.
Leur première fois s'était mieux déroulée, mais celle-là…
« Ça me dit pas trop pour le moment. Et puis j'ai que trente ans, j'ai la vie devant moi ! »
…Celle-là, il n'était pas certain d'être capable de la ranger dans ce tiroir. Ou du moins ce qui s'était passé juste après, lorsque Kise l'avait regardé droit dans les yeux, les fils d'or de ses cheveux couvrant encore plus son visage rougi qu'à l'accoutumée. A ce moment-là, Aomine se souvenait avoir pensé qu'ils resteraient toujours ensemble, que ces traits doux et pleins de vie seraient la première chose qu'il verrait en ouvrant les yeux au lever du soleil. Il embrasserait son astre à lui tous les matins, d'abord sur les lèvres ou au creux du cou le temps de leurs jeunes années, puis sur la joue quand ils auraient déjà quelques décennies de plus derrière eux, avant de se contenter d'un contact sur le front quand viendraient leurs vieux jours.
A tout cela, il avait dû renoncer. Ou plutôt : ils avaient dû y renoncer, à tout jamais. Aomine savait qu'il n'avait pas été le seul à souffrir de cette séparation forcée, même s'il se demandait parfois si, aujourd'hui encore, Kise repensait lui aussi à leur adolescence imbécile bercée de rêves bons à jeter une fois confrontés au monde.
Il savait aussi que l'espoir de cet avenir venait de mourir définitivement le jour où ils s'étaient retrouvés face à face dans cet immense aéroport. Tous deux avaient été aussi surpris l'un que l'autre, totalement incrédules devant cette rencontre qui n'avait été que le fruit trop amer d'un hasard traître. Le pilote, chemise sur le dos et petite valise dans une main, café dans l'autre et discutant joyeusement avec un collègue, avait brusquement pâli. L'agent de sécurité, lui, s'était trouvé incapable d'esquisser le moindre geste alors qu'il inspectait, la seconde d'avant, un sac supposé avoir été en contact avec une quelconque drogue à côté d'un client mécontent râlant sur les minutes qui passaient. Le temps qui leur semblait s'être arrêté avait brusquement repris lorsque le co-pilote avait tapé sur l'épaule de l'ex-mannequin, et ce dernier lui avait adressé un signe avant de se diriger vers l'espace réservé au personnel aérien.
Un signe. Ils ne s'étaient plus vus depuis dix ans, ils s'étaient quittés dans la douleur et l'atroce déchirement de la toile commune de leurs quelques années passées ensemble, ils n'avaient plus eu un seul contact depuis, enfermés dans deux cellules distinctes que formaient leurs familles respectives dans la vaste prison de la vie. Et lui, il s'était contenté de le saluer de la main ! Sans un mot, sans même avoir la délicatesse de prolonger un peu plus longtemps ces retrouvailles bien trop brèves en ne prononçant ne serait-ce que son nom. Pourtant, ils s'étaient reconnus immédiatement, et ça Aomine en était certain. C'est pourquoi il avait travaillé sans relâche à provoquer une nouvelle rencontre, et il fut soulagé d'apprendre que l'autre aussi l'avait recherché dans cette immense fourmilière humaine.
Toutefois, ni l'un ni l'autre n'avait été capable de mener une conversation normale, ou n'aurait-ce été qu'un début de celle-ci. Le poids de leur passé s'était fait sentir dès le premier mot lâché, et ils s'étaient à nouveau quittés en échangeant leur numéros comme ils l'avaient fait dix-sept ans auparavant, tout en sachant que l'autre ne pourrait sans doute jamais plus pousser le bouton d'appel. Leurs dernières vraies paroles avaient été échangées dans ce sentiment et, dès lors, ils n'avaient plus communiqué que par des politesses d'usage ou par ces éternels signes de la main, ces hochements de tête réceptifs ou ces sourires un peu tendus. Et tous deux avaient bien compris que les retours en arrière n'étaient possibles que sur la bande d'un film romantique, ou sur celle d'une belle chanson qui chante les louanges de l'amour.
