Bonjour !

Hé oui, je suis déjà de retour ! Avec une fic à chapitres, cette fois-ci. Tout est déjà écrit, donc sauf imprévu (panne d'internet, absence inopinée, et autre apocalypse), le rythme de publication des sept chapitres sera régulier, probablement à raison d'un par semaine :)

Et pour ne pas changer de ma dernière publication, cette fic a été écrite à partir d'un prompt donné par la merveilleuse SomeCoolName - alors même si aujourd'hui n'est pas une date spécialement appropriée pour te faire un cadeau, Some, cette fic est tout de même pour toi. J'espère de tout cœur que ce que j'ai fait de ton scénario sera à la hauteur de ce que tu en attendais !

Je remercie mille fois mes fidèles bêtas Nalou et Nauss, sans qui je serais encore en train de ramer dans la choucroute. Les filles, merci pour vos encouragements, vos coups de pieds au cul, vos remarques pertinentes et votre œil de lynx, merci tout simplement d'être là. Je vous aime.

Sur ce, je vous souhaite à tou-te-s une très bonne lecture !

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Sherlock sortit du métro les dents serrées et les tympans encore vrillés par la torture. Entre les supporters braillards d'un quelconque évènement sportif et le mendiant incapable de jouer du violon dans une rame en marche, il n'aurait su dire ce qui était plus douloureux.

S'il aurait volontiers jeté les premiers sur les rails, il s'était retenu d'arracher l'instrument des mains du second pour jouer à sa place – non seulement il aurait certainement amassé deux fois plus d'argent en deux fois moins de temps, mais la musique aurait également soulagé ses oreilles malmenées – mais d'une part, il ne savait pas où l'homme et son violon avaient traîné, et n'avait pas envie de contracter le tétanos en s'écorchant sur une corde rouillée, et d'autre part, le troupeau de bovins qui s'entassait dans le wagon ne connaissait probablement rien à Ysaÿe et ne méritait pas que Sherlock se fatigue pour des ignares.

Puérilement, il continuait d'en vouloir à Mycroft, qui n'avait pu envoyer personne pour le récupérer à l'aéroport. En effet, bien qu'il voue une haine cordiale aux sous-fifres de son frère, elle ne s'étendait pas aux discrètes et confortables voitures privées qui auraient pu lui éviter le calvaire des transports en commun.

Malheureusement, personne n'était disponible, encore moins Mycroft lui-même qui ne rentrait que le lendemain de Dieu savait où. N'ayant pas l'argent pour prendre un taxi et l'option marche à pieds étant tout bonnement hors de question, Sherlock s'était donc rabattu vers le métro en désespoir de cause, passant le trajet à ruminer sa rancœur contre les incompétents, les amateurs de sport, les heures de pointe et la plèbe en général.

Cerise avariée sur le gâteau, il n'allait pas retrouver son appartement à lui – pour une raison obscure impliquant la disparition de ses clés et l'absence de sa logeuse – mais devait se rendre chez le foutu poisson rouge qui servait de compagnon de lit à Mycroft. Rien que d'y penser, Sherlock sentait la nausée monter – à moins que ça n'ait été l'association de la fatigue et de la faim…

Arrivé devant l'immeuble, il profita de la sortie inespérée d'un locataire pour entrer sans passer par l'épreuve de l'interphone. Rien de pire que de parler à quelqu'un à travers un système qui grésillait au point d'empêcher toute communication claire…

Il monta directement au dernier étage, repéra le nom sur la deuxième porte à droite, et sonna immédiatement. Son crâne commençait à tambouriner, et il rêvait de s'affaler sur quelque chose de mou et de fermer les yeux.

Ce fut un homme d'une trentaine d'années qui lui ouvrit la porte après trois appuis de plus en plus forcenés sur la sonnette. Sherlock avait entendu du remue-ménage à l'intérieur, indiquant qu'on se dépêchait de venir l'accueillir, mais il n'avait tout simplement pas résisté à l'envie de le presser un peu plus. Il l'admettait sans complexes : la patience n'avait jamais été son fort.

