Haletant, sa respiration formant des nuages blancs de vapeur, Gul'reyn s'arrêta. Il en avait assez. Depuis que son Dart s'était écrasé sur cette planète désolée après avoir été endommagé durant une bataille spatiale prenant place dans son orbite, il se battait contre le pire ennemi qu'un wraith puisse rencontrer: le silence de l'Esprit.
Lorsqu'il s'était réveillé après le crash, guéri mais affamé, il avait su que quelque chose clochait avant même d'avoir totalement repris conscience de son environnement. Ça le frappa lorsqu'il ouvrit le cockpit et découvrit un monde fait de blanc pur: le silence. Tout autour de lui, le décor, le vaisseau, tout était tellement calme. Même sa propre respiration, rendue lourde et rapide par le froid qui gelait aussi ses doigts, ses oreilles et son nez, semblait étouffée.
Il y avait de la neige partout. Un parfait manteau blanc, recouvrant la plaine sur laquelle Gul'reyn avait atterri, s'étendant aussi loin que le regard aiguisé de l'alien portait. Et planait, juste au-dessus de lui, un ciel nuageux presque de l'exacte même teinte que la plaine enneigée, rendant tout ses tentatives de se repérer inutiles.
Il tenta de réparer son vaisseau. Le froid mordait ses doigts, et paralysait les systèmes bio-mécaniques du Dart, l'éteignant définitivement. S'aperçevant qu'il n'irait nulle part avec l'épave, il essaya de contacter télépathiquement sa ruche pour de l'aide. Et alors, une fois de plus, ça le frappa.
Le silence.
Gul'reyn tenta encore et encore, ne pouvant croire ce qu'il percevait: il était le seul wraith dans ce système solaire. Il essaya de combattre ce qui commençait à ressembler à de la panique au fond de lui. Il tenta de se convaincre que les siens avait fui la bataille spatiale contre leurs ennemis ancestraux, les Anciens, et étaient partis réparer la ruche sur une de ces planètes désertes, connues d'eux seuls, mais alors, il se rappela les drones, points brillants de lumière qui anéantirent l'hyperdrive du vaisseau-mère, juste avant qu'il ne soit à son tour touché et abattu.
Il était seul. Sa reine était morte, en même temps que tout ce qu'il avait appelé "maison". L'Esprit n'était que silence. Après sept millénaires d'une omniprésence rassurante et stimulante, l'Esprit de la ruche Alastrika n'était plus. Pas même l'ombre d'une pensée qui ne soit pas la sienne, à des années-lumière à la ronde. Rien. Le silence.
Tout d'abord, Gul'reyn devint fou de rage, rugissant, arrachant des pièces à son vaisseau, les broyant, les jetant loin à la rond, puis il se sentit faible, plus affamé que jamais, et il se clama un peu. Il devait trouver quelqu'un à vider. Alors il se mit en route, avec rien de plus que ses lunettes de pilote et son long manteau noir.
Il n'avait aucune idée d'où aller, alors il marcha, pendant ce qui lui sembla des jours. Jamais le soleil ne se couchait, pas plus qu'il ne semblait se lever. Un demi-jour éternel, blanc et éblouissant, sur une plaine si vaste et si plate, que Gul'reyn finit par penser que terre et ciel avait échangé leurs places. Que trouvent les humains de si beau dans la neige?, se demanda-t-il à plusieurs reprises. C'est froid, ennuyeux, désagréable... et calme. Si calme que ça fait mal.
Finalement, il s'arrêta. Son énergie vitale était au plus bas, sa vue se brouillait et ses muscles n'était plus que douleur. Sa respiration hachée formant des nuages blancs de vapeur, Gul'reyn tomba à genoux dans le profond manteau blanc. Son regard tourné vers le ciel- mais était-ce le ciel?- le wraith laissa échapper un gémissement déchirant.
Il était le dernier. Et il allait mourir.
Seul.
