Snape's Second Chance

1 - La fille aux cheveux de feu.

Le jour où Severus Rogue rencontra Lily Evans, tout indiquait dans l'atmosphère qu'un orage se préparait. La chaleur était présente mais pesante et une odeur de terre et d'herbe planait dans les airs. Severus aimait ce temps. Il aimait cette sensation étrange qu'il ressentait à l'approche de ce phénomène naturel. Il aimait la tension, l'inquiétude de ceux qui avaient peur, il aimait les éclairs de lumière et le bruit du tonnerre. Il savait les humains soumis aux caprices du temps, et il l'acceptait. Il acceptait de ne pas avoir le contrôle, d'être dominé par la nature. C'était la seule forme de supériorité qu'il supportait, qu'il consentait. On avait bien tenté de lui en imposer d'autres, mais il les rejetait en bloc. Quand l'autorité de son père l'étouffait, il partait. C'était sa seule issue, fuir. Il n'était pas lâche, il était juste raisonnable, sensé. Il se savait inférieur à un homme dans la force de l'age et dans un état d'ébriété quotidien relativement avancé. Alors il partait. Il ne disait jamais où il allait, mais rentrait toujours à une heure convenable. Rejeter n'allait pas de pair avec provoquer selon ses principes.

Il était sorti en début d'après-midi, avait arpenté plusieurs champs, s'était étendu sur une botte de foin, observant le ciel qui se parait de gris. Il avait suivi le chant d'un oiseau et terminé par arrêter ses pas aux racines d'un grand chêne à l'écorce fragile. Il n'avait croisé personne, et cette solitude, qui longtemps l'indifférait, commençait à lui peser. Il se voyait déjà passer des années entières, traverser des décennies, sans l'ombre d'une compagnie, quand une conversation était venue interrompre ses révêries.

Il y avait deux filles sur le haut de la coline. Son regard fut directement happé par l'éclair flamboyant des longs cheveux de la plus petite. C'était comme des flammes à l'état pur, de la lumière dans un ciel devenu noir de jais. Ils étaient magnifiques. Pendant un instant, obsedé par cette vision, il ne prêta pas attention à ce qu'il se passait, ce ne fut que lorsqu'il vit une marguerite flotter et fleurir au dessus de la main de la petit rousse qu'il compris à quel point cet instant était spécial.

Severus avait déjà eut affaire à la magie. Elle n'avait plus que très peu de secrets pour lui. Sa mère, sorcière, venait lui narrer, à la nuit tombée, en le bordant, les mystères de cette science qui les fascinait tous les deux. Elle lui disait aussi souvent : " Quand tu seras en âge, tu intègreras Poudlard, la meilleur école de magie du monde, et tu deviendras un sorcier exceptionnel mon fils."

La plus grande des deux filles hurla quelque chose et fit demi-tour en courant, abandonnant la plus jeune avec sa jolie marguerite. Severus attendit qu'elle soit définitivement hors de vue pour rejoindre la sorcière. Elle avait la tête basse, comme ployée sous le poid de la déception. Alors qu'il se rapprochait discrètement, il en vint à l'observer. Elle était vraiment belle. Il émanait d'elle, une douceur apaisante et la fragilité de l'innocence.

" C'était splendide. Murmura-t-il calmement."

Elle sursauta, l'herbe avait étouffé ses pas. Et alors qu'elle redressait les épaules pour jeter un coup d'oeil à son invité, ses yeux percutèrent ceux de Severus. C'était comme si l'orage s'était déclaré, comme si la foudre l'avait frappé. Elle n'était plus "vraiment belle", elle était magnifique. Il entendit son coeur battre plus fort, et résonner dans tout son corps. Il perdait pied lentement, se laissant noyer dans ces deux grandes tâches emeraude.

" Qui es-tu ?"

Il sursauta, étourdi, et retourna à la réalité.

" Je...J'm'appelle Severus. Et toi ?

- Lily."

Ce simple prénom sonna comme deux notes de musique, deux syllabes, deux touches sur un piano, deux accords de harpe, deux légers souffles dans une flûte à bec. Une petit mélodie à elle toute seule.

"Qu'est-ce que tu as vu ? Demanda-t-elle inquiète.

- Tout."

Elle sembla préoccupée, comme prise sur le fait après une bétise. Elle savait qu'elle avait fait quelque chose qui n'était pas considéré comme normal, quelque chose qu'elle devait garder secret. Un secret bien vite éventé.

