Cette histoire a été écrite pour la communauté Livejournal 30 baisers. Un couple, trente thèmes, trente histoires ! Je ne respecte pas l'ordre des thèmes car j'ai choisi un ordre chronologique, depuis leur premier baiser... Aujourd'hui, le thème 23 : Bonbon

Disclaimer : Ni Evergreen, ni Elfman ne m'appartiennent. C'est bien triste mais c'est comme ça. Les autres ? Bah les autres non plus, ni Fairy Tail, ni son univers, ni ses personnages. Et je ne me fais pas le moindre jewel dans l'histoire, je ne fais que jouer avec, et je les rends intacts, à deux trois morsures près.

Le titre de ce recueil n'a rien à voir avec le film éponyme. C'est juste que je suis nulle en titre et que celui-là me plaisait !


.

Et au milieu coule une rivière

.

.

Chapitre 1 : Bonbons et chocolats

.

Il fait beau aujourd'hui, mais Evergreen a le cœur un peu lourd.

Elle est assise à une table, un peu à l'écart, son livre de contes favori ouvert devant elle, mais elle ne parcourt pas ces pages qu'elle connait au demeurant par cœur.

Elle regarde ses camarades de guilde et elle a comme une envie de pleurer.

Alors, c'est vraiment ça, Fairy Tail ? C'est ça, l'aventure de sa vie, l'endroit où elle trouverait des camarades qui l'accepteraient et qui la comprendraient, les compagnons d'une vie ?

« Pétasse à poils roux !

― Sorcière peroxydée !

― Tu veux crever, pouffiasse ?

― Plutôt que de voir ta tronche de morue, ouais.

― Alors viens-là que je t'explose ! »

Voilà, Mirajane Strauss et Erza Scarlet sont dans la même pièce depuis au moins dix minutes, et conséquemment, ça hurle. Dans moins d'une minute, elles vont invoquer leurs magies et commencer à se taper dessus, détruisant une partie de la guilde au passage.

Les adultes ne les arrêtent pas.

Les adultes se marrent.

Evergreen ne peut retenir une moue de pur dédain, et machinalement, elle porte la main à sa poitrine, à droite. L'emblème de Fairy Tail est noir sur sa peau blanche et elle pense fugitivement à une gangrène. Elle songe, et pas pour la première fois, qu'elle ne ferait pas mieux de l'enlever et de quitter cette guilde qui l'a tant déçue.

Que ferait une fée, à sa place ?

Elle ferme les yeux, appelant à sa mémoire les égéries de son enfance, puisant dans leurs souvenirs un réconfort, et peut-être une réponse.

« Oh la, elles en font du bruit, » dit une voix flutée près d'elle et Evergreen ouvre les yeux pour voir que les fans clubs des deux furies ont fait un repli stratégique pour ne pas être pris entre deux feux et envahissent son espace vital.

Celle qui a parlé, c'est Lisana, la petite sœur de Mirajane. Elle est d'une faiblesse déplorable, surtout comparée à sa monstruosité de sœur, mais elle n'a pas l'air d'y accorder beaucoup d'importance.

Elle se tient comme toujours près de Natsu, un des poussins d'Erza qui prétend avoir été élevé par un dragon. Tout le monde prédit que ces deux-là finiront ensembles.

Evergreen s'en fiche. Elle ne les aime pas.

« Et dire qu'Erza nous engueule quand on se bat… » soupire Grey, l'éternel rival de Natsu, et qui se trimballe comme à son habitude, en caleçon.

Ils sont tous là autour d'elle, à parler, et ils la dérangent dans son indifférence un peu envieuse : ils lui rappellent qu'elle a beau être un membre de la guilde, elle ne fait pas pour autant partie des leurs.

Mais après tout, ce n'est pas comme si elle voulait faire partie des leurs.

« Je ne sais pas si vous aviez vu, mais je suis là... » finit-elle par lâcher d'une voix froide et calme, qui dénote tellement avec l'atmosphère de surexcitation et d'admiration que quelques-uns se tournent vers elle malgré le raffut.

