1652 –

Je soupirais alors que je sortais de la carriole et que mes valises étaient déposées sur le trottoir par le cocher, juste à l'extérieur du presbytère. Je levais les yeux vers le soleil, caché derrière les nuages. Aucun rayon de soleil ne filtrait dans la maison de Père. C'était comme ça depuis que Mère était morte en me donnant naissance. Après avoir payé le cocher, je me dirigeais vers la maison.

J'ouvris la porte d'entrée et les lourdes charnières de la porte en bois grincèrent tranquillement. Je dus me baisser légèrement pour entrer dans l'ancien presbytère qui avait abrité les trois générations précédentes de pasteurs. Père ne semblait pas être là, même si je savais avec certitude qu'il avait reçu ma lettre indiquant la date de mon arrivée. Ce n'était pas grave.

Je montais au premier étage, et déballais mes affaires, avant de les plier et les ranger soigneusement dans mon armoire. Je pris ensuite mon petit porte-monnaie en cuir, et quittais la maison pour aller au marché acheter de quoi faire à manger, avant de rentrer pour nettoyer la maison. Père n'était pas encore revenu. Je me fis du pain perdu, puis lus le Nouveau Testament à la lumière d'une unique bougie, attendant Père. L'église sonna neuf heures du soir, et je décidais d'aller prendre un bain dans la salle de bain étroite. Avant d'aller me coucher, je redescendis à la cuisine, et bus un verre d'eau.

Père ne rentra pas avant minuit. J'entendis ses pas lourds dans l'escalier en bois, puis un soupir. Lorsqu'il atteignit enfin l'étage, il se dirigea vers ma chambre et bloquais ma respiration. Il finit par s'éloigner, et je l'entendis ouvrir la porte de sa chambre, la refermer, et je m'endormis.

Le lendemain matin, je lavais mon visage au petit lavabo que possédait ma chambre, m'habillais, descendis préparer le petit déjeuner, composé d'œufs à la coque et de mouillettes de pain, et fis bouillir de l'eau. Les pas lourds de Père dans les escaliers résonnèrent dans la petite cuisine aux environs de sept heures et demie. Je me retournais et me levais quand Père posa le pied dans la cuisine. Nous ne nous étions pas vus depuis deux bonnes années maintenant, et j'avais changé depuis. J'avais pris des centimètres, et avait laissé mes cheveux pousser un peu.

-Carlisle.

-Père.

Ce furent ses seuls mots. Père me tapa dans le dos et s'assit sur une des chaises de la cuisine. Nous étions dimanche, et c'était bientôt l'heure de partir à la messe, Père faisant le service occasionnellement là-bas. Louis Cullen était un pasteur anglican et un chasseur de monstres, ce second 'travail' lui prenant quasiment tout son temps. Mais Père se faisait vieux, tout comme ses amis chasseurs, et avait du mal à se battre contre ces monstres qui devenaient de plus en plus forts.

-Vous avez de nouveau chassé des monstres, hier ?

-En effet.

-Ton père a besoin d'aide. Je me fais vieux, tout comme mes camarades.

-Père…

-Tu ne partages pas ma passion ? La passion de Dieu ? Celui qui nous a créés à son image ?

Père sauta de sa chaise, et me frappa le visage avec le dos de son poing, m'envoyant valser, tandis que ma tête frappait le mur. Horrifié, je regardais Père avec effroi et portais ma main à mon front. Je saignais… Il m'aida à me relever.

-Tu feras le travail de Dieu, mon fils. Nous allons combattre les démons ensemble. Nous allons envoyer ceux qui ne sont pas les enfants de Dieu en enfer.

Il enleva sa chevalière, l'embrassa, et me la tendit. Ainsi, Père me donna le relais. J'embrassais la chevalière, et il me la mit sur l'annuaire.

-Promets-moi de faire le bien. Dieu m'a dit que de nouveaux démons sont parmi nous. Nous allons les trouver et les tuer. Nous allons continuer la mission que Dieu nous a donnée ce soir à la nuit tombée.

1662 –

Père m'avait appris tout ce que je devais savoir sur les monstres. Il m'avait entraîné, j'en avais tué quelques uns. J'étais devenu un vrai chasseur au bout de deux ans. Un matin, on frappa à la porte du presbytère. Carlisle ouvrit pour trouver Arthur, un de ses amis chasseurs, face à lui, les traits tirés et le teint pâle.

