LE DESTIN RETROUVE
Bonjour à tous ! Je vous avoue que je suis en train de craquer et que ce n'est qu'à moitié raisonnable. J'avais dit que je ne publiais pas avant d'avoir fini d'écrire. Cela dit, j'en suis à 13 chapitres finis, et au fond publier me motive. Et puis au pire vous m'enverrez des tomates pourries à la tête.
Quelques petits mots avant de de commencer : 1) cette fiction implique une modification temporelle et j'espère que tout un chacun sera capable de le voir et de ne pas s'offusquer des mises en relation qui ont lieu ici. 2) Je vais publier toutes les deux semaines pour commencer, histoire de ne pas vous laisser en rade à un moment. 3) J'accepte, j'appelle, j'aime, j'apprécie vos avis. 4) Oui, ce titre est un jeu de mots sur Proust...
Enfin, un grand merci à Lola ; et je vous souhaite une agréable lecture. Bises, Bergère
Le Fortunoscope
Le grand tri du Département des Mystères durait encore, dix ans après le massacre qu'ils en avaient fait en 5ème année, et après les altérations que le lieu avait subi lors du bref mais intense passage de Voldemort au pouvoir. On y trouvait donc encore, parfois, des objets inconnus et leur identité était impossible à reconstituer car ils avaient été déplacés. Ainsi Hermione saisit-elle un jour une grosse boule en verre, qui avait un vague air de famille avec les prophéties qu'ils avaient trouvées, et abondamment détruites, sur leur passage. En la prenant, elle se dit qu'elle n'aurait peut-être pas dû la saisir à pleine main, comme cela, mais presque étrangement rien n'eut lieu. La boule ne changea pas de couleur, n'émit pas de son, rien. Aussi la déplaça-t-elle jusqu'à son bureau et la posa sur une table, au côté de bien d'autres objets encore non classifiables, dont certains étaient sans doute dangereux. Sa supérieure, une grande femme au regard sombre et aux lèvres presque inexistantes, serra la bouche dans une sorte de moue :
« - Tiens, un Fortunoscope.
- Un quoi ? demanda-t-elle en approchant sa baguette de l'objet pour en tester les propriétés de base. »
La magie qu'il émettait était très puissante, cela elle le sentait déjà. Mais au moment où sa supérieure ouvrait la bouche, les yeux un peu plus écarquillés que d'habitude, la pointe de bois entra en contact avec la boule, et tout se mit à tanguer autour d'elle, lui donnant la nausée. Le simple tohu-bohu de départ se transforma très vite en une sensation qui n'était pas complètement étrangère au transplanage. Elle voyait défiler des couleurs et des formes très vagues à mesure qu'elle bougeait de plus en plus vite et de plus en plus fort. Et enfin, brutalement, elle atterrit. Là encore, une sensation bizarre : c'était comme si elle avait atterrit dans un corps étranger. Elle avait ralenti, lentement, et s'était arrêtée dans le vide. Puis c'était comme si on l'avait laissée tomber, tout droit, vers une forme d'abord vague, qui avait pris la consistance d'un corps. En atterrissant dedans, elle comprit qu'elle était retombée dans son corps. Son propre corps, dont elle ne vit pas tout de suite les anomalies. Cependant, quelque chose d'autre lui tomba sur les épaules, instantanément. Une sorte d'amoncellement de sentiments, de ressentis, d'expériences, un passé entier, une vie, une naissance. Tout cela comme un gros mal de crâne, mais qui n'annulait pas ses propres expériences, sa propre vie. Pour l'amour de Merlin, où était-elle et comment… qu'est-ce que c'était que cet objet qu'elle avait visiblement activé du bout de sa baguette ?
Un grand homme habillé d'une large robe accrochée d'une énorme broche autour de son large cou se présenta devant elle, et elle découvrit qu'elle était entourée d'autres. Son autre elle était surexcitée, elle était dans le monde magique depuis à peine vingt-quatre heures. L'homme dit « Bienvenue, premières années » et en regardant son corps elle se découvrit toute jeune, tout petite, une gamine de onze ans qui entrait à Poudlard. La distance de la femme de vingt-cinq ans et son complet étonnement ne l'empêcha pourtant pas de ressentir l'incroyable joie d'elle-même petite fille, une joie qui était exactement celle dont elle se souvenait, mêlée d'anxiété, en montant dans les bateaux et en découvrant, dans la nuit, l'impressionnante et magnifique silhouette du château de Poudlard. Etait-elle revenue en arrière, dans le temps ? Elle voulut se tourner sur le côté, demander à ses camarades, vérifier si elle était bien à côté de Neville, Harry et Ron, sur cette petite barque. Mais son « elle » du passé, ou jeune du moins, regardait résolument la silhouette de l'école dans la nuit, la dévorant des yeux. N'avait-elle aucun contrôle ?