En une fraction de seconde, Sherlock déduisit tout ce qu'il y avait à savoir sur l'amant – l'amant, quelle horreur – de son frère. Posture un peu raide, mais pas au point d'être militaire : probablement flic. Sensiblement musclé sous le t-shirt en coton gris et le jean plutôt flatteur : un habitué de l'action, certainement un agent de la criminelle. Trop jeune pour être haut gradé, peut-être sergent-détective… Les traits réguliers, le visage impassible mais la mâchoire légèrement contractée : tempérament mesuré, mais agacé par les trois sonneries. Bruit de télévision en fond : amateur de sport collectif. Et dire qu'il avait failli être intéressant…

L'homme n'avait pas eu le temps d'ouvrir la bouche, et Sherlock lui coupa l'herbe sous le pied.

« Graham Lestrade. »

Sherlock sut immédiatement qu'il s'était trompé de prénom – léger froncement de sourcil, pincement des lèvres – et se demanda s'il aurait dû mettre une légère intonation interrogative plutôt que de décréter le nom de son hôte. Puis il haussa mentalement les épaules – il n'allait tout de même pas gaspiller de l'espace de palais mental pour retenir le prénom d'un flic qu'il ne rencontrait que parce que son frère s'en servait pour assouvir ses besoins primaires.

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Lorsque la sonnette retentit, stridente, Gregory Lestrade était vautré sur son canapé devant le match de rugby Angleterre – Ecosse, dans une tenue peu recommandée hors de chez soi, et il avait complètement oublié que le frère de son fiancé devait arriver dans la soirée.

Dans un vague accès de panique, Greg fila dans sa chambre pour enfiler un jean et un t-shirt, grommelant contre le XV d'Angleterre, les imprévus et les décisions unilatérales de Mycroft Holmes. Il poussa un juron tout en ressortant de sa chambre – les cris de joie qui provenaient de sa télévision indiquaient à coup sûr qu'il avait raté quelque chose. Un essai pour l'Ecosse. Génial, il fallait en plus que l'Angleterre perde…

Secouant la tête de dépit, Greg traversa son petit salon pour rejoindre la porte d'entrée. Le visiteur avait eu le temps de sonner deux fois de plus, et Greg songea sombrement que si les deux frères devaient n'avoir qu'un seul point commun, ce serait certainement l'absence totale de patience.

Il finit par ouvrir la porte, tentant de rester calme, et il se figea en découvrant celui qui avait sonné.

Le jeune homme qui se tenait devant lui était… improbable.

Grand, presque autant que lui, maigre comme un clou, l'air absolument éreinté. Des cernes violacés contrastaient avec sa peau pâle, soulignant des yeux clairs, à la couleur indescriptible. Des cheveux bouclés, trop longs, emmêlés, encadrant son visage aux pommettes saillantes. Il ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'années, mais il était vieilli par l'épuisement.

Il aurait dû avoir l'air diminué, faible, sur le point de s'écrouler en un petit tas désarticulé sur le sol – mais non. Comme si l'état de son corps n'avait aucune importance, aucune influence. Il se tenait droit, le regard clair et focalisé, et sa voix ne trembla pas lorsqu'il parla.

« Graham Lestrade.

Ce n'était même pas une question. Greg pinça les lèvres, vaguement vexé.

- C'est Gregory. Greg. Peu importe. Tu es Sherlock ? »

Haussement d'épaules désinvolte. Dire « oui » à voix haute était probablement trop fatigant… Greg s'écarta pour le laisser entrer, le jeune homme marmonnant quelque chose à propos de l'inutilité de retenir le prénom de l'amant de son frère. Bordel, Greg n'avait jamais entendu le mot « amant » sonner si mal.

Le temps qu'il referme la porte, le son de la télé fut coupé, et il revint au pas de course dans le salon, trouvant déjà Sherlock effondré sur le sofa devant la télé. Eteinte. Oh. Pas si fort que ça.

« Qu'est-ce que… ? lança Greg, trop ahuri pour finir sa phrase.

- J'ai mal à la tête, et je n'ai pas envie de m'abrutir plus encore avec cette stupidité qu'est le rugby », expliqua le jeune homme en fermant les yeux, sa nuque roulant en arrière sur le dossier.

