Chaque fille est faite de sucre et d'épice, de tout ce qui est doux.

La poésie plutôt que philosophie, la broderie plutôt que la cuisine, la danse plutôt que les échecs.

La taille affinée, redessinée, le bustier serré, le dos droit. Le corset pour comprimer. La robe lourde, les bas bouffants. Les chaussures à talons, ni trop hauts ni trop bas. Les cheveux démêlés puis peignés, finalement bouclés et attachés. La peau pâle, douce, légèrement maquillée. Les joues rosées, les lèvres brillantes, le regard doux. Le corps orné de la façon la plus esthétique possible, tour de cou fantaisiste et boucles d'oreilles assorties. Des bijoux et accessoires à l'appel.

Rien n'était laissé au hasard, tous les matins une intense préparation commençait pour le reste de la journée. Elle définissait tout son être.

Ne jamais porter la même tenue deux fois, toujours porter une tenue resplendissante et neuve aux réceptions, changer régulièrement ses accessoires. Rester fraîche et pétillante, ne jamais sembler s'ennuyer, être aimable et polie en toutes circonstances.

Même quand elle en le voulait pas, elle le devait. C'était l'époque dans laquelle elle vivait, rien ne comptait plus que les apparences et le paraître.

Demeurer figure d'innocence et de jeunesse, une fiancée à protéger. Une jeune fille rayonnante, le sourire aux lèvres, jamais de mauvaise humeur, jamais attristée. Ne pas se rebeller.

Lizzy avait appris à s'y faire. Elle avait même appris à s'en amuser, en profiter. A aimer ses robes à rubans, bouffantes et mignonnes, ornées de rose et de dentelle. Après tout elle n'avait pas le choix. Mais elle s'était appropriée ces traditions.

Pour son fiancé, pour Ciel, car elle se disait que peut-être elle pourrait lui faire retrouver le sourire qu'il avait perdu il y a de cela des années. Peut-être que ses efforts pouvaient l'aider, lui, d'une quelconque façon.

Une fiancée qu'il peut protéger.

Mais pas seulement.

Une fiancée qui peut le protéger.

La taille libérée, les mouvements rapides, le corps dansant. La robe légère, virvoltant au gré de ses gestes. Les cheveux trempées, mi-lisses mi-bouclés, suivant les déplacements de son corps. Les joues rougies par l'effort, la peau perlant de sueur et d'eau de mer. Le visage tâché de sang, de larmes, les sourcils froncés, le regard dur, les lèvres pincées puis entre ouvertes par sa concentration. La respiration haletante, mêlée à l'épuisement de l'action et la peur. Le corps bougeant à sa guise, avec vitesse et agilité, les bijoux qui ne suivent plus son rythme infernal. Le mains moites, tenant chacune une épée, le son des lames perçant l'air.

C'était ce qu'elle était, en réalité. Ce qu'elle avait appris à cacher, à dissimuler sous des rubans, du rose et une féminité à outrance.

Lizzy n'était plus une petite fille, c'était une vraie femme, forte, et prête à défendre les siens.

Elle était effrayée par sa vraie nature, qu'allait en penser Ciel après tout ? Avait-elle seulement le droit d'apparaître devant lui après lui avoir montré un aspect aussi disgracieux ?

Les larmes coulaient sur ses joues et elle tranchait, par des mouvements rapides, la chaire de ceux qui leur voulaient du mal. Le sang éclaboussait sa robe blanche, son visage enfantin.

Elle en voulait pas que Ciel voit cela, après tout ce qu'il avait traversé elle se devait de rester une figure du passé, pareille à elle-même, lui rappelant ses jours heureux. Mais maintenant il savait, il l'avait vue.

Mais Ciel n'était pas si superficiel. Car tant que Lizzy allait bien, tout lui allait. Elle l'avait impressionné, plus qu'effrayé. Lizzy resterait sa fiancée, quoiqu'il adviendrait.