" Le Football a fait fleurir toutes les qualités qui servent à la guerre : Insouciance, belle-humeur, accoutumance à l'imprévu, notion exacte de l'effort à faire sans dépenser de force inutile. "

Educateur français Pierre de Coubertin,

Extrait des Essais de psychologie sportive.


Chapitre 1 : Reprends ton Souffle

Le temps s'arrête.

Tout commence ici. Chaque regard se fige.

Le coup part Rocket marque.

La foule hurle sa joie. La Coupe rayonne.

On pleure, on rit et crie à en perdre la voix.

Un flash de lumière, puis d'autres, des milliers d'autres.

La vie reprend son court.

Ils se relèvent, se tiennent droit main dans la main. La tension accumulée depuis des mois retombe. Leur combat, est terminé.

La traversée jusqu'aux vestiaires ne fut pourtant pas de tout repos. Les journalistes et quelques fans téméraires, s'engouffrèrent dans le premier couloir dès l'ouverture des portes.

-« T'es où D'Jok ?! Je vois rien avec tous ces flashs ! » Cria Micro-Ice, se couvrant les yeux d'un bras et avançant à tâtons de l'autre.

Aarch leur entraineur, de par sa grande carrure, s'interposa entre les Snowkids et la masse de journalistes. Il leur expliqua qu'il était inutile de questionner ses joueurs pour le moment, qu'ils avaient d'abord besoin de repos et de calme, beaucoup de calme.

Le groupe profita de l'occasion pour percer une faille jusqu'à la porte des vestiaires. D'Jok entra le premier, entrainant avec lui Micro-Ice par le bras, lui-même suivit du reste de l'équipe qui pénétra précipitamment dans la pièce, fuyant les flashs et les interpellations lointaines comme la peste.

Ils s'assirent en silence pour desserrer leurs protections blanches, boire quelques gorgées d'eau fraiche et se reposer, incapable de réaliser ce qui venait de se passer. Mark, les yeux fixant le sol d'un regard vide, chuchota finalement à voix basse :

-« On l'a fait… j'y crois pas… »

Personne n'y croyait réellement. Ils étaient encore dans un rêve. Un silence pesant prit place, puis, comme s'ils venaient de réagir à ce que Mark venait de dire, un rire contagieux se propagea dans la pièce.

Aarch entra.

-« Je suis incroyablement fier de vous… »

Il n'était pas du genre à montrer ses sentiments, cependant, ses joues rougies, ses yeux pétillants et un sourire timide trahissaient toute l'émotion qu'il tentait de contenir.

« …Je ne sais pas comment vous remercier pour cet incroyable match. Ce soir vous m'avez prouvé que vous êtes les meilleurs, peu importe les obstacles… Qu'ensemble rien n'est impossible pour vous... »

De nombreux regards complices s'échangèrent pendant le discours de l'entraineur. Tia adressa à Rocket un signe de tête plein de confiance et d'éloge. Micro-Ice jetait des coups d'œil vifs et malicieux que ses coéquipiers lui rendaient alors que Thran fixait parfois son frère dans un mélange d'inquiétude et d'attente.

Aarch conclut :

-« …Ce soir nous fêterons dignement notre victoire, Yuki devrait également vous rejoindre d'ici quelques minutes. Dame Simbaï vous fera passer un examen complet dès demain pour vérifier votre niveau de santé, physique et psychologique. Ce soir je vous laisse le champ libre, à demain, Snowkids. »

Snowkids, Snowkids… Snowkids… Ce mot résonnait encore dans sa tête. Comme un rêve éveillé, confondu avec la réalité. Ses yeux de chat à demi clos, Ahito était allongé sur la banquette du vaisseau qui ramenait les Snowkids sur Akillian. Son front était posé sur l'épaule de son frère qui somnolait depuis un petit moment, sa tête vacillant presque imperceptiblement. Le jeune gardien porta son attention sur quelques-uns de ses coéquipiers qui discutaient depuis de longues minutes déjà, juste devant les grands hublots.

-« J'ai hâte de rentrer, un peu de calme me fera du bien… » Soupira Mei.

-« Tiens, tu fuis les caméras maintenant ? » Plaisanta D'Jok.

Sa petite amie lui lança un regard noir.