" Ne t'inquiètes pas. J'en suis un aussi."

Elle le regarda surprise.

" Un quoi ?"

Il sortit de la poche de sa veste, une brindille tombée du chêne qu'il lui présenta, paume tendue.

" Un sorcier."

Il se concentra sur la petite feuille qui, légèrement frémissante, s'éleva dans les airs, au dessus de sa main. Elle n'avait pas fait quelques milimètres, que Lily sautait déjà dans tous les sens avec des cris de joie sincère.

" Oh mon dieu ! Merci ! Merci mon dieu, je pensais être la seule ! Je pensais être un monstre ! "

La feuille retomba subitement. Severus fronça les sourcils et leva un regard vers elle. Il voulait lui dire " Regarde-toi, une créature aussi innocente et belle que toi ne peut en aucun cas être un monstre." Mais il se retint. Il repensa à la seconde fille, celle qui venait de partir, celle qui ne pouvait pas faire fleurir les marguerites et encore moins comprendre le mécanisme de la magie.

" Nous ne sommes pas des monstres Lily. "

Elle chercha ses yeux, comme pour vérifier qu'il ne mentait pas, puis, gênée, elle les baissa, observant le bout de ses chaussures.

" Pétunia, ma soeur, elle dit que je suis un monstre. "

Il y avait de la peine, de la déception dans sa voix. Pas la moindre colère. Toutefois, Severus, lui, fut agacé. Les moldus n'étaient que des êtres jaloux et égoïstes, ils ne pouvaient pas comprendre tout ce que cela représentait, et surtout, tout le bien que la magie pouvait procurer sur ce monde.

" Elle ne comprend pas. Elle ne peut pas. Elle n'est pas comme nous, et elle nous envie. "

Lily leva vers lui un regard plein d'espoir, et acquiesça. Il senti qu'elle n'était pas totalement convaincue, mais il se promis qu'il parviendrait à la persuader que la magie était une bénédiction qui ne pouvait que la rendre plus exceptionnelle encore.

Ils n'étaient silencieux que depuis quelques secondes lorsqu'une pluie fine se mit à tomber. Le ciel passa du bleu au gris et le tonnerre gronda. Severus attrappa la main de Lily qu'il tira jusqu'au bas de la coline, rejoignant le grand chêne qui pourrait les abriter le temps de l'averse. Il sentait la main de Lily trembler dans la sienne, son corps frigorifié. Une fois à l'abri, il retira son pardessus usé et démodé qu'il lui tendit. Elle ne le refusa pas.

" J'ai peur des orages. Avoua-t-elle".

Elle s'assit à même le sol, le dos collé à l'arbre, se reculant au maximum. Severus, que cette météo n'effrayait pas, et qui, pendant longtemps, avait ri de ceux qu'elle avait apeurés, ne se trouva tout d'un coup, plus si supérieur, inquiet à l'idée des frayeurs que la foudre pouvait provoquer chez sa nouvelle amie.

" Ce n'est qu'une averse. ça va vite se calmer, tu verras."

Et comme pour illustrer ses propos, les trombes d'eaux qui les menaçaient se tarirent un peu. Au fur et à mesure qu'elle s'amenuisaient, les tremblements de Lily se réduisaient. Bientôt, quand le ciel se dégagea, son sourire se redessina lentement, et, le pincement au coeur qu'avait ressentit Severus à l'idée que leur isolement n'allait pas durer, laissa place à un sentiment de pleinitude.

Lorsqu'il n'y eut plus le moindre signe d'une nouvelle averse, Lily se leva, rendit son manteau à Severus et déclara qu'elle devait rentrer, ses parents allaient s'inquiéter. Il opina lentement, triste à l'idée de la voir partir et de devoir retourner dans son enfer personnel.

Et comme elle s'éloignait, elle se retourna avant d'être hors de portée et lui lança :

" A demain Severus ! "

Comme frappé en plein coeur, il releva la tête et la regarda prendre de la distance en lui faisant signe de la main. Elle allait revenir ! Il allait pouvoir la revoir ! Il s'était fait une amie ! Et une belle amie de surcroit ! Un grand sourire se dessina sur son visage alors qu'il répondait à son geste. Et quand elle fut hors de vue, il tourna les talons pour rejoindre sa maison, le coeur léger, caché sous une armure indestructible.