NDA: Ma lettre d'amour à Ginny Weasley, qui mérite tout le bonheur du monde. J'ai pris quelques libertés avec les informations que JKR nous a donné sur la vie des Potter-Weasley après l'épilogue, mais cette fiction respecte les livres jusqu'à l'épilogue, ainsi que la plupart des détails donnés dans l'épilogue. Attention, la romance entre Draco et Harry n'est pas le sujet primaire de cette histoire!
J'ai été absente de ce site pendant près d'un an, suite à des problèmes divers et ma volonté de me concentrer sur des projets personnels. Me revoilà avec cette histoire. J'espère ne pas être trop "rouillée"!
Cette fanfiction est également consultable et téléchargeable sur AO3 (lien sur mon profil)
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Ginny avait toujours aimé voler ; elle fendait l'air, mains crispées sur le manche de son Nimbus 2019, tête baissée, ignorant le vent qui cinglait son visage. Mauvaise position, pensa-t-elle sans se donner la peine de la corriger. Un sourire fiévreux se dessina sur son visage. Elle avait repéré le Vif d'Or.
Une violente bifurcation, une pointe acérée, et Ginny filait vers sa proie, regard rivé sur le grésillement doré. Elle y était presque –juste quelques secondes, quelques millimètres…Elle tendit le bras, sentit les vibrations affolées sous ses doigts. Dans quelques secondes, elle refermerait sa main sur lui, et ce serait la victoire. Le public déchaîné scandait son nom, et elle éclata d'un rire extatique, tendant l'oreille pour s'abreuver des cris de ces gens qui l'admiraient. Elle, Ginny Weasley, était admirée.
« MA-MAN, MA-MAN »
Ginny fronça les sourcils. Sa concentration légendaire vacilla, et elle secoua la tête pour tenter d'ignorer la troublante huée. C'était probablement une plaisanterie. Le vif d'or était là, à portée de main, si près que Ginny sentait presque déjà le métal froid de la coupe du monde de Quidditch entre ses mains.
« MA-MAN, MA-MAN »
Soudain, sous les hurlements horrifiés du public, le balai de Ginny disparut. Elle eût à peine le temps de pousser un cri avant de tomber. Impuissante, elle sentit l'air siffler à ses oreilles tandis que le sol se rapprochait inexorablement. Bientôt, ce serait la
Lorsque Ginny ouvrit les yeux, la première chose qu'elle remarqua fut les sourcils de son fils, qui étaient d'un magnifique vert profond. Cela faisait ressortir ses yeux, songea-t-elle, avant de se rappeler que vert n'était définitivement pas la teinte naturelle des poils de son benjamin et que, loin d'être sur son balai au milieu d'une foule en délire, elle était en réalité affalée sur le canapé. Elle s'assit, chassant les dernières brumes du sommeil en se frottant les paupières brutalement.
« Oui, oui, j'écoute, maugréa-t-elle. Sa nuque était douloureuse et ses jambes ankylosées, et elle ajouta racheter un canapé à la liste déjà immense des choses qu'il lui faudrait faire dans les prochains mois. Albus tourna vers elle des yeux paniqués et retira son pouce de sa bouche.
-Lily pleure, chuchota-t-il précipitamment. Je crois qu'elle a faim.
Ginny leva les yeux au ciel et se dirigea vers la nurserie, ébouriffant les cheveux d'Albus au passage. Elle s'occuperait du désastre pileux plus tard. Les braillements assourdissants qui s'échappaient de la chambre de Lily étaient une priorité absolue.
Le visage de sa fille était rouge, congestionné, et Ginny soupira. Elle se pencha sur le berceau, et les cris perçants s'évanouirent pour laisser place à des gémissements plaintifs. Lily n'avait pas six mois, et elle était déjà la reine du mélodrame. Elle tenait probablement ça de son père, songea Ginny. Elle regretta sa pensée immédiatement. La fatigue ne lui avait jamais réussi.