-« Je suis de ton avis Mei… » Reprit Yuki en s'empressant de prendre sa défense. « Moi aussi je suis pressée de rentrer. Ma famille me manque. »

C'est alors qu'Aarch annonça leur arrivée en orbite Akillienne.

-« Réveille-toi petit frère, on arrive à la maison... » Chuchota Thran en souriant à son jumeau.

-« Mais… Il reste au moins quinze minutes avant qu'on se pose, réveille-moi quand on aura atterri ! » Répondit celui-ci, fuyant la lumière des premiers rayons solaires.

Le vaisseau se posa sans encombre sur la plate-forme du stade. S'assurant qu'aucun journaliste ne l'attendait, l'équipe rentra dans les locaux qu'elle connaissait si bien maintenant. C'est ici qu'ils avaient tout appris, qu'ils avaient enduré ensemble les entrainements difficiles et fatigants, qu'ils fêtaient leurs victoires et oubliaient leurs défaites. Les couloirs étaient encore imprégnés de leurs fous rires, les salles d'entrainement de leurs dernières disputes, les chambres des pleurs et des consolations.

Mei était assise dans la grande pièce commune, lisant tranquillement les dernières revues de presse relatant encore leur dernier match. Deux mois s'étaient écoulés depuis le retour des Snowkids sur leur planète blanche. Non loin d'elle, Mark et Micro-Ice regardaient les derniers reportages sur l'accident du Genesis Stadium et sa rénovation, lorsque les six autres membres du groupe entrèrent dans la pièce, trop sérieusement pour que cela ne soit volontaire. En effet, ils furent suivis d'Aarch et de Clamp.

Les Snowkids s'assirent sur les canapés, attendant de voir ce que leur Coach avait à déclarer.

-« Désolé de casser l'ambiance, mais vous devrez bientôt reprendre l'entrainement… »

-« Et voilà… » Pensa Micro-Ice. « Maintenant annonce nous la sentence… »

-« Je pense vous laisser encore quelques jours de repos… ensuite on devra reprendre le travail. Je vous rappelle que les Wambas ont déjà demandé leur revanche, et qu'ils s'entrainent dur depuis des semaines, à vous de faire le maximum pour ne pas perdre vos capacités… »

Quelques minutes de négociations acharnées plus tard, l'équipe arriva à convaincre Aarch de lui laisser quelques jours de répit supplémentaires avant d'entamer l'entrainement. Après quoi, ils se levèrent pour reprendre leurs occupations. Mark et Micro-Ice reprirent leurs aises devant l'holo-télé, Mei se leva pour rattraper son entraineur avant qu'il ne s'éclipse, Ahito se massait les tempes.

-« Coach ! » Appela Mei.

Celui-ci se retourna.

« J'aurai une question… » Continua-t-elle, hésitante.

-« Je t'écoute Mei. »

-« Eh bien voilà, Je me demandait si… »

Un bruit de chute coupa leur conversation.

-« Hao ? » S'inquiéta Thran.

Le gardien était agenouillé sur le sol, sa respiration courte alarma son frère qui vint à ses côtés, le regard affolé.

« Ahito ? » Appela celui-ci en s'approchant. « …appelez Simbaï ! » Reprit-il, paniqué.

Il ne fallut que quelques minutes à Dame Simbaï pour entrer en trombe dans la pièce, alertée par Aarch. Ahito ne cessait de trembler, ses mains crispées sur le bras de son frère.

-« Thran… » Murmura-t-il avec difficulté.

Simbaï observa ses pupilles, prit rapidement son pouls et appela Aarch pour qu'il porte rapidement Ahito jusqu'à l'infirmerie, bien que celui-ci resta un instant agrippé à son ainé.

-« Qu'est-ce qu'il a ?! » Demanda celui-ci.

-« Il a besoin de soins d'urgence. » Lança Dame Simbaï sur un ton qu'elle pensait assuré, mais qui trahissait en fait tout son empressement. « Aide Aarch à le porter s'il te plait. »

Sans un mot de plus, Thran se leva et obéit immédiatement au médecin.

Quand la porte se referma, cette pièce qui d'habitude était la plus chaleureuse de toutes, renfermait alors un lourd silence. Yuki se laissa tomber sur le sofa, abattue. Micro-Ice alla s'assoir à ses côtés, et semblant, la main posée sur son épaule, lui transmettre toute la compassion dont il était capable.