« Ah ouais, salut Ever, dit Cana, une petite brune qui se sert de cartes magiques.

― Ne m'appelle pas Ever ! Mon nom c'est Evergreen ! (Ever c'est un surnom, Ever, c'est pour les gens que j'aime et qui m'aime, et je ne t'autorise pas, pense-t-elle, ni toi, ni personne de cette guilde à m'appeler comme ça.)

― Fais pas ta mijaurée, moi j'trouve que c'est mignon de t'appeler Ever. »

Evergreen hausse finalement les épaules, elle sait que si elle réagit trop violemment, ils finiront tous par employer ce surnom, et se plonge avec application dans son livre. Les lettres dansent sur les pages si familières. Ils sont si bruyants autour d'elle.

Elle ne comprend pas pourquoi elle en souffre. C'est elle qui ne veut pas d'eux. Ce n'est pas l'inverse.

Alors qu'elle a pourtant les larmes aux yeux, elle se force à feindre l'application et la concentration.

Lire l'histoire, et tout oublier. Les vraies fées existent, et un jour elle les trouvera et alors, elle aura trouvé des amies selon son cœur.

Elle ne remarque pas que, alors que les autres enfants suivent le combat avec intérêt, le petit frère de Mira, un type plutôt mou et stupide qui s'appelle Elfman la regarde avec quelque chose qui ressemble beaucoup à de la pitié.

Tant mieux pour Elfman d'ailleurs.

.

Deux années ont passé depuis son entrée à Fairy Tail et même si Evergreen n'a jamais pu s'habituer à la particulière ambiance de la guilde, elle fait maintenant partie d'un groupe.

Et pas n'importe quel groupe, les Raijinshū ! D'accord, le nom est à chier, il n'y a que Freed qui trouve ça merveilleux, mais puisque l'idée vient de Laxus, c'est forcément merveilleux, mais ça n'empêche qu'ils sont les meilleurs. Ils servent de garde rapprochée à Laxus, le futur maître de la guilde.

En réalité, Laxus n'a pas vraiment besoin de garde (il peut anéantir une ville sans bouger ses admirables fesses de sa chaise) mais il aime avoir une petite cour autour de lui, et Ever est fière d'en faire partie.

Freed, Bixrow et elle ressemblent à des planètes tournant autour d'une étoile infiniment brillante, et en elle-même, elle reconnait qu'être une planète orbitant autour de Laxus, c'est presque aussi classe que d'être une fée.

Quoiqu'elle garde son attachement pour les belles dames magiciennes de son enfance, elle est moins prompte à emmener avec elle ses volumes de contes.

Parce que Bixrow est sans merci, déjà, et il manie l'art de la moquerie avec une précision douloureuse, mais surtout parce qu'elle n'a plus autant besoin qu'avant de ses amies de papier et d'encre.

Aujourd'hui, après une mission de rang S qui a duré près de quatre mois, ils sont de retour à Magnolia. Il fait un froid de gueux en ce début de février, et elle se dirige vers Fairy Hill, contente de retrouver cette chambre qu'elle ne considère pas tout à fait comme sa maison (c'est très bête à dire et elle ne l'avouera jamais à voix haute, mais sa maison, ce ne pourrait être qu'un lieu où Laxus, Freed et Bixrow seraient là) mais qui dispose d'un lit et d'une salle de bain où on peut prendre des bains brûlants : le rêve, actuellement.

« Evergreen ! S'exclame Lisana en la voyant. Mais qu'est-ce que tu fais là ?

― C'est charmant, merci de l'accueil…

― Oh non, attends, je ne voulais pas dire ça, c'est juste que je ne savais pas que tu rentrais aujourd'hui ! Bienvenue ! »

Evergreen n'aime pas Lisana, qui, il n'y a pas d'autre mot, parasite sa sœur et vit grâce à elle. Elle est trop faible, trop fade et trop aimable.

