Depuis quelques temps, à chaque fois que je le croisais, mon cœur menaçait de s'échapper de ma cage thoracique. Cela avait commencé lorsque je m'étais mis à le regarder. Pas qu'avant je ne le voyais pas mais je voulais dire quand je m'étais mis à l'observer, à détailler et enregistrer le moindre de ses gestes. J'avais commencé ce petit jeu lorsque j'étais malade, je ne pouvais pas sortir et je m'ennuyais fermement. Dès lors, je n'avais cessé de guetter le moindre de ses mouvements et tout cela sans qu'il ne s'en rende compte.
Allongé sur mon lit, je réfléchissais à comment j'allais faire pour le supporter encore une journée entière sans qu'il ne se doute de quelque chose même si je n'avais rien à cacher. S'il me surprenait à scruter la moindre action qu'il faisait, je pourrais toujours lui balancer une réplique salace disant que j'essayais de l'imaginer dans divers positions indécentes, il lâcherait un soupir las et ne chercherai pas à comprendre.
Cependant, il s'était rapproché d'un certain Antoine, je détestais ce gars car lorsqu'il se trouvait avec lui, il devenait soudainement odieux et froid. Je soufflais, bien déterminé à aller boire un café, je me levais et marchais silencieusement, plus par habitude que par réel souci de faire du bruit, jusqu'à la cuisine.
Il était là. Mon créateur. Il ne m'avait pas entendu arriver et continuait sa tâche. Il me tournait le dos, ainsi j'avais tout le loisir d'admirer ses jolies petites fesses rebondies qui se trémoussaient au rythme d'une musique que lui seul entendait. Je restais planté là, dans l'encadrement de la porte, à le mater. Je me léchais les lèvres, pensif. Mon rythme cardiaque s'était emballé, je sentais une chaleur se propager en moi et se diffuser dans tout mes membres. Soudain, il se retourna et se figea devant moi, surpris. Il leva un sourcil interrogateur.
- Salut Patron, je ne t'ai pas entendu venir...Cela fait combien de temps que tu es là ?
- Assez longtemps pour avoir maté ton joli petit cul.
Je lui répondis cela avec un sourire pervers, me rapprochais de lui et lui donnais une légère tape sur son fessier. Instantanément, il fut gêné et rosit légèrement. Il bafouilla quelques mots :
- Tu...Bordel co-commence pas dès le matin !
- Ah ouais et qu'est-ce qui m'en empêche ?
- Je suis pas d'humeur là, à me débattre contre toi...
- Dis plutôt que tu ne veux pas goûter au plaisir de la luxure, susurrais-je.
Inconsciemment, je m'étais rapproché de lui, il s'était appuyé sur le plan de travail qui se trouvait derrière et ne pouvait donc pas m'échapper, je me trouvais qu'à quelques centimètres de ses lèvres qui semblaient m'appeler, être si près de lui commençait à me faire perdre la tête. Il posa une main sur mon torse et me repoussa brutalement. Il me regardait les sourcils froncés, complétement perdu par mon comportement.
-Mais bordel qu'est-ce qu'il te prend ?! Je t'ai dis que j'étais pas d'humeur alors fous-moi la paix !
- Mais c'est qu'il s'énerve le petit Mathounet ! Cela s'est mal passé avec la brosse à chiottes ? Il t'a mal baisé ? Remarque, cela ne m'étonne pas, je l'ai essayé il y a quelques temps et il baisait vraiment très mal !
Il me mit une claque monumentale d'une telle puissance qu'elle envoya valdinguer mes lunettes à l'autre bout de la pièce. Me regardant dans les yeux, il siffla entre ses dents :
- T'es vraiment un enfoiré...
- Et ça t'étonne ? , demandais-je, moqueur.
- Je te préviens...Si tu continues à me faire autant chier, je vais te supprimer !
Et il partit, après avoir prononcé ces doux mots à mon égard. Je fis tranquillement quelques pas puis me baissais pour récupérer mes lunettes avant d'être foudroyé sur place par un détail qui m'avait échappé tellement j'étais perturbé par tout ce que je ressentais : je n'avais pas appelé une seule fois mon créateur "Gamin". C'était un détail, certes, mais ce mot faisait habituellement partit de chacune de mes phrases. En réalité, j'étais encore sous le choc de la dernière phrase qu'il avait prononcé et je préférais me concentrer sur des détails plutôt que sur ce qu'elle avait soulevé en moi. Je fis ce pourquoi j'étais venu dans la cuisine, c'est-à-dire : un café. Le Hippie arriva, un joint au bout des lèvres, l'air complètement perdu et affolé.
- Dis gros, tu sais pourquoi Mathieu pleure comme un robinet qui fuit ?
- Rooh...le Gamin est trop sensible, j'ai juste fait une p'tite blague sur la brosse à chiottes.
L'homme au bob se mit à me dévisager, incertain, il se mit à me parler d'un ton doux, comme à un enfant de quatre ans :
- Patron... Mathieu et Antoine ne sont plus ensemble. C'est...C'est Antoine qui l'a quitté car il voulait aller plus loin mais Mathieu ne se sentait pas prêt et Antoine l'a mal pris et a rompu avec notre créateur. Aujourd'hui, ils étaient censé fêter l'anniversaire de leur un an de relation.
- Comment t'es au courant de tout ça l'camé ?
- C'est Mathieu qui nous l'a dit.
- D'accord mais quand ? Comment ? Ça fait combien de temps qu'ils ne sont plus ensemble ? Pourquoi je suis pas au courant, putain ?
- Doucement...
Je m'étais levé, incapable de rester plus longtemps assis, il s'approcha de moi, me souriant gentiment et posa sa main sur mon épaule.
- Cela fait une semaine qu'ils ne sont plus ensemble. Mathieu nous l'a annoncé lorsque tu étais partis t'occuper de tes bordels.
Il enleva ses lunettes et plongea son regard dans le mien, caché par des verres fumés.
- Tout le monde avait remarqué que tu n'apréciais pas Antoine, Mathieu n'a pas osé te le dire de peur que tu t'en réjouisses et utilise cela comme monnaie d'échange ou le fasse souffrir avec cela. Et nous, on n'osait pas non plus te le dire car on craignait que cela te serve d'excuse pour faire du mal à Antoine ou que tu fasses volontairement du mal à Mathieu avec cela...Mais vu ta façon d'observer Mathieu en permanence, je pensais que quelqu'un t'avais mis au courant...
- Tu sais très bien que je n'étais pas là cette semaine, je suis rentré hier soir...
- Je sais Patron, je sais...
- PUTAIN !
J'abattis mon poing avec violence sur le mur, faisant répandre une douce vague de douleur dans ma main. Cela me mettait en colère d'avoir été mis à l'écart. Je me tournais brusquement vers l'homme de Babylone et lui crachais :
- Tu serais pas en train de mentir, gamin ? Hein, tout ça pour te foutre de ma gueule, connard de camé !
- Peace gros ! Je ne te mens pas.
- Ah ouais ? C'est ce qu'on va voir.
Une idée m'avait traversé l'esprit pour déterminer s'il me mentait ou non.
