Chapitre 1

Un jour de juillet 1926, une femme marchait à pas réguliers. Les pans de son imperméable vert kaki volaient au gré du vent. Un homme passa à côté d'elle sans la regarder mais, méfiante, elle ne put s'empêcher de refermer son manteau sur la petite masse de couverture qu'elle tenait contre sa poitrine. Un voile couvrait ses cheveux et des lunettes noires la protégeaient des rayons du soleil. Cela lui permettait de cacher son identité aux éventuelles personnes à sa poursuite. Malgré la chaleur environnante, ses vêtements l'enveloppaient pratiquement totalement. Mais la femme ne sentait pas la température écrasante qui la faisait pourtant transpirer. Elle était trop obnubilée par son objectif.

Une passante la regarda, déconcertée par sa tenue. La femme la remarqua et resserra instinctivement ce qu'elle avait au creux de ses bras. La masse remua légèrement.

Brusquement, le vent fit tourbillonner les feuilles ce qui fit sursauter la « fugitive ». Cette dernière se retourna pour voir si personne ne la suivait et continua son chemin.

Ce manège dura jusqu'à ce qu'elle arrive devant un bâtiment devant lequel des enfants jouaient.

- « Rentrez immédiatement à l'intérieur ! » leurs ordonna-t-elle.

Ils s'exécutèrent – non sans réticence. La femme les suivit en posant ses lunettes de soleil sur le meuble dans l'entrée et ferma la porte. Cependant, quelqu'un sonna alors qu'elle n'avait fait que deux pas. Les couvertures dans ses bras s'agitèrent. Puis une jeune femme arriva et ouvrit. Pendant ce temps-là, la plus vieille berça la masse dans ses bras et elle se calma presque aussitôt.

Un homme, mal rasé et titubant, s'adressa avec une voix forte à celle qui avait ouvert le panneau de bois. Ses mots déplacés irritèrent les deux femmes. La plus vieille le renvoya balader en lui disant d'aller voir ailleurs, qu'il n'était pas le bienvenu dans cet endroit.

Après avoir claqué la porte, la femme couverte encore de son voile, vit les enfants les observer – perplexes. Elle les ignora et intima à la jeune employée derrière elle, de la suivre dans son bureau.

Arrivées à destination, la directrice s'affala sur son siège. L'autre attendait. Son regard fut attiré par la masse dans les bras de sa patronne.

Pour toute réponse, la femme assise posa les couvertures sur le bois poli devant elle. Un petit trou entre deux pans du tissu marron s'élargit alors. La plus jeune laissa échapper un petit cri lorsqu'elle vit de quoi il s'agissait. Enfin plutôt de qui. Un bébé dormait profondément sur la table.

La jeune femme, curieuse, se rapprocha et caressa la tête du nourrisson. La directrice lui expliqua qu'elles devaient s'en occuper jusqu'à ce qu'une famille l'adopte. L'orphelinat féminin voisin n'avait plus de place. La guerre avait fait tellement de ravages et fait de nombreux orphelins.

Quelques instants plus tard, la directrice appela deux autres femmes qui furent chargée de préparer une chambre pour la nouvelle venue. Pendant ce temps-là, la directrice changeait le bébé avec un body pour garçon puisqu'il n'y avait rien d'autre. Son acolyte, quand à elle, éloigna les garçons curieux et leur donna le goûter.

La directrice emmena le bébé dans sa chambre. Puis elle le mit dans son berceau. Il gazouilla un peu avant de s'endormir. La femme l'observa quelques instants. Et se retourna pour quitter la pièce. Dans le couloir, elle regarda une dernière fois la porte de la chambre qu'elle venait de fermer avec des sentiments mitigés. L'inquiétude, le doute et la joie d'une nouvelle venue l'avait envahie.

Depuis toujours, la directrice savait reconnaître les enfants qui allaient lui causer des ennuis. Dès qu'elle l'a vu, elle a su tout de suite que c'était le cas avec cette petite. Et puis les conditions dans lesquelles elle l'avait recueilli confortaient son inquiétude. Mais elle ne voulait pas abandonner cette enfant.

De plus, la directrice ne souhaitait pas que la petite fille côtoie les garçons pour deux raisons. La première était qu'elles ne savaient pas comment les garçons allaient réagir et la seconde était une question de mœurs. En effet, la femme ne voulait pas mélanger les sexes opposés. Elle venait d'une famille très stricte par rapport à cela. À cette époque, il n'était pas toléré un mélange pareil !

