1er OS de ma série de bonus dédicacés sur ma fic Walk or Die (que je vous conseille de lire si vous voulez comprendre parce que c'est très, très AU, mais vous n'êtes pas obligés)!
Principe: la première personne à reviewer a droit à une requête.
Ce premier chapitre est donc dédié à Anna Taure, qui voulait du Bard/Tauriel (elle n'était pas la seule, d'ailleurs, n'est-ce pas Le Poussin Fou?), et à Luna Lightwood, qui traduit cette fic en anglais et qui voulait aussi du Bardiel.
La chanson est "I see you" de Leona Lewis, extraite de la BO d'Avatar.

I see you

Si on avait demandé à n'importe qui comment était le monde pour Tauriel, n'importe qui aurait répondu que pour Tauriel, le monde n'existait pas, pour la bonne raison qu'elle ne pouvait pas le voir.
Si on avait rapporté à Tauriel la réponse de n'importe qui, elle aurait rit.
Vrai, elle ne voyait pas. Et alors?
Tauriel avait six siècles d'existence. Pour son peuple, elle était une enfant. Mais pour son peuple, elle n'existait plus.
Et elle aurait menti en disant avoir des regrets. En la privant de ses yeux, ils pensaient la priver du monde. Ils lui avaient ouvert un monde encore plus grand.

Walking through a dream, I see you
My light in darkness, breathing hope of new life
Now I live through you and you through me, enchanted
I pray in my heart that this dream never ends

Pour Tauriel, le monde était sensations.
Peu lui importait désormais de ne plus pouvoir contempler la lumière des étoiles lors de Mereth-en-gilith, autrefois son plus grand bonheur.
Désormais, Tauriel pouvait sentir le monde vivre autour d'elle, au point que c'en était enivrant.
Parfois, la nuit, lorsque le monde se faisait silence, elle entendait le vieux dragon se retourner sur sa couche de métal, très loin sous la roche.
Parfois, elle retirait ses bottes et sentait véritablement la terre tourner sous ses pieds.
Parfois, elle respirait la pluie à venir dans le vent, en savourait le goût sur sa langue et l'humidité sur sa peau.
Tauriel avait perdu la vue, mais elle avait découvert plus de chose en six décennies d'aveuglement en exil qu'en six siècles avec vision parmi les siens.
Le monde des Elfes était petit. Étriqué. Le monde, au dehors, était immense, et bien différent de tout ce qu'elle avait pu croire. Paradoxalement, perdre la vue lui avait ouvert les yeux.

I see me through your eyes
Breathing new life, flying high
Your love shines the way into paradise
So I offer my life as a sacrifice
I live through your love

Il lui avait fallu longtemps pour comprendre, puis pour accepter, que les créatures secourables et bienfaisantes qui l'avaient recueillie et soigné étaient en fait des Nains. Ces mêmes êtres soi-disant avares, égoïstes, barbares, cupides et violents, qu'on lui avait appris à haïr.
Certes, ils étaient poilus, rustiques, grégaires et bornés, et la plupart avaient des manières déplorables qui faisaient quotidiennement hurler les Elfes bien pensants. Et alors?
Ils lui avaient témoigné de la bonté là où son propre peuple l'avait condamnée. La toile de mensonge dans laquelle elle était piégée s'était brusquement déchirée.
En échange, elle avait gagné leur respect, et même l'affection de certains. Elle s'était dévouée à ses sauveurs, et il ne se passait pas un jour sans qu'elle ne se dise à quel point cela en valait la peine, et que des yeux étaient un bien faible prix à payer pour cela.

You teach me how to see all that's beautiful
My senses touch a world I never pictured
Now I give my hope to you, I surrender
I pray in my heart that this world never ends