-Arthur, que se passe t-il ? Demandais-je.

-Eleanor est morte.

Mon cœur manqua un battement. Eleanor était la petite sœur d'Arthur, de trois ans sa cadette.

-Entre, mon ami. Je vais nous faire du café.

Arthur rentra dans le salon, et s'assit sur une chaise. Je nous fis du café, et il me raconta ce qu'il s'était passé.

-Elle a été trouvée sur la berge. Elle est partie au marché hier après-midi pour acheter des pommes, et devait revenir une heure plus tard, mais elle n'est jamais revenue. Elle a six trous dans le cou, et des bleus sur le corps.

-Donc ils sont trois. Trois vampires.

-Je pense, oui.

-Tu peux me montrer où elle a été trouvée ? Si ce n'est pas trop difficile pour toi ? C'est peut-être une piste pour les trouver.

Nous partîmes jusque la berge, et trouvâmes le panier d'Eleanor près des tuyaux d'évacuation d'égout. Arthur se mit à pleurer, et je le pris dans mes bras, tentant de le consoler. Je ressentis une immense compassion envers mon ami, je savais qu'Eleanor et lui étaient très proches. Je pris note de l'endroit où la jeune femme avait été retrouvée et je raccompagnais Arthur chez lui. Les semaines passèrent, et les corps se multiplièrent, à raison de deux corps entièrement vidés de leur sang par semaine. Je passais trois nuits sur quatre aux berges, caché dans l'obscurité, attendant qu'ils décident de se pointer enfin. Mais ils ne se pointèrent pas. Des sans-abris fouillaient régulièrement cet endroit pour y chercher de la nourriture. Il entendit du bruit dans les égouts, et décida de regarder les plans des conduits, puis de fouiller chaque zone près de la berge afin de les trouver.

-Nous attaquons ce soir. Une jeune femme a été portée disparue ce soir. Ils vont sûrement la tuer et jeter le corps sur la berge pendant la nuit. Arthur ?

-J'en suis.

-Hayden ?

-De même.

-Rendez-vous à 22h à la bouche d'égout à côté du cinéma. Préparez vos armes et votre torche.

On se dispersa, et je rentrais au presbytère. Je tombais à genoux face à la croix qui était dans ma chambre et priais. Le reste de la journée passa vite, et je retrouvais mes collègues au cinéma, torches à la main.

On descendit dans la bouche d'égout, et nous allumâmes nos lampes torches.

-On sait que vous êtes là ! Montrez-vous ! Le jeu est terminé !

Aucune réponse ne vint. On avança dans la bouche, et tout à coup un faible sifflement provint de l'obscurité. Je me retournais et vis quelque chose dans les profondeurs de la bouche. Des yeux rouges. Ils étaient là.

Les chasseurs me suivirent, alors qu'on s'enfonçait dans les égouts. Il se rappela de ses cours de chasse. Les vampires devaient être brûlés et réduits en cendres pour les tuer. C'était la seule façon pour les tuer, au vu de leur vitesse.

La bête grogna, et courut vers moi. Mon cœur battait à la chamade, et je tombais à la renverse. Il n'y avait aucun moyen de le battre. J'entendis des cris : les autres étaient attaqués. Je lançais ma torche sur le vampire, et il s'enflamma. Je récupérais ma torche et courus rejoindre les autres. Deux de mes hommes étaient morts et je brûlais leurs cadavres afin qu'ils ne deviennent pas des vampires.

-Carlisle ?

-Je suis là, Art…

-Continuons.

-Non. Rentre chez toi avant de te faire tuer…

-Mais, et toi ?

-Il n'en reste plus que deux… Je m'en sortirais.

-Tu en es sûr ?

-Oui. Rentre.

Arthur me prit dans ses bras et tapota mon épaule, avant de me donner ce qu'il avait.

-Que Dieu soit avec toi, mon ami.

Mon collègue s'en alla et j'arpentais seul la bouche d'égout. On pouvait entendre des gouttes tomber, mais à part ça, c'était plutôt calme. J'avançais et pris une autre bouche d'égout. J'entendis grogner et le vampire m'attaqua par derrière, déchirant ma jugulaire, un cri silencieux sortant de ma gorge.