Elle marmonne donc un vague « Ouais, c'est ça » et se dirige vers les escaliers, mais Lisana s'est précipitée vers la salle commune pour annoncer son retour (pourquoi diable ? Jusqu'à aujourd'hui, ses allers et retours n'ont jamais intéressé personne…) et cinq minutes plus tard, alors qu'elle envisage de se glisser dans son lit sans passer par la case douche, une horde féminine et vagissante envahit sa chambre, et si elle ne les paralyse pas toutes d'un coup c'est qu'elle est trop fatiguée pour s'occuper à la fois de Mira et d'Erza. Une elle pourrait, mais les deux…

« Qu'est-ce que vous voulez ? » aboie-t-elle, abrupte.

Il y a comme une répugnante explosion de piaillements, et finalement, Cana prend la parole pour expliquer que demain c'est la Saint-Valentin et que chaque fille doit faire un cadeau, idéalement du chocolat, à un garçon dont elle aura pioché le nom dans une corbeille que Lisana lui tend avec un doux sourire.

Evergreen les regarde en se demandant si elles sont toutes devenues folles, et décline l'offre, tout en leur désignant la sortie.

Elle est fatiguée, et elle n'a aucune envie de participer à leurs jeux de gamines. Elles sont au courant que dehors, il y a des combats et des morts ? Elles sont au courant que la magie sert à tuer et que ses mains sont couvertes de sang ?

Erza et Mirajane le savent peut-être. Les autres ont l'air de ne pas être au courant.

« Je pioche pour toi ! » s'exclame une fille aux cheveux verts qui est arrivée l'année dernière et dont Ever serait incapable de se rappeler le nom. Bisque, ou un truc du genre. « Et l'heureux gagnant est… Elfman Strauss ! » déclare-t-elle en secouant le petit papier déplié.

Encore des piaillements, et même des gloussements, et décidément, ce ne sont plus des filles, ce sont des poules.

« Je ne vais certainement pas faire un quelconque cadeau à Elfman, et maintenant, je suis fatiguée alors dégagez. »

Il doit y avoir quelque chose de menaçant dans sa voix, parce qu'il y a comme un reflux et quelques secondes plus tard, elle est seule dans sa chambre.

C'est décidé, pas de bain, et dodo.

« Elfman, pense-t-elle à moitié en s'endormant. Moi, faire un cadeau à ce gros débile ? Elles sont folles. »

Et elle songe que, même si dehors, il y a du sang et des morts, si elle avait pioché Laxus, ça n'aurait pas été mal.

.

Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, Ever a à peu près tout oublié, et elle est donc bien surprise de voir la plus bizarre de ses compagnes, Mirajane le démon, s'asseoir en face d'elle, alors qu'elle savoure un petit-déjeuner plus que copieux.

« Qu'est-ce que tu vas offrir à mon frère ?

― Pardon ?

― Tu as pioché son nom, tu dois lui faire un cadeau.

― Je ne dois rien du tout, et encore moins à ton balourd de frère. »

Evergreen n'est pas sûre de pouvoir battre Mirajane, même si elle compte sur la fabuleuse capacité de ses yeux pour finir le combat avant qu'il ait commencé.

La clef, c'est de la prendre par surprise, et les provocations risqueraient de mettre la sorcière en garde. Cela dit, elle ne va pas se taire pour autant.

« Et pourquoi pas ?

― Ecoute, je n'ai pas participé à ce petit jeu, et je m'en fiche. Pour ce que j'en sais, la Saint-Valentin, c'est dans une semaine et on sera peut-être reparti. En plus, je n'ai rien à offrir à ton frère, et c'est tout. »

La jeune fille aux cheveux blancs se lève.

« Crois-moi, tu ferais mieux d'avoir quelque chose à lui donner. »

Moins de quatre jours après, et c'est vrai qu'elle les a un peu poussés au cul parce qu'elle n'a pas peur hein, mais Mirajane avait quelque chose de bizarre dans son regard, Evergreen et ses trois compagnons sont repartis, pour aller sauver le prince d'un royaume voisin de sa tour, où il a été enfermé par un vilain sorcier.