Malgré la joie enfantine qu'elle ressentait, une peur lui serra l'estomac. Oui, elle était déjà revenue dans le passé, avant, plus d'une fois. Mais ça n'avait jamais ressemblé à ce bizarre, et franchement dérangeant, enfermement dans son propre passé. Quand sortirait-elle d'ici ? De quoi s'agissait-il ? Faites que ce soit un souvenir marquant, quelque chose… quelque chose qui ne l'enferme pas ici pour l'éternité, condamnée à revivre toute sa vie jusqu'au point qu'elle avait atteint. L'elle-même de son passé tourna la tête à gauche, puis à droite, acceptant enfin de reprendre conscience du reste de son environnement. Sur la barque, il n'y avait qu'une autre fille qui ne lui disait rien, et qui portait ses cheveux en un bizarre chignon, avec des mèches bouclées de chaque côté de la figure, quelque chose de vraiment daté. Par chance, elle porta alors la main à son crâne et y trouva une montagne de cheveux dans un arrangement qui ne lui disait rien. Bon, ce n'était pas son passé. Son autre conscience semblait soulagée d'avoir senti ses boucles en place.
Où était-elle pour l'amour de Dieu ? Un univers parallèle, peut-être, ou bien… La fille d'ailleurs paraissait complètement oublieuse d'Hermione, ne lui adressant pas la parole et entièrement absorbée par le château. Maintenant qu'elle y pensait, l'homme les accueillant n'avait pas été Hagrid, c'était un parfait inconnu. Ne pas pouvoir diriger ce corps devenait agaçant. La joie de cet autre elle commençait à l'agacer très franchement, aussi, elle n'attendait plus que de rejoindre la terre, savoir enfin où, comment, quoi… Le temps semblait ne pas vouloir en finir, mais enfin ils abordèrent. La marche vers l'intérieur, le Grand Hall, rien ne semblait particulièrement différent. Peut-être un peu plus neuf, bizarrement, oui, cela oui. Cette grande tapisserie, par exemple, que l'autre elle dévisageait avec admiration, lui paraissait avoir des couleurs plus vives que dans son souvenir. Bon, tout cela était étrange. Enfin, ils arrivèrent au sommet des escaliers, où on les laissa seuls : tous rangés, très sagement, en ligne, d'une façon très conventionnelle. Puis les grandes portes s'ouvrirent sur un petit homme lui aussi inconnu, qui leur expliqua le mode de répartition – cela non plus n'avait pas changé. Puis ils se mirent en ordre alphabétique, et attendirent. Elle ne connaissait pas un nom, ou alors comme une vague réminiscence. Rien cependant ne semblait étonner ou sembler anormal à son autre elle. Hum. Ce n'était pas clair. Elle était si perdue dans ses réflexions qu'elle n'entendit presque pas le nom qui vint et qui d'ailleurs passa assez inaperçu. Mais soudain, le son arriva à son cerveau, elle prêta enfin attention à la silhouette de petit garçon que fixait son autre elle : Albus Percival Wulfric Brian Dumbledore. Hein ?
Elle – l'autre elle – tourna la tête sur le moment vers un gamin qui murmurait quelque chose, et elle se serait auto-étranglée si la chose avait été possible. Mais, heureusement, elle ramena son regard vers le garçon désormais assis sur le tabouret. Un petit garçon, assez bien bâti, onze ans, qu'elle ne reconnaissait pas du tout. Peut-être, à peine, dans les yeux qu'il avait déjà très bleus. Le choixpeau, un peu trop frais pour être honnête d'ailleurs, hurla « Gryffondor » en un instant à peine, et le garçon partit vers la longue table, elle aussi identique à son souvenir, sous les applaudissements polis de ladite tablée. Elle remarqua alors subitement que tous se tenaient debout et droits. Lorsque vint son nom, elle était encore en train de réfléchir à la situation : ce n'était même pas possible, c'était… elle ne pouvait pas être revenue aux 11 ans de Dumbledore, ça n'avait aucun sens. Elle n'avait pas été là, elle n'avait pas de double né à cette période, il n'y avait… il n'y avait pas d'explication satisfaisante.
On l'envoya à Gryffondor, elle alla se mettre debout avant le précédent envoyé, Dumbledore, mais en face, du côté des filles. Son double ne semblait pas avoir vraiment conscience de la situation ou, du moins, ne portait pas d'attention particulière à son vis-à-vis : elle était entièrement absorbée par la joie d'avoir été envoyée dans cette maison qui avait un beau blason et qui renvoyait une image très positive. Pour sa part, elle aurait tout donné pour pouvoir tourner le regard vers lui et le dévorer du regard, pour pouvoir toucher – toucher elle-même, pas au travers de ce corps redevenu étranger – tout ce qui l'entourait et, avec de la chance, découvrir que tout était faux, de l'air. Le silence se fit, une chaise racla, son regard se trouva posé, comme celui de tous les autres, sur un petit homme qui se tenait maintenant debout et avait, jusque-là, été le seul assis. Elle se sentit nauséeuse à nouveau, mais cette fois seulement de peur soudaine. C'était Phinéas Black. L'ancêtre de Sirius. Directeur de Poudlard – elle l'avait lu dans l'Histoire de Poudlard – à la période de Dumbledore. Il leur souhaita une heureuse année scolaire 1892-1893, elle se serait étouffée si elle avait eu le contrôle sur son propre corps, et d'un claquement de ses deux mains invita la salle entière à s'assoir.