Et surtout, surtout, la raison pour laquelle Tauriel n'avait aucun regret, c'était qu'un monde où elle aurait encore ses yeux serait un monde sans Bard.
Et un monde sans Bard était inimaginable.
Bard était un roc sur qui s'appuyer, une épaule pour pleurer, un confident fidèle et attentionné, et des yeux pour remplacer ceux qu'elle n'avait plus.
Le seul regret qu'elle avait était de n'avoir jamais vu ses yeux à lui. Gris ardoise, avait dit Sigrid. Elle avait oublié à quoi cette couleur ressemblait.
Elle ne pouvait que l'imaginer alors qu'elle prenait son visage entre ses mains et en retraçait lentement les contours.
Ce n'était pas une histoire d'amour qui serait célébrée à travers les siècles dans les chansons. Ils n'étaient personne d'important, juste un archer humain entre deux âges et une Elfe sylvestre de basse naissance aveugle.
Il n'avait rien de spécial, pour un humain, anguleux, sec et dur comme un vieux chêne, et ses mains étaient rugueuses et durcies par une vie entière de labeur. Il avait connu quarante printemps, ce qui pour un Homme, elle l'avait vite compris, en faisait presque un vieillard. Il n'était ni attirant ni brillant, mais il était brave et bon et tendre, et ses lèvres étaient douces contre les siennes, et sa voix était profonde comme les combes de la Forêt noire, et elle l'aimait pour ce qu'il était, elle qui n'avait rien de spécial pour une Elfe.

I see me through your eyes
Breathing new life, flying high
Your love shines the way into paradise
So I offer my life, I offer my love, for you

L'amour.
C'était une notion étrange, pour Tauriel.
C'était venu comme ça, lentement, sans prévenir, et ça n'avait rien d'exceptionnel comme dans les contes de fées. C'était quelque chose de simple, et de vrai.
Bard était la personne qui lui offrait des fleurs ou des rubans de temps en temps, qui la serrait contre lui la nuit, qui recueillait ses larmes et la réchauffait quand elle avait faim, qui lui embrassait le front le matin au réveil et qui lui décrivait les étoiles qu'elle ne pouvait voir. Celui dont le pas la rassurait entre tous et qu'elle reconnaissait entre mille. Celui qui lui avait donné trois enfants adorables à s'occuper et élever.
Il ne faisait rien de spécial, ni d'héroïque, mais il était là. Et c'était suffisant.

When my heart was never open
And my spirit never free
To the world that you have shown me
But my eyes could not envision
All the colors of love and of life evermore

Parfois, il lui était étrange de penser qu'elle avait aidé sa mère à le mettre au monde, quarante ans plus tôt, et qu'il n'avait été, pendant toutes ces années, qu'un gamin qui grandissait parmi d'autres et qu'elle remarquait à peine, sans savoir que lui l'observait sans oser l'approcher. Puis le gosse était devenu un homme et elle avait aidé à la naissance de ses enfants et aussi assisté, impuissante, à la mort en couches de sa première épouse.
Et puis, un jour, des mois, des années plus tard, Bard était venu et avait posé une question.
Et elle avait dit oui.
Juste comme ça.
Ça avait semblé naturel. Comme si elle l'avait attendu pendant tous ce temps.
Le Roi Nain avait joint leurs mains un jour de printemps, et elle portait une couronne de fleurs d'oranger qui submergeait ses sens. Et pour la première fois, cette nuit-là, alors que leurs corps s'unissaient, elle s'était sentie vivante.
Enfin.

Evermore
I see me through your eyes
Flying high
Your love shines the way into paradise
So I offer my life as a sacrifice

Bard était mortel. Tauriel le savait. Son Fëa aussi. Il y avait longtemps qu'elle y avait renoncé. Et elle avait compris qu'être mortel était un grand privilège plutôt qu'une faiblesse.
Parce qu'ils avaient le temps, les Elfes végétaient pendant des siècles, inchangés mais apathiques. Morts avant même d'avoir vécu.
Parce qu'ils n'avaient pas le temps, les Nains, les Hommes ou les Semi-Hommes, tous les mortels, en fait, se dépêchaient de vivre. Et Tauriel se dépêchait de vivre également.
Bard allait mourir, et elle allait s'éteindre et le suivre. Et peut-être, dans un Au-delà, elle pourrait enfin contempler son visage avec ses propres yeux, lorsque tout serait renouvelé. Cela ôtait à la Mort beaucoup de son aspect terrifiant. Mais Tauriel était prête.

And live through your love
And live through your life
I see you
I see you

Certaines choses valaient la peine qu'on se batte pour elle, et Bard en faisait partie.
Autrefois, avant de raccrocher ses dagues pour les herbes médicinales, Tauriel avait été une guerrière, et la perte de ses yeux n'y avait pas changé grand chose. Si elle devait se battre pour ce qu'elle avait, Tauriel se battrait, parce que ce qu'elle avait, le peu qu'elle avait, était précieux.
Tauriel était, tout simplement, une Elfe heureuse.
Et jamais personne ne pourrait lui enlever cela.

prochain OS: 1ère review sur le chapitre 16, publié vendredi prochain...