Le vampire s'enflamma et je souris. Un de moins. Je vis Arthur me regarder, sa torche à la main.

-Ça va, ne t'en fais pas… Va t-en ! Va ! Il n'en reste qu'un.

Je me pinçais les joues pour éviter de crier, et Arthur quitta la bouche. Une vive brûlure avait démarré dans mon cou, se déplaçant le long de mon bras. Au fur et à mesure que le temps passait, l'incendie se propageait un peu partout dans mon corps. Je comparais le haut et le bas de mon corps et me rendit compte que ma peau était devenue blanchâtre, limite cadavérique. Je luttais contre l'agonie qui me saisissait peu à peu, le feu se répandant désormais à mes jambes. Mon cœur battait la chamade, ce qui augmenta la vitesse de propagation du feu. Je trouvais une vieille caisse remplies de pommes de terres pourries et rampais jusque là. La brûlure me fit tomber dans les pommes.

Je ne sus pas combien de temps j'étais resté inconscient, mais quand je me réveillais enfin, la douleur avait disparu. C'était fini. J'étais toujours vivant. Je me levais, et respirais un grand coup. Quelque chose se produisit : mon odorat s'était amplifié. Je me mis à écouter, et entendis les passants au dessus de la bouche d'égout. Je pouvais sentir l'odeur du poulet rôti qui provenait du marché, l'odeur de la pluie qui tombait sur Londres. Je suivis le conduit de la bouche d'égout et regardais la ville.

Je voyais avec une acuité parfaite. Je voyais chaque petit détail que quelqu'un de normal ne pourrait pas voir en temps normal. L'euphorie coulait dans mes veines, jusqu'à ce que je me rende compte que ma chemise blanche était tâchée par mon sang, lorsque le vampire m'avait mordu. Mon euphorie se transforma en une soif de sang frais dévorante et profonde. Ma gorge devint sèche, et j'haletais. Je sentis le monde autour de moi.

Une vieille dame juste au dessus lançait du pain aux oiseaux. J'entendais le sang pulser dans ses veines, je sentais son sang dans ma bouche... Je me ressaisis et tentais de me concentrer sur autre chose. Je fermais mon manteau, et repartis dans les égouts, avant de sortir par une bouche donnant dans une ruelle abandonnée.

La peur me saisit, la soif me rendait fou. Il fallait que je me nourrisse. Je courus à une vitesse phénoménale et me retrouvais en forêt, à des kilomètres de Londres. Je n'étais même pas fatigué. Je m'assis sur un tronc d'arbre pour réfléchir. J'étais devenu un vampire… Je restais assis là toute la journée, la pluie ayant tourné au soleil. Je m'examinais. Ma peau était dure et brillait au contact de l'astre... J'étais devenu ce que mon père détestait le plus au monde. Un monstre.

Cela faisait des années que je cherchais la solution à ma situation. J'ai tout essayé. Sauter d'une falaise, sauter du sommet la cathédrale Saint-Paul, me tuer avec un pistolet, bu de l'eau bénite. Et j'étais finalement arrivé à la conclusion qu'il n'y avait rien qui pouvait me tuer. J'avais du me nourrir d'animaux, afin de ne tuer aucun humain. Des cerfs, des loups… La bête en moi n'était jamais rassasiée. Mais ça faisait l'affaire.

J'avais du mal à être près des humains. Je me cachais quand il faisait soleil, et ne sortait de ma tanière que quand il pleuvait. Les humains ne remarquaient alors pas ma peau brillante. Je vendais les carcasses et les peaux des bêtes que je vidais de leur sang, et économisais pour pouvoir voyager. Des fois, je croisais des maisons abandonnées sur la route, avec de quoi m'occuper et m'habiller. Je revendais certaines choses qui ne m'intéressaient pas, et les humains étaient contents. J'avais croisé la route d'Alistair, un vampire nomade, et nous étions devenus amis pendant quelques temps. Mais après une attaque sanglante d'un coven de vampires rouges dans la ville d'Exeter, nous avions dû prendre deux routes différentes.