Cette fois, elle paniquait. Ce genre de situation, même provoquée par la magie, ne lui disait rien du tout. Elle n'avait jamais vécu cela. Un monde parallèle ? Un passé différent ? Un futur différent ? Des réincarnations ? Une simple vision très réaliste et très bizarre ? Pourquoi n'avait-elle pas essayé plus tôt de s'extirper de ce corps, de cette situation, hein ? Elle était quand même une magicienne capable, il devait y avoir moyen de sortir un peu de là, de s'éloigner ! Oui, oui, ce devait être possible. Elle se concentra, tenta de trouver sa magie dans ce corps plus jeune. Elle ne la reconnaissait pas tout à fait, mais enfin elle se trouvait bien là, profondément ancrée en elle. La concentration lui donnait une bizarre sensation de faiblesse, alors que le corps où elle se trouvait, lui, était toujours aussi ferme et mangeait sagement. Une sensation de nausée énorme la traversa, mais alors qu'elle se sentit tourner comme à l'aller, une sorte de soulagement l'emplit. Lorsqu'elle atterrit, cependant, la nausée resta cette fois, elle ferma les yeux, très mal, et sombra.
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« - Hermione, Hermione… »
Des voix s'agitaient, autour d'elle, de-ci de-là, mais elle n'était pas du tout en mesure de répondre. Elle se sentait épuisée comme elle l'avait rarement été, au bout du bout des capacités de son corps : vidée, littéralement.
« - Mais comment va-t-elle ! Pourquoi ne répond-elle pas, elle a les yeux ouverts !
- Mr Weasley, je vous en supplie, retournez en arrière. Les médicomages disent que c'est de l'épuisement, c'est de l'épuisement.
- Mais…
- Ecoutez, cet objet qu'elle a touché, ce n'est pas le plus dangereux du Département, mais ce n'est pas franchement innocent non plus ! Un Fortunoscope, ce n'est pas un jeu…
- Un quoi ?
- Bon sang ! Ce n'est pourtant pas un objet si étrange. Je veux dire, si, c'est très rare, mais c'est un objet recensé.
- Bon. Bien, cria Ron. Et c'est quoi ? »
La tête lui tournait, maintenant, elle ne se rendait même pas compte que ses yeux étaient entrouverts. Pourquoi était-elle ici ? Il y avait eu cette prophétie. Ce n'était pas une prophétie…
« - C'est un objet qui vous envoie voir votre destin.
- Votre destin ?
- Disons les circonstances du plus grand accomplissement de… »
Elle venait de se souvenir. Cette répartition, Dumbledore. Toutes les informations se mélangèrent dans sa tête, il lui sembla perdre connaissance alors que la pièce se mettait à nouveau à tourner, comme la première fois. Elle atterrit dans un corps presque sans plus rien réaliser.
« - Lui, là-bas, Dumbledore, c'est le fils de ce tueur de moldus. »
Une fille lui apprenait cela d'un ton très confidentiel. Josefa-Marie, la fille qui avait pris le bateau avec elle, avait été répartie à Gryffondor et semblait avoir décidé qu'elle et Hermione devaient être amies. Seule comme elle l'était, très intéressée par les livres et étrangère à ce monde, elle acceptait cette compagnie avec un certain plaisir – celui de ne pas être seule, surtout.
« - Qui ?
- Lui, là-bas. Avec les yeux très bleus. »
Elle ne l'avait pas remarqué jusque-là, mais c'était impressionnant en effet, combien clairs étaient ses yeux, avec ce nez très droit, au milieu. Il avait l'air un peu rêveur, marmonnant pour lui-même au côté d'Elphias Doge dont sa nouvelle amie semblait avoir décidé de faire son idole.
« - Et son père… ? fit-elle un peu craintive.
- Oui. Un tabac affreux, tu imagines. C'était une famille relativement respectable, avant. »
Elle tourna à nouveau le regard sur le garçon. Il ne semblait pas méchant, mais cette histoire lui donna un vilain a priori à son égard. Que pouvait penser de gens comme elle un garçon dont le père avait tué des personnes non magiques ? Cela lui envoya un frisson et elle détourna le regard. Elle n'avait jamais vraiment imaginé que des sorciers pouvaient avoir ce genre de comportement… Comment cela ? C'était comme secouer la tête pour revenir à la réalité. Elle venait de vivre cette scène entièrement immergée, d'une façon très différente de l'expérience de la pensine. De toute façon, tout cela n'avait pas eu lieu ! Pas eu lieu. Comment avait-elle pu se laisser absorber à nouveau dans cet espèce d'univers parallèle, hein ? Aspirer au point de laisser sa conscience disparaître complètement dans une autre. C'était de la folie pure. Avec un effort plus important que la fois précédente, elle força sa concentration à retrouver sa magie dans cet autre corps, à s'en servir, et prise dans ce tourbillon qui devenait, à vrai dire, désagréablement familier, elle disparut hors de son autre elle-même pour tomber immédiatement dans l'inconscience. Revenant à ce lit d'hôpital où seul le compte-rendu des battements de son cœur indiquait une modification.
