Salut, salut!

Je suis de retour avec une nouvelle fic de True Blood! Et pas n'importe laquelle : la suite de "La rançon". Un an plus tôt, j'avais laissé supposer qu'une suite serait possible... alors voilà.

Ce coup-ci, il n'y aura pas de continuité. C'est la conclusion... à moins qu'une OS me vienne à l'esprit depuis la façon dont je laisse les choses au terme de cette fic. Six chapitres, incluant celui-ci. Personnellement, je préfère cette fic-ci à la précédente... Sûrement est-ce parce que j'ai pu peaufiner ma plume au courant de cette dernière année.

J'ai décidé de poster celle-ci en l'honneur du retour de la True Blood sur HBO! Vous avez écouté le premier épisode de la saison 5? C'est tellement prometteur, j'en ai eu des frissons. Et puis on a eu droit à une scène tout à fait exquise d'Eric.

Alors voilà, sans plus tarder, je vous souhaite une bonne lecture. N'hésitez pas à commenter, ça fait toujours plaisir.

Lexa Nedra


La rançon : New Hampshire

Prélude à l'aventure

Seule sur ma véranda, j'ai regardé le cortège de voitures repartir en direction d'Hummingbird Road. La soirée était jeune mais le ciel noir était déjà taché de nombreuses plaques diamantées, prometteur d'un lendemain ensoleillé. J'adorais les belles températures; après avoir respiré la mort durant de longues nuits, les bains de soleil me faisaient renaître – non pas que les vampires sentent la décomposition, mais ils avaient tous une odeur commune particulière que j'avais associé à mes plus gros ennuis. Beaucoup de mes amis étaient des vampires; n'empêche qu'ils étaient tous synonymes de problèmes.

Une fois les derniers phares évanouis dans la nuit, j'ai utilisé mes compétences de serveuse aguerrie pour rassembler dans mes mains et sur mes avant-bras la vaisselle qui jonchait la petite table que j'avais installée sur la véranda lorsqu'avril avait commencé à nous offrir des aperçus de ses plus belles journées.

- Pourquoi ai-je vu Laurent Levine quitter ta demeure?

J'ai sursauté et failli échapper une assiette qui tenait en équilibre près du creux de mon coude; je m'étais cru seule. J'ai pivoté vers la source de la voix que j'avais reconnue; Eric se tenait au bas des marches, vêtu comme à son habitude : simplement mais sublimement.

Cette vaisselle était la précieuse porcelaine de Gran; si j'avais échappé une pièce à cause de lui, ne serait-ce qu'une soucoupe, je l'aurais fait payer – et pas en billets. Je pensais plutôt à un coup de pied bien placé.

- Bonsoir à toi aussi, Eric, ai-je rétorqué d'une voix lasse.

Je suis retournée à ma tâche, et tant pis si Eric trouvait ma froideur discourtoise; il ne s'était pas annoncé avant de débarquer. Mon précédent visiteur non plus, d'ailleurs. Qu'avaient-ils tous, ces vampires, à toujours survenir à l'improviste? Et le téléphone, lui?

- Ne me fais pas répéter ma question, m'a-t-il prévenue.

- Sinon quoi? ai-je marmonné avec sarcasme.

Il était de mauvais poil? Eh bien moi aussi j'étais capable de me montrer acariâtre.

Avec le temps, j'avais appris à ne plus redouter Eric Northman; nous étions devenus trop proches pour que je m'embarrasse encore de quant-à-soi en sa compagnie. C'était un peu comme après avoir couché avec quelqu'un : vous abandonniez le « vous » au profit du « tu », non? Voilà, c'était la même chose, abstraction faite que j'avais commencé à tutoyer Eric longtemps avant que nous couchions ensemble pour la première fois. Mais peu importe. L'importance était que quand j'avais quelque chose à lui dire, je lui en faisais part, et quand il faisait quelque chose qui ne me plaisait pas, je ne me privais pas de le lui faire remarquer. Je ne me souciais plus d'épargner son orgueil. Qu'il soit un Viking de mille ans ou shérif de la Cinquième Zone de la Louisiane ne m'importait guère; ces titres affectaient les vampires, et moi, j'étais humaine. Par conséquent, je n'avais pas à m'émouvoir de son âge ou à m'incliner devant son autorité.