Greg s'efforça de respirer calmement. Mycroft l'avait prévenu que Sherlock pouvait être un tantinet condescendant et incisif, mais à ce stade, les quatre-vingts pourcents d'eau qui composaient son corps avaient dû être remplacés par du mépris en poudre.

« Je voulais voir le match, protesta-t-il fermement. Il suffisait de couper le son, surtout si tu as les yeux fermés… Est-ce que tu veux boire quelque chose ? proposa-t-il en rassemblant ses bonnes manières un peu froissées par une telle entrée en matière.

- Du thé. Du vrai thé, pas du Lipton Yellow Label au goût chimique. Du lait. Pas de sucre. »

Greg serra les dents. Et s'il te plaît, merci, c'est trop dur ? Il s'esquiva toutefois dans la cuisine pour s'affairer à préparer le breuvage demandé, et saisit son portable qui traînait sur la table.

Ton frère est arrivé. Il a l'air en sale état, et il est déjà insupportable. Qu'est-ce que j'en fais ? Tu rentres quand ?

Une fois le message envoyé, il s'appuya contre le plan de travail en attendant que l'eau arrive à ébullition, et soupira. Il n'avait jamais à proprement parler rencontré Sherlock – croisé en coup de vent une paire de fois, lorsqu'il était passé chez Mycroft avant qu'ils n'emménagent ensemble, mais le cadet des frères Holmes l'avait soigneusement ignoré.

La réponse ne tarda pas arriver.

Je t'ai déjà dit que je rentrais demain matin. Pour Sherlock, essaie de le nourrir (n'importe quoi de tout fait fera l'affaire, ne t'embête pas à cuisiner), et fais le dormir dans ta deuxième chambre. Désolé de te l'imposer, mais je n'avais personne d'autre de confiance chez qui le faire aller. – MH

Greg n'eut pas le temps de soupirer avant que le deuxième message n'arrive.

Oh, et quelques règles… Ne lui donne pas d'alcool ni de tabac. Et NE LE LAISSE PAS SORTIR. Je compte sur toi. – MH

oOo

Lorsque Greg ressortit de la cuisine avec un mug fumant dans la main, Sherlock n'avait pas bougé d'un cil, et sa respiration s'était faite lente et régulière.

« Tu te fous de moi », grommela Greg en posant la tasse sur la table basse.

Agacé d'avoir préparé un thé qui finirait dans l'évier si Sherlock ne se réveillait pas, Greg retourna se chercher une bière fraîche – il avait beau être anglais, il n'allait tout de même pas boire du thé devant un match de rugby – et se réinstalla sur le canapé à côté du jeune homme endormi.

Tout en suivant le match, qui se déroulait de façon particulièrement laborieuse pour l'équipe d'Angleterre, il jetait de temps à autre un regard à Sherlock. Pas exactement curieux, mais pas complètement indifférent non plus.

Le frère de Mycroft était nettement plus agréable quand il était silencieux, songea vaguement Greg. Il avait hâte que l'intrus débarrasse le plancher, futur beau-frère ou non, surtout s'il devait se comporter en gamin mal élevé dès qu'il était conscient.

« Je te préviens, si tu dors encore à la fin du match, je ne te porte pas dans ton lit, tu vas devoir te réveiller et marcher, marmonna Greg en posant sa bière vide à côté de la tasse de thé intouchée.

A sa grande surprise, une voix légèrement pâteuse lui répondit.

- Dommage, moi qui pensais que tes bras musclés allaient servir à autre chose que plaquer un criminel de bas étage sur le bitume…

Greg eut un demi-sourire amusé.

- La flatterie ne prend pas. Bois ton thé avant qu'il ne soit froid.

- Oui maman… » soupira Sherlock en traînant la dernière syllabe.

Il se redressa et saisit la tasse.

« Tu aurais une cigarette ? demanda-t-il tout à trac, et Greg déglutit, soudain mal à l'aise.

- Je n'en ai pas. Je ne fume pas.