๑๑๑

Quelques années plus tard, la fillette avait six ans. Elle jouait avec insouciance dehors sous un beau soleil. Ses parents adoptifs l'observaient avec des étoiles dans les yeux. Soudain, la petite fille releva la tête et fière d'elle, montra une de ses poupées à sa mère.

Cela faisait environ deux ans que le couple avait signé les papiers et obtenu sa garde. Leur décision avait été prise suite aux très nombreuses fausses couches qui accablèrent la jeune femme. Ils avaient rencontré la directrice de l'orphelinat alors qu'elle était à la limite de tomber dans la dépression. Une histoire très douloureuse.

Le téléphone sonna et le père se leva pour répondre alors que la femme souriait à sa fille. Elle se leva et la pris dans ses bras.

Sous les protestations du bambin, la femme la porta jusque dans la salle-de-bain et la déshabilla. Elle remarqua une bosse.

La petite fille se cacha les yeux et rit. Elle en faisait voir de toutes les couleurs à ses parents. Sa mère pensa que l'orphelinat lui avait donné de mauvaises habitudes mais qu'avec le temps elles allaient disparaître. Mais, deux ans s'étaient écoulés.

En effet, la structure l'avait accueillit assez longtemps. Quatre ans. La directrice et les employés avaient bien pris soin d'elle. La gardant à l'écart des garçons. Mais la petite fille s'ennuyait toute seule. Donc lorsqu'elle put se déplacer comme elle le pouvait, la fillette rejoignait les autres orphelins pour s'amuser. Les surveillants l'avaient beaucoup puni pour cela mais aussi pour les bêtises qu'elle avait faites avec eux.

Parmi les garçons, Léna avait beaucoup d'amis. Enfin, elle s'entendait bien avec eux. Elle ne s'en était pas rendu vraiment compte. L'insouciance du jeune âge.

Un jour alors que la petite jouait au ballon dehors, un groupe s'était formé autour d'un garçon. Elle avait remarqué qu'il était souvent seul. Et elle ne s'approchait pas de lui car elle en avait un peu peur – sûrement à cause des histoires (fausses, mais qu'elle a cru naïvement) qu'un grand racontaient sur lui et aussi parce qu'il lui jetait toujours un regard méprisant.

Les autres avaient crié. Ils l'avaient insulté. Le garçon, au centre, était resté stoïque. Visiblement, cela ne l'avait pas du tout atteint. Il devait peut être avoir l'habitude – qui sait ?

Léna s'était rapprochée. Elle voyait encore mieux le garçon. Il avait les cheveux d'un noir de jais et des yeux bleus.

Un mouvement avait attiré son attention dans les mains de l'orphelin. En effet, un lapin avait essayé de prendre la fuite. Les cris des autres avaient redoublés. Puis l'un d'eux avait lancé un caillou. Il avait manqué sa cible mais cela avait attisé la colère des orphelins qui s'étaient mis, eux aussi, à jeter ce qu'ils avaient sous la main.

Pratiquement tous les projectiles avaient atteint le petit garçon. Ce dernier s'était protégé le visage avec ses bras alors que l'animal gisait par terre, agonisant. Il y a avait du sang sous le lapin. Un caillou pointu lui avait ouvert la patte arrière gauche.

C'est à cet instant-là qu'un cri assourdissant avait retentit dans la cour. La petite fille pleurait. Elle ne supportait plus cette scène horrible. Les garçons l'avaient regardée, complètement déboussolé. Le grand, qui leur racontait toujours de mauvaises histoires, s'était approché d'elle et avait tenté de la consoler. Cependant, Léna avait retiré son bras de son emprise et s'était avancée vers le lapin. Elle avait jeté un regard au garçon aux cheveux ébène qui l'observait avec mépris. La fillette avait détourné rapidement les yeux pour se concentrer sur l'animal. Ses petites mains avaient soulevés le lapin et la petite emmena la boule de poils dans le bureau de la directrice.

Les orphelins avaient été punis pour avoir maltraité le garçon aux cheveux de jais et le lapin. D'ailleurs, ce dernier n'avait pas survécu. Léna leur en avait beaucoup voulu.

Quelques jours plus tard, un garçon était venu la voir et avait essayé de se réconcilier avec elle. Mais, la fillette n'avait pas été de cet avis. Son cri avait si fort que les fenêtres avaient explosé. La petite n'avait pas bien vu la scène puisqu'un rideau de larmes brouillait sa vision. La directrice avait mis cela sur le compte de l'usure des vitres et de la tempête qui faisait rage dehors à cette époque.

Grâce à cet incident, les orphelins ne l'avaient plus embêtée et ils s'étaient quand même réconciliés au bout d'un moment.