-« Voilà, c'est de ça que je voulais parler. » Reprit Mei à voix basse.

-« Qu'est-ce que tu veux dire ? » Interrogea D'Jok.

-« J'ai besoin de faire une pause, on en a tous besoin… » Dit-elle en regardant Yuki et Micro-Ice.

-« Tu veux dire… que tu veux laisser tomber le Football ?! » S'exclama ce dernier.

-« Pas définitivement, mais pendant un temps au moins… »

-« Mei, on vient de gagner la Cup pour la deuxième fois ! C'est pas le moment de tout lâcher ! » S'emporta D'Jok. « On est au sommet de notre carrière ! »

-« Il n'y a pas que ma carrière qui compte pour moi ! » Répondit la défenseuse en élevant la voix. « Peut-être que j'aimerai bien réfléchir à ma vie aussi ! »

-« Holà du calme ! » Lança Mark en s'interposant.

Puis il continua sur un ton plus discret :

« Si vous voulez vous disputer, faites-le ailleurs. On a déjà assez de problèmes comme ça… »

Agacée, Mei prit ses revues et partit sans dire un mot de plus.


Le verdict tomba comme une pierre.

-« C'est grave. »

Combien de fois Thran avait prié de ne jamais entendre ça. Combien de fois il c'était juré de ne plus garder tout ça en secret, d'en parler. Maintenant il était trop tard, il fallait assumer, malgré la culpabilité qui l'accablait.

L'infirmerie était claire, d'une propreté clinique impeccable et parfaitement agencée, parsemée des lumières vertes et bleues des décorations et des appareils médicaux. Quelques plantes çà et là, choisies par Dame Simbaï, assuraient un filtrage sain de l'air ambiant et dégageaient également une fine odeur de menthe. Simbaï était peut-être l'un des meilleurs médecins d'Akillian, mais c'était aussi une herboriste chevronnée.

Les parents des jumeaux étaient installés dans les sièges blanc et vert pâle face au bureau de celle-ci, qui tentait de les rassurer. Elle ne connaissait peut-être pas encore la raison de l'état du gardien, mais au moins, la crise était passée.

Derrière eux, l'avant-bras posé sur la vitre qui donnait sur la chambre d'Ahito, Thran observait celui-ci d'un air à la fois triste et excédé.

-« Je commence à croire que je vais plus passer ma vie à le regarder à travers une vitre que sur un terrain de foot. » Chuchota-t-il à Yuki, qui était à ses côtés depuis peu.

-« Il s'en sortira… il s'en sort toujours. » Répondit-elle avec un sourire forcé.

-« Peut-être, mais on aurait pu éviter ça cette fois-ci. C'est ma faute. J'aurai jamais dû le couvrir, il a risqué sa santé pour nous. J'aurai du l'empêcher de faire ça. »

Un doux son se fit entendre. Une fine lumière bleue parcouru la surface du visage d'Ahito, qui dormait profondément.

- « Tu sais très bien qu'il a aussi fait ça pour lui-même. » Reprit Yuki. « Il voulait prouver qu'il pouvait le faire, il aurait insisté jusqu'au bout même si Aarch l'avait su. »

« Je vais réussir, Thran, Je peux le faire… »

A ces mots, Thran se rappela de toute la volonté dont son frère avait fait preuve pour jouer lors de la finale, et qui par la même occasion, leur avait permis de gagner, malgré sa grande fatigue.

Ses parents se levèrent alors, le regard vague, s'efforçant de remercier Dame Simbaï tout en cachant leur désarroi. Le père de Thran s'avança vers celui-ci d'un air défait.

-« Tu as entendu ? Ton petit frère… rentre à la maison. »


Les textes défilaient sur l'écran. Des lignes de code, des schémas étranges, des graphiques, des chiffres, des informations… Tout cela circulait confusément sur la surface bleue qui affichait inlassablement et finalement, toujours les mêmes choses.

Pourtant si importantes.

Pour qui ? La Technoïde. La plus grande firme de la galaxie, du moins, de la partie connue de la galaxie. Elle contrôlait tout. Sécurité, politique, famille, holo-télévision, consommation, médias, enfants, travail, éducation, divertissement.

Sport.