- Menteur. Vu tes doigts, tes dents et l'odeur de ton appartement, je dirais plutôt que tu as beaucoup fumé, mais ralenti le rythme. Tu essaies d'arrêter mais le stress de ton travail t'empêche de laisser complètement tomber, et tu en fumes… une par jour ? Deux ?

Greg se plaqua une main sur le visage avec un claquement sonore.

- Pourquoi je ne m'en suis pas douté ? Alors que je sais que tu es le frère de Myc ?

- Je réitère : aurais-tu la grande générosité de m'offrir une cigarette ? insista Sherlock en ignorant la remarque sur son frère. Je me lève pour la chercher, si tu ne veux pas fatiguer tes jambes non plus. Ton paquet et ton briquet sont dans la poche intérieure de ton manteau, n'est-ce pas ?

Greg sauta sur ses pieds, à moitié paniqué.

- Non ! D'une part, je ne laisse pas n'importe qui fouiller dans mon manteau… et d'autre part, Mycroft m'a précisé de ne te donner ni alcool ni tabac, et je compte m'y tenir. En plus, j'essaie effectivement d'arrêter et te voir fumer ne m'aidera certainement pas.

Sherlock laissa échapper un grognement exaspéré en levant les yeux au ciel.

- Et dire que tu m'étais presque sympathique, mais finalement tu ne vaux pas mieux que les imbéciles qui obéissent au doigt et à l'œil de mon frère. Je suis certain qu'il ne s'est pas donné la peine de te dire ce que je fais là, ni pourquoi je n'ai le droit ni de fumer, ni de boire alors que je suis légalement un adulte.

- Il m'a simplement dit que tu avais besoin d'un endroit pour passer la nuit parce que ton appartement n'est pas disponible, se défendit Greg. Je n'ai pas besoin de connaître les détails de ta vie privée… »

oOo

Sherlock soupira. Evidemment, Mycroft avait pris soin d'occulter le plus important, et d'omettre tranquillement ses petites manipulations égoïstes.

Il ne comprenait pas que les gens adulent son frère. Même pour les plus obtus, n'était-il pas évident qu'il les utilisait sans vergogne ? Qu'ils n'étaient rien à ses yeux ? Comment Greg, qui avait pourtant l'air d'un type sensé – pour quelqu'un de mentalement limité, n'exagérons rien – pouvait-il se faire berner ?

Le jeune Holmes resta silencieux une seconde, le temps de peser le pour et le contre. Tout dire à Greg ? Ne serait-ce que pour ennuyer Mycroft, ça valait le coup d'abandonner l'idée de la cigarette. Car en lui disant tout, il pouvait certainement l'oublier…

« Menteur, encore, lâcha-t-il. Mycroft ne t'a rien dit de plus, certes, mais tu meurs d'envie de connaître les tenants et aboutissants de ma situation. Ou plutôt, apprendre les détails sordides qui font que tu te retrouves avec un insupportable squatteur…

La surprise se peignit sur le visage de Greg, avant de se muer en contrition.

- Je n'ai pas… tenta-t-il, mais fut aussitôt interrompu.

- Non, tu n'as rien dit, et ton éducation te pousse à étouffer ta curiosité déplacée. Mais je n'ai pas besoin de tes paroles pour savoir ce que tu penses. Quoi qu'il en soit, je vais te le dire, comme ça tu pourras prendre une décision avec toutes les cartes en main.

Greg semblait mal à l'aise.

- Tu n'es pas obligé de m'en parler. Je me doute que si Mycroft ne m'a rien dit, c'était par respect pour ta vie privée.

L'idée était si incongrue que Sherlock ne put s'empêcher d'émettre un petit ricanement incrédule – et amer. Le jour où Mycroft se soucierait de la vie privée de qui que soit d'autre que sa propre personne n'était pas arrivé…

- Tu es sûr de connaître Mycroft ? Il ne t'a rien dit parce que c'est tellement gratifiant pour lui de te voir lui obéir aveuglément… Je suis là parce que mon très cher frère n'a aucune confiance en moi – et une confiance toute relative en ma logeuse, ce qui en dit long sur l'ordre de ses priorités. Je sors de cure de désintoxication, et il s'imagine que ma première réaction en la quittant sera de courir dans les bras de mon ancien dealer. Donc plutôt que de me laisser tranquillement rentrer chez moi, il m'envoie chez quelqu'un qui saura me « maîtriser » si j'essaie de m'enfuir, et qui se méfiera de moi. Ce qui est complètement stupide, quand on y réfléchit. Si j'avais voulu replonger aussi sec, je ne serais même pas venu jusqu'ici.

