Note de l'auteure M : Après moult débats et négociations, nous avons décidé de poster cette fic-ci. (Ben oui, parce qu'on a plusieurs fics en réserve, même si on ne le dit pas, nyek nyek nyek).

W : Comme la précédente était... plutôt joyeuse, on a décidé d'alterner et d'en mettre une... moins joyeuse. Bref, si vous êtes déprimés et que vous voulez vous remonter le moral, évitez ces lieux obscurs. Sinon, faites comme vous voulez. Comme d'habitude, nous signalons qu'aucun des personnages ici utilisés ne nous appartiennent, on se contente de les emprunter de façon tout à fait éhontée (à l'exception d'une xinoise que vous reconnaîtrez peut-être). N'hésitez pas à laisser une review. Et en espérant que ça va vous plaire tout de même... Enjoy !


Cette lettre, j'espère que tu ne la liras jamais, jamais

- MoWa -


Les caractères auraient dû lui paraître étrangers, incompréhensibles.

Mais ils ne l'étaient pas.

Elle comprenait. Elle comprenait tout de ces phrases hésitantes, torturées, souffrantes, le sens jaillissait dans son esprit avant même qu'elle eût besoin de réfléchir. Ces caractères qu'elle avait appris sans même avoir à faire de réel effort...

Elle n'avait pu s'en empêcher. D'abord quelques leçons, les bases, puis tout de suite les livres qu'elle avait lus, lus, lus, ces livres soigneusement rangés au loin, au fond des coffres de son atelier, ces livres dont nul ne savait rien.

Elle comprenait. Elle voulait comprendre.

Doucement, elle laissa ses mains tenant la liasse de feuilles retomber sur ses genoux, ces feuilles qu'elle avait pu lire, ces feuilles qu'elle avait voulu lire, sans hésitation aucune. Oh, oui, elle comprenait. Elle ne comprenait que trop bien, les mots, les phrases. Et celui qui les avait écrites.

Cet idiot.


Winry...


C'était, malgré tous les stéréotypes que cette phrase contenait, le plus beau jour de sa vie. Vraiment. Alphonse se savait naïf, mais même lui pensait depuis longtemps avoir cessé de croire à ce genre de choses. Et pourtant...

Pourtant, il s'était retrouvé, nerveux, à s'assurer pour la énième fois que son vêtement était impeccable, qu'il ne manquait rien, à demander des conseils aux autres qui pourtant n'en savaient pas beaucoup plus que lui. Il était jeune, encore. Peut-être aurait-il dû attendre ?

Il s'était retrouvé devant le maire, car lui-même n'était pas suffisamment croyant pour s'arroger une cérémonie religieuse, et car sa promise n'était de toute façon pas de cette confession-là, à attendre, craignant un retournement de situation, observant les gens qui s'installaient, qu'il connaissait tous de près ou de loin. Il s'était retrouvé, dans un silence surnaturel, à la regarder qui s'avançait vers lui, vêtue de cette superbe robe, mélange équilibré des modes de deux pays, rejetant une pure blancheur pour y ajouter des morceaux de soie colorée, si belle.

Il s'était retrouvé à prononcer ses vœux, à signer un contrat bien froid, réchauffé par la simple présence à son côté qui avait signé à son tour, à sortir avec elle du bâtiment, elle qui était tout d'un coup sa femme, tenant son bras et souriant de ses yeux noirs...

Il s'était retrouvé à sourire lui-même, à rire, à ne pas y croire, à savourer la lumière du soleil et les souhaits d'autrui comme jamais auparavant.

Il n'aurait pas cru qu'une simple cérémonie puisse amener des sentiments aussi forts. Pourtant celle-ci l'avait fait. Elle l'avait fait parce que ç'était lui, l'homme présent devant le maire, sentant la présence de ses proches derrière lui, et surtout parce qu'il y avait cette silhouette aux cheveux noirs, magnifique, à son côté, pour toujours peut-être désormais. Son épouse. Parfaite.

Et il n'y avait, en réalité, qu'une ombre au tableau, pour être aussi parfait qu'elle.

L'ombre de son frère. Son frère qui était absent.


Je sais que je ne devrais pas faire ça. Je le sais. Je le sais, je me le répète, mais je sais aussi ce que je suis, sans aucun doute le pire égoïste qui soit sur terre. Je sais, je sais. Mais je ne peux pas... Il faut que...

Mais tu le sais aussi, tu sais comment je suis, n'est-ce pas ? Tu me connais, tu me détestes sans doute, à présent. Alors, s'il te plaît, s'il te plaît, ne lis pas cela. Arrête-toi, replie cette feuille, oublie-la...

Je sais que c'est la chose la plus égoïste que j'aie jamais faite, écrire cela, mais j'espère que tu ne le liras pas, jamais, jamais, je t'en prie. Si elle se retrouve entre tes mains, et je sais qu'au fond, c'est ce que je souhaite, car sinon, je ne l'écrirais pas... Elle ne devrait pas, je devrais la terminer et la brûler, et je sais déjà que je ne le ferai pas, moi qui suis si lâche... Sois plus forte que moi, tu l'as toujours été. S'il te plaît, ne la lis pas. Ne sois pas curieuse, brûle-la, oublie-la, comme tu as dû m'oublier, comme tu dois m'avoir oublié, détesté.

S'il te plaît. Déteste-la comme tu me détestes sans doute. Ne la regarde pas. Ne la lis pas.

Et si tu lis ces lignes malgré tout, je t'en prie, pardonne moi. Pardonne ce moment de faiblesse, ces instants où je suis comme un gosse face à cette vieille dame qui bientôt viendra me rendre visite, qui me donne envie de me cacher, de fuir, de faire n'importe quoi. Les animaux se cachent tous quand ils vont mourir. Moi, je fais ça.

Pardonne-moi d'être aussi misérable, comme tu pardonnes à un mendiant qui arrête ton chemin pour demander l'aumône. Ne lui souris pas, ne lui donne rien, jette-lui à peine un coup d'œil, puis passe, continue ta route, oublie-le aussitôt. Il n'est qu'un reflet, une illusion, tu n'en as rien à faire... Ne le déteste même pas, il ne mérite pas autant d'attention.

Car ce mendiant, c'est moi, ce soir.

Je n'espère pas éveiller tes regrets. J'espère que tu riras en lisant ces lignes, que tu me haïras, que tu froisseras ce papier avant de le jeter au loin, laissant le vent l'emporter comme il va emporter le pauvre imbécile qui les écrit...

Je ne sais pas ce que je veux. Est-ce que je suis assez imbu de moi-même pour m'imaginer que tu penses toujours à moi, que je peux encore te toucher par ces lignes ? Ou est-ce que je ne souhaite qu'une chose, pouvoir me débarrasser de tout cela, sans que cela ne te fasse rien, car je ne peux pas supporter la responsabilité des nouvelles douleurs que je risquerais de t'infliger ?

Mais j'ai besoin de te le dire. J'ai tant à dire. Tant de choses qui m'étouffent. Et comme je suis égoïste, de vouloir m'en défaire, moi qui les mérite, de prétendre à une paix, moi qui n'ai jamais su l'apporter à qui que ce soit... Moi qui devrais me taire, comme je me suis tu si longtemps. Je ne devrais pas céder à la dernière heure.

Mais je suis faible, si faible. Tu le sais. Je suis si fatigué...

Et ça, tu ne le sais pas.

Personne ne l'a jamais su.


à suivre.