La Technoïde avait tout. Chaque jour, elle faisait entrer un peu plus d'adeptes dans son cercle, se nourrissant de leur peur, construisant toujours plus de droïdes pour la « sécurité » de ses clients. Pour un monde meilleur.

Cloitré dans sa forteresse de verre et de béton, Maddox s'impatientait devant son écran. On ne faisait pas attendre le directeur de la Technoïde.

L'immense porte coulissante s'ouvrit, Harris entra et s'éclaircit la gorge.

-« Excusez-moi pour le retard, je… »

-« Je m'en contre fiche… Avez-vous des nouvelles des premières expériences ? » Lança le directeur sur un ton las, comme s'il connaissait déjà la réponse à sa question.

-« Non votre excellence, les résultats sont toujours négatifs. » Répondit Harris dans un long soupir. « Pourtant les chercheurs y consacrent tout leur temps… »

-« Du temps ?! » S'emporta le directeur. « Dois-je vous rappeler combien nous coûte une seule seconde passée sur ce projet ? À ce rythme, si nos travaux n'aboutissent pas dans un mois, le Sénat commencera à avoir de sérieux doutes sur les financements de la Technoïde ! Vous ne voulez quand même pas que les politiciens mettent leur nez dans nos affaires ?! »

Le calme revint. Harris se reprit.

-« N-Non votre excellence. »

-« Alors ils feraient mieux de se dépêcher, sinon je serai malheureusement obligé de procéder à quelques licenciements… »

-« Bien, Monsieur le Directeur… » Bégaya Harris en mesurant toute la puissance de l'homme à qui il s'adressait. « Je vous recontacterai à la moindre nouvelle. »

-« Qui sera bonne cette fois ci, je l'espère pour vous. »

Maddox pivota son siège face à la vitre qui donnait sur le centre-ville du Genesis. Il observait les immeubles et la grande place qui fourmillait de vie, comme une araignée prête à frapper. Peut-être qu'une petite visite serait nécessaire…

Harris sortit, transpirant.

Chaque confrontation avec le directeur était un peu plus tendue que la précédente. Mais il touchait presque au but, rien de devait l'en empêcher, surtout pas maintenant. Rien ne devait entraver… son plan.

Le vice-directeur descendit dans son bureau. Une pièce grise et rouge, à l'architecture sobre. Il prit place sur son siège blanc et soupira.

-« Ne vous en faites pas Maddox… » Murmura-t-il. « Ce sera une excellente nouvelle… pour moi. »

Un petit tintement le sortit de ses pensées mesquines. Un holo-écran apparu face à lui, sur lequel était affiché le visage d'un droïde.

-« Monsieur, l'un de vos contact souhaiterait vous parler. Dois-je le mettre en ligne par holo-conférence ? »

-« De qui s'agit-il ? » Demanda Harris, en joignant ses deux mains sous son menton.

Le robot réfléchit un instant, une lumière rouge s'activa sur son front.

-« Accès au répertoire… contact inconnu - anonyme, …inco-ano-ano-anonyme... inconnu. »

Harris esquissa un sourire.

-« Autorisez ce contact à venir sur holo-conférence et refusez tout autre appel pendant cet entretien, je tiens à ne pas être dérangé. »

-« Bien Vice-Directeur. »

Le droïde effectua la tâche demandée.

Un large écran bleu apparut sur le mur face au bureau d'Harris. Un Xenon, le visage à demi voilé, était présent sur l'image. Ses dents acérées dépassaient légèrement de sa mâchoire entrouverte.

-« Nous avons réfléchi à votre offre. » Dit-il d'une voix plus que grave.

-« Eh bien ! Parlons affaires ! » Déclara Harris en écartant ses bras.

-« Nous acceptons, à une condition. »

Le vice-directeur se leva, croisa les mains derrière son dos et fit le tour de son bureau en soupirant.

-« Bien… Je vous écoute. »

Le Xenon expulsa un souffle animal par ses narines obliques.

-« Nous voulons que le reste de notre clan soit mis en sureté. Nous voulons être certains qu'aucun mal ne leur sera fait. »

-« Je n'ai qu'une parole ! Vous pouvez me faire confiance. » Répondit Harris en s'approchant de l'écran. « Nous enverrons votre clan sur Tashio, une petite planète désertique et rocailleuse, personne n'ira les chercher là-bas. Nous y ferons parvenir eau et nourriture. Mes droïdes s'occuperont de leur… sécurité. »

Ce dernier mot lui resta en travers de la gorge.

