Chapitre 1

L'amulette d'Algorff

- Lumos !

Ce bruit, il ne l'avait pas rêvé. Quelqu'un était entré dans le musée et il sentait confusément que ses intentions n'étaient pas respectables. Dortus Boldorin sortit de son bureau et se dirigea dans l'allée centrale du musée.

Le musée des Arts de la Magie. Sa vie, sa passion. Voilà près de quarante ans qu'il en était le conservateur. Pour lui, ces trésors accumulés à la sueur de son front représentaient le témoignage d'un passé qu'il ne fallait pas oublier, l'histoire n'était pas qu'une simple constatation de faits, mais une science qui permettait de mieux connaître l'humanité.

Au summum de sa collection se trouvait les fragments de la baguette de Merlin. C'était un peu comme la Joconde du Louvre, le Suaire de Turin. Ce petit morceau de chêne, disait-il souvent, un trésor qu'il avait cherché longtemps, pendant près de vingt ans.

En revanche, il restait plus évasif sur l'amulette d'Algorff, elle aussi exposée - l'une des trois amulettes Myrddhin qui une fois réunies donnait à celui qui les possède un pouvoir que l'on prétendait titanesque. Une pure utopie pour certains, un rêve démentiel pour d'autres.

Boldorin se trouvait à présent dans la galerie principale. Elle juxtaposait toutes les salles du musée et longeait sur le côté droit une série d'immenses fenêtres aux fermetures scellées. Le sort qui les protégeait était inviolable. Les rares individus qui avaient tenté l'expérience d'une intrusion illégale s'étaient retrouvés à Sainte Mangouste pour une longue période de convalescence.

Dortus aperçu, au bout de l'allée, le voile de la dernière fenêtre onduler sous le souffle du vent. Sur le parquet, des éclats de verres scintillaient comme des cristaux de diamants. Il n'était pas seul dans le musée. Désormais, il en était sûr ! Quelqu'un avait rompu le sort et s'était introduit ici.

- Qui va là ? S'écria-t-il, en voyant une ombre vêtue de noir sortir soudain de la dernière salle.

Il remarqua alors l'objet que l'individu tenait dans les mains. Son cœur rata un battement.

- Non ! Pas ça… pas ça ! Qui… qui êtes-vous ? Demanda-t-il, d'une voix affolée.

- Ton cauchemar ! Répondit l'ombre, en s'approchant de quelques pas.

Dortus fronça les sourcils.

- Mais… je vous connais… vous … vous êtes…

- Avada kedavra ! S'écria aussitôt la silhouette sombre.

Un rayon lumineux vert traversa la pièce à une vitesse fulgurante et frappa de plein fouet le vieil homme. En moins d'une demi-seconde, Dortus Boldorin s'étala de tout son long, la main ensanglantée encore cramponnée à sa baguette.

Harry Potter arriva au ministère trempé jusqu'aux os. La pluie étalait ses immenses traînées avec une fougue que rien ne semblait pouvoir arrêter. Les étroites rigoles qui longeaient les ruelles, débordaient, repues par l'afflux d'eau qui n'en finissait pas de tomber. Le temps annonçait la tendance, le gris serait la couleur incontournable de ce mois de février.

Une fois au ministère, Harry ouvrit la grille de l'ascenseur et appuya sur le bouton du second niveau. Là où se trouvait depuis quelques mois son nouveau lieu de travail.

Le bureau des aurors. Il venait de passer trois années en études supérieures pour aurors. Trois longues années fastidieuses où s'imposaient une rigueur de chaque instant et des connaissances pointues sur le monde magique. Des épreuves qualificatives s'effectuaient à chaque fin de cycle et personne n'était épargné. Pas même celui qui avait vaincu Voldemort. Ron l'avait suivi dans ce périple et contre toute attente, il s'en était plutôt bien sorti.

Ça faisait sept mois aujourd'hui qu'il était enfin devenu ce à quoi il aspirait depuis son entrée à Poudlard. Pour Harry, devenir auror n'était pas un choix, une option dans un plan de carrière. C'était une vocation. Une certitude viscérale qui s'imposait à lui sans le moindre compromis. Le tout premier jour passé au bureau des aurors, il eut le sentiment de se sentir enfin chez lui, à sa place.

Lorsqu'il arriva, un brouhaha inhabituel régnait dans les bureaux. Les conversations tournaient autour de ce que certains croyaient et d'autres pas. Harry n'eut pas le temps de poser la moindre question. La porte de la salle de réunion s'ouvrit sur un homme au visage étriqué. Son regard nerveux se posa sur le groupe.

- Potter est arrivé ?…Ah, Harry, suivez-moi ! Débita Dartkroft, en faisant demi-tour.

En entrant, Harry comprit que l'affaire revêtait une certaine importance puisque le ministre de la magie lui-même était présent.

- Harry, comment vas-tu mon garçon? Fit Shacklebolt.

- Très bien, Monsieur le Ministre, merci.

- Bon, Harry, j'ai cru comprendre que tu connaissais bien le conservateur du musée de la magie, Dortus Boldorin, n'est-ce pas ?

- Il m'arrive de lui rendre visite de temps en temps, lui et son musée, répondit Harry dans un demi-sourire, se demandant pourquoi il parlait de Dortus à l'imparfait.

- Oui… oui…, commença Shacklebolt, d'un air soucieux. Harry, je suis au regret de te dire que Dortus a été assassiné cette nuit. Son jeune apprenti l'a retrouvé ce matin, étendu dans le hall du musée.

