Notes d'auteur : La difficulté de cette histoire est jugée élevée.
Dualité absconse, partie 1
X
L'été battait son plein au sein de l'Académie. Les oiseaux chantaient, les criquets gloussaient et les étudiants s'affairaient à ce qu'ils faisaient de mieux, soit de ne pas écouter en classe. Rien ne pouvait entériner la paix suintant ce lieu. Les professeurs tentaient de chahuter cet ordre en psalmodiant leurs élèves à faire moins de bruits, mais leur croisade se révéla être un échec si outrecuidant, qu'ils préféraient garder pour eux leur frustration indignée.
Sasuke Uchiwa avait fait parti des convives conviés à ce spectacle lassant. Il avait contemplé ses camarades avec une indolence digne d'un paresseux. Bien que sa connaissance limitée dans le règne animal lui avait rendu impossible la compréhension de cette analogie, il aurait probablement reconnu le ton hautain qui aurait accompagné cette remarque et il se serait juste mu dans un silence moribond en réponse. Tout ceci était sans compter les multiples regards que la gente féminine lui accordait quotidiennement.
Depuis l'aube de ses onze ans, le jeune adolescent avait pris la décision de se cloisonner sur le toit du bâtiment où il était censé recevoir ses cours. Ce n'était pas qu'il avait peur de subir la compagnie de ses pairs, mais il était indubitablement convaincu que sa propre intelligence lui suffisait à sécher tous les cours sans que cela ait un impact sur ses résultats scolaires — ou sur ses relations sociales pour peu qu'il s'en souciait. En outre, il était absolument certain dans le dernier cas que sa résolution avait eu un effet bénéfique sur son quotidien en évitant les harpies qui le harcelaient.
« Regardez le pauvre choux ! Voilà qu'il se morfond encore ! », le minauda une voix volontairement suraiguë sur le côté.
Une fille, portant une robe noire entrelacée d'une étoffe soyeuse, était assise en face de lui. Son perchoir était constitué de simples marches d'escaliers. Elle le fixait tandis qu'il était dos au vide, sur le rebord de l'immeuble. À son éternel air narquois, Sasuke se contenta de retourner un regard agacé.
— Je t'ai déjà dit de ne pas prendre ce ton avec moi.
Elle s'éprit d'un rire salace en rehaussant une mèche vagabonde.
— Si tu ne séchais pas tous tes cours, je ne serais pas là à prendre ce ton avec toi, répliqua-t-elle nasillarde.
Il réfréna l'envie de l'étrangler, sachant qu'un cadavre sur le toit d'un immeuble alors qu'il n'avait aucun alibi serait un bon moyen pour lui d'être incriminé.
— Je ne sèche pas les cours, répondit-il offusqué. La preuve :
Il sortit de sa tunique bleu un bouquin. Celui-ci avait une reliure orange, signé d'un rond rouge barré par une croix de la même couleur. Les amateurs de ce genre d'ouvrages s'y reconnaîtront peut-être, dans le sens où cela avait tout l'air d'être une revue pornographique. À ceci, son interlocutrice réagit par des yeux écarquillés d'abord, suivi d'un rire étouffé.
— Hi… Hihi… Hahaha ! Je vois, je comprends.
Sasuke prit un moment avant de réaliser que la nature du livre qu'il tenait dans sa main droite. Aussitôt, il le jeta au loin comme s'il était la peste incarnée. Par précaution, il vérifia que son bras n'avait pas attrapé la gangrène et poussa un soupir de soulagement après quoi. Et durant ces quelques secondes d'intermittence, l'autre fille n'avait pas arrêté de se gondoler contre la rampe d'escaliers, se tenant les côtes endolories. Il croisa les bras en prenant un air renfrogné avant de pointer un doigt accusateur vers elle.
— Ce n'était pas censé être… ce truc ! C'est toi qui a échangé ce livre avec celui que j'avais sur moi !
Elle se rassit alors, essayant de reprendre son sérieux, mais gloussa encore lorsqu'elle vit Sasuke rougir.
— Voyons Sasuke, ce qui a en dessous de ton T-shirt ne me regarde pas, à moins que je me trompe ? répliqua-t-elle en battant des cils.
Sasuke ouvrit la bouche et la referma à plusieurs reprises, tel un poisson mort dans un étang asséché, puis lui tourna le dos. Il chercha frénétiquement sur lui ensuite, là où il avait pu égaré son registre sur les techniques de son clan. Il entendit un sifflement anodin derrière lui, mais refusa de prêter davantage attention à cette garce.
— Sasuke, tu sais… Si tu avais envie de te rincer l'oeil, tu n'avais qu'à me le dire.
Ne pouvant laisser passer cette accusation, il se retourna et
— Toi…
Elle fit des yeux innocents.
— Rends-moi ça ! hurla-t-il.