C'était terminé. Aomine en avait bien conscience, depuis. Mais en attendant de pouvoir ranger sous clef ses plus doux souvenirs, il continuait d'observer le blond vivre de loin. L'inverse était-il vrai, lui aussi ? Dis-le-moi, Ryôta…
Il fut coupé dans ses pensées par le grésillement de son talkie-walkie, le faisant presque sursauter. Il pesta silencieusement avant de penser à s'écarter de la porte des vestiaires, mais la conversation semblait déjà avoir pris fin à l'intérieur. Merde !
« Aomine, tu m'entends ? » cracha l'appareil en attirant à nouveau son attention. « Y'a ta femme au téléphone. Apparemment, ton gamin a un problème. Magne.
-J'arrive. » déclara-t-il simplement d'une voix grave que lui avaient conférés non seulement l'âge adulte, mais surtout la cigarette. Cette saloperie dont il ne pouvait plus se passer depuis maintenant une dizaine d'années.
Il se détacha finalement du mur et reprit le couloir en sens inverse, ignorant la tête blonde qui passait la porte pour le regarder s'éloigner. Ses pas ralentirent néanmoins avant de s'arrêter, conscient du regard doux et chaud posé dans son dos. Ses poings se serrèrent lorsqu'il perçut le bruit des lèvres s'entrouvrant sur un appel silencieux, et il continua son chemin quand un premier pas derrière lui se fit finalement entendre. Il ne devait pas se retourner, il savait qu'il ne trouverait plus rien à lui dire maintenant qu'il devait savoir. Il ne lui avait jamais appris pour sa famille, conservant sans doute au fond de lui l'espoir fou d'une toile que l'on retrouve au fin fond d'un vieux carton malmené et que l'on restaure pour lui donner une nouvelle vie, une seconde chance.
C'était pour cette raison qu'il n'avait jamais été capable d'admettre cette vérité qui l'attendait dans une maison qu'il qualifiait aujourd'hui de 'chez-lui', dans laquelle il retournerait encore ce soir pour se réveiller le lendemain aux côtés d'une femme, certes mère de son fils, mais qui n'avait rien de l'homme blond qui le suivait à présent.
Kise fit quelques pas supplémentaires, résistant à l'envie de hurler le nom de cet homme à s'en arracher la gorge, ne serait-ce que pour le retenir au moins un instant. Il n'en fit cependant rien et finit par s'arrêter au milieu du couloir sombre, les bras ballants contre son corps éreinté, ses lèvres esquissant en silence deux syllabes bien connues d'elles tandis que ses yeux s'imprégnaient encore une fois de l'image d'un amour innocent qui lui avait été arraché dès la fin de sa tendre adolescence.
Il vit l'agent pousser la porte coupe-feu et hésiter l'espace de quelques secondes. Kise tendit la main dans le vide, comme si ce simple geste pouvait le persuader de la refermer et de lui revenir, d'essayer de construire à nouveau quelque chose à ses côtés pour ne plus jamais se quitter. Il tendait la main pour lui demander d'effacer ces dix années qui les avait tenus à distance, de les réduire à néant pour les réécrire autrement dans un livre abandonné de force en cours de route. Ensemble.
Mais rien ne vint. Un rai de lumière fit briller ses yeux d'or, et la lourde porte se referma en un bruit sourd, à peine audible. Une larme dévala sa joue pâle, suivie d'une autre, premières d'une pluie de douleur qui s'écrasèrent sur l'encre parcourant les pages imaginaires d'un ouvrage à jamais inachevé.
Fin
Merci de votre lecture! Pour la Happy end, c'est le chapitre suivant~
Je me répète, mais le début est absolument le même, jusqu'à la ligne de séparation :)