Harry eut l'impression que les trombes d'eau qui tombaient depuis des heures dehors s'abattaient d'un seul coup sur sa tête. Boldorin assassiné. Cet érudit était le plus doux et le plus sage des hommes qu'il n'eut jamais connu à l'exception d'Albus. Pourquoi vouloir sa mort ?

- Qui ? Pourquoi ? Lança-t-il soudain, sentant au fond de lui une vieille colère refaire surface.

- C'est précisément ce que nous voulons savoir et ce que vous allez découvrir Harry, lança Dartkroft. Vous prenez l'affaire, Ron vous épaulera. Nous avons quelques indications sur le pourquoi puisqu'un élément important de l'exposition a disparu. Vous connaissez les légendes Myrddhin, je suppose ?

- L'amulette d'Algorff a disparu ? S'exclama Harry, stupéfait.

- Précisément, répondit Shacklebolt, et je ne veux surtout pas que cette information s'ébruite. Pour tous, l'amulette est actuellement en restauration, puisqu'elle n'est plus exposée. Cependant, Harry, sois très prudent, l'amulette a bien été volée pour des raisons que nous connaissons tous malgré les croyances divergentes sur le sujet. L'homme qui a tué Boldorin a usé d'une magie noire extrêmement puissante et n'a pas hésité à utiliser le pire des sorts impardonnables.

Harry hocha la tête mais ne dit mot. Un instant, il laissa ses idées vagabonder. Il pensa aux années sombres, à la tyrannie que la magie noire portait en son sein. C'était aussi pour cela qu'il avait voulu devenir auror, lutter contre l'engouement du pouvoir absolu que certains hommes désiraient impitoyablement.

- Vous rejoindrez Monsieur Veldon au musée, fit Dartkroft, il vous attend et vous expliquera en détail ce qui s'est passé cette nuit.

Le musée des Arts de la Magie était un bâtiment ancien situé à quelques rues du chemin de traverse. Il datait du cinquième siècle, mais en dépit des traumatismes du temps, l'édifice affichait encore une belle prestance chaque époque avait apporté son empreinte, ce qui lui concédait une architecture peu commune. Un enceinte massive aux murs de briques d'un côté, une aile gothique aux arcs brisés de l'autre, et cette toiture atypique, tantôt de tuile, tantôt de chaume, flanquée d'innombrables cheminées dont certaines semblaient vouloir toucher le ciel.

Lorsqu'Harry entra dans le musée, Veldon l'attendait et lui fit un rapide résumé de la situation.

- C'est au premier étage, je me suis arrangé pour que les employés du musée prennent exceptionnellement un jour de repos. Il n'y a que le garçon qui a trouvé le corps, l'apprenti de Boldorin, un certain Garvin Felths.

- Et où est-il, ce Garvin Felths ?

- Au premier, il est en état de choc, c'est lui qui a trouvé le corps, il n'a pas sorti un mot depuis que je suis arrivé.

Une fois à l'étage, Harry trouva un jeune homme prostré devant la dernière fenêtre du couloir. Il semblait ne pas s'être aperçu des deux aurors qui se dirigeaient vers lui. Son teint était livide et il fixait d'un regard torve la vitre brisée.

Harry détourna la tête et aperçut le corps sans vie de Dortus allongé à quelques mètres de lui. Un profond élan de tristesse s'empara alors de son être. L'habituel visage tendre du vieillard s'était évaporé pour laisser la place aux traits d'un homme mourant avec une peur panique au ventre.

Harry s'agenouilla. A l'aide de sa baguette, il ferma les paupières rigides de Dortus, puis palpa ses vêtements sans trouver l'objet de sa recherche.

- Où est sa baguette ? Demanda-t-il.

- Disparu ! S'exclama Veldon. Il ne l'avait pas sur lui et elle n'est pas non plus dans son bureau.

Harry retourna vers l'apprenti qui n'avait pas bougé d'un millimètre depuis son arrivée.

- Comment vous sentez- vous ? Demanda-t-il.

Pas de réponse. Le jeune homme restait dans son mutisme, pétrifié, comme s'il avait croisé le regard de la méduse.

- Savez-vous où se trouve la baguette de Dortus ?

Silence.

- Bon, je repasserai vous voir dans la journée.

Harry posa alors son regard sur la fenêtre brisée du couloir à la réputation pourtant inviolable. Comment un acte pareil était possible ? Seul un homme doté d'un pouvoir prodigieux pouvait briser un tel sort... ou un homme usant de magie noire…

Une voie sourde le tira soudain de ses pensées.

- Retrouvez… le… souverain… Myrddhin…, articulait Felths, le regard dans le vague.

- Retrouvez le souverain ? Que voulez-vous dire ? Fit Harry en s'approchant.

- Retrouvez… le…souverain… Myrddhin…, répéta le garçon, presque hypnotisé.

Harry comprit qu'il était inutile d'en attendre davantage pour le moment.

Retrouver le souverain.

Ses souvenirs sur l'histoire Myrddhin étaient flous, leurs récits s'apparentaient davantage à des légendes qu'à des actes authentiques. C'est en tout cas dans ce sens qu'on apprenait à chaque sorcier l'histoire de ce peuple. Un mythe, rien de plus.

La première chose à faire était donc de se renseigner sur la communauté Myrddhin. Car de toute évidence, celui qui avait assassiné Boldorin, lui, prenait cette histoire très au sérieux. Et il savait qui pouvait l'aider dans cette tâche, qui avait probablement des connaissances pointues dans ce domaine. Évidemment. Cette personne s'appelait Hermione Granger.