Mais trop tard, car elle avait enfilé le livre dans son corset. Elle défia Sasuke du regard.
— Tu n'oserais pas quand même !
La fin justifiant les moyens, il plongea. Elle l'évita de justesse en faisant un bond sur le côté, mais il prit appui et réitéra son assaut. Elle sauta encore en arrière et réattérit sur ses pattes avec la grâce d'une chatte, tandis qu'il tomba à terre à plat ventre.
— Non mais ! Cela ne va pas d'attaquer une jeune fille sans défense ainsi !? clama-t-elle en se remettant debout.
Sasuke se nettoya la figure de la poussière qui s'y était agglutinée avant de lui retourner un regard furibond. Devant ses yeux étrécis, une goûte de sueur perla sur le front de l'adolescente.
— Euh... je crois qu'il est temps pour moi de partir en fait ! s'excusa-t-elle en prenant un pas en arrière.
— Tu ne m'échapperas pas !
— Gyah !
— Uaaaaaaargh !
Boing. Boing. Boing. Tchang ! Boom boom… Bim. Tchack. Puuuuuuus. Dang !
Il se retrouva alors au dessus d'elle, une main ployée en hauteur telle la serre d'un aigle.
— On peut signer l'armistice ? demanda-t-elle les bras en croix sur sa poitrine.
— Rends-moi ce qui m'appartient.
— D'accord, d'accord !
On ne plaisantait pas avec un Uchiwa.
Une fois chose faite, il expertisa l'intégrité de son livre en le tournant sous toutes ses coutures. Il renifla alors quelque chose. Cela provenait… de son bouquin ! La fille clama le nez fin :
— Comme ça, tu auras toujours une part de moi avec toi.
Sasuke toujours assis sur le ventre de la vaurienne se projeta déjà en train de demander à la bibliothécaire s'il y avait un moyen d'expurger un ouvrage de ses senteurs inadéquates sans l'esquinter. La réponse présuma-t-il serait évidemment non. Toutefois, quel serait le meilleur moyen pour lui d'énacter sa vengeance envers celle ayant terni son précieux.
— Sasuke ? demanda-t-elle soudainement inquiète.
Il sortit un kunai de sa poche qu'il avait réussi à extirper lors d'une leçon à l'Académie. Il leva les bras vers le ciel en ouvrant ses chakras.
— Ô Dieux, Déesses — ou je ne sais quoi d'autre, je vous offre ce sacrifice !
— Non Sasuke, reprends tes esprit et lâche-
— Veuillez excuser mes péchés et-
— ce kunai tout de suite !
— Adieux.
Tchuck.
Son kunai se planta dans un tronçon de bois.
Sasuke se réveilla de sa stupeur en plein cour. Bien entendu, cela n'aurait pu se voir puisque ses yeux étaient cachés par ses cheveux plus long que la moyenne. Son menton reposait sur ses mains en l'air, dont les coudes partaient de son écritoire. Néanmoins, il était certain qu'un professeur aussi absorbé par son propre discours qu'Iruka ne pourrait remarquer ses légères absences ici et là...
— Psst, Sasuke !
De même il espérait que cette satanée peste puisse arrêter de l'harceler...
— Tu pourrais m'aider pour mon exo ? demanda-t-elle continuant à murmurer.
Il cligna des yeux deux fois.
— Merci ! Je savais que je pouvais compter sur toi !
Qu'il était idiot de penser qu'elle comprendrait.
Une feuille se glissa sous son coude, perturbant sa concentration. Sa voisine lui glissa sous son coude une feuille blanche ayant pour seul motif sur le coin en haut à gauche une grille de neuf cases. Il leva les yeux au ciel avant de prendre son crayon, de cocher la case du milieu et la lui refiler.
— Argh Sasuke, t'es vraiment imbattable à ce jeu.
Ce ne fut pas sans fierté qu'il l'ignora.
— Tiens...
Sans même sourciller, son crayon cocha la case en haut à gauche. Il ne restait que six cases mais la partie s'annonçait plus difficile que prévue. Allait-elle réussir à trouver le piège qu'il lui tendait ? Il lui accorda un bref regard et vit ses yeux froncés dans une profondes concentration, de même que ses cheveux coupés courts virant du noir au rouge sur les pointes. Les froufrous à ses poignées s'agitaient tandis qu'elle le prenait en tenaille en occupant les diagonales droites. En réponse, il joignit les pointes de ses doigts devant son nez. Il était évident que l'égalité était la seule issue possible à partir de maintenant.
— Héhéhé... s'allongea le nez de sa comparse.