-« Alors marché conclut. » Répondit le Xenon en relevant la tête, découvrant ainsi ses yeux jaunes, fendus d'un trait noir.

-« En échange, il va de soi que vous vous impliquerez corps et âme dans cette alliance… »

-« Temps que notre marché sera respecté, nous ne vous décevrons pas. »

-« Bien ! » Répondit Harris sur un ton plus que satisfait. « Je vous recontacterai pour la première phase de notre plan, en attendant je dois rallier plus de monde à notre cercle... »

L'écran disparu et le vice-directeur se tourna vers la baie vitrée de son bureau.

« Tout se passera comme je l'ai prévu, ne vous en faites pas. »


Une lumière bleue. Une lumière rouge. Elles tournèrent lentement entre elles, floues, indistinctes…puis disparurent. Le conteneur resta à nouveau vide. Encore et encore.

-« On y arrivera pas. » Lança l'un des scientifiques, le regard fixé sur le conteneur en verre.

-« Ne dit pas ça ! » Rétorqua un autre. « Imagine qu'ils nous entendent... »

-« Mais c'est impossible ! Vous le savez tous ! Jamais on ne trouvera la bonne séquence, on a une chance sur un million ! »

La porte centrale s'ouvrit, jetant un silence froid sur la pièce. Maddox entra, et contempla d'un regard sombre le laboratoire qui s'étendait au-dessous de lui, au-dessous du siège de la Technoïde. Les chercheurs, paralysés par la surprise de sa visite, le regardaient, attendant un signe.

-« Je ne vous paye pas pour m'admirer ! » Lança le directeur dans un rugissement sourd.

Les savants se remirent immédiatement au travail alors que le scientifique en chef, Mr. Ages, vint rapidement à ses côtés pour le saluer et lui faire part des dernières nouvelles.

-« M-Monsieur le Directeur, c'est un privilège de vous recevoir dans nos locaux… comme vous le savez, les premières expériences n'ont rien donné de positif pour le moment… »

Il lui raconta toutes les opérations effectuées depuis sa dernière visite. Le directeur n'en avait que faire. Il observait les petits conteneurs en verre alignés au centre de la pièce, dans lesquels flottait parfois une douce vapeur aux couleurs vertes, violettes ou bleues… Tout autour s'affairaient les scientifiques, le regard rivé sur les écrans qui les entouraient. Tous vêtus de blanc, aussi blanc que la lumière du générateur central suspendu au plafond, duquel provenait un bruit de ventilation. Sans celui-ci et les écrans d'ordinateur, la pièce aurait été complètement sombre, mis à part les vapeurs luminescentes qui apparaissaient de temps à autre dans les réservoirs translucides.

Les grilles métalliques qui composaient le sol et les escaliers résonnaient à chaque pas, amplifiant l'atmosphère déjà tendue de par la présence du directeur. Celui-ci n'écoutait plus depuis longtemps les excuses ennuyeuses de Mr. Ages, son attention s'était portée sur le plus gros des conteneurs de verre au centre de la pièce.

-« Vous avez un mois. » Dit-il en interrompant le chercheur.

-« Je, Je vous demande pardon ? »

-« Vous avez un mois pour me trouver la bonne séquence, et me remplir ce conteneur. »

Pour la première fois depuis l'arrivés de Maddox, le scientifique en chef se tu. Le visage étonné, abasourdit par la nouvelle. Ses yeux mornes et fatigués étaient pour une fois grand ouverts derrière ses étranges lunettes.

-« Mais, votre excellence, je crains qu'il ne soit pas possible de… »

-« Croyez-moi, il vaut mieux pour vous que vous réussissiez. »

Quelques chercheurs qui entendirent par mégarde cette dernière phrase, s'activèrent alors comme ils ne l'avaient jamais fait. Ils devaient réussir, leurs vies en dépendaient à présent. Il serait bien trop ironique de mourir par la main de la firme la plus protectrice du monde…


Harris contemplait toujours la ville gigantesque du Genesis. À nouveau, un tintement le tira de ses pensées.

