[One-Shot]
La déesse-louve, Moro, cherche de la nourriture. Elle a eu ses petits il y quelques semaines. Elle est sortie de la Forêt-Sacrée, s'approche du monde des humains. La grande louve, soulève le museau et ouvre son flair: l'odeur des humains, âpre, lui prend la truffe. Puis elle sent une odeur derrière cela, plus âpre encore: l'odeur de la peur.
Le village des humains est ravagé par l'esprit malfaisant, l'esprit haineux de la forêt.
Les membres de la tribu humaine courent, foule désordonnée parmi les cris, les pleurs, et certains perdent tout leur sang-froid ainsi que leur compassion et oublient leur ainés derrière eux, courent, ignorants leur appels, ils veulent partir, fuir, fuir, fuir.
Moro, la vielle Louve, qui est à moitié dissimulée par un buisson, regarde, observe. Force tranquille.
La matière malfaisante approche, détruit tout, atteint les laissés-pour-compte.
Carnage.
Une femelle humaine passe près de Moro. Elle la voit, car son poil blanc brille parmi le feuillage. Elle porte un bébé dans les bras. Elle croise le regard insondable de Moro, brillant dans l'obscurité. La femme tremble.
La pauvre boite, elle ne sait pas si elle arrivera à s'enfuir à temps avec son bébé. D'un regard, d'humain à canidé, la femme et la louve se concertent: cette grande-louve. elle ne ferait qu'un bouchée d'un bébé, sa mort serra rapide...préférable à être dévorée par cet esprit malfaisant-...sans plus attendre elle jette le bébé à la louve. Puis elle s'en retourne fuir claudicante sans plus regarder sa progéniture abandonnée à la sauvagerie d'une Déesse Louve.
Devant la gueule immense de Moro, la petite chose remue, elle crie, pleure, la chute lui a fait mal.
Moro la regarde de ces grands yeux. Le nourrisson, pataud, remuant et sans défense lui rappelle trop ses petits. Elle n'a pas le cœur de la tuer. Au lieu de cela elle prend délicatement entre ces mâchoires un bout de la lange du bébé gesticulant et l'emporte jusqu'à sa tanière.
Arrivée là bas, ces louveteaux -deux mâles- viennent vers elle, lui quémande à manger. Avec la tranquillité de l'habitude, elle s'allonge lentement sur son flan, leur présentant ses mamelles. La petite est couchée elle aussi, et de l'instinct d'un nouveau-né elle trouve la source du liquide nourricier & boit, avide. Elle est minuscule à coté des petits de Moro, déjà grands, déjà forts.
Les louveteaux demandent: "-Mère est-ce à manger?"
Moro répond, de sa voix profonde, intemporelle:
"-Non. Voilà une petite d'humain qu'on m'a donné.
On souhaitait que je la dévore.
Je ne l'accorderais pas.
Il faut qu'elle vive
Je lui donnerais mon lait
Et puis vous partagerez vos proies avec elle.
C'est votre sœur à présent, nous sommes sa tribu.
San est son nom."