Je l'ai entendu grimper les marches de ma véranda; elles ont grincé sous son poids. J'allais l'éconduire avec tout le tact dont Gran m'avait équipée au fil de mon éducation mais je me suis avisée de l'air hagard qui allongeait son visage et n'en ai rien fait.

- Qu'est-ce que c'est que ça? a-t-il demandé en désignant du menton la table encore jonchée.

- La table que je débarrassais avant que tu m'interrompes, ai-je rétorqué d'une voix blanche.

- Deux couverts, a-t-il constaté. Et cette chandelle... Avais-tu un rancard?

Décontenancée par sa question et son ton quasi outragé, j'en ai profité pour me détourner et souffler sur la flamme vacillante de la chandelle. J'ai souri dans ma barbe. Avais-je eu un rancard? Pas tout à fait. Avais-je envie de lui faire croire que j'en avais eu un? Hum...

- Peut-être, ai-je évasivement répondu en haussant les épaules.

Je suis entrée chez moi et me suis dirigée vers la cuisine, Eric me talonnant. Je l'ai entendu humer l'air à grandes goulées. Je me suis toujours demandée comment les vampires pouvaient avoir un odorat aussi développé s'ils ne pouvaient pas respirer. Pour percevoir une odeur, il fallait inhaler, non? Et pour inhaler, il fallait des poumons fonctionnels... Enfin, je ne suis pas une experte en biologie vampirique – humaine non plus – mais il y a de quoi réfléchir, non? Je me suis promise d'aller jeter un coup d'oeil sur le web aussitôt que je trouverais le temps.

- Le métamorphe, a deviné Eric. Tu étais avec le métamorphe.

- Sam, ai-je rectifié en posant la vaisselle sale dans l'évier. (J'ai pris appui sur le comptoir et affronté mon hôte du regard.) Oui, je l'ai invité à m'accompagner pour diner. Pourquoi? Ça t'ennuie?

Je me suis mordue la langue pour m'empêcher de l'accuser de m'avoir ignorée ces deux dernières semaines; cette visite-ci était la première depuis les récents événements avec les kidnappeurs du New Hampshire, et considérant le genre de choses que nous avons fait pendant et après les incidents, je m'autorisais à lui reprocher son désintérêt. Ne pas savoir sur quel pied danser était frustrant.

Bien entendu, la visite de Sam n'avait impliqué aucun romantisme; je doute qu'il m'aurait plantée là pour venir au secours d'une nouvelle employé au Merlotte s'il s'était agi d'un rendez-vous galant. S'il y avait déjà eu quelque chose entre nous, c'était maintenant du passé – un passé lointain qui semblait faire partie d'une autre vie. À cause de mes nombreuses affiliations avec les vampires ainsi que ma télépathie, seuls les déterrés étaient susceptibles de faire partie de ma liste de prétendants.

C'est suite au départ soudain de Sam que la limousine du Roi du New Hampshire, escortée de deux SUV chargés à bloc de ses hommes de main que j'avais baptisé les « Men In Black », avait fait irruption sur mon terrain. Comme celui d'Eric, cet entretien n'avait pas été planifié; aussi ne me serais-je pas privée de congédier la délégation si j'avais toujours été accompagnée par Sam. Mais mes plans avaient été entravés et j'appréciais Laurent Levine; j'ai donc accueilli Sa Majesté et lui ai servi un Tru Blood bien chaud sur ma véranda – je voulais laisser transparaitre l'impression que je n'étais pas friande des visites improvisées.

Qui les aimait, d'ailleurs? Qui aimait accueillir chez soi des invités importuns alors qu'on sortait tout juste du lit, ou bien qu'on s'y trouvait encore avec une douce moitié? Pas moi en tout cas, et à cette heure-ci j'aurais très bien pu être en train de faire l'un ou l'autre.

- Peu importe, a dit Eric en chassant l'air de sa main. Pourquoi Laurent Levine était chez toi, Sookie?

- Nous étions censés nous entretenir au sujet de ma tâche à accomplir à Manchester, lui ai-je rappelé en rinçant ma vaisselle sous un jet d'eau chaude. Tu te souviens du séjour au Nosferatu dont il a fait mention? Il a préféré venir à Bon Temps pour que nous en parlions plutôt que d'utiliser le téléphone, c'est tout. Extravagant, mais bon. Nous savons tous qu'il l'est.