-« Monsieur, le Directeur vient de descendre aux laboratoires de recherche. » Déclara le même droïde qui l'avait contacté précédemment.

-« Bien. » Dit Harris en se dirigeant vers son écran. « Prévenez-moi dès qu'il en sortira. »

-« Bien Monsieur. »

Harris sortit de son bureau, et retourna devant l'immense porte de celui du directeur. Les droïdes de garde le laissèrent à nouveau entrer. Comme prévu, la pièce était vide, mais l'atmosphère pesante demeurait même sans la présence de Maddox. Harris fit le tour de l'imposant bureau en verre noir, et pris place sur le siège qui s'y tenait. Le simple fait d'y être assis procurait une sensation de puissance incroyable. Il regarda le transmetteur sur son poignet, et y tapa une série de code. Une voix rauque sortit de l'appareil.

-« Qu'est-ce que vous me voulez ?! »

-« Eh bien ! Quelle attitude impolie ! » S'exclama Harris. « Enfin, je ne m'attendais guère à autre chose de la part d'un pirate… »

-« Je ne peux pas vous accorder tout mon temps M'sieur Lightman, vous savez que je suis recherché ! »

-« Allons… il s'agit d'un appel privé, n'ayez crainte… »

-« Mouais… » Reprit la voix après une courte pause. « Alors ? Vous y êtes ? »

-« J'y suis. »

-« Bien, synchronisez votre transmetteur sur l'ordinateur personnel de Maddox, je m'occupe du reste. »

Harris calibra sa montre sur la fréquence de l'ordinateur du directeur. Une série de bips se firent entendre.

« Voilà, vous avez une idée du mot de passe ? »

Le vice-directeur réfléchit un instant, tapotant le bureau du bout de ses doigts froids.

-« Essayez « Nora ». »

L'écran s'alluma.

Bienvenue Monsieur le Directeur. » Dit une voix féminine et robotique.

-« Haha ! Et dire que la Technoïde est censée être à la pointe de la technologie en matière de sécurité ! » S'exclama la voix du transmetteur.

-« Gardez vos remarques pour vous. » Lança Harris sur un ton excédé. « Essayez plutôt d'ouvrir les dossiers confidentiels, ceux-là sont gardés par de vrais codes. »

-« Rien n'est impossible pour un pirate, Monsieur le Vice-Directeur ! »

-« Je vous rappelle que vous êtes à présent plus un traitre qu'un pirate. » Répondit celui-ci sur un ton narquois.

-« Un traitre bien payé ! »

Les dossiers s'affichèrent, puis un cadre rouge apparu.

-« Voyons voir… » Dit le pirate.

Une longue série de chiffres défila, prenant petit à petit place dans le cadre. Au bout d'une vingtaine de secondes, le code fut validé, les dossiers étaient accessibles. Harris observa chaque information qu'ils contenaient.

« Je vous télécharge tout ça sur votre ordinateur personnel, vous y aurez un accès constant, plus besoin de code à l'avenir… »

-« Dites-moi… » Reprit Harris. « Seriez-vous intéressé par une immunité totale, en échange de vos services ? »

La voix semblait réfléchir.

« C'est une affaire à prendre ou à laisser. »

-« Vous êtes quand même les rois des coups tordus chez la Technoïde... On a bien vu comment l'immunité de Blackbones à prit fin ! »

-« Sachez qu'il ne s'agissait en rien d'une action commandée par le directeur de la Technoïde. Tout a été organisé par le Général Bleylock. Une vengeance… personnelle. »

Le téléchargement prit fin. Harris éteignit l'ordinateur du directeur.

-« ça c'est votre version officielle… » Reprit la voix rauque du pirate. « Mais je vais y réfléchir avec les autres. C'est vrai que c'est une offre qui nous arrangerait bien. »

Un tintement résonna dans le transmetteur du vice-directeur. Un petit hologramme apparu sur son poignet, affichant le droïde habituel.

-« Le Directeur s'apprête à quitter le laboratoire Monsieur. »

-« Bien. » Répondit Harris. « Nous reprendrons cette conversation plus tard si vous le voulez bien, je vous laisse réfléchir à mon offre. »

Il coupa la communication et sortit d'un pas vif.

« Alors c'est donc ça votre plan secret… » Pensa-t-il, alors que la porte se refermait derrière lui,

En un dernier claquement sourd.