Grâce à l'argent que je me faisais de mes ventes, j'avais croisé la route d'un homme appelé Francis Tomlinson. Professeur à l'université de Bristol, il enseignait la médecine à plusieurs classes, et avait vu que j'étais intéressé par les sciences. Il m'avait alors proposé une place dans son université où j'étudierais la médecine. J'avais travaillé dur, et avais commencé à me faire un nom dans la petite ville. Tomlinson avait découvert mon secret, et l'avait gardé pour lui… Je travaillais à l'hôpital du centre-ville, et j'avais appris à passer outre l'odeur et l'envie du sang. Tomlinson me qualifiait même 'd'être extraordinaire'.

-Je ne comprendrais jamais comment tu fais pour ne pas craquer.

-Je me concentre sur autre chose. Et ça marche.

-Quelle force mentale. Franchement, je suis étonnement surpris. Ce doit être dur.

-Ça l'était… Mais ça ne l'est plus.

-Tu comptes visiter le monde, j'imagine.

-En effet… Pourquoi ?

-Parce que je ne veux pas que tu restes ici toute ta vie. Profite, tu as l'éternité devant toi. Va. Rencontre des gens. Peut-être trouveras-tu ta nouvelle famille au détour d'un de tes voyages.

Alors j'étais parti. Premièrement en France, ou j'avais rencontré des philosophes. Peu après mon arrivée à Paris, j'avais commencé à travailler dans une clinique, comme à Londres et ai rapidement attiré l'attention des locaux, qui posaient des questions sur moi, ma formation etc...

Pierre avait commencé la formation juste avant moi et au début, il se méfiait. Un soir, j'avais aidé Pierre avec une femme qui se plaignait d'une horrible éruption qui recouvrait son corps. Pierre ne voyait pas la cause de cette éruption.

-Puis-je ?

-Bien sûr, Carlisle.

-Vous portez quel genre de sous-vêtements madame ?

-Ils sont en laine, pourquoi ?

Je regardais mon ami, et souris. Pierre ne saisissait pas la raison de mon sourire au début, puis il comprit.

-Vous n'avez rien, madame. Ce sont juste vos sous-vêtements de laine qui irritent votre peau. Si vous pouviez mettre du coton à la place, ce serait parfait.

Nous sortîmes de la pièce et Pierre me tapa dans le dos, en riant. Malgré que je sache plus de choses que mon ami, Pierre était devenu comme frère en raison de son âge plus avancé.

-Nous devrions sortir, mon ami. Je vais te présenter des amis à moi.

J'hochais la tête, nerveux de rencontrer plusieurs des amis de Pierre, ou même simplement d'élargir mon cercle social, de peur d'être démasqué. Après notre garde, nous nous retrouvâmes devant la clinique et partîmes à une fête. Je sentais le souffle alcoolisé des hommes, et le parfum floral de certaines femmes en arrivant dans la demeure.

Dans le coin de la pièce principale, à côté de la grande cheminée se tenait un homme grand et mince qui fumait la pipe. Il était accompagné d'un petit groupe d'hommes et ils parlaient de sujets intellectuels. L'homme de la cheminée me regarda, regarda son camarade, qui se dirigea droit vers moi et Pierre.

-Pierrot ! Tu as ramené un ami ! Comment vas-tu, mon gaillard ?

-Je vais bien, mon cher Edmund. Et toi ?

-La forme ! Qui est ton ami ?

-Le docteur Carlisle Cullen.

-C'est un honneur de faire votre connaissance, monsieur, fis-je à Edmund.

-Oh te fais pas de bile, mon ami, appelle-moi Joseph, comme tout le monde ici ! Rit le petit homme bourru. Venez, venez ! Je vais vous présenter à des amis ! Carlisle, Pierre, voici Alain.

-Alain de Rochefort, fit l'homme avant de nous saluer.

-Carlisle Cullen.

-Cullen ? C'est britannique, non ?

-En effet.

Je rencontrais le groupe de philosophes deux fois par semaine, au salon de la duchesse. J'appris qu'Alain et Pierre avaient assisté à des cours universitaires ensemble mais qu'Alain avait décidé d'arrêter tandis que Pierre a continué jusque la fin.

Le temps à Paris passait vite et dix années s'écoulèrent. Les gens commençaient à remarquer que je ne vieillissais pas, et je sus que c'était le bon moment pour aller ailleurs. Je décidais de partir pour l'Italie, à la recherche de personnes comme moi. Je visitais Florence, Rome, Milan, Sienne. Alors que je me nourrissais d'un cerf dans un petit village au nord de Sienne, je fus repéré par un groupe de vampire, leurs iris étaient d'un rouge sang, signe qu'ils tuaient des humains.