« Bonjour, princesse, murmura-t-elle en prenant Lily dans ses bras. D'une main assurée, elle maintint le dos du bébé et la berça doucement. Le nez plongé dans les cheveux roux, elle respira l'odeur familière de lait et de savon. Lily referma son petit poing sur le col de son pull-over et geignit.
« Je sais, je sais, princesse. Moi aussi j'en ai marre, marmonna Ginny. Elle se dirigea vers la cuisine, grimaça lorsque son orteil heurta le coin de la porte.
Lily n'accepta de se calmer que lorsque Ginny conjura son repas d'un coup de baguette maladroit. Elle agrippa le biberon de ses minuscules mains et commença à téter avidement. Ginny ferma les yeux et tenta de retrouver les sensations grisantes de son rêve, le vent sur son visage, la légèreté.
Mais Ginny n'était pas une joueuse de Quidditch professionnelle. Ginny était une mère de trois enfants, vingt-sept ans et en instance de divorce. Ginny devait racheter un canapé, faire les courses et organiser une fête d'anniversaire pour les sept ans de James. Ginny avait des vergetures, des pieds gonflés, et le cœur lourd comme une pierre.
Elle ne parvint qu'à faire poindre une migraine entre ses deux yeux.
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La cuisine était un véritable désastre, constata Ginny. Un pot de confiture avait été renversé à l'heure du goûter, et la substance collante avait laissé des traces qui allaient jusqu'au sol. Elle fronça du nez et fit disparaître l'offense d'un coup de baguette. Elle n'avait jamais eu la même aisance que sa mère avec les charmes nettoyants, mais elle pouvait au moins faire ça.
Crac.
Ginny leva la tête et tenta de contenir son soulagement. Elle savait exactement qui venait de transplaner sur le perron. C'était un vendredi soir, et Harry venait manger avec les enfants avant de les emmener chez lui pour passer le week-end.
Elle sourit en entendant la cavalcade que l'arrivée de son ex-mari venait de causer. « Papa ! » hurla James, et Ginny entendit Harry émettre un glapissement de surprise lorsque son fils aîné se jeta dans ses bras.
« Bonjour Ginny, dit Harry en trébuchant dans la cuisine, James pendu à son cou comme un singe. Il ne paraissait pas dérangé le moins du monde par ce poids supplémentaire, pas plus que par Albus qui, accroché des deux mains à la jambe droite de son père, se laissait traîner derrière lui.
« Albus, Ginny gronda. Arrête ça. James, lâche ton père. »
Les deux enfants obtempérèrent, sourcils froncés et visages ornés de moues boudeuses incroyablement similaires. Ginny lança un sourire entendu à Harry, qui la regardait fixement.
Cela faisait maintenant cinq mois qu'ils n'habitaient plus ensemble, et il flottait encore entre eux cette étrange tension. Leur divorce était amiable, pour autant que telle chose existe. Bien entendu, la presse en avait fait tout une affaire ; le Survivant et son épouse se séparant un mois à peine après la naissance de leur petite dernière, c'était du jamais vu.
Ils ne savaient pas. Ils ne savaient pas que leur couple avait déjà commencé à s'étioler lorsqu'Albus était né. Ils ne savaient pas que Lily était le fruit d'une dernière tentative pour faire renaître ce qui au début les avait attiré l'un vers l'autre comme des aimants. Ginny en souffrait encore, de cette absence. Harry avait été son meilleur ami pendant si longtemps, son confident, sa bouée de sauvetage. Elle s'était raccrochée à lui lorsque Fred était mort. Silencieux et choqué, il l'avait laissé pleurer contre son épaule après la Bataille de Poudlard. Elle ignorait s'ils parviendraient un jour à se rapprocher de nouveau, à devenir ce qu'ils auraient dû être pendant tout ce temps. Non, les médias ne savaient pas, et si Ginny avait son mot à dire, cela resterait ainsi.