Le flic resta perplexe pendant une poignée de secondes, enfoui sous l'avalanche d'informations que Sherlock avait débitée à un rythme trop élevé.

- Tu sors de désintox… ? finit-il par demander lentement. Et tu ne veux pas replonger, mais le tabac te semble une alternative viable, c'est ce que tu es en train de me dire ?

- Le tabac est une substance tout à fait légale. Je ne t'ai pas demandé un shot d'héroïne…

- Encore heureux, grimaça Greg. Je ne suis pas certain que beaucoup de flics pourraient te… fournir. En tout cas, c'est toujours non pour la clope, et c'est une décision que je prends en ayant toutes les cartes en main, conclut-il avec un imperceptible sourire satisfait.

Sherlock laissa rouler sa tête en arrière sur le dossier du canapé avec un râle de déception, mais le léger rictus qui fit tressauter ses lèvres montrait qu'il concédait le point à Greg.

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Il se réveilla au son des éclats de voix mal contrôlés qui filtraient à travers la cloison. Vu le niveau sonore, les deux personnes devaient se trouver juste derrière, et Sherlock n'eut aucun mal à les identifier malgré l'absence de mots intelligibles. Greg et Mycroft.

Il se retourna dans le lit, enfouit sa tête sous la couette, et voulut se rendormir. Il n'avait aucune envie d'entendre ça, et moins encore de se lever. Son crâne protestait contre le réveil intempestif, et son ventre lui rappela désagréablement qu'il n'avait rien mangé depuis plus de vingt-quatre heures.

La faim – et l'envie de s'éloigner de la source du bruit – finit par prendre le dessus sur la fatigue, et Sherlock se leva péniblement. Il enfila ses vêtements de la veille, peu désireux de se faire surprendre à moitié nu, et sortit silencieusement de la chambre d'amis.

Ses pieds foulèrent le carrelage froid de la cuisine avec un chuchotement discret, et il ouvrit précautionneusement les placards jusqu'à trouver quelque chose de mangeable. Il fixa son choix sur un bol de muesli et un verre de lait – il ne comprenait pas les personnes qui mélangeaient les deux, produisant une mixture parfaitement répugnante lorsque les céréales ramollissaient jusqu'à se dissoudre dans le liquide. Il fouilla encore un peu pour dénicher une petite cuillère, et s'adossa simplement au plan de travail pour manger, essayant de ne pas réfléchir aux retrouvailles avec son frère, qui se rapprochaient inexorablement. Il engloutit son petit déjeuner et laissa la vaisselle sale dans l'évier, puis sortit de la cuisine, désœuvré.

Poussé par l'ennui, Sherlock commença à faire les cent pas dans le salon, jusqu'à ce qu'un pan de laine feutrée grise dans l'entrée attire son regard. Il se stoppa net, puis s'approcha à pas de loup – oui. C'était le manteau de Mycroft. Sherlock tendit l'oreille, attentif aux sons qui provenaient toujours de la chambre de Gregory. Ils ne risquaient pas de sortir de sitôt.

Le jeune homme fouilla méthodiquement les poches du manteau de son frère, et trouva ce qu'il cherchait dans la poche intérieure gauche. Un sourire insolent et satisfait étira ses lèvres.

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Se faire réveiller par un Mycroft nu et apparemment très déterminé était une délicieuse façon de commencer sa journée de repos, décida Greg alors que la bouche de son amant lui prodiguait des soins méticuleux. Il plongea ses doigts dans les cheveux auburn, encore ensommeillé, et laissa s'évader un gémissement enroué. La langue de Mycroft était habile et taquine, ses lèvres chaudes, et ses mains se trouvaient partout. Bientôt, Greg fut parfaitement éveillé, et il tira mollement sur les cheveux de Mycroft pour l'inciter à remonter.