-Laissez-donc cette pauvre bête mourir en paix, mon ami.

Ils étaient tous les trois des hommes, grands et longilignes. Deux d'entre eux avaient de longs cheveux noirs de jais, et le troisième avait des cheveux de la même couleur que moi. Ils me regardaient avec interrogation, ne comprenant pas pourquoi je ne me nourrissais pas d'humains.

-Tu es étrange, l'ami. Viens donc avec nous, au lieu de traîner dans les bois.

-Qui êtes-vous ?

-Je suis Aro, et ce sont mes frères, Marcus et Caius. Nous sommes comme toi, à quelques différences près, cependant. Pourquoi te nourris-tu d'animaux ?

-Pour ne pas me faire repérer… Le sang animal n'est pas aussi requinquant que le sang humain, mais ça fait l'affaire.

-C'est… curieux… Tu peux venir avec nous, si tu le souhaites. Nous t'offrons l'asile, mon ami.

Je les suivis jusqu'à leur repaire, dans une petite ville fortifiée, pas très loin d'où j'étais en train de chasser. Une grande tour était sur la place, et nous rentrâmes par là, avant de prendre un ascenseur et d'arriver dans un dédale de couloirs en marbre. Deux jeunes vinrent à notre rencontre, et firent une révérence aux trois hommes. Ils portaient tous des capes noires avec des motifs rouges en velours.

-Maître… Qui est-ce ?

-Un… ami. Nous l'avons trouvé en train de se nourrir d'un cerf dans les bois à proximité.

-Un cerf. Quelle idée… Le sang humain est meilleur.

-Jane, prépare une chambre à notre nouvel ami, veux-tu ?

-Oui maître.

La jeune femme s'en alla avec l'autre jeune. Aro ouvrit deux grandes portes en bois massif, et je découvris une salle ovale, en marbre du sol au plafond. Trois trônes en bois étaient disposés au fond de la salle.

-Jolie salle… C'est là que vous mangez ?

-C'est là que nous jugeons les gens au courant de notre existence… Ou les vampires qui dérogent à la loi.

-Et vous faites quoi ?

-On les tue, fit Aro, comme si nous parlions de choses insignifiantes.

Ces dernières paroles me firent froid dans le dos…

-Et quelles sont les règles ?

J'appris tout un tas de choses sur ces fameuses règles. En premier lieu, chasser doit être fait en toute discrétion, les restes devant être éliminés soigneusement. Les enfants immortels ne doivent pas être créés. Cette création était punissable par la mort des enfants, du créateur, ceux qui défendent l'enfant et ceux qui connaissent son existence. Traiter avec les enfants de la lune était interdit. L'interaction de vampires avec les humains ne doit pas attirer l'attention de large. Si un être humain connaissait l'existence des vampires, le vampire en question serait chargé de faire taire cet humain grâce à deux options : la transformation ou la mort.

-Aro, est-ce vraiment nécessaire? Demandai-je avec le moindre espoir qu'il changerait d'avis.

J'avais essayé de les initier à mon mode de vie, et eux au leur… En vain. Ils s'apprêtaient à tuer un humain qui avait découvert. J'avais du mal avec cette règle. J'avais du mal avec toutes leurs règles, mais Aro et moi avions sympathisés.

-Oui, Carlisle. Tu connais les règles. Toute personne qui menace l'existence des vampires doit être tué, fit Aro, les mains de chaque côté de la tête de l'humain en question.

-Il doit y avoir une façon de le laisser en vie Aro, suppliais-je.

Aro se tourna vers moi. Je pouvais déceler de l'amusement dans ses iris rouges. Il regarda l'homme qu'il s'apprêtait à tuer, et il me sourit.

-Désolé, Carlisle. C'est trop dangereux, intervint Caius.

Aro fit signe à Jane, Alec et Demetri de venir se joindre à lui. Alec prit un bras, Jane prit l'autre, et Demetri prit sa tête entre ses mains. Mon ami caressa le visage de l'homme et ce dernier fut démembré en moins de deux. Jane déclencha un feu, et ils jetèrent tous les bouts de corps dans les flammes. Je ne pouvais rester là et regarder. Je détestais voir des vies prises de cette façon, mais tous les jours, j'étais forcé de regarder cela.

