Cela faisait à peine quelques heures qu'Edward Elric avait quitté Munich et se trouvait dès à présent dans le train en partance pour Vienne. Il avait pris soin de se trouver une cabine entièrement libre afin de pouvoir s'allonger. De même qu'il préférait éviter le plus possible les gens de ce monde. Il lui arrivait très souvent d'en croiser certains qui ressemblaient comme deux gouttes d'eau à un de ses proches, ce qui provoquait chez lui ; un profond malaise. Comme si une petite voix répétait sans cesse : « Regarde. Ils ne te reconnaissent pas, car ta place n'est pas ici et, ne le sera jamais… »
La locomotive longeait désormais le Rhin, faisant défiler à toute vitesse devant les yeux des passagers, une succession de petits villages allemands. Le jeune homme entreprit d'ouvrir la fenêtre malgré le risque de voir s'envoler partout, la pile de paperasse qui se trouvait à ses côtés. Ce qu'elle vit, du reste. Edward appuya son bras gauche, indolore ; sur le rebord comme il l'avait si souvent fait lorsqu'il prenait le train. Ce voyage lui rappelait les nombreux autres qu'il avait faits en compagnie de son frère. Il eut soudain comme une montée de nostalgie, qui le rendit un peu triste mais, qui en même temps, lui dessina un léger sourire sur ses lèvres. C'est alors qu'il entendit un bruit métallique régulier, semblable à ces bruits de pas qui lui était si familier ; ainsi que la poignée de porte se tourner. Ed tourna rapidement la tête, faisant que ses longs cheveux sous l'effet du vent, lui revenirent dans les yeux. Le cœur battant à mille à l'heure, il chercha à se dépêtrer le plus vite possible du rideau blond qui lui entravait la vue ; lorsqu'une voix féminine se fit entendre :
- Euh… Monsieur ?
Edward se stoppa net, les mains sur le visage, les doigts enfouis dans une masse de cheveux indisciplinés et les yeux écarquillés. Ce n'était que le chariot de ravitaillement qu'une jolie jeune femme à l'uniforme irréprochable conduisait et qui désormais le fixait, visiblement stupéfaite. Ce n'était pas tous les jours qu'elle voyait un jeune homme lutté contre sa propre chevelure (trop longue pour l'époque), le tout dans un incroyable désordre. Et Dieu seul sait qu'elle en avait vue des spectacles peu folichons ! « Sûrement un excentrique », pensa-t'elle, convaincue.
- Puis-je vous aider ?
- Hein ? Euh, nan ! Merci, ça ira ; répondit son interlocuteur, rouge de honte.
L' (ex) alchimiste se précipita pour fermer la fenêtre puis toujours aussi vite, se mit en tête de ramasser les papiers qui jonchaient le sol de l'étroite cabine, essayant de cacher sa déception.
- Hum… Puis-je vous servir quelque chose ; demanda sur un ton très officiel, la femme en désignant de la main les pichets de mauvais café et autres pauvres mets qui trônaient sur le chariot.
Le garçon se redressa comme s'il avait reçu une décharge électrique, manquant de refaire tomber les feuilles qu'il venait recueillir.
- N... Non merci, je n'ai pas faim, répondit Edward, en se forçant à sourire. Et de toutes manières, je n'ai pas de quoi payer !
Dès que la femme repartit, il poussa un long soupir puis se laisser tomber mollement sur la banquette de cuir brun. « Elle doit me prendre pour un dingue. Quelqu'un de dingue et de pauvre… ! T'as raison, Alphonse. Quant t'es pas là, je me laisse aller…»
Son regard se dirigea alors sur deux pages qu'il avait oubliés sous le siège d'en face. Il se baissa pour s'en saisir puis se mît à les étudier. Il s'agissait du plan d'une fusée. Cette fusée qui était à vrai dire sa seule échappatoire. Tout se jouerait en Roumanie.
« Je ne sais pas encore comment te rejoindre. Mais je reviendrai, c'est certain », pensa-t'il en souriant avant de jeter un coup d'œil en direction du ciel. « Nous nous reverrons, Al ! »
Puis comme s'il tentait de saisir le soleil, il tendit son auto-mail vers l'horizon.