De plus, le garçon – qu'elle avait plus ou moins défendu – ne la regardait plus de la même façon. Ses regards froids s'étaient transformés en regards curieux. Mais Léna n'en avait que faire.

Puis deux mois plus tard, une famille était venue la chercher. La directrice et les autres lui avaient dit au revoir et le jeune garçon l'avait regardée partir, légèrement déçu voir même un peu jaloux.

Le couple avait été un peu étonné de voir une fille dans un orphelinat pour garçon.

La mère sortit la petite du bain et la sécha. Son mari les rejoignit. Il leur annonça qu'ils étaient conviés à une fête et que Léna allait pouvoir jouer avec sa nouvelle amie.

Lorsqu'ils furent en bas, ils regardèrent la télévision pendant que la petite s'amusait avec ses poupées.

๑๑๑

Peu avant son onzième anniversaire, Léna reçu une lettre. D'abord, étonnée par l'étrangeté du papier, puis curieuse, elle l'ouvrit. Ses parents arrivèrent à ce moment, mais ne firent pas attention à ce qu'elle faisait.

L'enveloppe faite en parchemin contenait deux lettres. La première parlait d'un directeur, sorcier de son état, avec toutes les récompenses qu'ils avaient reçus : Armando Dippet. Puis on lui expliquait qu'elle était inscrite dans un collège de sorcellerie, Poudlard. La rentrée était le 1er Septembre. Un hibou était demandé avant le 31 juillet en guise de réponse – chose qu'elle ne compris évidemment pas. Un hibou ? Mais qu'est-ce que c'était que ce bazar ? Puis la petite fille descendit son regard vers la fin du papier et vit que quelqu'un avait signé, un certain Albus Dumbledore, professeur de métamorphose.

La seconde lettre était en fait une liste de fournitures, des plus bizarres. On lui demandait des robes de sorciers ou encore des gants de protections, des livres dont les matières lui étaient inconnues et d'autres choses comme une baguette magique. Mais qu'est-ce qu'elle allait bien faire avec tout cela ? Son regard fit le tour de la lettre en quête d'une petite note qui pourrait lui dire que c'était une blague. Comme : « Surprise ! C'était une blague ! Je t'ai bien eu !».

Cependant, la seule petite note qu'elle aperçu parlait de balais qu'elle ne pouvait pas emmener là-bas.

Ses parents durent voir son air perplexe puisqu'ils lui demandèrent ce qu'il n'allait pas. Léna leur montra la lettre. La fillette leur expliqua que c'était sûrement une plaisanterie. Cependant, le couple en face d'elle n'eut pas la réaction qu'elle s'apprêtait à voir. Ils se regardaient soucieux.

Quelques jours plus tard, un homme avec une longue chevelure grisonnante et une barbe semblable vint leur rendre visite. Derrière ses lunettes en demi-lune, il regardait la famille avec gentillesse et sagesse en leur expliquant la véritable identité de Léna. Sa famille biologique lui était inconnue mais il put leur parler de tout ce qu'il y avait à savoir sur la magie.

Léna mit du temps à l'admettre. Mais, elle n'eut d'autre choix que de prendre un train sur la voie 9 ¾ à onze heures le 31 Août.

๑๑๑

En 1939, lors de sa quatrième année, la guerre chez les 'moldus' faisait rage. Léna rentra chez elle pour les vacances de Noël comme bon nombre des élèves de Poudlard.

Son père vint la chercher à la gare de King's Cross. Sa mère, qui devait s'occuper de son petit frère de trois ans, était restée à la maison. Enfin, maison, c'était une façon de parler. Alors que la petite famille était hors de chez eux, une bombe avait fait explosé une partie du quartier dont leur maison. Ils avaient donc du trouver un logement rapidement.

Léna entra dans son nouveau chez elle. Son petit frère l'accueillit tout content alors que sa mère le coursait pour lui faire enfiler ses chaussettes.

Cinq jours plus tard, son père reçut une lettre lui ordonnant d'aller prêter main forte aux soldats déjà au front. Léna aurait voulu l'aider avec sa magie. D'ailleurs, elle fit part de ses pensées à ses parents qui refusèrent catégoriquement. Ils n'avaient pas pu approfondir la conversation puisque le petit garçon était entré dans la pièce. Léna avait décidé de ne pas lui parlé de son côté 'sorcière'. Enfin pas tout de suite.

Lorsque le père s'en alla le cœur lourd, la petite famille était en larmes. La jeune fille savait que c'était sûrement la dernière fois qu'elle le verrait.