« Myc… souffla-t-il alors que l'intéressé obéissait lentement, semant des baisers sur son torse au passage.

- Bonjour, Gregory », répondit-il dans un murmure, en atteignant sa bouche.

Ils échangèrent un long et lent baiser, tandis que leurs corps commençaient à onduler ensemble à un rythme alangui. La cadence accéléra tranquillement, au fur et à mesure que les deux hommes se redécouvraient, s'accordaient une nouvelle fois après une longue période de séparation.

Leurs souffles se mêlèrent, d'abord doux et profonds, puis plus superficiels, jusqu'à devenir saccadés, leurs voix se faisant rauques alors qu'ils se fondaient l'un dans l'autre.

« Myc, bordel, ce que tu m'as manqué…, grogna Greg en s'enfonçant en lui de plus en plus brutalement.

- J'ai envie de toi… depuis que l'avion a décollé, rétorqua Mycroft, essoufflé, les mains crispées sur les draps froissés. Autant… te dire que le voyage… m'a semblé long… »

Greg sourit, et agrippa les hanches de l'homme plus fermement. Tout en bougeant, il dévora des yeux et des lèvres la peau blanche et immaculée du dos de Mycroft, et lorsqu'il sentit que son amant commençait à se contracter autour de lui, il glissa une main jusqu'à son entrejambe pour saisir son membre gonflé.

« Gregory… ! » haleta Mycroft.

Il se plaqua contre le policier, collant ses fesses contre le creux de son aine, et son dos contre le torse brûlant. Greg l'amena à l'orgasme d'un mouvement expert de sa main, tout en faisant rouler lentement son bassin contre celui de Mycroft.

L'agent du gouvernement se libéra sur les draps avec un cri à peine retenu, et Greg le suivit après quelques va-et-vient supplémentaires. Ils s'effondrèrent sur le matelas, ignorant la tache poisseuse sous eux, toujours emboîtés.

Greg mordilla tendrement la nuque de Mycroft, son souffle se perdant dans les courts cheveux désordonnés.

« La seule chose qui me permet de supporter tes déplacements à rallonge, c'est ce genre de réveil », murmura-t-il en embrassant le cou de son amant.

Le corps de Mycroft se tendit, et Greg se donna une grande claque mentale. Sa remarque n'avait eu à ses yeux qu'un sens romantique, mais en réfléchissant une seconde de plus, il aurait su que son fiancé la trouverait déplacée – ce qu'il ne manqua pas de lui faire savoir.

« Combien de fois devrai-je te dire que je n'ai pas le choix ? »

Il avait gardé la voix basse, mais l'agacement était tout à fait perceptible. L'ambiance chaleureuse et encore essoufflée s'était évaporée, laissant un froid qui couvrit la peau de Greg d'une chair de poule tenace. Inutile d'espérer traîner au lit avec un Mycroft énervé. Greg se leva et se dirigea sans un mot de plus vers la salle de bains. Ils avaient eu cette dispute tellement de fois qu'ils n'avaient plus besoin d'échanger les répliques à voix haute.

Lorsqu'il sortit de la douche, Mycroft prit sa place sans un mot, et Greg enfila un jean et un t-shirt propre pour aller préparer le petit déjeuner. Le bol et le verre sales dans l'évier lui firent froncer les sourcils – il n'avait pas entendu Sherlock se lever.

Il alla jeter un œil dans le salon pour le saluer, mais trouva la pièce vide. La porte de la deuxième chambre était fermée, et Greg haussa les épaules. Sherlock avait dû se recoucher après avoir mangé.

Il retourna à sa cafetière et à ses toasts, attendant que Mycroft entre dans la cuisine déjà tiré à quatre épingles, comme d'habitude. Ce qu'il fit quelques minutes plus tard, ses cheveux auburn encore humides soigneusement peignés en arrière. Décidé à passer outre la tension qui régnait toujours dans les lèvres pincées de son fiancé, Greg s'approcha de lui et l'enlaça d'un bras, posant son autre main sur sa joue rasée de près.