-Carlisle, fit Marcus, assis à mes côtés.

-Oui ?

-Je comprends ton bouleversement, mais c'est le seul moyen. Peut-être que dans le futur, tu comprendras pourquoi nous le faisons.

-Peut-être, dis-je avec un soupir las. Puis-je aller faire un tour ?

-Excellente idée, mon ami. Va, déclara Marcus en marchant vers Aro et Caius.

Je marchais lentement hors de la salle, voulant oublier tout ce qui venait de se passer. Une autre vie avait été enlevée, et ça m'était insupportable d'assister à cela. En me promenant dans les couloirs, je vis Heidi. Derrière elle, il y avait une vingtaine de personnes, qui seraient leur dîner.

-Carlisle !

-Heidi, la saluais-je.

Elle hocha la tête et conduit le groupe de touristes à la salle où ils seraient vidés de leur sang pour leur servir de dîner. Je me sentais mal de voir ces femmes, enfants et hommes sourire et prendre des photos alors que dans quelques minutes, ils se mettraient à crier.

Je me demandais toujours pourquoi j'avais rejoint les Volturi. Je ne voulais pas être impliqué dans ce genre de style de vie, je ne voulais pas être ce qu'ils étaient. Mais à part eux, je n'avais personne. Si je partais, où vivrais-je ? Qui pourrait me tenir compagnie dans ces jours sans fin ? Ce sont ces questions qui m'empêchaient de les quitter à chaque fois. Je me sentis suivi et quand je me retournais, Alec et Jane, les deux jumeaux maléfiques s'arrêtèrent.

-Un souci ?

-Non…

-Le dîner est arrivé…

-J'ai croisé Heidi en effet.

-Carlisle, puis-je vous poser une question ?

-Allez-y…

-Pourquoi sauver les êtres humains et renier notre mode de vie ?

-Je sais que vous êtes ce que vous êtes depuis bien trop longtemps pour le comprendre… Mais j'ai été transformé il n'y a qu'un demi-siècle… Les humains doivent vivre, expérimenter tout ce qu'un humain doit expérimenter au cours de sa vie… Si j'avais eu à choisir entre devenir ce que je suis et rester humain, mon choix se serait porté sur la seconde proposition.

-Toujours le même refrain, Carlisle, rit Alec.

-C'est ce que je pense. Rien de plus.

-Bien sûr, répondit Jane.

-Vous vous sentirez mieux dans votre peau en sachant que vous sauvez des vies…

-Ce n'est pas la vraie raison, fit Alec. Donnez-nous la vraie.

-Vous dites que nous nous devons de protéger notre secret, pas vrai ? Vous ne voulez pas que votre alimentation cause de la suspicion dans un proche avenir ? Vous croyez qu'ils ne s'en rendent pas compte ?

-Pas besoin de vous inquiéter, Carlisle. Nous gérons la situation nous-mêmes. Nous sommes les Volturi, sourit Jane.

-Vous trouvez que nos moyens ne sont pas 'politiquement correct', pas vrai ? Demanda Alec.

-Pas du tout, Alec. Je viens de penser que mon chemin est une meilleure alternative.

-Si vous le dites… Nous allons y aller et faire ce que nous sommes naturellement censés faire. Ce n'est pas sain d'aller contre la loi de la nature, Carlisle. Si vous voulez bien nous excuser… Nous ne voudrions pas vous importuner plus longtemps.

-C'était agréable de discuter avec vous, Carlisle, fit Jane.

Ils me sourirent de façon narquoise, et je partis vers le jardin. M'asseyant sur le banc, je regardais la ville de Volterra. Des enfants jouaient, les femmes riaient, et les hommes parlaient. Je ressentis de la tristesse quand je pensais que ces personnes pourraient bientôt être le prochain dîner de mes comparses. Le seul problème était que ces gens ne méritaient pas de mourir. Ils ne faisaient rien de mal, mais nos besoins, ou du moins les besoins des Volturi nécessitaient de la chair fraîche.

-Carlisle ? Le maître te demande.

-J'arrive, Jane. Merci.

Je levais la tête de mon livre, plaçais le marque-page et referma le bouquin. J'enfilais ma cape, et suivit Jane jusque la salle ovale.