Elle ne pouvait regretter, cependant. Pas lorsqu'elle regardait les trois merveilles que lui avait donné ce mariage malavisé, précipité. Ce mariage d'enfants endeuillés.
« Bonjour, souffla-t-elle. Lily dort. Elle a beaucoup pleuré aujourd'hui. »
Elle tenta de garder contenance sous le regard inquiet, inquisiteur même, d'Harry. Une ride apparut entre ses sourcils lorsqu'il détailla Ginny. Elle s'imagina ce qu'il devait voir ; des cernes sombres sous ses yeux, les traits tirés, son t-shirt tâché aux suites d'une altercation entre James, Albus et un tube d'acrylique rouge sang.
Harry ne dit rien, cependant. Il se contenta de hocher la tête et, avec un dernier regard inquisiteur lancé par-dessus son épaule comme on tire une flèche, quitta la pièce en direction de la nurserie. Ginny s'affaissa un peu contre le plan de travail et exhala un souffle tremblant.
Tout allait bien.
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Le repas se déroula sans incident majeur : un verre renversé, une dispute avortée entre ses deux fils, calmée d'un simple froncement de sourcil. Après un verre de vin, Ginny se sentit enfin plus détendue, et lorsque James et Albus détalèrent après avoir débarrassé leur assiette, elle parvint à regarder Harry dans les yeux sans frémir.
« Café ? proposa-t-elle, accordant une vague pensée à la pile de vaisselle qui l'attendait dans l'évier. Elle n'avait tout simplement pas le courage. Harry acquiesça, et la suivit dans la cuisine. Alors qu'elle s'affairait avec la machine à café –une des dernières inventions moldues, un cadeau de son père que Ginny avait mis plus d'un mois à maîtriser – Harry s'adossa au bar.
« J'ai cru remarquer qu'Albus avait décidé d'accorder sa pilosité à la saison, lança-t-il d'un ton narquois. Ginny gloussa et secoua la tête. Elle appuya sur un bouton, et la machine se mit à ronronner doucement.
-Je n'ai pas osé lui demander d'où cela venait, dit Ginny. Tu sais comment il est quand il a une idée en tête.
Harry soupira.
-Je parie ma collection de cartes Chocogrenouille que cette idée lui vient de ton frère.
Ginny hocha la tête sans un mot, et tendit une tasse fumante à Harry.
« Tu as l'air fatiguée, dit-il, et Ginny laissa échapper un petit rire et secoua la tête. Auror un jour…
-Je vais bien.
Elle n'allait pas bien. Ginny n'avait pas été bien depuis la naissance de Lily. Depuis qu'Harry avait déménagé. Elle n'était pas faite pour ça, et elle l'avait compris depuis bien longtemps. Elle n'était pas faite pour rester à la maison toute la journée. Elle n'était pas faite pour la solitude. Ginny détestait faire le ménage et travailler par correspondance. Elle voulait découvrir, elle voulait rire. Elle voulait passer du temps avec des adultes, elle voulait une carrière.
La nuit, Ginny rêvait du soleil sur sa peau et du succès qu'elle aurait pu avoir.
Au lieu de ça, elle avait des factures à payer, un article sur la dernière tendance en robes de soirées à écrire, et un ex-mari un peu trop curieux.
Ginny ne sut jamais ce qui la poussa à parler, ce soir-là. Plus tard, elle se demanderait ce qui se serait passé si les mots ne s'étaient pas bousculés hors de sa bouche sans son consentement. Si elle avait serré les dents et baissé la tête.
Mais Ginny n'avait jamais vécu dans l'habitude de se laisser marcher sur les pieds, marcher sur le corps, marcher sur l'âme. De se laisser désagréger dans une vie trop lourde pour elle. Une vie trop ennuyeuse.
Alors elle regarda Harry dans les yeux, dit : « Je veux reprendre le Quidditch,» et croisa les doigts pour que ce ne soit pas la pire décision de sa vie.
à suivre...