Et c'était pourquoi il ne pouvait pas laisser passer cette opportunité. Laisser ce jeu terminer sur une égalité reviendrait pour lui à concéder le fait que son intellect valait celui de cette imbécile et ce n'était pas quelque chose qu'il était prêt à admettre. Mais pour sortir de ce dilemme, il fallait qu'il pense en dehors de la boite. Les croix contre les ronds. Les ronds contre les croix. Les ronds avec les croix ou les ronds sans les croix. Levant son crayon, il scella la destinée de cette partie avec une résolution hors du commun.
— Quoi ? s'égosilla-t-elle, ne s'attendant pas à ce coup.
Un fin sourire se dessina sur ses lèvres.
— Tu as gagné, avoua-t-il simplement.
Oui, car admettre sa défaite ici était la solution. Ce biais lui permettait de mettre fin à toutes ces égalités incessantes. Avouer sa défaite ici signait aussi la fin de leur jeu et donc mettait fin au problème de savoir qui était le meilleur entre eux deux. Reculer dans ce cas signifiait aussi pour lui sa victoire car pour elle, ce jeu représentait un moyen de divertir son attention mais en lui concédant la victoire définitive, il s'assurait que la raison pour laquelle elle l'invitait à jouer cesserait par là-même car il lui assurait par là qu'elle était meilleure que lui. La raison d'être de ce jeu avait péri avec ce coup puisque la question de savoir qui prendrait sur l'autre avait cessé. Il n'avait donc plus à répondre à ses duels. Cette logique hors pairs était infaillible.
Des larmes coulèrent soudainement du visage de sa voisine.
Sasuke ricana intérieurement, pensant qu'elle était tellement idiote qu'elle ne pourrait deviner le tour qu'il venait de lui jouer.
Elle se leva alors subitement et sortit de l'amphithéâtre, provoquant une sorte de blanc dans cet espace.
La journée venait à sa fin et Sasuke ne l'avait toujours pas revue. Il commençait aussi à se sentir mal. Il s'en voulait à lui-même, non pas en raison de l'avoir fait pleurer mais du fait qu'il avait des remords à l'avoir fait pleurer.
C'était stupide, il le savait, mais il ne pouvait s'empêcher d'éprouver une pointe de culpabilité.
Dans le couloir alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui, il fut bousculé par une fille dont le visage était camouflé par ses long cheveux bleus. Leur choc causa la chute des livres qu'elle tenait dans ses bras. Elle resta figée devant lui alors qu'elle bégaya :
— E-e-e-excusez-moi, je-j-j-je-
Il passa son chemin, considérant qu'il lui avait déjà accordé trop d'attention.
Lorsqu'il jugeait qu'une personne était sans intérêts, il était dans sa nature de l'ignorer.
— Hé Sasuke ! Tu peux t'excuser envers elle quand même !
Ah, la revoilà... Celle qui s'était enfuie suite à leur duel était revenue. Elle se tint face à lui, les bras croisés, le regard sévère.
— Alors, t'as fini de chouiner ? répliqua-t-il avec hargne.
Elle rétorqua par un haussement d'épaules avant de pointer un doigt vers lui.
— J'espérais que tu viennes me chercher, mais apparemment, tu as apparemment autant de sensibilité qu'un chimpanzé !
Il étrécit les yeux devant cette insulte. Alors qu'il était sur le point de lui répondre, elle passa sur le côté et rejoignit l'autre fille qui ramassait les ouvrages qu'elle avait fait tombé suite au choc avec lui. Il la regarda l'aider à ramasser ses livres avec un grand sourire.
— Excuse-moi pour le comportement de l'autre idiot. Je me présente, je suis Kura et toi, comment tu t'appelles ?
— Hi-Hinata, répliqua l'autre complètement hagard.
— Hinata, Hinata. Hmm... C'est un très joli nom ! Cela te dit de devenir mon amie ? Je ne suis pas comme l'autre empaffé ici présent, haha !
Il jugea qu'il fallait mieux s'éclipser.
Le repère des Uchiwa, ou plutôt, l'ancien repère des Uchiwa qu'il occupait était somptueusement grand. Tellement immense qu'il faisait la taille d'un mini quartier. Son clan comptait plus de deux cents membres avant l'accident qui avait fait de lui un orphelin. Les enceintes du clan portaient encore les signes du massacre et chaque entaille sur les murs était un témoin de ce qu'il s'était passé ici.
Sasuke prenait toujours un grand soin d'être le maximum discret lorsqu'il revenait chez lui. Son clan avait peut-être disparu, mais ce n'était pas une raison pour être irrespectueux envers les morts. Même si franchement, il y avait une autre raison bien plus réelle à cette précaution.
Sur la pointe des pieds, il approcha de sa chambre, espérant ne pas se faire remarquer.
— Bonsoir, Sasuke. As-tu passé une bonne journée ? requit une voix derrière lui.
Le monde se figea alors qu'il se retourna et visualisa d'un jeune homme à peine plus grand que lui, armé pour seul arme qu'un kimono.
— Bonsoir Itachi.