-Carlisle, mon ami !

-Que voulais-tu, Aro ?

-Viens t'asseoir à mes côtés, veux-tu ?

J'hochais la tête et m'assis à la droite d'Aro, qui hocha la tête à Jane. La jeune femme partit, et quand elle revint, elle était accompagnée d'un jeune homme, torse-nu, simplement vêtu d'un pantalon en toile grise.

-Buona sera, Signore, fit-il avant de s'agenouiller.

Je pris une grande inspiration pour lui répondre, et je sentis son odeur. C'était incroyable, et la brûlure au fond de ma gorge s'était accentuée. Je respirais fortement, alléché par son odeur divine, et le sang coulant dans ses veines. Je dus m'accrocher aux accoudoirs du siège pour m'éviter de tuer ce pauvre innocent.

-Aro… Qu'est-ce…

- Je voulais simplement te tenter, mais je ne savais pas que…

-Que quoi? Demandai-je alors que mes yeux ne quittaient pas le pauvre homme.

-C'est ta Tua Cantante…

-C'est un mythe ! Marcus…

-Marcus est vieux… J'ai mis des mois à trouver ce jeune homme.

-Je ne peux pas… Laisse-moi partir…

-Pourquoi, Carlisle ? Est-il si attirant ? Si irrésistible ? Fit Aro alors que je sentais son souffle dans mon cou.

Des images de moi plantant mes dents dans le cou du pauvre homme, le vidant de son sang inondèrent mon esprit. J'arrivais même à m''imaginer le goût de son sang dans ma bouche, coulant dans ma gorge... Mes instincts comblant les lacunes de mon inexpérience. Je tremblais à force de me retenir.

-Aro, s'il te plaît. Emmène-le loin de moi.

-Buon Appetito, mon ami.

Aro tapota mon épaule et quitta la pièce alors que je tentais de rester sous contrôle. Son sang m'appelait… J'allais finir par l'attaquer et le tuer. Retenant mon souffle pour ne plus être tenté, je me levais et sautais du balcon. J'entendis Aro m'appeler, mais me mis à courir le plus vite possible, la ville étant déserte à cette heure de la nuit, jusqu'à ce que je suis tombé sur un troupeau de daims, que j'attaquais sauvagement et goulûment, me gavant jusqu'à ce que je puisse avoir le contrôle à nouveau

Je restais en dehors de Volterra des jours durant, le temps de rependre complètement mes esprits. Quand je revins enfin, je fus convoqué par Aro, Marcus et Caius, qui étaient fascinés par le fait que j'aie su résister à l'appel du sang de ce pauvre homme. J'allais dans la salle ovale, et trouvais les trois hommes assis sur leurs trônes.

-Carlisle ! Me salua Aro. C'est bon de te revoir, mon ami.

-Aro. Caius. Marcus.

Mon interrogatoire commença, et dura deux bonnes heures. Les trois hommes étaient sous le choc de mes révélations.

-Tout cela est fascinant, tout simplement fascinant, déclara Marcus. Carlisle, vous êtes unique, mon ami.

J'allais me balader dans le jardin, et aperçus l'homme qui m'avait donné envie de sang frais. Il me regarda et ma gorge, malgré que je me sois gavé de sang animal, recommença à me brûler.

-Vous ne devriez pas m'approcher…

-Je n'ai pas peur.

-Vous devriez.

Il continua de s'approcher. J'avais l'impression qu'on me brûlait vif quand il fut à côté de moi. Je fermais les yeux cinq secondes, et la bête prit le contrôle sur l'humanité qu'il me restait. Je caressais son cou pour sentir sa jugulaire et mordit. Je ne pourrais décrire les émotions qui m'emplissent quand son sang coula enfin dans ma gorge. La bête se nourrissait, avidement, après toutes ces années de sobriété. Quand la bête eut fini, je compris ce que j'avais fait. Le corps du jeune homme était au sol, inerte, et moi je me léchais le visage, ne perdant aucune goutte de ce sang.

Je me relevais et me reculais, avant de sauter dans le vide et m'enfuir loin de Volterra.

Pendant des décennies, je me promenais, seul, comme une coquille vide. Je partis pour le nouveau monde, espérant redevenir ce que j'étais avant. Quelqu'un de reconnu parmi les humains. Redevenir moi-même.