« Désolé pour tout à l'heure, Myc. Je voulais simplement dire que je suis content que tu sois rentré. Tu m'as manqué, mon amour, souffla-t-il avant de l'embrasser.

Mycroft se détendit entre ses bras et répondit au baiser.

- J'aimerais pouvoir passer toutes mes nuits avec toi, tu le sais », répliqua-t-il quand ses lèvres furent libérées.

Ils profitèrent de leur petit déjeuner dans un silence tranquille, la sérénité revenue. Jusqu'à ce que Mycroft demande où se trouvait Sherlock.

« Toujours endormi je suppose, répondit Greg en haussant les épaules. Il a déjeuné, j'ai trouvé son bol dans l'évier, mais il n'était pas dans le salon et la chambre est fermée, je suppose qu'il s'est recouché. Il avait vraiment l'air épuisé hier soir en arrivant.

- Sherlock ne dort jamais beaucoup. Ça m'étonne qu'il se soit recouché », fit Mycroft en reposant son mug de café.

Greg eut une moue désinvolte. Qu'est-ce qu'il en savait, lui ? C'était la première fois qu'il fréquentait le jeune homme plus de quelques secondes d'affilée. Mais Mycroft ne semblait pas convaincu par la thèse de la grasse matinée, et il se leva de sa chaise, laissant sa tasse à moitié pleine sur la table. Greg leva les yeux au ciel. Si tu ne comptes pas le finir, tu peux peut-être le vider et le mettre au lave-vaisselle ? songea-t-il, agacé, mais l'intéressé était déjà sorti de la pièce.

Le flic décida de laisser son fiancé gérer la situation avec son frère. Vu comme Sherlock avait l'air de l'apprécier, inutile de rajouter une couche d'embarras à la situation en intervenant. Il termina donc sa tartine et s'apprêtait à ranger la cuisine quand Mycroft l'appela. Sur un ton qui ne présageait rien de bon.

Greg le rejoignit devant la chambre d'amis que Sherlock avait occupée, et la trouva vide. Mycroft se tenait à côté de la porte, l'air pincé.

« Parti se recoucher, hein ? Où est-il, Greg ?

L'intonation s'était faite accusatrice, et il fronça les sourcils, déstabilisé.

- Comment veux-tu que je le sache plus que toi ? rétorqua-t-il, pressentant que l'affaire était loin d'être terminée.

Mycroft fulminait visiblement.

- Il est venu ici hier soir, tu peux me le promettre ?

- Myc –

- Oui, il est venu, marmonna Mycroft pour lui-même, avant de retourner dans le salon. Et merde, cracha-t-il. Il m'a pris la clé de son appartement. Il a dû s'enfuir pendant qu'on… Greg, je t'ai demandé de ne pas le laisser sortir, martela-t-il lorsque le policier le suivit.

- Et j'étais censé l'en empêcher comment ? Tu ne pensais quand même pas que j'allais l'enfermer dans la chambre à double tour ? demanda-t-il, perplexe.

- Et pourquoi pas ? Je te l'ai dit. Avec Sherlock, il faut s'attendre à tout, lâcha Mycroft d'une voix glaciale.

Greg resta muet de surprise. Enfermer Sherlock ? Comment ça, c'était une solution envisageable ?!

Le temps qu'il comprenne que Mycroft était entièrement sérieux, celui-ci avait déjà enfilé chaussures et manteau, et claqué la porte derrière lui sans un mot de plus, le téléphone déjà vissé à l'oreille – abandonnant derrière lui un demi-mug de café froid et un Greg toujours sidéré par sa réaction.

Le flic se passa une main sur le visage et tenta de se convaincre que la situation allait rentrer dans l'ordre, et que ce foutu Sherlock ne mettrait plus les pieds ici avant d'être civilisé.

Mais rien n'était jamais si simple…

oOo

Voilà pour aujourd'hui ! J'espère que ce début vous donnera envie de revenir lire la suite.

On se retrouve lundi prochain pour le deuxième chapitre, et en attendant, n'hésitez pas à me laisser une review pour me dire ce que vous en pensez !

Des bisous

Flo'w