Il avait offert un dédommagement de cinquante mille dollars à toutes les personnes impliquées dans mon kidnapping : Eric, Bill, Pam, Sam et moi, pour un total de deux cent cinquante mille dollars.

- Ne t'avais-je pas prévenue au sujet de ses véritables intentions?

Il n'avait pas tort. Deux semaines plus tôt, Laurent Levine avait prétendu avoir besoin de mon don pour quelques broutilles, mais Eric m'avait ouvert les yeux en me rappelant que ma télépathie pouvait accomplir trop de grandes choses pour qu'on ne se contente que de peu. Selon Eric, Laurent me tendait une sorte de piège pas bien méchant : il aurait abaissé mes gardes pour me faire accepter ce voyage alors qu'en vérité, une plus grande tâche – que je n'aurais pas acceptée d'exécuter en premier lieu – m'attendait là-bas. C'était une possibilité, mais elle était hypothétique. Tous les vampires n'étaient pas comme Eric, c'est-à-dire sournois.

Mais ça, je ne lui ai pas dit. Pas parce que je voulais le ménager, mais parce que toute vérité n'est pas bonne à dire. En fait, à bien y penser, il l'accueillerait sûrement comme un compliment; le désir de perfection des humains était pour lui une abomination à maints niveaux. Parlez-moi d'un vampire pacifique.

- Tu sais, parce que je sais lire dans les pensées des humains et que les vampires me sont inaccessibles, j'ai appris à décoder le langage corporel, lui ai-je révélé. Je crois que Laurent a de bonnes intentions, Eric.

Il a soupiré et a tiré une chaise pour s'asseoir. La dernière fois que nous nous étions retrouvés dans cette pièce que tous les deux – et que nous « occupions » précisément cette table –, j'avais perturbé mes souvenirs de repas familiaux à tout jamais.

- Dis-moi tout, m'a-t-il intimé.

J'ai abandonné ma vaisselle pour le rejoindre à la table. Je lui devais au moins ça; Eric avait été bien plus impliqué dans cette histoire de kidnapping que les autres – ce n'était pas peu dire; il s'était fait violer pour me protéger.

Je lui ai révélé la raison exacte pour laquelle Laurent me voulait au New Hampshire : lire dans les pensées des employés humains qui avaient travaillé pour Daniel Maclellan, son prédécesseur qui avait donné l'ordre de me kidnapper. Laurent désirait sanctionner ceux qui avaient participé, de près ou de loin, à l'ensemble des magouilles de Maclellan. Puisque Maclellan avait trouvé la brillante idée d'exploiter ma télépathie pour rembourser ses dettes faramineuses, l'Autorité le soupçonnait d'avoir pris part, dans le passé, à d'autres opérations douteuses.

- Nous avons congédié tous les employés vampires, m'avait signalé Laurent quelques instants après le départ de Sam. Nous nous préoccupons maintenant des employés humains.

- Pourquoi ne pas simplement faire la même chose avec eux? avais-je alors demandé. Je veux dire, pourquoi ne pas les renvoyer eux aussi?

- Ce serait plus simple, en effet. Mais rares sont les humains qui désirent travailler auprès des vampires, surtout en politique. S'ils sont dignes de confiance, nous préférons les garder plutôt que de la placer en de nouveaux humains. L'infrastructure de mon règne sur la Louisiane sera équitable et scrupuleux.

Tout ça avait du sens, si bien que je lui avais tendu la main pour sceller l'entente.

Je n'avais pas encore fini de tout relater à Eric qu'il a plongé la main dans la poche de son jean, a composé un numéro sur son téléphone portable et l'a plaqué contre son oreille. Je me suis interrompue, vexée.

- J'espère que je ne t'ennuie pas trop.

- Réservez un jet privé pour demain, à midi, au nom d'Eric Northman, shérif de la Cinquième Zone. Préparez quatre cercueils et de quoi satisfaire les besoins d'une humaine durant le vol.

L'implication d'Eric dans les prochains événements n'avaient pas été sujette à de grands questionnements; pourtant, il semblait criant qu'il devait se trouver au New Hampshire avec moi. Je me souvenais très bien de la conversation que nous avions tenue sous la couette deux semaines plus tôt. Il m'avait assuré qu'il n'abandonnerait pas le Fangtasia pour suivre une femme qui ne voulait pas être sienne. Bien sûr, il s'était agi de mots creux désignés à me fâcher; jamais il n'aurait autorisé que je parte sans lui. Mais dans mon for intérieur, je savais qu'il avait considéré l'éventualité de rester à Shreveport tant que je n'accepterais pas d'être sienne. Le chantage, c'était son truc.