Elfman n'aura pas de chocolats. Pas de sa part, en tout cas.

.

Quand ils rentrent, cinq semaines plus tard, le climat s'est de beaucoup adouci et il ne faudra pas longtemps avant que les merveilleux cerisiers multicolores de Magnolia commencent à fleurir.

Elle se réjouit d'avance de pique-niquer sous leurs branches couvertes de délicates petites fleurs, et c'est peut-être le seul événement où la présence des autres membres de la guilde ne la dérange pas, même s'ils sont comme toujours rustres et bruyants.

Le souvenir de la fameuse histoire de la Saint-Valentin lui revient à la mémoire quand elle croise Mirajane et Lisana, mais la première se contente de lui sourire, un sourire qui ne lui semble pas de très bon augure et la seconde la plaisante sur le fait qu'elle est revenue à temps.

Elle s'assoit dans la salle commune de la guilde, toujours un peu à l'écart, mais ce n'est pas pour éviter les autres, simplement parce que c'est leur table habituelle, à Laxus, Freed, Bixrow et elle.

Certains la saluent en passant, échangeant quelques mots, et elle se laisse aller à ce bavardage futile. Elle est de relativement bonne humeur.

« Ever, dit soudain Elfman, qu'elle n'a pas vu arrivée.

― Ne m'appelle pas Ever. Qu'est-ce que tu veux ? »

Il a l'air très gêné, et elle se demande si c'est encore au sujet des chocolats. Ça finit par devenir pénible.

« Je ne savais pas que tu revenais aujourd'hui. J'ai laissé ton cadeau à la maison.

― Quel cadeau ?

― Celui du White Day. On est le 14 mars, aujourd'hui. » (1)

Elle le regarde, sans comprendre.

« Mira m'a bien donné les chocolats que tu lui avais laissé, explique-t-il, très rouge. Comme tu avais dû partir en avance… »

Evergreen lève les yeux, et croise, quelques tables plus loin, le sourire moqueur de Mirajane.

« Ton cadeau, je l'ai pas, mais je te le donnerai demain, » continue-t-il, bafouillant, décontenancé par la pâleur d'Evergreen. Elle ne peut juste pas croire que cette salope ait osé. Que maintenant toute la guilde croie qu'elle a offert des chocolats pour la Saint-Valentin à ce débile. Bixrow va s'en donner à cœur joie.

« Aaah, mais ça ne vaut pas, » dit Mirajane qui s'est approché, pour savourer de plus près la réaction d'Evergreen. « Il faut que ce soit aujourd'hui, le cadeau ! Voyons… Et si tu l'embrassais ? Allez vas-y. Sois un homme. »

.

« Alors comme ça, on roule des pelles, Ever ? »

Bixrow s'est laissé tomber près d'elle, sur la colline où elle a trouvé refuge après que l'impensable se soit produit.

« C'était juste sur les lèvres, et crois-moi, j'étais juste trop stupéfaite pour réagir. Je ne peux pas croire que cette garce l'ait dit. Je ne peux pas croire que ce crétin l'ait fait. »

Près d'elle, Bixrow est secoué d'un fou-rire silencieux et la tête dans ses mains, Evergreen se demande pourquoi au juste il a fallu que ce soit Elfman qui lui ait donné son premier baiser.

Sa seule consolation, c'est que les lèvres épaisses de ce gorille ne s'approcheront plus des siennes.

Plus jamais. (2)

.

.


(1) Au Japon, le White Day (le 14 mars) est le pendant de la Saint-Valentin. C'est aux garçons d'offrir en retour quelque chose aux filles qui leur ont donné des chocolats un mois plus tôt.

(2) Ce qui compte, c'est d'y croire !


Voilà, j'espère que ce premier baiser vous a plu ! A très bientôt pour le suivant sur le thème "Rouge"