À moins que ma mémoire ne me fasse défaut, je n'y avais toujours pas consenti.

Il a raccroché et a déplié son mètre quatre-vingt-quinze, cent lieues au-dessus de moi.

- Y a-t-il autre chose que je devrais savoir?

À mon tour, je me suis redressée, mais il me surplombait toujours autant. Était-ce seulement possible d'être aussi grand? L'humain d'autrefois n'est-il pas censé être plus petit que celui d'aujourd'hui? De toute évidence, Eric n'avait pas reçu le mémo mille ans auparavant.

- Je ne crois pas.

- Bien. Nous nous reverrons donc demain. Midi, à l'aéroport de La Nouvelle-Orléans.

Ce rendez-vous allait impliquer un réveil drôlement matinal. J'ai présumé que l'assistant de jour d'Eric allait se charger du transport de son cercueil étant donné qu'à cette heure... eh bien, il faisait jour, à midi.

Il s'est dirigé vers la sortie, ce qui m'a prise au dépourvu.

- Tu pars? Tu ne veux pas un breuvage? Nous avons de nouvelles recettes au Merlotte, lui ai-je annoncé, ravie. Je n'ai pas encore eu l'occasion de me pratiquer. Je pourrais te concocter un Plasmapolitan, ou bien un Bloody Maker-ita.

- J'ai de la paperasse à faire au Fangtasia pour pallier les jours où je serai absent, m'a-t-il expliqué. (Face à son indifférence, mon accès d'enthousiasme m'a embarrassée. Eric a pincé les lèvres, froncé les sourcils et s'est appuyé contre le chambranle.) Sookie, tu ne devrais pas prendre de telles offres à la légère. Les affaires de vampires sont très dangereuses, tu es bien placée pour le savoir. Tu devrais d'abord m'en parler.

J'ai croisé les bras et haussé les sourcils.

- Depuis quand dois-je te consulter avant de prendre des décisions?

- Si tu souhaites bénéficier de ma protection sans être mienne, il faudrait que tu me donnes un petit coup de main. Ne crois-tu pas?

Il m'a décoché un clin d'oeil complice et s'en est allé à la vitesse de la lumière.

En constatant que son départ me laissait un peu morose, j'ai songé une fois de plus à l'offre qu'il m'avait faite d'être sienne. J'avais déjà « appartenue » à Bill, autrefois. En toute franchise, ce lien de sang n'avait pour moi rien de si extraordinaire; c'était l'importance que lui accordaient les vampires qui avait déformé ma vision de la chose et l'avait rendue si exorbitante.

Le lien par le sang était un engagement comme un autre, c'est-à-dire flexible. Il pouvait être négligé ou brisé. C'était, en quelque sorte, ce qui officialisait l'exclusivité d'une relation amoureuse entre un vampire et un humain. Outre ce dernier aspect, il s'agissait surtout de percevoir les émotions de l'autre et vice-versa. Ressentir les états d'âme du partenaire était très dérangeant. Lorsque je sortais avec Bill, il m'était déjà arrivé de sentir une colère noire naître parallèlement à moi tandis que je conversais tranquillement avec Terry Bellefleur au passe-plat du Merlotte. Cette colère appartenait à Bill et je l'avais ressentie aussi nettement que si elle avait été mienne.

Voilà pourquoi l'offre d'Eric me rongeait tant. Pour moi, un tel lien nécessitait de l'amour. Pourquoi d'autre voudrait-on se lier à quelqu'un par le sang et capter ses émotions en permanence? Je sais que depuis la toute première fois qu'Eric a posé les yeux sur moi il m'a convoitée. Selon moi, la restriction de l'activité sexuelle sur une seule femme était pour lui la définition de l'amour.

Mais oui. Quel était le meilleur moyen pour l'homme de prouver son amour à une femme sinon de ne se contenter que d'elle? Si authentique.

Tout ça pour dire que j'avais refusé l'offre d'Eric et que ces deux dernières semaines de désintérêt m'avaient blessée.

J'avais horreur de l'admettre, mais n'était-ce pas un signe quelconque?